Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bruit
  • nuisance
  • réglementation
  • sonore

La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a organisé une table ronde sur le bruit.

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Je souhaite tout d'abord la bienvenue à notre collègue Stéphane Demilly, qui a été victime d'un coma de plusieurs semaines et que la Commission est heureuse de retrouver.

La problématique des nuisances sonores touche à l'environnement comme à la santé publique. Face à un certain fatalisme, il nous faut rechercher des solutions disponibles et innovantes. Sur ce sujet comme sur d'autres, notamment les nitrates, notre pays n'a pas pris la mesure des obligations que lui impose la directive de 2002 sur l'évaluation et la gestion du bruit. C'est pourquoi, le 31 mai 2013, il a été mis en demeure d'agir, pour la seconde fois, et désormais sous peine de sanctions financières.

Seules 17 % des autorités gestionnaires des plus grandes infrastructures de transport et 8,5 % des communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants ont réalisé à ce jour leur plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE). Au sein de l'agglomération parisienne, 2 millions de personnes, soit près de 20 % de la population, sont exposées en moyenne et sur vingt-quatre heures à des niveaux sonores supérieurs au seuil réglementaire de 68 décibels (dB) pour le bruit routier et de 73 dB pour le bruit ferroviaire.

Aujourd'hui, nous accueillons notre collègue Christophe Bouillon, député, président du Conseil national du bruit, qui est à l'origine de cette table ronde ; Mme José Cambou, responsable du réseau santé-environnement de France nature environnement, M. René Gamba, président du groupe Gamba Acoustique, Mme Frédérique Cousin, chef du Bureau « Environnement intérieur, milieux du travail et accidents vie courante » à la direction générale de la santé, et M. Dominique Bidou, président du Centre d'information et de documentation sur le bruit, consultant en développement durable

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Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir organisé cette table ronde sur un sujet sensible, dont l'enjeu sanitaire est évident. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu'à l'échelon européen 1,8 million de vies en bonne santé sont perdues à cause du bruit. Deux Français sur trois considèrent que leur environnement sonore est gênant. Le problème, aussi grave que celui de la qualité de l'air, tient à l'augmentation de l'urbanisation ou du trafic, ainsi qu'aux phénomènes de multi-exposition au travail, lors des déplacements ou à domicile. Les pertes auditives et les acouphènes concernent plus de 5 millions de Français, dont 2 millions sont âgés de plus de cinquante-cinq ans. Sur les 6 millions de Français qui pourraient porter une prothèse auditive, la moitié seulement est effectivement appareillée, ce qui, en plus des raisons financières, s'explique par le fait que le port d'un appareil auditif, contrairement à celui des lunettes, est ressenti comme la marque d'un handicap ou comme un signe de vieillissement.

Le CNB est une instance consultative, dont un comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) a rappelé les missions en 2013. Il est saisi pour avis par tout ministère qui met en oeuvre des politiques publiques relatives à l'environnement sonore. Il constitue par ailleurs une force de proposition : depuis sa création, dans les années quatre-vingt, il a pris l'habitude de s'autosaisir, faisant preuve d'imagination et de sens pratique. Il joue également un rôle d'information et de recommandation. Rédigeant en 2010, avec Philippe Meunier, un rapport parlementaire sur les nuisances sonores, j'avais constaté une abondance de textes, dont la mise en oeuvre ou l'application laissaient souvent à désirer. Le CNB contribue à les faire respecter.

En 2013, le nombre de ses membres, fixé par décret, a été réduit de soixante-douze à quarante-huit personnes dont le mandat dure trois ans.

Notre premier axe de travail, pour la période 2013-2016, consiste à réconcilier rénovation thermique et rénovation acoustique des bâtiments. Puisqu'on consacre des moyens importants à la première, notamment par le biais de mesures incitatives, profitons-en pour mener une réflexion sur la seconde, en nous donnant les moyens techniques et financiers de réunir les deux objectifs.

Un autre axe de travail est de mieux connaître l'impact des nuisances sonores sur la santé et de proposer de véritables actions de prévention, comme la réforme de la réglementation des lieux musicaux ou des festivals en plein air. Un guide des bonnes pratiques sera rédigé, afin de mieux accompagner certaines manifestations. Les jeunes sont particulièrement exposés aux nuisances sonores, contre lesquelles il faut les mettre en garde. Nous devons également nous pencher sur l'utilisation des baladeurs ou la gestion du bruit dans les services de néo-natalité, ce qui concerne tant les appareils médicaux que les pratiques du personnel.

Un troisième axe est l'éducation des jeunes au civisme, à l'écoute et à la protection auditive. Il y a quelques années, une action a été menée avec succès à destination des élèves du primaire. Pour intervenir auprès des collégiens et des lycéens, auxquels s'adresse déjà le Centre d'information et de documentation sur le bruit (CIDB), nous allons renforcer les contacts avec le ministère de l'éducation nationale.

Notre dernier axe de travail est la gestion des bruits de voisinage et du bruit des activités par les collectivités. Il serait bon de relever les bonnes pratiques, afin de les démultiplier. La réalisation de guides d'information est essentielle.

Entre autres sujets, le CNB s'est saisi d'une approche économique. Dans la lignée du Grenelle de l'environnement et comme le suggérait le rapport du comité opérationnel (COMOP) n° 18, qui rassemblait des réflexions, des indications et des recommandations sur le bruit, il serait bon d'étendre à la prévention des nuisances sonores le bénéfice de la fiscalité écologique.

Le CNB veille aussi à traiter le problème du bruit dans les transports. Il existe une législation sur le trafic routier ou ferroviaire ou sur la présence d'infrastructures aéroportuaires, mais nous devons adapter la réglementation à la multi-exposition induite par l'urbanisation. Par ailleurs, il faut poursuivre les efforts menés, en lien avec la direction générale de l'aviation civile, par les transporteurs aériens et Aéroports de Paris. La mise en oeuvre du décret « hélicoptères » de 2010 a soulevé de vifs débats. Nous devons également nous demander quelle suite donner à la classification sonore des avions légers.

Enfin, le CNB organise une manifestation intitulée « Les décibels d'or ». Nous saisirons l'édition 2014 pour valoriser, cette année encore, les bonnes pratiques et les propositions, qu'elles proviennent des chercheurs, des collectivités, des entreprises ou du monde de l'éducation.

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Frédérique Cousin, chef du bureau « environnement intérieur, milieux du travail et accidents vie courante », EA2 à la direction générale de la santé, DGS

Le bruit figure parmi les nuisances majeures ressenties par les Français dans leur vie quotidienne et leur environnement de proximité. Il ressort d'une enquête d'opinion réalisée par la SOFRES en 2010 que deux Français sur trois sont gênés par le bruit à leur domicile. Celui qui provient des infrastructures de transport et du voisinage fait l'objet du plus grand nombre de plaintes. Le code de la santé publique considère comme « bruits de voisinage » ceux qui sont émis par des voisins, qui sont liés aux activités professionnelles, culturelles, sportives ou de loisirs, ou qui proviennent des chantiers.

Dans son rapport de 2011 sur le bruit environnemental, l'OMS évalue à plus d'un million les années de vie en bonne santé perdues à cause du bruit. Les effets non auditifs – trouble du sommeil, maladies cardio-vasculaires, déficiences cognitives chez les enfants – et subjectifs du bruit restent mal connus. C'est pourquoi la direction générale de la santé a demandé à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) d'étudier les effets sanitaires des bruits aéroportuaires. Sous le contrôle d'un comité scientifique, l'IFSTTAR développe un programme comprenant une étude écologique large et une étude prospective d'une durée de cinq ans sur une cohorte. Ses résultats de ce travail, qui porte le nom de DEBATS (Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé), seront connus en 2017.

