Je concentrerai mon propos sur les aspects économiques du stockage des déchets MA-VL et HA-VL – les déchets de moyenne et haute activité à vie longue.
Permettez-moi de faire deux observations préliminaires. Tout d'abord, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de même que l'Union européenne et le législateur français considèrent le stockage géologique comme la solution de référence pour garantir la sûreté à long terme de la gestion des déchets radioactifs HA et MA-VL. Ensuite, il est par nature difficile de prévoir le coût d'une installation dont la durée de vie dépasse le siècle. Ce coût sera évidemment très sensible à la chronique de livraison des déchets fournis par les producteurs, à savoir principalement EDF, AREVA et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
La CNE2 a pour mission d'auditionner l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), mais aussi les producteurs de déchets, sur le projet de stockage et, à partir de là, d'émettre des recommandations. Nous publions donc un rapport annuel dans lequel nous donnons notre avis sur les projets qui nous sont soumis et nous demandons régulièrement à l'ANDRA, et indirectement aux producteurs, de nous fournir des informations complémentaires.
Rappelons que le financement de la construction et de l'exploitation de Cigéo est à la charge des producteurs de déchets, via des conventions passées entre eux et l'ANDRA, et selon une clé de répartition, pour le moment acceptée, qui est fonction de la quantité de déchets à stocker, à savoir 78 % pour EDF, 17 % pour le CEA et 5 % pour AREVA – il est entendu que nous parlons ici du stockage des seuls déchets MA-VL et HA-VL, et non de tous les déchets issus du nucléaire, ce qui impliquerait un coût plus élevé.
Aux termes de la loi, ce coût du stockage est fixé, sur proposition ou après avis de l'ANDRA et des producteurs de déchets, par le ministre en charge de l'énergie. Il est public : il a été estimé en 2005 à 16,5 milliards d'euros pour Cigéo. Dans son rapport sur les coûts de la filière électronucléaire de 2012, la Cour des comptes considère néanmoins, à l'instar d'ailleurs de la CNE2, qu'il est sous-estimé. Elle a avancé, pour sa part, un ordre de grandeur de 36 milliards, mais cette évaluation n'est pas validée à ce jour. Un groupe de travail a été constitué sur le sujet au sein de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; y participent l'ANDRA et les producteurs de déchets et la CNE2 y est associée, puisque j'y siège en tant qu'observateur. En principe, le ministre chargé de l'énergie devrait arrêter le nouveau chiffre à la fin de juin prochain.
Il y a bien sûr débat entre les parties concernées sur le coût de ce projet, qui est un projet innovant, appelé à s'étaler sur une longue durée et qui implique, outre les coûts de construction, des coûts d'exploitation. Il y a d'autant plus débat que de nombreuses incertitudes subsistent en l'absence de retour d'expérience important à l'échelle internationale.
Premier élément d'incertitude : l'inventaire des déchets à stocker peut être modifié. Il l'a d'ailleurs déjà été, ce qui explique la dérive des coûts à la hausse.
En deuxième lieu, il n'est pas aisé de faire des projections à long terme sur la base de technologies que l'on ne maîtrise pas nécessairement, et il convient donc de prendre un grand nombre de précautions.
Mais on constate d'autres incertitudes encore, relatives à la structure des coûts, qui renvoient à la décision politique : je pense au coût des assurances et à celui des taxes. Ainsi, pour Cigéo, la question se pose de savoir si ce centre va payer toutes les taxes auxquelles est assujettie une construction industrielle ou s'il pourra, comme cela a déjà été le cas par le passé pour certaines installations nucléaires, bénéficier d'une dérogation votée par le législateur.