Nous sommes tous d'accord pour dire que la transition énergétique passera par la réduction de la consommation de pétrole et de charbon. Je n'y reviendrai donc pas, préférant aborder les questions électriques qui font aujourd'hui débat.
Commençons par la question de l'effacement de la consommation d'électricité et celle des pics de consommation, que notre président a évoquées à plusieurs reprises. Je me suis rendu y a deux jours à une réunion du Conseil supérieur de l'énergie, au cours de laquelle furent examinées les propositions de RTE sur les marchés de capacité. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on a mis au point des dispositifs compliqués – une véritable « usine à gaz » – pour éviter, pendant quelques heures ou quelques jours par an, de se retrouver en situation de blackout si notre consommation venait à dépasser nos capacités de production.
Cette course-poursuite pour couvrir les besoins très spécifiques de la France en matière de chauffage électrique nous amène à nous interroger sur les conséquences que les hypothèses sur lesquelles vous travaillez les uns et les autres peuvent avoir sur ces éléments de pointe. Je souhaiterais connaître votre point de vue.
J'observe qu'on s'intéresse davantage aux moyens de production d'électricité qu'aux investissements en matière de réseaux. Pourtant, si la transition énergétique doit se traduire par un changement des moyens de production, elle entraînera des conséquences importantes sur les réseaux, en termes de transport comme de distribution. Ces conséquences seront différentes selon que la production est centralisée ou décentralisée, et selon leur histoire. De ce point de vue, les nouvelles installations, qu'il s'agisse des renouvelables ou du nucléaire, exigent des modifications de réseaux. La nouvelle ligne THT de l'ouest de la France, liée à l'EPR de Flamanville, illustre la nécessité qu'il y a à investir en matière de réseaux si on produit du nouveau nucléaire. J'aimerais connaître votre analyse sur cette évolution des réseaux.
Monsieur Durdilly, dans la mesure où vous ne nous avez pas présenté de scénario UFE, il nous est difficile de comparer votre intervention à celle de négaWatt et de connaître la vision d'avenir de l'UFE en matière de production électrique. Vous nous avez dit que vous étiez favorable à un équilibre entre les différentes productions. Mais comment se répartiraient les différents moyens de production d'électricité ? Si vous parlez d'équilibre, c'est qu'il n'existe pas aujourd'hui ? Selon vous, où se situe-t-il ?
Vous nous avez dit, par ailleurs, que vous souhaitiez que l'on prolonge la durée de vie des réacteurs nucléaires. J'aurais tendance à poser la même question que celle que le président avait posée à négaWatt : avec quel financement ? En effet, si l'on en croit les personnes que nous avons auditionnées jusqu'à présent, rien que pour entretenir les réacteurs jusqu'à quarante ans, le grand carénage lancé par EDF coûtera 55 milliards jusqu'en 2025, et donc probablement 75 à 100 milliards en tout – maintien à niveau des installations nucléaires et rattrapage des investissements qui n'avaient pas été effectués dans le passé.
Ensuite, il faudra déterminer quels réacteurs sont en mesure de fonctionner au-delà de quarante ans. Ce sera le travail de l'ASN, qui se prononcera notamment au vu de la tenue des cuves et des enceintes de confinement. Mais avez-vous vous-même une idée du pourcentage de réacteurs susceptibles de tenir plus de quarante ans ? Par ailleurs, l'ASN souhaitant que les réacteurs qui seraient prolongés au-delà de quarante ans atteignent un niveau de sûreté équivalant à la troisième génération, des investissements supplémentaires seront encore nécessaires. Le cabinet Wise, que nous avons auditionné, nous a fait part de son évaluation. Mais peut-être en avez-vous une. En un mot, combien cela coûterait-il et qui financerait ces investissements ?
Dès cette année, en tant que législateurs, nous aurons à choisir une politique de transition énergétique. Pour ce faire, nous devrons répondre à cette question cruciale : peut-on faire reposer l'ensemble de la production électrique française sur le pari que x centrales fonctionneront au-delà de quarante ans ?
Vous avez dit également que nous n'avions pas intérêt à être surcapacitaires en matière de production électrique. Au début de notre commission d'enquête, nous avons auditionné plusieurs intervenants, notamment des électriciens. L'avis général était que, globalement, l'ouest de l'Europe était surcapacitaire. De combien ? Comment le traduire en nombre de réacteurs nucléaires ? Le taux d'utilisation des réacteurs nucléaires étant en dessous de 80 %, on peut imaginer que si on en avait quelques-uns de moins, on ferait mieux fonctionner ceux qui restent, et finalement, cela coûterait moins cher à la collectivité.
Il y a quinze jours, le directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) nous a dit que sur la base de l'objectif fixé par le Gouvernement d'atteindre 50 % de part du nucléaire dans la consommation électrique française, et au vu d'hypothèses qui allaient d'une évolution de la consommation électrique de - 0,2 % à + 0,4 % par an, il y aura sans doute une vingtaine de réacteurs nucléaires de trop – sur 58 – à l'horizon 2025. Partagez-vous ce point de vue ?
Enfin, pouvez-vous nous donner votre vision de l'emploi dans le secteur de la production d'électricité ? Selon négaWatt, quelques centaines de milliers d'emplois peuvent être créés dans les énergies renouvelables. Nos voisins allemands nous disent qu'ils en ont créé à peu près 430 000, ce qui n'est pas négligeable. Avez-vous procédé à une évaluation ?
Cela m'amène à une dernière remarque, que nous avions d'ailleurs faite dès notre première audition avec la Cour des comptes, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et nos collègues du Sénat : en France, nous manquons d'un lieu où l'on pourrait croiser l'ensemble des scénarios énergétiques établis par des ingénieurs et les analyses conduites en matière économique et sociale sur ces questions. Quoi qu'il en soit, quelles sont vos hypothèses en matière d'emploi à l'horizon 2025 ?