L'évolution des pratiques culturelles et des techniques du son entraînent une augmentation des niveaux sonores, désormais susceptibles de causer des atteintes auditives irréversibles. Dans un avis d'octobre 2008, le comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) de la Commission européenne estime que 5 % à 10 % des utilisateurs de baladeurs, soit six millions de personnes en France, risquent des pertes auditives irréversibles. Des études plus ou moins récentes, ainsi que les professionnels ORL et les audioprothésistes, soulignent que les troubles auditifs augmentent particulièrement chez les jeunes. Un des facteurs de risque, outre des antécédents ORL, est l'exposition au bruit lors de loisirs, dans les salles de concerts ou discothèques ou par le biais d'un baladeur mp3. Ces pratiques en forte augmentation exposent de plus en plus tôt les jeunes à des volumes sonores pouvant provoquer une dégradation définitive de l'audition. Selon une étude réalisée en Île-de-France en 2003 et corroborée depuis lors, 50 % des traumatismes sonores aigus seraient liés à la musique amplifiée.

Pour agir, le ministère de la santé conduit des actions sur quatre axes.

Le premier consiste à élaborer une réglementation adéquate. Durant l'été 2013, la France a renforcé sa réglementation relative aux baladeurs pour la rendre compatible avec les normes européennes publiées en 2012. Elle actualise la réglementation sur les lieux musicaux, vieille de plus de dix ans, afin de mieux prendre en compte l'exposition du public, notamment aux basses fréquences. Un projet d'arrêté commun aux ministères de la santé et de l'éducation, concernant les bilans de santé à l'école, prévoit la possibilité d'un dépistage auditif lors des visites effectuées à six et douze ans. Le protocole et les modalités de transmission restent à définir.

Le deuxième axe tend à impliquer les agences régionales de santé (ARS) pour contrôler l'application de la réglementation et la délivrance d'avis sanitaires relatifs au bruit. L'inspection et le contrôle des lieux musicaux figuraient en 2013 parmi les priorités nationales d'inspection. Un système d'information permettant de gérer ces contrôles est en cours de déploiement. Les avis sanitaires relatifs aux projets d'aménagement et aux documents d'urbanisme ou d'autorisation d'activités bruyantes ont progressé, grâce au rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) sur l'évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental.

La sensibilisation du public et des professionnels, en vue de modifier les comportements bruyants et à risques, représente un troisième axe. La prévention des risques nécessite la mise en oeuvre, aux niveaux local et national, d'actions de prévention – notamment auprès des jeunes. L'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES) mène régulièrement des campagnes de prévention en direction des jeunes et les ARS soutiennent de nombreuses actions de sensibilisation, notamment dans les établissements scolaires ou à l'occasion de festivals. En complément, la direction générale de la santé soutient des associations têtes de réseau pour la diffusion de supports de communication, pour la formation d'acteurs relais et pour la sensibilisation des professionnels du spectacle ou du grand public. Elle intervient notamment auprès d'AGI-SON, du CIDB ou de la Semaine du son.

Le quatrième axe concerne la conduite d'études et de recherches. Au-delà de l'étude DEBATS déjà citée, je veux mentionner la pérennisation sur Paris du système de surveillance des traumatismes sonores aigus, ainsi que la saisine de l'ANSES sur l'impact sanitaire des basses fréquences sonores et des infrasons dus au parc éolien. Les résultats de cette étude seront connus en 2015.

Je rappellerai pour finir les travaux que nous menons actuellement pour fédérer des actions dans le troisième Plan national santé-environnement (PNSE3).

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José Cambou, responsable du réseau santé-environnement de France nature environnement, FNE

On l'a dit : les sources de bruit sont multiples, mais il faut distinguer le niveau du bruit de fond, dans lequel nous passons nos journées, des bruits qui émergent par instant.

Certains bruits génèrent de réels problèmes chez ceux qui y sont soumis régulièrement. En milieu urbain, les deux-roues, parfois trafiqués, sont particulièrement gênants. Ailleurs, on voit se multiplier les circuits de voitures, de motos ou de karts, qui peuvent être insupportables pour les riverains. Dans certaines vallées de montagne, la première nuisance subie par les populations est le trafic des poids lourds en transit, qui roulent même de nuit.

À l'égard du trafic aérien, l'action de la direction générale de l'aviation civile semble insuffisante. L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) n'est pas saisie, loin s'en faut, de toutes les infractions. Certains jugent son président, M. Victor Haïm, très favorable au développement du transport aérien : se rend-il compte de ce que vivent les personnes survolées ? N'oublions pas que les effets sanitaires du bruit ne sont pas seulement auditifs.

La France est en retard pour la mise en oeuvre de la directive « bruit ». Or les résultats d'une étude publiée en 2010 par la Commission européenne, concernant la situation de soixante-quinze villes de l'Union, sont édifiants. En réaction à l'affirmation : « Le bruit est un grave problème », la phrase : « Je suis complètement d'accord » a été cochée par 42 % des personnes interrogées à Rennes, 44 % à Bordeaux, 51 % à Strasbourg, 57 % à Lille, 70 % à Marseille et 72 % à Paris. La moyenne de ces métropoles excède évidemment la moyenne nationale.

Nos demandes s'articulent autour des actions nationales et internationales de l'État, des actions de terrain, de l'appui à la recherche et à l'expertise, des actions d'information et de sensibilisation, et du développement de formations initiales et continues.

Nous attendons de l'État qu'il améliore la prise en compte du bruit dans les politiques et les décisions publiques, tant au niveau national qu'à l'échelon européen, en se fixant pour objectif de réduire les émissions et les expositions. La mise en oeuvre de la directive « bruit » suppose qu'on revoie le nombre d'autorités compétentes, qu'on articule leur rôle et qu'on associe les observatoires du bruit, qui devraient être reconnus comme des structures adaptées, à la réalisation de cartes stratégiques du bruit et à la coordination des plans de prévention du bruit dans l'environnement. Il faut aussi réviser les articles 26, 37 et 49 du décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, qui confient à la société Aéroports de Paris (ADP) la mesure, l'évaluation et l'information sur le bruit autour des aéroports. Le fait qu'ADP soit ainsi juge et partie prive les riverains d'une information indépendante. Compte tenu de l'emplacement des aéroports, ces études devraient être réalisées par Bruitparif, observatoire du bruit en Île-de-France, et pendant d'Acoucité pour le Grand Lyon.

Ces observatoires ont été créés sur le modèle des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), dont la gouvernance est pluraliste, ce qui est gage d'indépendance. Nous souhaitons que leur nombre augmente, comme le prévoit le Grenelle I. Malheureusement, à la différence des AASQA, ces observatoires ne bénéficient pas d'une procédure d'agrément ni d'un financement partiel au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le Parlement pourrait y remédier. Les observatoires du bruit pourraient aussi être adossés aux AASQA, ce qui faciliterait leur émergence et permettrait certaines économies.

Nous demandons également que l'on maintienne dans la durée le financement des protections anti-bruit pour les riverains des aéroports. Un grand nombre de logements restent non traités. Il serait bon de soumettre les deux-roues motorisés à des contrôles techniques réalisés en pleine puissance. Il faut aussi revoir la réglementation sur le bruit qui s'applique au bâti.

