Intervention de Robert Durdilly

Réunion du 17 avril 2014 à 15h30
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Robert Durdilly, président de l'Union française de l'électricité, UFE :

C'est exactement l'illustration de cette différence entre une puissance installée et ce que produit réellement cette puissance installée sur la durée, par exemple sur l'année, en moyenne. Les écarts entre les deux peuvent être considérables.

Je voudrais dire un mot sur les implications macroéconomiques, ce qui me permettra de répondre à la question sur les emplois.

On sait très bien faire des évaluations de créations d'emplois liées à des investissements lourds. Mais on ne sait pas apprécier avec certitude l'effet d'une augmentation du prix de l'énergie induite par ces investissements. L'exemple allemand est illustratif : la transition très rapide a provoqué une vertigineuse augmentation des prix pour les consommateurs, qui amène à réviser la trajectoire. Nous voudrions éviter d'avoir à procéder à de telles révisions.

Le prix actuel de l'électricité est assez compétitif en France par rapport aux pays européens, mais beaucoup moins par rapport aux États-Unis – du fait du gaz de schiste. Il faut prendre en compte ces éléments, car un coût de l'énergie plus bas est un véritable stimulant pour l'économie.

L'on peut toujours parler de la création de 100 000, 200 000, voire 600 000 emplois, mais la vraie question est de savoir combien seront supprimés si la transition se traduit par une forte augmentation du coût de l'énergie. À cet égard, l'exemple de la Suède est très intéressant : les Suédois ont en effet réussi une transition vers une économie très peu carbonée en maintenant une très forte compétitivité du prix de l'énergie, notamment du prix de l'électricité.

J'insiste : attention aux scénarios construits, par principe, sur une réduction de la demande, pour respecter le « facteur 4 » – voire aller au-delà – sans se préoccuper de la faisabilité du scénario en question. Il faut se poser la question suivante : si l'on n'y arrive pas, que se passe-t-il ? Dans un contexte international où l'évolution du prix de l'énergie peut être pénalisante, nous devons veiller à adopter un mode de transition énergétique qui nous garantisse les prix les plus compétitifs.

Ensuite, l'UFE a pris comme hypothèse une croissance économique de 1,7 %, niveau qui n'est pas déraisonnable et qui, en tout cas, est celui qui garantit à peu près le maintien de l'emploi en France. Or le maintien de la croissance, l'évolution démographique et les transferts d'usage – dans la mesure où une stratégie bas carbone suppose un transfert d'usage vers l'électricité – font que l'on ne peut pas baisser drastiquement la consommation d'électricité, parce que ce serait aller à l'encontre de la transition et cela aurait des conséquences très graves.

Sur le fait que notre parc électrique est un peu surdimensionné par rapport à nos stricts besoins, j'ai plusieurs observations à faire. Premièrement, l'exportation d'électricité nous rapporte à peu près 2 milliards d'euros par an, ce dont nous ne saurions nous plaindre. Deuxièmement, si la demande électrique est soutenue pour les raisons que j'ai indiquées, même si nous devons faire d'énormes efforts en matière d'efficacité énergétique, même si l'intensité énergétique doit s'améliorer dans les prochaines années, il nous faut un socle solide en matière de production électrique. Troisièmement, nous ne saurions renoncer à la prolongation possible des centrales nucléaires, car cela nous priverait d'une valeur économique réelle dans notre système, à une période où cela nous est bien nécessaire.

Je ne répondrai pas à votre question portant sur le nombre de réacteurs nucléaires dont nous aimerions voir prolonger la durée de vie. La décision relèvera de la responsabilité de l'ASN. Il faudra simplement se mettre en situation, quand c'est possible, de prolonger au-delà de quarante ans la durée de vie de ces réacteurs. Si c'est possible pour tous, ce sera très bien. S'il faut en arrêter certains, on le fera. Mais pour les raisons économiques que j'ai indiquées, chaque fois que l'on y réussira, ce sera un bienfait pour l'économie française. Nous en sommes persuadés.

Enfin, qui devra payer ? La réponse est assez claire : la loi a prévu que les coûts de production d'électricité et d'acheminement, et plus généralement tous les facteurs de coût, devraient être répercutés dans les tarifs. Même si des incertitudes planent sur les coûts de l'éventuelle prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, cela reste encore un très bon investissement au regard des coûts des autres filières alternatives.

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