Intervention de René Gamba

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

René Gamba, formateur, président du groupe Gamba Acoustique :

Doit-on faire une lecture différente selon les origines du bruit ? Les bruits de voisinage gênent-ils plus que le bruit des transports ? Les autres espèces que la nôtre sont-elles soumises aux mêmes aléas ? Peut-on opposer l'objectivité de la mesure et de la norme à la subjectivité du ressenti ? Peut-on prendre en compte l'incertitude objective des mesures objectives ? Les physiciens qui font des mesures de bruit s'accordent sur le fait que, toutes mesures confondues, l'incertitude est de l'ordre de 3 décibels, de sorte que le refus de construire un mur antibruit, évoqué par M. Douillet, relève d'une décision économique ou stratégique, mais n'est pas une décision objective.

D'une manière générale, l'incertitude profite au faible – lorsque l'État verbalise, se trouvant ainsi dans la position du fort, il n'a pas le droit le faire sur une suspicion d'illégalité et doit prouver cette dernière. En revanche, le consommateur qui ressent le trouble peut, dans un acte contractuel, demander que l'incertitude lui profite. Le débat est possible et vous pouvez dès lors réfléchir aux règles que vous pouvez suggérer. Toujours est-il que l'incertitude existe et fait partie de la vie : la nier dans les mesures est une absurdité.

La loi « bruit » de 1992 a été une grande révolution, mais n'a malheureusement pas encore tout à fait accouché de cette révolution, car plusieurs de ses articles sont encore orphelins des décrets d'application correspondants. C'est notamment le cas pour les articles concernant les établissements destinés à accueillir des personnes âgées, où l'ambiance sonore est un facteur de repérage spatial et mental structurant, et pour ceux qui accueillent la petite enfance.

Il s'agit certes là de questions de société et il est banal de constater que l'individualité et la liberté individuelle ont gagné du terrain. Le logement est ainsi le lieu de l'intimité, où l'on souhaite ne pas être perturbé : quand vous entendez le bruit de votre voisin, vous comprenez que votre voisin vous entend et pénètre par votre intimité. Ainsi, se plaindre du bruit de voisin revient souvent à se plaindre plutôt du manque d'intimité.

Si l'on monte au maximum le volume d'une chaîne hi-fi dans un logement, l'isolation requise est celle d'une boîte de nuit, et non pas celle d'un logement. En revanche, quand on habite normalement un logement – la loi disait autrefois : « en bon père de famille » –, on ne devrait pas gêner son entourage, lequel devrait s'entendre avec nous – car, pour le dire par un jeu de mots, les gens qui s'entendent ne s'entendent pas.

La parole est un bruit particulier, qui structure la pensée, laquelle prépare l'action. Peut-être pourrions-nous, avant d'agir, nous mettre d'accord pour déclarer collectivement que le bruit nuit à la qualité de la vie, même si le bruit c'est la vie. C'est là un problème que l'on ne peut pas évacuer et il faut que nous en parlions avant de légiférer. Or, depuis trente ans, à cause peut-être de la complexité du bruit, voire de la peur que nous avons de parler à l'autre et de nous entendre avec lui, on ne cesse de rejeter la question : on parlera du bruit plus tard.

Pendant trente ans, l'État a affirmé qu'on pouvait faire de l'acoustique dans les bâtiments d'habitation sans acousticien. Je ne revendique pas le recours systématique à ce dernier mais, si l'on veut faire de l'acoustique, il faut au moins s'en préoccuper. Ce n'est que si l'on accepte de parler des problèmes de bruit que l'on pourra les traiter.

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