C’est dans ce puissant courant de progrès des libertés que s’est inscrite, dès 2007, la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté. La vérité oblige à reconnaître que ce n’est pas sur les bancs de l’actuelle majorité parlementaire que se trouvèrent les soutiens les plus enthousiastes. Je tenais à l’affirmer devant vous, madame la garde de sceaux, vous qui êtes si prompte à prétendre incarner le bien et la vertu mais qui, lorsque vous siégiez sur les bancs de l’opposition, n’avez jamais daigné voter en faveur des nouvelles libertés. Sans doute l’obsession antisarkozyste qui fait votre marque vous en empêchait-elle !
Un brillant orateur du groupe socialiste, notre collègue Jean-Jacques Urvoas, avait égrené tout un chapelet de réserves en présentant une motion de procédure contre ce qu’il considérait comme une « énième autorité administrative indépendante » et un « objet juridique non identifié » ; chacun a pu les relire. Un autre membre de la commission des lois, le député Manuel Valls, s’indignait quant à lui du principe de la nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté par le chef de l’État… Au total, ces protestations, ces postures furent bien vaines. Chacun reconnaît aujourd’hui que la personnalité choisie par un décret présidentiel a su assumer avec une parfaite dignité les fonctions qu’il tenait de la loi.
Pour ma part, je suis convaincu que les missions actuelles du contrôleur général des lieux de privation de liberté doivent être pérennisées. Je ne suis pas hostile, en eux-mêmes, à la plupart des ajustements techniques – parfois microscopiques, à vrai dire – contenus dans cette proposition de loi. Je crois cependant que notre débat sera peu utile si nous n’abordons pas une question esquissée par le Parlement en 2011, qui avait fait l’objet d’un désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et qui me semble mériter un nouvel examen : je veux parler de l’intégration du contrôle des lieux de privation de libertés parmi les missions du défenseur des droits. Je suis pour ma part résolument favorable à une telle évolution.
Le défenseur des droits est une autorité publique instituée par la Constitution elle-même – plus précisément, par son article 71-1. Parce qu’il a pour mission constitutionnelle de veiller au respect des droits et libertés par toutes les administrations et organismes publics, et parce qu’il peut se saisir d’office de toute situation – ce que l’on oublie trop souvent –, le défenseur des droits pourrait très naturellement, à l’avenir, assumer pleinement le contrôle de tous les lieux de privation de libertés, sans rien retrancher de ce que l’actuel contrôleur a su assumer.
Ce serait, j’en suis convaincu, non seulement une simplification de notre organisation de contrôle du respect des droits et libertés, mais aussi un renforcement de cette fonction essentielle pour l’État de droit. Je comprends que l’actuelle majorité parlementaire n’y est pas prête. Je le regrette, car la République n’a rien à craindre d’un défenseur des droits puissant – quel que soit, demain, le titulaire de cette charge. C’est ce regret, mes chers collègues, qui me conduira à ne pas approuver cette proposition de loi qui me semble au total, au regard même de l’objectif de protection des droits et libertés, bien peu audacieuse.