Je remercie la présidente de la Commission de son invitation.
En Egypte, la situation est complexe et contrastée. La transition institutionnelle se poursuit conformément au calendrier annoncé. La Constitution a été adoptée les 15 et 16 janvier dernier. Le premier tour des élections présidentielles aura lieu les 26-27 mai. Le maréchal al-Sissi fait figure de candidat principal sinon exclusif.
Le principal point que je retiens de mon récent déplacement en Egypte est la forte polarisation de la scène politique. On assiste à une répression, pour ne pas dire exclusion, des forces politiques ne se situant pas dans la ligne gouvernementale. Répression qui ne se limite d'ailleurs pas aux Frères musulmans, mais touche également les libéraux, qui sont véritablement marginalisés, et les jeunes révolutionnaires, dont le rôle a pourtant été non négligeable dans le changement de régime de 2011.
Par ailleurs, le niveau de violence est préoccupant, que ce soit les violences politiques qui se radicalisent, mais aussi les attentats terroristes qui se multiplient. Le 16 février dernier, ces attentats ont pris pour cible des touristes dans le Sinaï. Au cours de mon déplacement en Egypte, un attentat a eu lieu devant l'université du Caire à proximité de notre Ambassade.
Enfin, la situation socio-économique se détériore, sous l'effet conjugué de l'instabilité régionale, de l'absence de réformes structurelles et des problèmes sécuritaires internes peu propices au développement des affaires. Je rappelle que l'Egypte compte 90 millions d'habitants, dont certains sont durement touchés par la dégradation de l'économie. Le soutien financier des pays du Golfe, qui s'élève à 17 milliards de dollars, a cependant permis jusqu'ici d'éviter l'effondrement.
Quelle est la position de la France ? Nous nous efforçons de maintenir le dialogue. Nous invitons le gouvernement en place à poursuivre la mise en oeuvre de la feuille de route et le processus de transition démocratique. Cette attitude pragmatique ne nous empêche pas d'être vigilants quant au respect des droits de l'Homme. Lors de mon déplacement, j'ai insisté sur la nécessité d'éviter les décisions caricaturales, et destructrices pour l'image de ce pays, telles que la condamnation à mort en une seule sentence de plus de cinq cents membres des Frères musulmans.
Nous poursuivons donc un dialogue lucide, voire critique, avec les autorités égyptiennes, de même que nous soutenons le développement économique du pays, où l'Agence Française de Développement continue d'intervenir.
Je terminerai en disant que l'Egypte, acteur historiquement influent dans la zone, est provisoirement affaiblie sur le plan diplomatique. Ses responsables politiques paraissent davantage concentrés sur l'évolution interne du pays que sur les enjeux extérieurs.
Concernant l'Iran, l'élection du président Rohani a marqué une amorce de normalisation du fonctionnement institutionnel, qui demeure cependant complexe. En effet, si le Guide a placé sa confiance en Rohani pour mener les discussions avec le groupe 5+1, le gouvernement doit faire face à une forte opposition parlementaire de tendance conservatrice.
En permettant au président d'entrer en négociations sur le nucléaire, le Guide a pris le parti d'engager l'Iran sur la voie de la réintégration dans la communauté internationale. Mais il faut ici souligner que la pression économique a beaucoup pesé dans la reprise des négociations. L'une des principales missions du président Rohani sera de résoudre les difficultés économiques structurelles du pays.
Sur le plan international, l'Iran mène une politique active auprès d'un certain nombre de ses partenaires dans la région, notamment le couloir d'influence qui passe par Bagdad, Damas et Beyrouth. Même si c'est de manière plus nuancée qu'auparavant, la politique iranienne vise toujours à restaurer son rôle de leader dans la zone : appui à Nouri al Maliki à l'approche des élections du 30 avril ; soutien au régime de Damas (dans une Syrie qui compte pourtant peu de chiites) porté par des considérations stratégiques et sécuritaires ; la nécessité de stabiliser le Liban, directement touché par ce conflit.
La France poursuit un dialogue lucide avec l'Iran. A New York lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, le Président de la République a fait le choix de rencontrer le président Rohani. Nous constatons un assouplissement des lignes de la politique extérieure de l'Iran au moins dans le style et dans les mots. S'agissant du dossier nucléaire, il y a eu un premier accord de 6 mois (le plan d'action conjoint) reconductible pour 6 autres mois, pour trouver un accord définitif. Il n'y a pas eu de levée des sanctions, mais suspension de certaines d'entre-elles permettant de donner un petit ballon d'oxygène à l'économie iranienne. Les choses pourront évoluer en fonction de la coopération politique et technique de l'Iran. Mais Téhéran a-t-il fait le choix de s'engager vraiment dans les négociations ? Toutes les options restent ouvertes aujourd'hui.
Sur le processus de paix, comme souvent à l'approche d'échéances, il y a achoppement des négociations. Nous en avons un nouvel exemple. Sur les questions de fond du statut final, les efforts de John Kerry n'ont pas permis le rapprochement espéré. Les Palestiniens sont prêts à certaines concessions (réfugiés, démilitarisation, blocs de colonies), mais le Secrétaire d'Etat américain n'a semble-t-il pas réussi à faire bouger Israël sur les questions de sécurité, sur Jérusalem, sur la reconnaissance par les Palestiniens du caractère juif de l'État d'Israël.
Le fait déclencheur du blocage actuel a été le refus d'Israël de libérer le quatrième contingent de prisonniers prévu dans le cadre des négociations à l'été dernier. Israël l'a conditionné à l'acceptation par les Palestiniens de la poursuite des négociations au-delà du 29 avril. Ce qui a été vu comme un manquement à la parole donnée. La réaction palestinienne a été modérée. La quinzaine de conventions et de traités internationaux auxquels l'Autorité palestinienne a demandé l'adhésion sont périphériques. Ils portent par exemple sur les Droits de l'Homme, le droit international humanitaire, ou les relations diplomatiques et consulaires par exemple. L'échec n'est pas consommé, des tractations ont encore eu lieu hier et aujourd'hui pour déterminer sur quelle plateforme l'échéance du 29 avril pourrait se poursuivre. La position de la France est d'engager les parties à ne pas manquer cette chance. Un échec marquerait la fin du cycle d'Oslo et nous mettrait sur un nouveau chemin diplomatique compliqué. La situation économique et sociale des territoires palestiniens est également très difficile ; pour le moment les populations palestiniennes sont sur la réserve, mais le risque d'un cycle de violence à la moindre étincelle n'est pas à exclure. M. Laurent Fabius est mobilisé pour appeler à la raison. La proposition de l'UE d'un partenariat spécial privilégié avec Israël et la Palestine est une incitation à la négociation : si un accord définitif intervenait, un accord serait proposé par les 28 États membres sur les plans politique, économique et culturel.