Ce n’est pas la première fois que l’on tente de nous faire croire à un choix déterminant qui définirait les contours de la majorité parlementaire. Rappelons-nous le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG.
Ce n’est pas la première fois non plus que, mes collègues écologistes et moi-même, nous nous interrogeons sur la pertinence d’une démarche qui consiste à prendre des engagements dont la réalisation effective est plus qu’hypothétique.
Comment pourrions-nous ne pas nous interroger ? Il y a deux ans, ici même, lors du débat sur l’adoption du TSCG, François de Rugy, au nom de notre groupe, décrivait « une Europe en équilibre instable sur la ligne de crête qui sépare le désendettement raisonné de l’austérité contre-productive. » Qui pourrait prétendre sincèrement que nous sommes sortis de cette dialectique ?
C’est bien l’Europe qui fait défaut. Elle fait défaut en n’avançant pas assez sur la question pourtant essentielle de la mutualisation et de la garantie des dettes souveraines.
L’Europe fait défaut en continuant d’avancer à pas comptés, pour ne pas dire en piétinant, sur la mise en oeuvre d’une taxe sur les transactions financières, ou encore pour le contrôle des activités financières des banques.
L’Europe fait défaut en tardant à impulser, grâce à des investissements à l’échelle du continent, de vraies logiques industrielles.
Comment cela serait-il possible de ne pas s’interroger quand nous acceptons la réduction du budget européen à 1 % du PIB, tandis que nous procédons à des restrictions dans nos budgets nationaux ?
Mais cette Europe que nous espérons, cette Europe dont les peuples désespèrent, qui est-ce ?
S’agit-il de la commission de Bruxelles ? Certes. Toutefois, elle est en bout de course et le renouvellement prochain du Parlement européen lui donnera d’autres visages et, espérons-le, d’autres priorités.
S’agit-il du Conseil européen ? Certes. De ce point de vue, la majorité qu’y possèdent les gouvernements libéraux laisse peu d’espoir d’un réel changement à court terme.
S’agit-il du Parlement européen ? Aussi, même si ses pouvoirs et son mode de fonctionnement demeurent par trop faibles.
Mais cette Europe dont nous parlons, ce n’est pas seulement les autres : c’est nous, avant tout. Si l’Europe fait défaut, c’est parce que nous faisons défaut ; c’est nous qui la confortons en faisant semblant de croire à ses mécanismes de convergence qui donnent toujours lieu, in fine, à de petits arrangements avec la vérité.
Cette Europe-là, qui devient de plus en plus le bouc émissaire de nos propres insuffisances, cessons de l’entretenir par des décisions de circonstance.
Monsieur le Premier ministre, tout à l’heure, on a beaucoup parlé du contenu du plan de redressement des comptes publics qui accompagne cet engagement de trajectoire budgétaire. Nous avons noté les aménagements que vous lui avez apportés. Ils sont toujours bons à prendre, même si nous ne pouvons concevoir que certains nomment « concessions » les mesures que vous avez annoncées pour les petites retraites ou les salariés les plus précaires. Car la solidarité est peut-être une concession pour la technocratie, mais, pour les députés de cette majorité, et bien au-delà des bancs écologistes, elle est – je le sais – une conviction.
Nous ne nions pas la situation très difficile de nos finances publiques et la nécessité de résorber le déficit sans augmenter la pression fiscale. Nous sommes prêts, lors de l’examen des textes qui nous seront soumis d’ici à l’automne, à faire preuve de responsabilité et d’audace pour proposer des mesures concrètes qui répondent à ces défis. En luttant mieux contre la fraude et l’évasion fiscales ; en ciblant les allègements de cotisations pour les rendre plus efficaces et en les conditionnant à des pratiques de rémunération du capital et de politique salariale décentes ; en engageant la réforme de la fiscalité des ménages, annoncée par votre prédécesseur ; en rendant la fiscalité écologiquement intelligente, nous y parviendrons. Sur tous ces points, monsieur le Premier ministre, nous sommes prêts à travailler dans la majorité.
Mais ce n’est pas là-dessus que nous sommes appelés à voter aujourd’hui. Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est la trajectoire, son rythme et ses effets sur notre économie, sa crédibilité et le message que nous envoyons à nos partenaires comme aux instances européennes. Ce message ne peut plus être celui des engagements pris en échange de perspectives hypothétiques. S’il s’agit de dire que c’est en respectant des engagements comptables de réduction du déficit que nous aurons plus de poids pour imposer nos points de vue sur la politique monétaire ou sur l’indispensable régulation de la finance, nous avons déjà donné ! Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, une majorité des députés de notre groupe votera contre cette trajectoire budgétaire.