Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 30 avril 2014 à 15h00
Modification de la loi no 2007-1545 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, près de sept ans après sa création par la loi du 30 octobre 2007, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a démontré à quel point son existence était nécessaire et son action essentielle. Est-il besoin de rappeler les affaires particulièrement médiatiques auxquelles ont donné lieu certaines recommandations émises par cette autorité administrative indépendante ? C’est le contrôleur qui, à la suite d’une inspection du centre pénitentiaire des Baumettes à l’automne 2012, a tiré la sonnette d’alarme en publiant en urgence des recommandations le 6 décembre 2012 décrivant l’état particulièrement lamentable de cette prison. Ces recommandations, qui constataient notamment la prolifération et la circulation de rats ainsi que de nombreux insectes, tels que les cafards et autres cloportes, ont donné lieu à l’ordonnance du 22 décembre 2012 du juge des référés du Conseil d’État qui enjoignait à l’administration pénitentiaire d’éradiquer les animaux nuisibles présents aux Baumettes.

Par son rôle de lanceur d’alertes, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a su rappeler le respect des droits fondamentaux que l’on doit aux détenus, comme s’inquiéter auprès des pouvoirs publics des conditions de travail particulièrement difficiles des personnels pénitentiaires.

Cette autorité administrative indépendante n’aurait sans doute pas connu une telle reconnaissance sans les compétences et la personnalité de son actuel contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, dont je salue aujourd’hui l’action. Mais ces sept années d’exercice permettent de mettre l’accent sur les difficultés rencontrées et de compléter les moyens alloués à cette autorité. Le successeur de M. Delarue qui sera prochainement nommé verra ainsi sa tâche facilitée.

La proposition de loi qui est discutée aujourd’hui s’articule autour de deux grands axes. Tout d’abord, elle a pour objet de donner une valeur législative à la pratique. En effet, la loi de 2007 n’avait pas dessiné l’ensemble du cadre juridique dans lequel devait intervenir le contrôleur. Face à ce vide juridique, cette autorité administrative a dû définir sa fonction par la pratique, et ce notamment sous l’impulsion de M. Delarue. Or, comme le souligne Robert Badinter, la pratique est « porteuse d’innovation ». Dès lors, la proposition inscrit dans le marbre législatif ces innovations. Il en est ainsi de la possibilité pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté de procéder à des vérifications sur place ; de la systématisation de la publication de ses avis, recommandations et autres propositions ; de l’autorisation qui lui est accordée d’adresser ces recommandations au chef de l’établissement pénitentiaire concerné ; ou encore de l’obligation donnée aux ministres de répondre aux observations qu’il a formulées. Le texte apporte ainsi une sécurité juridique salutaire à l’activité du contrôleur général.

En deuxième lieu, la proposition de loi tend à accroître l’efficacité de son action. En effet, elle tend à protéger la saisine de cette autorité administrative en interdisant la sanction des personnes qui l’alertent. De même, elle élargit cette saisine aux députés européens. Il faut rappeler que tous les parlementaires doivent faire remonter au contrôleur général les informations recueillies en circonscription sur des conditions dégradantes dans des lieux de privation de liberté.

La proposition de loi permet également l’articulation entre deux impératifs : la préservation du secret médical et la nécessaire communication d’informations couvertes par ce secret dans le cadre du contrôle.

Enfin, ce texte crée pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté un véritable pouvoir de mise en demeure de communiquer des documents, ainsi qu’un délit d’entrave à l’exercice de sa mission. Beaucoup considèrent que ces deux instruments ne seront jamais utilisés dès lors que les relations avec les administrations en cause sont constructives, mais l’actualité démontre la nécessité de ces outils. En effet, pas plus tard que le 23 avril, il a publié en urgence une recommandation portant sur les violences qui se déroulent au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone ; cette recommandation met notamment l’accent sur les difficultés importantes rencontrées pour obtenir les documents utiles à l’établissement des faits.

La proposition de loi renforce donc une institution nécessaire à notre République. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a pour origine des propositions issues d’un rapport sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, remis par le président Canivet à la garde des sceaux en 1999. En 2007, nombre de parlementaires avaient reproché à la loi instituant ce dispositif de ne pas parfaitement correspondre au modèle esquissé dans ce rapport. Avec le texte discuté aujourd’hui, nous nous en rapprochons. Par conséquent, je voterai ce texte qui conforte le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

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