Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité 2014-2017 débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Monsieur le Premier ministre, par la lettre que vous nous avez communiquée hier, vous avez souhaité expliquer votre plan d’économies à l’ensemble des membres de cette Assemblée.

Je le reconnais, c’est une démarche louable, peut-être d’ailleurs assez inédite, mais c’est également une initiative sans lendemain.

Il est en effet regrettable, monsieur le Premier ministre, que pour la qualité de nos débats, au moment où nous nous apprêtons à nous prononcer sur un texte – certes programmatique – nous ne disposions pas de la moindre étude d’impact sur les mesures envisagées, en économies comme en dépenses.

Vous nous dites, monsieur le Premier ministre, que ces précisions viendront en leur temps. Mais vos mesures subiront inévitablement les aléas des prévisions de croissance auxquelles vos ministres, MM. Sapin et Eckhert, avaient eux-mêmes du mal à croire lorsqu’ils sont venus nous les présenter en commission des finances la semaine dernière.

Mes chers collègues, nos engagements à l’égard de l’Union européenne sont rien moins que la garantie de la soutenabilité de notre dette et donc de notre souveraineté budgétaire.

La France sera l’an prochain le premier emprunteur en euros au monde en raison des dettes contractées pendant la crise. Je vous incite vraiment à écouter avec beaucoup d’attention l’analyse de notre président de la commission des finances Gilles Carrez à ce propos. Il a beaucoup insisté sur cette situation difficile, voire dramatique, de notre pays.

Avec un besoin de financement qui frisera bientôt les 230 milliards et une dette égale à 93,5 % de la richesse nationale, c’est la crédibilité de notre pays à l’égard des marchés financiers et, du même coup, sa capacité à assumer son propre destin qui sont directement mises à mal.

Le redressement de nos finances publiques n’est pas un luxe : c’est une nécessité financière et une exigence morale. Si quelques voix s’élèvent encore à gauche pour réclamer une énième relance de l’économie par une politique de la dépense, il semble que le Parti socialiste se soit enfin rallié à cette cause que notre groupe défend depuis longtemps et avec obstination : celle de la réduction des déficits et de la dépense publique.

Après deux ans d’hésitations et d’atermoiements du Président de la République, vous affichez votre intention, monsieur le Premier ministre, de reprendre la trajectoire dont le précédent gouvernement s’était écarté de façon dramatique et vous prévoyez un retour à un déficit à 3 % du PIB pour 2015 puis à 1,3 % à l’horizon 2017. Nous sommes une majorité dans cet hémicycle à souhaiter que vous y parveniez, dans l’intérêt de la France.

Mais cet objectif est-il vraiment atteignable, monsieur le Premier ministre, si l’on en juge par les grandes lignes du plan d’économies que nous serons appelés à voter ? J’en doute fortement, pour trois raisons.

Tout d’abord, parce que les prévisions du Gouvernement sont fondées sur des taux de croissance certes peut-être crédibles pour 2014 mais déraisonnablement optimistes ensuite – 2,25 % par an à partir de 2015.

Ensuite, parce que la diminution de 25 milliards d’euros des prélèvements obligatoires prévue dans le pacte de responsabilité ne pourra dans ce contexte être financée que par l’emprunt et donc par la dette, compte tenu des autres impératifs poursuivis que sont le CICE et le redressement des comptes.

Ce ballon d’oxygène donné in extremis à nos entreprises ne doit d’ailleurs pas éclipser la hausse d’impôts qui attend les contribuables dès cet automne. Après un choc de compétitivité annoncé mais jamais mis en oeuvre, après un pacte de responsabilité aux contours très flous, les Français doivent savoir qu’ils seront bientôt soumis à un nouveau choc fiscal à travers toute une série de mesures qui toucheront les retraites, la fiscalité écologique ou, encore, les impôts locaux.

Et je ne parle pas des annonces toutes récentes que vous avez formulées, monsieur le Premier ministre, concernant les petites retraites, non plus que de l’augmentation de salaires des fonctionnaires. Nous ne savons absolument pas comment cela sera financé.

Enfin, l’objectif de déficit n’est pas atteignable parce que le plan de 50 milliards d’économies comporte une malfaçon essentielle : il n’agit que sur des curseurs, sur des paramètres, mais ne prévoit pas la moindre réforme de structure, hormis peut-être la possibilité de faire fusionner les régions.

Mais vous conviendrez, mes chers collègues, que les perspectives lointaines et pour l’instant chimériques de cette évolution pourtant souhaitable ne suffisent pas à répondre aux besoins immédiats de notre pays !

En fait, ce plan se contente de tabler sur des mesures aussi brutales sur le plan humain qu’anecdotiques, à moyen terme, sur le plan financier. Si je puis dire, il fait « l’économie » de toute remise en question en profondeur de nos modes de fonctionnement et de notre gouvernance, alors que notre pays bat tous les records en termes de dépense publique.

Pour résumer la situation dans laquelle vous vous trouvez, monsieur le Premier ministre, je dirais que vous êtes en quelque sorte le Grouchy de la bataille pour la compétitivité qu’un Président de la République isolé dans son propre camp mais aussi assiégé par ses partenaires européens vient enfin de se décider à engager.

Et je vous le dis, monsieur le Premier ministre, avec beaucoup de force : vous faites fausse route !

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