Les actions de terrain doivent être correctives et préventives. Pourquoi ne pas limiter, voire interdire les vols de nuit et l'utilisation nocturne de certaines voiries en vallée de montagne par des poids lourds de transit ? Nul n'ignore, en effet, qu'un sommeil perturbé peut entraîner des accidents de la route ou du travail. Il faut aussi développer observations et simulations. Pour chaque métropole, on doit réaliser une cartographie du bruit et de la pollution de l'air, car la santé est un tout. Sur le terrain, on doit mieux intégrer la question du bruit aux divers arbitrages.

En termes de recherche et d'expertise, les besoins de financement demeurent importants. Ils doivent permettre une continuité autorisant un réel travail des équipes, alors que, pour l'instant, presque tous les financements proviennent de l'Agence nationale de la recherche, ce qui cause de fortes interruptions.

On pourrait améliorer l'efficacité des protections collectives antibruit et prendre en compte simultanément bruit et pollution de l'air. L'information et la sensibilisation du public, notamment des jeunes, sont importantes. Il est indispensable de comprendre si l'on veut agir pour sa propre santé et dans l'intérêt général.

Enfin, il faut mettre en oeuvre une formation initiale et continue, non seulement dans le monde de la santé mais dans bien d'autres domaines, afin que les urbanistes ou les ingénieurs intègrent la réflexion sur le bruit dans leurs réalisations, qu'il s'agisse d'aménagement urbain, d'infrastructure, de matériel ou de processes. Il faut aussi former les politiques et les aménageurs, pour qu'ils prennent davantage le sujet en considération. Le chantier de la formation est immense. C'est le facteur clé qui permettra d'évoluer réellement et à long terme.

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Dominique Bidou, président du Centre d'information et de documentation sur le bruit, CIDB, consultant en développement durable

Le bruit coûte cher : il ressort d'études françaises et européennes que celui des transports représente à lui seul un demi-point de PIB. C'est dans les grands centres urbains que la sensibilité au bruit est la plus forte, ce qui explique le départ des citadins vers la périphérie. S'intéresser au problème que pose le bruit en ville est donc une manière de lutter contre l'étalement urbain.

Sur ce dossier, les maires sont en première ligne. Ils peuvent actionner certains leviers, puisqu'ils ont la main sur la vitesse des véhicules, la qualité des revêtements, l'organisation des transports et le plan de déplacements urbains. Pourtant, certains facteurs comme la motorisation des véhicules leur échappent, puisqu'une des conséquences du millefeuille administratif est que tous les pouvoirs ne sont pas concentrés dans les mêmes mains.

L'exemple des livraisons est significatif. Il devrait être d'autant plus facile de les rationaliser qu'elles sont réalisées par des professionnels. Dans les grands centres urbains, le coût du transport tient à la congestion, qui occasionne une perte de temps. Face à ce problème, des expérimentations prometteuses sont actuellement menées pour organiser ces livraisons de nuit.

Depuis vingt ans, le bruit émis par les véhicules à la sortie de l'usine a baissé de 10 dB pour les voitures particulières et de 15 pour les camions ou les transports en commun. Pourquoi ne pas soumettre les fabricants à une pression accrue, de sorte que les deux-roues fassent les mêmes progrès ?

La résorption des points noirs du bruit (PNB) ferroviaire se poursuit, mais soixante à soixante-dix mille logements auraient encore besoin d'être insonorisés. On peut bien installer des écrans ou des isolations de façade, mais il serait plus efficace de moderniser le parc roulant. Je travaille actuellement sur le projet Eole, qui vise à prolonger le RER E à l'ouest de Paris : en substituant des trains de nouvelle génération aux trains Corail, qui ont trente ans, on réduirait les émissions sonores de 10 à 12 dB et l'on réduirait de 10 % le nombre de PNB. Il s'agit certes d'investissements considérables, mais c'est dans ce domaine que le rapport qualité-prix est le plus efficace. N'oublions pas que la durée de vie d'un train, comme celle d'un avion, est d'environ trente ans.

Beaucoup de progrès ont été accomplis avec la direction des routes pour réduire le nombre de PNB routier, bien qu'il reste encore soixante-dix mille logements à isoler. Attention néanmoins au fait qu'on ne parle, en général, que des PNB sur le réseau routier national. Sur le réseau local, qui ne bénéficie pas du même suivi, il y a dix fois plus de logements à insonoriser et l'obligation n'incombe alors plus à l'État, mais aux collectivités locales.

Enfin, quatre-vingt-dix mille logements soumis aux nuisances sonores aériennes restent à insonoriser, selon un calendrier qui varie selon les aéroports. Dans trois à cinq ans, la question sera pratiquement réglée près de ceux de Bâle-Mulhouse, Marseille, Bordeaux et Lyon, mais il faudra attendre vingt à vingt-cinq ans pour arriver au même résultat à proximité de Nice et de Toulouse-Blagnac – et ce malgré l'augmentation très sensible, ces dernières années, de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). En termes relatifs, c'est sur le bruit des avions que les plus grands progrès ont été réalisés. Les constructeurs ont consenti des efforts considérables, en lien avec le souci d'économiser l'énergie. Un travail effectué sur les trajectoires permet aux appareils d'atterrir de manière moins bruyante.

Beaucoup d'élus souhaitent qu'on assouplisse les règles d'urbanisme, qu'ils jugent trop contraignantes, dans les zones de bruit. Le point fait débat.

Si les plus grands progrès sont intervenus près des aéroports, c'est parce que c'est le seul endroit où l'on dispose d'un instrument financier, la TNSA. Alors que, dans tous les domaines de l'environnement – eau, air, déchets – s'applique le principe pollueur-payeur, on peut parler, en matière de bruit, d'un principe « pollué-payeur », puisque les citoyens consacrent au bruit un demi-point de PIB. Lors du vote de la loi relative à la lutte contre le bruit, en 1992, la ministre avait préféré rechercher d'autres sources de financement que des taxes.

La dernière question que je vous poserai est de nature morale : peut-on intéresser les jeunes à la qualité de l'environnement sonore en appelant leur attention sur le sens de l'écoute ?

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René Gamba, formateur, président du groupe Gamba Acoustique

Le groupe Gamba est un bureau d'études en acoustique, qui travaille sur tous les bruits, qu'ils surviennent dans les transports, l'habitat ou les salles de spectacle. Il se consacre également à la formation et à la R & D pour accompagner les industriels qui mettent au point des systèmes constructifs innovants.

Depuis quarante ans que je participe à la réflexion sur le bruit, je suis frappé par le fait que nous ne comprenions pas ce phénomène. Pour y voir plus clair, n'hésitons pas à faire une analogie entre l'ouïe et la vue. D'ailleurs, on parle parfois de la « couleur » du bruit, pour évoquer sa tonalité, ou de son « relief », pour caractériser sa répartition spatiale. Il est paradoxal que nous nous sentions démunis pour identifier les sensations sonores, alors nous entendons in utero à partir du quatrième ou du cinquième mois.

Notre système nerveux se développe autour de l'acquisition des informations, de leur mémorisation et des apprentissages, dans lesquels l'aspect acoustique joue un rôle fondamental. Nous ignorons pourtant les effets du bruit sur un individu en cours de développement, de même qu'on ne savait pas, jusqu'à une date récente, que les enfants, qui ventilent deux fois plus que les adultes, souffrent davantage de l'ingestion de produits nocifs.

On rétorque souvent à ceux qui se préoccupent du bruit est que sa perception est subjective. Ce n'est pas faux : le bruit étant ressenti, la vérité scientifique ou métrologique est une erreur et la seule vérité est dans nos têtes ou nos coeurs. On se trompe donc quand on ne valorise pas le vécu. Néanmoins, certains effets du bruit sont bien liés à la quantité totale d'énergie physique reçue, qui est mesurable. En laissant des populations s'exposer au bruit pendant leur travail ou leurs loisirs, on crée des surdités. Même si, dans le débat, on oppose souvent exposition subie et exposition voulue, toutes deux ont les mêmes effets.

Les enfants accusés d'être bruyants réagissent souvent de manière spontanée à un environnement bâti malsain. Ils font du bruit pour s'abstraire d'un espace bruyant ou le dominer. Dans les salles de jeux trop réverbérantes des écoles maternelles, les enfants s'agitent au lieu de jouer. Traitées contre la réverbération, ces mêmes salles occupées par les mêmes enfants deviennent calmes et retrouvent leur rôle.

La mauvaise qualité de l'exposition sonore est cumulative et constitue un facteur d'inégalité sociale : ceux qui font les métiers les plus durs, c'est-à-dire les plus bruyants, sont souvent ceux-là mêmes qui sont logés à proximité des voies ferrées ou des pistes d'aviation.

La réglementation acoustique est mal appliquée. Depuis plus de dix ans, 50 % des logements livrés ne sont pas aux normes, ce qui relève non d'une erreur ou d'un accident, mais d'un abus de confiance systématique et volontaire. On peut même parler de vol quand on trompe un acquéreur en lui vendant plusieurs centaines de milliers d'euros un bien non conforme. Une correction va s'opérer, puisqu'un texte de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages contraint désormais le vendeur à fournir à l'acheteur une attestation acoustique. Ce type de mesure vaut mieux qu'un renforcement de la réglementation. Le fait qu'un acheteur grugé puisse demander réparation fera réagir les constructeurs. En outre, il n'est pas vrai qu'un bien insonorisé soit plus onéreux. Ce qui coûte cher est de ne pas penser aux choses. La qualité de l'air intérieur ou d'une ambiance sonore, comme la stabilité d'une structure, qui ne s'effondrera pas, n'entraîne pas de surcoût pour le consommateur. Il est de notre devoir de veiller à ces aspects, d'y introduire de la clarté et de ne pas favoriser l'enrichissement indu de certains au détriment des consommateurs.

Les professionnels français de l'acoustique figurent en bonne place dans les colloques internationaux. Leurs travaux – innovation, mise au point de procédés, élaboration de systèmes de diffusion ou de sonorisation, méthodes de calcul prévisionnel – sont reconnus. Les produits français comptent parmi les plus performants.

Deux grands chantiers s'ouvrent à nous.

Le premier consiste à faire que le neuf soit correct, malgré le défi que constitue la densification des villes. Une récente enquête de l'institut IPSOS montre que, si les urbains sont contents de l'être, ils se plaignent du bruit et de l'insécurité. On doit prendre ces deux aspects en compte si l'on veut retenir les populations dans les villes.

Le second chantier est la rénovation. Il serait aberrant de ne pas coordonner insonorisations thermique et sonore. Reste le problème du coût, surtout si l'on traite en même temps l'accessibilité ou la qualité de l'air intérieur. Mais, puisque, dans l'existant, on fait des travaux tous les vingt ou trente ans, il importe de ne pas rater certains rendez-vous.

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Comment gérer le bruit en tant que transgression ? Même si l'on fait du bruit parce qu'on est content, celui-ci n'en est pas moins subi par l'entourage.

Comment intégrer à la mesure du bruit la notion de parcours ? On réglemente le bruit à certains endroits, mais nous entendons du bruit partout et toute la journée : la réglementation est « eulérienne », alors que nous sommes « lagrangiens ». (Sourires)

Alors qu'il existe des systèmes de vidéosurveillance, pourquoi ne recourons-nous pas à l'audiosurveillance, bien moins onéreuse, pour appliquer les réglementations ? Quand survient un bruit dérangeant, les gendarmes arrivent trop souvent une fois qu'il a cessé. Il serait facile de remettre au goût du jour le matériel qu'utilisait la RATP, il y a quelques années, pour identifier les situations anormales, en termes de sécurité, grâce à une analyse intelligente des bruits. On sensibiliserait ainsi la police, la gendarmerie ou la justice à l'importance de faire appliquer la réglementation, qu'elles jugent parfois secondaire, parce qu'elles partent du principe qu'un problème de bruit finit toujours par se régler.

Enfin, pourquoi le calme n'est-il pas un facteur d'attractivité, notamment de la ruralité ?

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Au nom des députés du groupe de l'UMP, je demande que notre commission puisse auditionner la ministre du logement et de l'égalité des territoires car il semble, au-delà des annonces du Premier ministre, que certains représentants zélés de l'État commencent déjà à réformer ses services dans certains territoires, alors que le Parlement n'a pas été saisi de cette question.

Les députés de notre groupe sont très conscients des effets physiologiques et psychologiques du bruit, comme en témoigne notre action durant les dix dernières années, notamment le plan national lancé le 6 octobre 2003, la table ronde que le Grenelle de l'environnement a consacrée au bruit et les mesures prévues dans ce domaine par les deux premiers plans nationaux santé environnement. Il reste des choses à faire et la pédagogie qui s'impose en la matière consiste à la fois à souligner les avancées significatives réalisées et à nous montrer intransigeants sur les marges de progrès.

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Monsieur le président, je vous remercie de vos propos chaleureux. Je me réjouis, pour ma part, de retrouver cette commission. Je remercie également tous les intervenants pour leurs contributions très intéressantes.

Quarante-trois pour cent de nos compatriotes se disent gênés par le bruit, 44 % y voient un risque pour la santé, 49 % estiment que la situation du bruit s'est détériorée au cours des dix dernières années et 87 % considèrent le bruit comme une nuisance rédhibitoire à la définition de leur logement idéal, le plaçant à cet égard nettement devant la pollution ou l'absence d'espaces verts. Comme l'a souligné M. Dominique Bidou, quand on a un magasin Franprix en bas de chez soi, on n'a pas besoin de réveille-matin.

J'ai découvert en préparant cette table ronde que les statistiques étaient abondantes et que l'on sous-estimait probablement l'importance du bruit. Ainsi, selon l'ADEME, 11 % des accidents du travail, 15 % des journées de travail perdues et 20 % des internements psychiatriques seraient liés au bruit, dont le coût n'est donc certainement pas anodin pour la sécurité sociale – le chiffre de 1 % du PIB a été évoqué, mais je ne dispose pas de données précises.

Face à ce constat, monsieur Christophe Bouillon, le Conseil national du bruit a voulu formuler plusieurs propositions dans la perspective du prochain plan national santé environnement (PNSE3) et je tiens à saluer la qualité de son travail. Sans doute l'approche de la lutte contre les nuisances sonores a-t-elle été jusqu'à présent trop fragmentée : l'isolation acoustique des bâtiments, la réduction des bruits produits par les aéronefs et la résorption de certains points noirs sont autant de choses indispensables, mais leur traitement est trop sectorisé. Le Conseil national du bruit propose donc à juste titre une approche globale du problème du bruit, une approche transversale englobant, de l'amont à l'aval, tout ce qui peut être source de nuisances sonore.

Pour ce qui est des risques de traumatismes auditifs chez les jeunes, j'ai noté avec intérêt la proposition du CNB d'évaluer l'état de l'audition des jeunes Français en instituant un diagnostic obligatoire de l'audition des enfants et des adolescents. Sans doute en effet êtes-vous aussi frappés que moi par la surexposition au bruit qui touche de nombreux jeunes du fait de l'écoute de musiques amplifiées ou de l'usage intensif de baladeurs.

Par ailleurs, en tant qu'élu local, je suis consterné par l'ampleur croissante des troubles de voisinage lié au bruit dans toutes nos communes, grandes ou petites. On sort cependant là du cadre réglementaire et législatif, car cette question touche aux comportements individuels et au civisme, domaine dans lequel on observe un véritable relâchement.

Voilà quelques années, madame José Cambou, je me suis battu pour que les vélomoteurs et les boosters soient immatriculés, afin de pouvoir verbaliser plus facilement ceux qui trouvent amusant de réveiller tout un quartier en trafiquant leur pot d'échappement. Il serait bon, monsieur le président, que notre commission se saisisse à nouveau de ce projet, dont je serais heureux d'en discuter avec France nature environnement – mais dont je rappelle aussi que des lobbies s'y étaient naguère opposés. Sur ce terrain, les maires, les gendarmes et les policiers doivent disposer de pouvoirs de sanction renforcés et beaucoup plus efficaces.

Comment, enfin, les autres pays, notamment nos voisins européens, traitent-ils le problème du bruit ?

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Il faut distinguer le bruit qui est ressenti de manière désagréable et celui que l'on provoque soi-même.

Il y a un lien entre le bruit et la souffrance sociale. Nombreux en effet sont ceux qui ne supportent plus des bruits qui, voilà quelques années encore, était bien supportés, comme le cri des enfants dans les cours d'école ou l'animation de la rue – où l'on entend par exemple les gens qui sortent d'un bar où ils se sont amusés. Parallèlement à cette forme d'intolérance, où le retour chez soi est vécu comme une manière de se protéger, les mêmes personnes peuvent elles-mêmes faire du bruit, par exemple en écoutant de la musique. N'y a pas là, sous la problématique du bruit, un problème de société ?

La prévention du bruit est certainement l'une des questions fondamentales des prochaines années et la conception de tous les matériaux employés doit être repensée en ce sens – certains revêtements de voirie, par exemple, sont beaucoup moins bruyants que d'autres. Le bruit doit être également pris en compte dans la commande publique d'équipements – un hall d'école bruyant énervera aussi bien les enfants que les enseignants. On peut donc véritablement développer une approche de prévention dans les mois et les années qui viennent, tout en développant la protection nécessaire.

Faut-il, par ailleurs, rappeler le bruit hallucinant qui règne dans le métro et le RER parisiens ? Je ne comprends pas que, si la RATP a engagé les efforts qui ont été évoqués, le bruit reste aussi intense – il est pour moi quasiment insupportable, même s'il semble que certaines personnes n'en soient pas dérangées, et je n'ai pas l'impression que cette question ait été étudiée par les opérateurs de transport.

Enfin, quel est l'impact du bruit sur la biodiversité ? Nos amis les animaux sont eux aussi concernés par le bruit ambiant : que peut-on proposer dans ce domaine ?

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Le déficit en matière d'information et de communication sur le bruit a été souligné à juste titre. Quelles sont les manifestations organisées en France aujourd'hui à l'occasion de la journée internationale de lutte contre le bruit ?

Monsieur Stéphane Demilly, le coût du bruit pour la sécurité sociale serait – sous réserve de vérification – de 5 milliards d'euros. C'est peut-être là une question sur laquelle nous devrions nous pencher dans le cadre de la recherche d'économies qui a fait l'objet de notre débat d'hier.

En matière d'études et de diagnostics, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie et je ne reviendrai pas sur les propos des experts. Hier, M. Marc Mortureux, président de cette agence, m'indiquait que le vacarme était perçu comme une pollution mineure, moins grave que celles du plomb, des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou des ondes électromagnétiques et que, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, l'ANSES recommandait de mobiliser des efforts de recherche interdisciplinaires sur les mécanismes d'action du bruit, sur ses effets à long terme et sur les caractéristiques pertinentes du risque, comme le temps de latence, le niveau et la durée d'exposition et la relation entre l'exposition et les effets. Où en sont ces analyses scientifiques et quelles perspectives peut-on en attendre ?

Comme l'a rappelé le président Jean-Paul Chanteguet, la législation européenne a fait obligation aux autorités de gestion d'infrastructures de mettre en place des cartes du bruit et des plans de prévention du bruit et de l'environnement. Ces mesures ont bien été transcrites dans le code de l'environnement, mais leur application semble peiner. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ? Qu'en est-il également de « l'ultimatum » européen et des menaces financières qui l'accompagnent ?

Enfin, pour faire écho à la proposition de M. Christophe Bouillon en matière de rénovation thermique, quelle réglementation faut-il appliquer aux passoires thermiques que sont les vieux immeubles de centre-ville, qui sont aussi les plus bruyants ? De fait, aucune réglementation ne s'applique aux immeubles construits avant 1970 : dans quels axes législatifs souhaitez-vous vous engager et, le cas échéant, selon quel calendrier – inspiré par exemple par la réglementation thermique 2012 (RT 2012) ?

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Je m'exprimerai au nom de ceux qui entendent trop bien, les hyperacousiques, qui souffrent de la pollution de cette société hypersonore – pour ma part, je souffre beaucoup dans l'hémicycle. Je précise que j'ai assisté aux premières assises des déficiences auditives, le 12 avril, à l'hôtel de région des Pays de Loire, à Nantes, avec l'association Handicap acoustique 44.

Tout d'abord, une réflexion globale est-elle possible sur les normes de l'habitat, parfois incompatibles ou contradictoires entre elles ?

Comment, par ailleurs, pouvons-nous nous mobiliser pour l'adaptation aux évolutions technologiques – je pense en particulier aux boucles magnétiques, qui peuvent poser problème dans les salles publiques ?

Pour ce qui est, enfin, de la prévention auprès des jeunes, qu'en est-il des bornes interactives installées dans les lycées ? Ce système doit-il être développé ?

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Un grand leader de la distribution bio vient de se doter, pour ses livraisons en région parisienne, d'un camion au biogaz adapté à la norme Euro 6. Il s'agit du premier véhicule de ce type en France. Équipé d'un moteur plus silencieux que le diesel et d'un hayon adapté à la norme piek, il devrait causer beaucoup moins de nuisances sonores, émettre moins de particules fines et réduire de 80 % les émissions d'oxyde d'azote. Ce véhicule a une autonomie de 350 kilomètres, mais les infrastructures de recharge sont malheureusement trop peu développées dans notre pays. Selon le distributeur de carburant biogaz, le réseau ne pourra s'étendre tant que la flotte de véhicules sera aussi restreinte en France. Comment développer cette flotte de camions plus respectueux de l'environnement, alors qu'ils coûtent plus cher que leurs équivalents diesel ? Dans le cadre de la transition énergétique que nous appelons tous de nos voeux, n'est-ce pas le rôle de la puissance publique que de favoriser la production de ce type d'équipements, par exemple en aidant fiscalement les entreprises à s'en doter ?

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Si l'on en croit les résultats d'une récente enquête du Commissariat général au développement durable sur les opinions et pratiques environnementales des Français en 2013, il était tout à fait opportun d'organiser la présente table ronde et je vous remercie, monsieur le président, de l'avoir prévu.

De fait, si le bruit n'est cité qu'en septième position des problèmes liés à l'environnement – donc assez loin derrière le réchauffement climatique et la pollution de l'air –, il se place au premier rang lorsque les Français sont interrogés sur les problèmes qui concernent leur quotidien et leur environnement immédiat. En 2013, un Français sur cinq place le bruit en première position et c'est d'ailleurs le seul sujet de préoccupation qui progresse par rapport à 2012.

La problématique des nuisances sonores devance donc le manque de transports en commun, la pollution atmosphérique, la dégradation du cadre de vie, les risques liés à la présence d'installations dangereuses, industrielles et nucléaires, et les risques naturels. Au vu des résultats de cette enquête et à l'heure où les crédits de l'ADEME pour la résorption des points noirs du bruit des transports terrestres ne sont pas renouvelés, comment replacer le bruit au coeur des priorités environnementales ?

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La présence de Bruitparif à notre table ronde aurait pu être un complément intéressant. Il importe par ailleurs de rappeler que la France n'est pas en conformité avec la directive européenne.

Au moment où une grande réforme de décentralisation est programmée, n'est-il pas temps de situer clairement dans la responsabilité des collectivités nouvelles l'articulation entre l'aménagement du territoire et les enjeux liés au bruit ? Ainsi, Bruitparif fait à l'échelle de la région Île-de-France la démonstration de la bonne adéquation d'un observatoire du bruit qui permet de mesurer la juste dimension régionale du sujet.

Il faut aussi souligner la dimension de l'agglomération, et donc des métropoles sur lesquelles nous allons bientôt nous prononcer dans le cadre de la loi de décentralisation. Comment doit-on intégrer ces compétences, avec des plans bruit ad hoc et d'autres outils d'action, dans les futures compétences des régions et des métropoles ?

Il faut, enfin, penser au financement et à l'autonomie de ces organismes.

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Je me félicite de la décision du CNB de privilégier, dans son programme de travail pour 2013-2016, les études sur le bruit des transports terrestres et aériens, ainsi que celles qui portent sur l'acoustique du bâtiment et la rénovation thermique.

Le CNB compte-t-il se saisir de l'occasion que représentera le futur projet de loi de programmation sur la transition énergétique pour alimenter les travaux menés sur l'amélioration de la performance du bâti ? On mesure l'ampleur de la tâche quand on sait que plus de 50 % des bâtiments neufs présentent une non-conformité à la réglementation acoustique.

Pour ce qui est de l'impact des nuisances sonores sur la santé, le CNB abordera-t-il d'ici 2016 le problème du bruit au travail ? Les conséquences du bruit sur la santé des salariés de l'industrie sont en effet une question majeure.

Ancienne enseignante d'école maternelle, je confirme, en écho à la remarque de M. René Gamba, que nous devons accorder une attention toute particulière à ces espaces dédiés aux enfants. J'ai eu la chance, dans cette précédente carrière, de croiser Alfred Tomatis, qui avait souligné les difficultés scolaires que pouvaient rencontrer les enfants atteints de surdité – laquelle est l'un des handicaps les plus difficiles à supporter.

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Le bruit est un phénomène préoccupant dans notre société et ses effets sont trop méconnus. Les Français sont nombreux à se déclarer gênés par le bruit, qui est même, dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, la nuisance la plus souvent citée – à 54 % – par les ménages. Selon une étude, un jeune sur cinq souffre de sifflements permanents aux oreilles suite à un événement bruyant et, en 2050, le nombre de personnes atteintes de déficience auditive aura doublé. On voit donc bien les enjeux de l'éducation et de la sensibilisation à la protection auditive. À l'heure où la recherche fait d'importants progrès, des contradictions se font jour : d'un côté, les amateurs de Formule 1 se plaignent, depuis le début de cette saison, de la diminution du volume sonore due au changement de moteurs imposé par la nouvelle réglementation ; de l'autre côté, on observe, sur les territoires tant urbains que ruraux, une recrudescence des plaintes pour nuisances sonores causées par les deux-roues motorisés, véhicules dont les pots d'échappement ont souvent été bricolés dans le but, précisément, de faire plus de bruit.

Au-delà de la sensibilisation aux effets nocifs du bruit et des innovations techniques visant à limiter le bruit de l'environnement et dans les bâtiments, se pose la question de la place du bruit dans notre société : faut-il nécessairement faire du bruit pour exister ?

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Bien que les villes soient particulièrement source de bruit, on a tendance à oublier le bruit dans les zones rurales. Quels indices et quelles données possédez-vous sur l'impact du bruit dans les territoires ruraux, notamment à la campagne ? De quels types de bruits s'agit-il ? Comment sont-ils ressentis ? Permettez-moi un clin d'oeil : protégeons malgré tout le chant du coq, qui fait partie de notre culture. (Sourires)

Quels sont par ailleurs les effets du bruit sur la faune ?

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Notre perception des produits varie selon que nous entendons plus ou moins bien, ou selon que nous sommes à la montagne, à la campagne ou dans les villes : existe-t-il un organisme public chargé d'analyser scientifiquement la recherche publique et privée pour établir des corrélations et définir les mesures législatives qui pourraient être prises ?

Quel est par ailleurs l'effet du numérique en matière de bruit ?

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Ce que les Français attendent aujourd'hui, c'est de l'emploi et de la reprise économique. N'y a-t-il pas deux types de bruit : celui qui ne crée pas d'emplois ni de PIB, et celui qui en crée. Dans le monde rural, il y a le bruit de la tronçonneuse de la scierie ou celui de la machine à traire que le voisin ne supporte plus ; il y a aussi le bruit de la mobylette, qui ne crée pas de PIB. Ne pourrait-on appliquer une lecture différente en fonction de l'origine des bruits ? À votre avis, de quelle collectivité cette réflexion relève-t-elle ? La commune n'a-t-elle pas en la matière une priorité ?

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Un nouveau bruit échappe à la réglementation : celui des basses fréquences et des techniques permettant de respecter la limite de 105 décibels, qui ont néanmoins des effets sur l'audition et polluent autant que le reste.

Par ailleurs, compte tenu de la baisse annoncée des dotations aux collectivités, il n'est pas étonnant que la plupart de ces dernières n'aient pas encore dressé leurs cartes de bruit – et sans doute ne le feront-elles pas non plus dans l'avenir, car elles ne seraient pas davantage en mesure d'en respecter les préconisations.

Enfin, le design sonore se développe de plus en plus et des cabinets spécialisés associent des marques à des musiques particulières – nous avons tous en tête la mélodie de la SNCF qui retentit sur les quais de gare. Dans le même temps, les magasins diffusent de la musique à un niveau sonore parfois terrifiant pour les employés comme pour les clients – pour ma part, ce bruit me fait fuir. Est-il bien utile de rajouter des bruits au bruit ?

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Monsieur Christophe Bouillon, la seule mention des transports aériens dans le plan de travail du CNB pour les trois prochaines années consiste à évoquer une demande qui sera adressée à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) en vue de dresser un bilan des actions engagées dans le domaine des hélicoptères et de l'aviation légère : il n'est aucunement question du transport aérien de ligne, qui représente pourtant la plus grande partie du transport aérien et constitue la première source de plaintes des habitants, notamment en Île-de-France. Cinq millions d'habitants sont en effet dérangés par le bruit des avions, notamment autour de l'aéroport d'Orly, situé dans une zone fortement urbanisée.

