On peut envisager un nouvel entreposage de combustible, notamment en vue de créer un entreposage de plus longue durée que la simple désactivation des combustibles ; cela renvoie à des questions plus générales de gestion du combustible dans lesquelles je ne peux pas entrer aujourd'hui. Cela pourrait constituer une bonne solution à certains problèmes. Mais, dans tous les cas, la piscine accolée au bâtiment réacteur est nécessaire : il y a là, de toute façon, un point de fragilité. Il est donc indispensable, dans tous les cas de figure, de renforcer la piscine actuelle.
Quant au grand carénage, les scénarios proposés par mon rapport le recoupent partiellement : mes évaluations ne prennent pas en considération, je l'ai dit, la jouvence de l'îlot conventionnel, contrairement, je crois, au chiffrage d'EDF ; à l'inverse, certaines opérations que j'ai prises en compte ne le sont pas par EDF. À vrai dire, il m'est difficile de répondre de façon détaillée à cette question : mes informations sur le détail de ce qui est compris dans le grand carénage demeurent insuffisantes, même après les auditions d'EDF par votre commission. Mon sentiment est que le chiffrage d'EDF se situe quelque part entre le premier et le deuxième scénario, l'orientation de l'ASN se situant, elle, quelque part entre le deuxième et le troisième scénario. Le scénario de sûreté « renforcée » est, en effet, une application systématique des exigences – par exemple, à la fois un récupérateur de corium et une enceinte géotechnique autour du bâtiment réacteur –, ce qui peut être considéré comme redondant. Il n'y a donc pas forcément besoin, pour atteindre un niveau de sûreté élevé, d'appliquer toutes les solutions disponibles. En revanche, il est certain qu'il faut aller bien au-delà du 1,4 milliard prévu par le deuxième scénario.
Enfin, un seuil d'irradiation a été prévu lors de la conception de la cuve. Au-delà de ce seuil, il existe un risque de fragilisation de la cuve, qui peut passer d'un état ductile à un état fragile : en cas de choc thermique, en particulier, la cuve peut se rompre. Ce serait là un accident majeur, qui reste écarté par conception dans la démonstration de sûreté : autrement dit, si ce scénario se produisait, l'ensemble des dispositifs prévus pour assurer la sûreté seraient défaillants. Le critère de sûreté actuel est un critère de « non-amorçage » : une fissure ne doit pas pouvoir commencer à se former. EDF cherche aujourd'hui à engager la discussion avec l'IRSN et l'ASN pour remplacer ce critère par « l'arrêt de fissure » : une fissure pourrait commencer, mais les conditions seraient telles qu'elle ne serait pas traversante. Cela constituerait évidemment, à mon sens, une dégradation des exigences de sûreté, et j'ai le sentiment que l'ASN partage cette position ; mais cela fait partie des discussions en cours. Cela renvoie à ce que j'appelais le changement de référentiel : soit l'on accepte cette dégradation, mais alors il faut prévoir des renforcements ailleurs pour se garantir contre l'accident grave ; soit l'on veut éviter cette dégradation, et alors il faut prévoir d'autres types de renforcements. En 2010, l'IRSN avait publié une étude indiquant que neuf réacteurs de 900 mégawatts seraient concernés par ce seuil de fragilisation à l'échéance VD3+ 5 ans, c'est-à-dire cinq ans après la troisième visite décennale, donc bien avant l'échéance des quarante ans. Aujourd'hui, la solution apportée est de préchauffer l'eau qui serait injectée en cas de perte de liquide réfrigérant du circuit primaire, afin de ne pas provoquer de choc thermique. C'est une illustration de ce que l'on peut considérer, de mon point de vue, comme une dégradation de la sûreté ou, au mieux, une préservation du niveau de sûreté actuel : ce n'est pas le type de solution de nature à nous amener à un niveau de sûreté de type EPR.