Intervention de Thierry Salomon

Réunion du 17 avril 2014 à 15h30
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Thierry Salomon, président de l'association négaWatt :

Sur la question de la demande et de la croissance, je vous invite à réfléchir sur un cas de figure assez simple, celui de la rénovation d'un logement. Une rénovation poussée peut permettre une baisse significative de la consommation d'énergie – par exemple de 300 kWh par m2 à 75 ou 85 kWh par m2, comme on sait le faire actuellement en énergie primaire. Cela signifie, pour l'usager, une baisse du niveau de l'énergie à acquérir pour satisfaire à ses besoins. Cela signifie, sur le plan économique, des travaux réalisés par des artisans et des PME, et de nouveaux services énergétiques – par le biais de la garantie de performance, par exemple. D'où un transfert de la production vers des services. C'est cela qui fait la croissance et l'emploi, et qui permet la réalisation de nouveaux équipements en matière de renouvelables.

Il faut donc avoir une vision systémique et ne pas se dire que si l'on consomme moins d'énergie, la France va dépérir. La question est bien entendu beaucoup plus large, et il peut être intéressant de travailler sur des modèles macroéconomiques, malgré leurs faiblesses et leurs difficultés d'usage.

Venons-en à la problématique de l'effacement et de la puissance. Dans le scénario négaWatt, nous avons été très précautionneux. Nous avons choisi, sur l'ensemble de la période, un niveau d'effacement qui ne dépasse pas celui d'aujourd'hui, et qui se situe aux alentours des 3 GW.

On peut imaginer que les réseaux intelligents, les smart grids, en se développant, viendront encore accroître les possibilités d'effacement. Moi qui travaille dans le milieu des études sur le bâtiment et l'urbanisme, je suis étonné par le fait que des objets quotidiens, comme les congélateurs ou les réfrigérateurs, seront connectés et permettront de faire de l'effacement. Tout cela va très vite et ouvre des marges de manoeuvre. Malgré tout, nous avons voulu être prudents.

Notre scénario prévoit, par ailleurs, un glissement vers beaucoup moins de chauffage à effet Joule, qui est le problème du réseau actuel. RTE, qui vient de refaire ses calculs, a évalué la sensibilité électrotechnique à 2 400 MW par degré : autrement dit, à chaque fois qu'en hiver la température baisse d'un degré en France, il nous faut mettre en marche deux réacteurs et demi de 900 MW. Vous savez que cette sensibilité électrotechnique est une malheureuse caractéristique française : nous avons la moitié de la sensibilité électrotechnique de l'Europe. Si on baisse cette valeur-là par une politique d'efficacité énergétique, de transfert vers des usages beaucoup nobles de l'électricité et vers d'autres énergies, on retrouvera une marge de manoeuvre. Dans notre scénario, nous redescendons cette consommation maximale sur l'ensemble du réseau aux alentours de 6070 GW, donc bien en dessous des records que vous connaissez, qui sont à 110 GW.

S'agissant des coûts de l'énergie, je suis très étonné par les chiffres que je viens d'entendre. Je travaille moi aussi sur ces questions et j'observe que certains coûts sont en train de descendre de façon stupéfiante. C'est vrai du photovoltaïque – y compris sur les installations domestiques – au point que la parité réseau ne paraît plus inaccessible. C'est vrai de l'éolien. Des éoliennes pouvant travailler sur des vitesses de vent un peu plus faibles, une vraie révolution s'annonce ; il sera ainsi possible de les déployer sur le territoire de façon beaucoup plus intéressante.

Les toutes dernières évaluations et analyses en matière de projection de la consommation d'énergie font apparaître pour la première fois une baisse tendancielle à long terme (2030) de la consommation d'énergie électrique dans le scénario dit « de croissance plus faible ». Ces éléments sont sortis ces derniers jours. En tout cas, les trois dernières années ont été marquées par une stabilisation.

Il est intéressant de regarder l'historique de la prospective : chaque année, la projection amène vers des niveaux plus bas pour ce qui est de la demande. Ces niveaux sont conformes à ce que l'on voit en Europe, avec une forte stabilisation, voire une baisse de la consommation d'électricité. Cela renforce les hypothèses que l'on peut prendre au fur et à mesure dans notre scénario.

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