Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 5 mai 2014 à 16h00
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Article 3

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, c’est une histoire qui vient de loin, peut-être pas de si loin car c’est l’année dernière que nous avons adopté le projet de loi devenu la loi de lutte contre la fraude fiscale. C’est d’ailleurs à cette occasion que nous avions créé le parquet financier national. Ce texte comprenait plusieurs dispositions qui ont fait l’objet d’observations du Conseil constitutionnel. La loi étendait le champ de recours aux techniques spéciales d’enquête. Il était donc possible de recourir à l’une de ces techniques, en l’occurrence la garde à vue de quatre-vingt-seize heures, dans la lutte contre la fraude fiscale, contre les corruptions et les atteintes à la probité.

Par une décision qui remonte à décembre 2013, le Conseil constitutionnel a considéré que lorsqu’il ne s’agit que d’atteintes aux biens, la garde à vue de quatre-vingt-seize heures – de quatre jours – est excessive. Nous en avons tiré les conséquences et à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation et de clarification du droit, j’ai demandé au Sénat d’adopter un amendement qui modifiait une disposition du code de procédure pénale, laquelle permettait cette garde à vue pour l’escroquerie en bande organisée. C’était une mesure destinée là encore à sécuriser les procédures. À partir du moment où pour les mêmes motifs le Conseil constitutionnel avait estimé excessive la garde à vue de quatre jours, il me paraissait risqué de laisser se poursuivre des gardes à vue de quatre jours pour des délits ou crimes équivalents.

Votre première rédaction nous posait un problème. Votre nouvelle rédaction améliore notre code actuel compte tenu des précisions que vous apportez sur les trois situations dans lesquelles il sera possible effectivement de prolonger la garde à vue jusqu’à quatre-vingt-seize heures, ainsi que des garanties et des précautions que vous prenez : l’avocat est présent dès la première heure et non, comme le prévoit actuellement notre droit, après les quarante-huit premières heures sous réserve de motiver les raisons pour lesquelles l’avocat n’est pas admis en garde à vue pour assister son client. Avec les trois motifs que vous retenez pour la possibilité d’extension de la garde à vue à quatre-vingt seize heures, l’ensemble de ces dispositions nouvelles et le fait que ce soit le juge des libertés et de la détention qui pourra prononcer cette prorogation, je crois que le risque constitutionnel a disparu.

L’on n’est jamais sûr : il n’y aurait pas de Conseil constitutionnel, si nous étions en mesure d’évaluer le risque. Pour ces raisons, je prends une précaution – ce n’est pas tout à fait dans mon tempérament, mais en matière de droit, je préfère souvent être un peu plus prudente que ne m’y entraînent mes élans naturels – et je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

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