Intervention de Bernard Gérard

Réunion du 6 mai 2014 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Gérard :

La proposition de loi n'hésite pas à user de la menace en créant une amende civile destinée à sanctionner le parent qui a « fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée aux règles de l'exercice conjoint de l'autorité parentale prévues à l'article 372-1 en empêchant l'autre parent d'exercer ses prérogatives […] ». Le texte ajoute, de manière bien inutile, que le montant de l'amende sera proportionnel à la gravité de l'entrave et aux facultés du parent. L'idée est évidemment de sanctionner des comportements autres que le non-respect des périodes de résidence chez l'autre parent. On pense au fameux syndrome d'aliénation parentale.

Si l'on comprend bien le souhait de donner aux juges aux affaires familiales des moyens de pression pour inciter les parents à exécuter les décisions, on peut néanmoins se demander quels comportements seront visés et comment sera caractérisée leur gravité. On peut surtout douter que la menace d'une sanction pécuniaire soit de nature à influer sur des agissements que chaque parent estime, en toute bonne foi, conforme à son bon droit comme à l'intérêt de l'enfant. Le syndrome d'aliénation parentale, s'il existe, est une véritable pathologie dont il est illusoire de penser qu'elle puisse céder à la menace d'une amende civile.

L'autre innovation en matière de sanction est la contraventionnalisation de la non-représentation d'enfant lors de sa première commission. Un système d'amende forfaitaire est même prévu pour cette contravention de quatrième classe. Seule la réitération de l'infraction rendrait son auteur passible des tribunaux correctionnels. Le principe de l'amende forfaitaire et, de manière plus générale, de la contraventionnalisation me paraît tout à fait inopportun. Le non-respect du droit de visite ne peut pas être assimilé à une infraction au code de la route, dont la matérialité suffit à justifier la répression. L'audience correctionnelle et la menace d'un emprisonnement sont des moyens indispensables pour que le parent prenne conscience de l'illicéité de son comportement. Ils s'ajoutent au dialogue, évidemment essentiel pour trouver des solutions sur ces sujets délicats. Et, même si les moyens de défense sont limités, ils existent. Enfin, certaines circonstances peuvent justifier le défaut de remise de l'enfant à l'autre parent. Chacun connaît des exemples de parents qui se trouvent dans des situations désespérées. Sans les excuser, on peut à tout le moins les écouter et ne pas les soumettre à un système de sanction automatique.

Enfin, alors que c'est parfois la volonté de l'enfant qui constitue un obstacle, la solution consistant à infliger une amende contraventionnelle au parent impuissant me semble manquer d'humanité, même si je sais que tel n'est pourtant pas le souhait des auteurs de la proposition de loi.

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