Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du 7 mai 2014 à 15h00
Sociétés d'économie mixte à opération unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite à mon tour, comme l’ont fait presque tous les orateurs précédents, que notre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Un texte similaire avait d’ailleurs été déposé ici même, cosigné par des parlementaires issus de tous les groupes de notre assemblée.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources des collectivités locales, due à un certain nombre de facteurs : outre l’environnement économique et financier, il faut rappeler que, depuis plusieurs années, l’État demande aux collectivités locales de participer à l’effort pour redresser les comptes publics.

Notre débat s’inscrit également dans le cadre de la volonté d’un nombre croissant d’élus de retrouver le contrôle public de certains services, notamment la distribution ou l’assainissement de l’eau, mais aussi la construction et l’entretien d’équipements. Il s’agit à la fois de redonner du sens au service public et d’éviter les écueils que nous avons pu rencontrer par le passé. Je pense, d’une part, au fait que les délégations de service public de longue durée ont eu pour effet, au fil du temps, de diluer la capacité de contrôle des collectivités sur l’activité du délégataire, et, d’autre part, à la mise en oeuvre de certains partenariats public-privé, dont un certain nombre de rapports ont montré les risques : ils peuvent se révéler coûteux pour les collectivités, certaines d’entre elles perdant complètement le contrôle de la gestion financière.

La SEM à opération unique constitue une réponse à ces préoccupations – quoique, peut-être, partielle et lacunaire. À cet égard, je souscris à certains des arguments développés par Marc Dolez : il s’agit effectivement, que ce soit faute de financement ou par pragmatisme, d’avoir recours à un partenaire privé pour la mise en oeuvre d’un service public. Quoi qu’il en soit, ce dispositif permettra bel et bien à certaines collectivités, notamment les plus petites, de reprendre en partie le contrôle public sur des activités qui leur paraissent essentielles. Je pense en particulier aux communes de 3 000 à 20 000 habitants, que l’on appelle régulièrement les « petites villes » de France, qui s’inscrivent dans cette dynamique d’une reprise de contrôle public d’un certain nombre de services. Or ces collectivités se heurtent à des difficultés d’ordre financier.

En effet, elles ne disposent pas des ressources permettant d’exercer leurs compétences. Leurs services techniques sont parfois peu étoffés, ce qui ne leur permet pas d’envisager le passage de la DSP à la régie dans de bonnes conditions, en ayant la certitude que la qualité du service et la sécurité – notamment quand il s’agit d’approvisionnement en eau potable – sont garanties. Ne pouvant s’appuyer sur leur propre personnel, elles se voient contraintes de procéder à des recrutements parfois coûteux.

J’ai déjà eu l’occasion de donner à certains d’entre vous l’exemple suivant : lorsque l’on passe d’une DSP à la régie pour l’approvisionnement en eau potable, on peut se trouver en situation de devoir gérer 3 000, 4 000, voire 6 000 abonnés. Pour cela, on a besoin de compétences, par exemple celles d’ingénieurs biochimistes pour contrôler la qualité du filtrage de l’eau, alors même que cette activité ne représente pas forcément un temps complet. À cela s’ajoute d’ailleurs le fait que certaines collectivités, en particulier en zone rurale, ne sont pas suffisamment attractives et ont du mal à recruter, même à temps plein. Quoi qu’il en soit, ces collectivités n’ont pas d’autre solution que de recruter à temps plein, avec le risque d’accroître de façon trop importante leurs coûts fixes, ce qui a pour conséquence que le passage à la régie se traduit par une baisse de ressources pour la collectivité ou par une explosion non prévue des tarifs.

En outre, la création de SEM ou de sociétés publiques locales peut poser des difficultés aux collectivités de petite taille car cela suppose de mobiliser la totalité du capital.

La SEM à opération unique permet de répondre à ces difficultés rencontrées par les communes et les intercommunalités. En effet, elle leur donne l’appui d’un ou de plusieurs opérateurs économiques, ce qui leur permet de reprendre le contrôle d’opérations d’aménagement, de construction de logements et de gestion des services publics.

Cette nouvelle catégorie d’entreprise publique locale, à mi-chemin entre la SEM et la DSP, semble permettre d’allier les valeurs de la gestion directe, en redonnant à la collectivité le contrôle de son service public, et les atouts de la gestion déléguée, en faisant appel au savoir-faire des personnes privées.

De plus, contrairement à ce que d’aucuns craignaient, le dispositif est compatible avec le droit communautaire, comme l’a rappelé la décision Acoset de la Cour de justice de l’Union européenne, reprenant les conclusions de la communication interprétative du 5 février 2008 de la Commission européenne. La Cour de justice a en effet estimé que « l’attribution directe d’un service public [… ] à une société à capital mixte, public et privé, spécialement créée aux fins de la fourniture de ce service et ayant un objet social unique, dans laquelle l’associé privé est sélectionné sur appel d’offres public, après vérification des conditions financières, techniques, opérationnelles et de gestion se rapportant au service à assurer et des caractéristiques de l’offre au regard des prestations à fournir », « pourvu que la procédure d’appel d’offres en question soit conforme aux principes de libre concurrence, de transparence et d’égalité de traitement », ne s’opposait pas au droit de l’Union européenne.

Il convenait donc d’adapter notre droit à la mise en place de cet outil ; je suis particulièrement heureux que cette proposition de loi permette de le faire.

Je veux aussi souligner, comme d’autres l’ont fait avant moi, le travail de sécurisation juridique du dispositif réalisé par notre rapporteur lors de l’examen en commission des lois. Ainsi, la proposition de loi fait référence, non plus à la notion de « personne privée », mais à celle d’« opérateur économique », afin de ne pas ôter la possibilité à certaines personnes publiques – par exemple les EPIC – de soumissionner pour devenir actionnaires opérateurs au sein d’une SEM à opération unique.

Par ailleurs, pour répondre pleinement aux exigences du droit européen en matière de commande publique et pour lever l’ambiguïté sur la nécessité ou non de réaliser des nouvelles procédures de mises en concurrence, il paraissait juste que la procédure ad hoc prévue par le Sénat soit remplacée par les procédures de mise en concurrence existantes.

Enfin, je me félicite que la commission des lois ait entériné les caractéristiques de la SEM à opération unique, notamment en matière de protection de l’influence de la collectivité sur le service rendu, puisque, si la personne publique ne détient pas nécessairement la majorité du capital de la SEM à opération unique, elle dispose des deux leviers qui ont déjà été cités : d’une part, la minorité de blocage et, d’autre part, la présidence du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, qui devra obligatoirement être assumée par un représentant de la collectivité territoriale.

Le risque financier est donc limité à l’apport en capital de la collectivité. De plus, le dispositif maintient son influence et lui offre la possibilité de bénéficier de l’expertise et de la technicité d’un opérateur privé.

Pour citer les propos du rapporteur au Sénat, avec lequel j’avais eu maille à partir sur d’autres textes,

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