En dépit des progrès évoqués par M. Dominique Bidou, les avions sont de plus en plus nombreux, tout comme les habitants que gêne ce bruit intense : lorsque le vol Hong Kong-Paris arrive en longue finale sur l'aéroport Charles-de-Gaulle à quatre heures du matin, il réveille 2,3 millions d'habitants !

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Je citerai un cas pratique, tiré de la circonscription des Yvelines dont je suis élu : alors que le hameau de Bures, sur la commune de Moranvilliers-Bures, se trouve à quelques centaines de mètres de l'autoroute A13, où le trafic de poids lourds ne cesse d'augmenter et génère des nuisances sonores de plus en plus importantes pour les habitants, la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) a déclaré qu'elle ne construirait pas de mur antibruit, arguant des résultats des derniers prélèvements qui ont fait apparaître un niveau de bruit inférieur de 1 décibel à la limite admissible. Ce résultat, qui varie en fonction du vent et l'hygrométrie, est très contestable. Qui plus est, la nuit n'apporte aucune accalmie, car des centaines de poids-lourds stationnent sur l'aire de repos voisine, dont des camions frigorifiques munis de compresseurs tournant en permanence. Voilà la réalité de ce que vivent plusieurs centaines de personnes à 30 kilomètres d'ici.

Monsieur Gamba, la subjectivité de la perception du bruit ne pourrait-elle être introduite dans les textes, afin de remédier à des normes de tolérance difficiles à concilier avec la situation de villages qui n'ont pas toujours les moyens de construire des murs pour protéger leurs habitants ?

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La Semaine du son, qui se déroule annuellement, était cette année particulièrement consacrée au design sonore : je vous invite donc à consulter, lorsqu'ils seront publiés, les actes de cette manifestation. Cette année se tiendront également les septièmes Assises nationales de la qualité de l'environnement sonore, organisées à Lyon avec le CIDB et d'autres partenaires. De telles manifestations régulières permettent aux acteurs de diffuser les bonnes pratiques et de faire progresser la réflexion.

Les questions relatives aux transports, notamment aériens, ne sont pas absentes de la réflexion du Conseil national du bruit, même si elles relèvent davantage de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires – et elles ont du reste été souvent abordées au cours des dernières années. Je précise, en outre, que l'on compte parmi les membres du Conseil des représentants des différentes « familles » du bruit, notamment des associations et des élus sensibles à ces questions, qui ne se situent nullement dans un angle mort de nos préoccupations.

Lors de l'examen de la loi ALUR, j'avais déposé plusieurs amendements tendant à ce que soient menées de concert la rénovation acoustique et la rénovation thermique, mais ces amendements n'ont pas été adoptés. Un travail, notamment sur le plan technique, doit être engagé afin que la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature du ministère chargé de l'écologie introduise un volet acoustique dans son plan de rénovation thermique.

Quant à la réglementation applicable au travail, elle figure déjà dans le droit positif. Le Conseil national du bruit a toutefois participé à cette démarche, au cours des années précédentes, avec l'élaboration d'un guide sur les bruits de chantier. Notre rôle consiste plutôt à contribuer à la diffusion de ce qui existe par ailleurs, et non pas à reprendre chaque année des sujets déjà traités.

Nous saluons tous le travail de Bruitparif et d'Acoucité, qui sont souvent pour nous des références et que nous associons régulièrement à nos travaux. Acoucité, par exemple, évoquait une certaine accoutumance des habitants au trafic autoroutier et une sorte de transfert de la gêne ressentie, les riverains se déclarant désormais plus préoccupés par les bruits de voisinage que par l'augmentation de la circulation – ainsi, dans les grandes agglomérations, l'interdiction de fumer dans les lieux publics a donné lieu à de nouveaux bruits de voisinage causés par les personnes sortant fumer dans la rue.

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Frédérique Cousin, chef du bureau « environnement intérieur, milieux du travail et accidents vie courante », EA2 à la direction générale de la santé, DGS

Le ministère de la santé accorde une grande importance à la prévention. Il convient en effet de sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge – sans pour autant dramatiser – au caractère souvent irréversible des effets du bruit. L'écoute au casque touche les jeunes de plus en plus tôt : 10 % des enfants de l'école primaire se sont déjà endormis avec un casque sur les oreilles, tandis que 10 % des lycéens le font systématiquement et 25 % fréquemment. Nous nous efforçons également de toucher les parents car, si le baladeur d'autrefois s'arrêtait quand les piles étaient vides, ce n'est plus le cas du numérique, qui ne s'arrête jamais et dont l'accessibilité renforce encore l'exposition au bruit. C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons de faire passer certains messages aux parents dès la venue au monde des enfants.

La prévention a pour objet de préserver non seulement les capacités cognitives des enfants et leurs apprentissages à l'école, mais également les capacités cognitives des personnes âgées et, partant, la possibilité de leur maintien à domicile et leur autonomie. Cette prévention passe par des concerts pédagogiques visant les écoles de musique et les plus jeunes, dès la crèche.

Nous attendons beaucoup de l'étude intitulée Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé (DEBATS), qui assurera le suivi approfondi d'une cohorte de personnes pendant cinq ans en réalisant, au-delà de l'analyse des bruits aéroportuaires, un monitoring de ce que ces personnes vivent au quotidien dans leur travail et dans les transports. Cette étude très coûteuse devrait permettre de réorienter certaines mesures réglementaires, voire législatives.

En milieu rural, il faut tenir compte, au-delà du niveau de bruit proprement dit, du bruit émergent, c'est-à-dire du différentiel lié à un bruit soudain – le passage instantané d'un bruit presque nul à 60 décibels –, qui est facteur de stress et représente donc une nuisance pour la santé.

Pour ce qui est, enfin, des basses fréquences, une étude du Haut conseil de la santé publique, dont les conclusions ont été publiées fin 2013 reconnaît les impacts auditifs des hauts niveaux sonores en basses fréquences, jusque-là sous-estimés, et conclut à l'absence de sensibilité spécifique des enfants, car l'organe auditif est déjà entièrement formé in utero. Si l'on ne commence pas la protection dès l'enfance, ces problèmes se déclencheront, souvent amplifiés, à l'âge adulte. Le rapport recommande donc une modification de la réglementation en vigueur, sur laquelle nous sommes en train de travailler, en introduisant la notion nouvelle de temps d'exposition et en tenant davantage compte des basses fréquences, en utilisant par exemple des unités de mesure nouvelles dans la réglementation. Il recommande aussi d'élaborer une réglementation différente pour les mineurs et pour les adultes.

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José Cambou, responsable du réseau santé-environnement de France nature environnement, FNE

Nous sommes très favorables à des livraisons effectuées la nuit en ville au moyen de véhicules électriques, qui commencent du reste à se développer – y compris pour ce qui concerne les véhicules frigorifiques – grâce à des avancées technologiques très positives.

Pour ce qui est de l'accoutumance au bruit, il faut distinguer le ressenti des effets sanitaires proprement dits. Cette question a, depuis des dizaines années, fait l'objet d'études abondantes, qui ont notamment montré que, même lorsque la population ne se plaignait plus de la circulation des trains, à laquelle elle s'était habituée, des effets restaient mesurables.

En milieu rural, certains problèmes tiennent au savoir-vivre ensemble et sont d'autant plus sensibles que la population rurale intègre désormais des anciens urbains, qui supportent moins bien la cloche, le coq ou la moissonneuse. Nos associations sont souvent saisies de ces situations et s'efforcent d'apporter des explications aux personnes concernées.

Quant aux circuits d'automobiles ou de motos, c'est bien en zone rurale qu'ils sont implantés et ils génèrent bien plus de nuisances que cette cloche, ce coq ou cette moissonneuse.

Quant à la biodiversité, il est bien connu que la faune est perturbée par le bruit – ce n'est pas un scoop !

Faire du bruit pour exister est, par ailleurs, un phénomène bien connu, notamment chez les adolescents. J'ai participé, voilà plus de vingt ans, à une campagne dont le slogan était : « Faire repérer sa mob autrement qu'en faisant du bruit » et qui consistait à faire expliquer à des adolescents par d'autres adolescents comment décorer une « mob » – par exemple, avec des pochoirs – sans en perturber le fonctionnement. Il faut reconnaître que les jeunes ont besoin d'exister, tout en leur proposant d'autres solutions que la pétarade de moteur.

Il importe donc d'adopter une approche globale et cohérente de l'exposition de chaque être humain au bruit tout au long de la journée et je souscris, à cet égard, aux préoccupations exprimées face à des réglementations très segmentées.

En outre, les politiques publiques doivent être adaptées à l'importance des populations touchées et répondre aux besoins des populations les plus vulnérables, comme les enfants ou les foetus, ou vivant dans des milieux où les conditions de vie sont insupportables.

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Dominique Bidou, président du Centre d'information et de documentation sur le bruit, CIDB, consultant en développement durable

Voilà environ trente-cinq ans que la politique française du bruit a été formalisée et la dernière édition des Assises de l'environnement sonore, que nous organisons régulièrement, faisait le bilan de trente années de progrès – tant juridiques, avec la loi et les décrets, notamment en matière de réglementation acoustique pour les bâtiments, que techniques, avec par exemple des moteurs, des pneus et des chaussées moins bruyants.

En revanche, les aspects culturels ont été peu abordés, malgré des manifestations telles que la Semaine du son. Or, l'exigence en matière de bruit s'est accrue. Ainsi, parmi les nombreux appels téléphoniques qu'il reçoit, le CIDB est saisi de questions sur le bruit des enfants dans les écoles, qui auraient été impensables voilà quelques années. Il faudra bien répondre à ces nouvelles questions.

On pourrait dire, pour transposer une phrase célèbre, que « le bruit, c'est les autres ». L'intolérance n'est pas loin et le bruit est souvent le révélateur de problèmes sociaux. Or, régler le problème du bruit ne règle pas toujours le problème social et il faut en chercher la vraie cause en amont.

Un autre motif de déception, au terme de trente ou trente-cinq années, est l'augmentation du volume des véhicules et des avions, qui réduit les effets de l'amélioration de leur qualité technique. Nous avons beaucoup gagné en matière d'isolation des bâtiments, mais l'augmentation du trafic contrebalance ces bénéfices. Il pourrait être utile, à cet égard, de mener une réflexion comparable à celle qui a été menée sur le droit à polluer : on pourrait définir une quantité maximale de bruit autorisée, puis s'efforcer de la gérer au mieux.

La question du bruit pourrait être intégrée à la modernisation générale, qui touche aussi bien le revêtement des chaussées que les modes de livraison. Une vision globale permettrait ainsi de résoudre à la fois des problèmes d'ordre économique, énergétique et acoustique. Dans nos sociétés, où les responsabilités sont souvent segmentées, cette démarche est parfois difficile, car certaines actions ne motivent pas suffisamment les acteurs concernés, qui craignent de n'y rien gagner isolément : il faut donc consolider différents aspects, afin de pousser les acteurs à se rapprocher les uns des autres.

Je conclurai par un paradoxe : lorsque les forêts sont traversées par des autoroutes, le fait que le bruit dérange les promeneurs a pour effet que la faune sauvage est plus abondante le long de ces autoroutes, où elle est elle-même moins dérangée par les humains…

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René Gamba, formateur, président du groupe Gamba Acoustique

Doit-on faire une lecture différente selon les origines du bruit ? Les bruits de voisinage gênent-ils plus que le bruit des transports ? Les autres espèces que la nôtre sont-elles soumises aux mêmes aléas ? Peut-on opposer l'objectivité de la mesure et de la norme à la subjectivité du ressenti ? Peut-on prendre en compte l'incertitude objective des mesures objectives ? Les physiciens qui font des mesures de bruit s'accordent sur le fait que, toutes mesures confondues, l'incertitude est de l'ordre de 3 décibels, de sorte que le refus de construire un mur antibruit, évoqué par M. Douillet, relève d'une décision économique ou stratégique, mais n'est pas une décision objective.

D'une manière générale, l'incertitude profite au faible – lorsque l'État verbalise, se trouvant ainsi dans la position du fort, il n'a pas le droit le faire sur une suspicion d'illégalité et doit prouver cette dernière. En revanche, le consommateur qui ressent le trouble peut, dans un acte contractuel, demander que l'incertitude lui profite. Le débat est possible et vous pouvez dès lors réfléchir aux règles que vous pouvez suggérer. Toujours est-il que l'incertitude existe et fait partie de la vie : la nier dans les mesures est une absurdité.

La loi « bruit » de 1992 a été une grande révolution, mais n'a malheureusement pas encore tout à fait accouché de cette révolution, car plusieurs de ses articles sont encore orphelins des décrets d'application correspondants. C'est notamment le cas pour les articles concernant les établissements destinés à accueillir des personnes âgées, où l'ambiance sonore est un facteur de repérage spatial et mental structurant, et pour ceux qui accueillent la petite enfance.

Il s'agit certes là de questions de société et il est banal de constater que l'individualité et la liberté individuelle ont gagné du terrain. Le logement est ainsi le lieu de l'intimité, où l'on souhaite ne pas être perturbé : quand vous entendez le bruit de votre voisin, vous comprenez que votre voisin vous entend et pénètre par votre intimité. Ainsi, se plaindre du bruit de voisin revient souvent à se plaindre plutôt du manque d'intimité.

Si l'on monte au maximum le volume d'une chaîne hi-fi dans un logement, l'isolation requise est celle d'une boîte de nuit, et non pas celle d'un logement. En revanche, quand on habite normalement un logement – la loi disait autrefois : « en bon père de famille » –, on ne devrait pas gêner son entourage, lequel devrait s'entendre avec nous – car, pour le dire par un jeu de mots, les gens qui s'entendent ne s'entendent pas.

La parole est un bruit particulier, qui structure la pensée, laquelle prépare l'action. Peut-être pourrions-nous, avant d'agir, nous mettre d'accord pour déclarer collectivement que le bruit nuit à la qualité de la vie, même si le bruit c'est la vie. C'est là un problème que l'on ne peut pas évacuer et il faut que nous en parlions avant de légiférer. Or, depuis trente ans, à cause peut-être de la complexité du bruit, voire de la peur que nous avons de parler à l'autre et de nous entendre avec lui, on ne cesse de rejeter la question : on parlera du bruit plus tard.

Pendant trente ans, l'État a affirmé qu'on pouvait faire de l'acoustique dans les bâtiments d'habitation sans acousticien. Je ne revendique pas le recours systématique à ce dernier mais, si l'on veut faire de l'acoustique, il faut au moins s'en préoccuper. Ce n'est que si l'on accepte de parler des problèmes de bruit que l'on pourra les traiter.

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Et voilà que ce matin, précisément, nous avons parlé du bruit ! Mesdames, messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et d'avoir animé cette table ronde.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 avril 2014 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Claude de Ganay, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Philippe Noguès, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Eva Sas, M. Lionel Tardy