Cher collègue, j’ai été la cible de ce travail de lobbying : on m’a expliqué par a plus b que l’accès au dossier poserait un vrai problème, car il permettrait à des criminels d’échapper à la légitime loi d’airain des procédures pénales. Je dis ce que je pense : je ne suis pas dupe. Dont acte.
Je veux répondre à Mme la garde des sceaux sur la question de l’efficacité des procédures et des enquêtes. C’est un vrai argument. Toutes nos démarches doivent respecter un équilibre entre, d’une part, l’objectif d’une procédure pénale – permettre, le cas échéant, de constater des infractions, d’enquêter sur celles-ci, et de renvoyer les personnes éventuellement mises en cause devant les juridictions pénales si les éléments recueillis laissent à penser, à l’issue de la procédure, qu’elles doivent répondre de leurs actes – et, d’autre part, le respect le plus absolu des libertés publiques.
J’entends tout ce que vous dites, madame la garde des sceaux. Mais, au moment où nous transposons une directive sur le droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, je trouve absolument curieux que nous renvoyions à plus tard le débat sur la communication à l’avocat – et au prévenu dans certaines conditions – des pièces du dossier qui justifient la garde à vue. On renvoie à plus tard la question essentielle, celle de permettre à la personne mise en cause de savoir pourquoi elle est gardée à vue.
J’entends vos raisons, madame la garde des sceaux, mais les miennes sont tout aussi bonnes ! Je vais vous donner un argument sur l’efficacité des enquêtes – c’est l’objet de l’amendement n° 36 , que je défendrai tout à l’heure. Nous pouvons être confrontés à un problème, lorsque la communication d’une pièce du dossier risque de mettre en danger la vie d’un tiers ou de présenter une menace grave pour le déroulement de l’enquête en cours. Or, dans le cadre de l’équilibre que j’ai évoqué, le principe du respect absolu des libertés fondamentales, celui de connaître les raisons pour lesquelles une personne est mise en garde à vue et mise en cause, doit trouver une limite objective si la personne ayant pris connaissance de ces éléments est susceptible de s’en servir pour mettre en danger la poursuite de l’enquête ou la vie d’un tiers, par exemple. Dans ce cas, il faut qu’une personne ait la possibilité de lui refuser la communication d’une pièce du dossier.
Qui pourrait exercer ce pouvoir ? L’officier de police judiciaire qui procède à l’audition de la personne mise en cause. Mais cela ne suffit pas, car l’officier de police judiciaire peut lui-même se tromper ou faire une appréciation manifestement erronée de la gravité de la situation. Qui doit prendre la décision en dernière analyse ? Le débat est de savoir si c’est le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention.