Je commencerai mon exposé par quelques considérations générales sur les déchets radioactifs. Ceux-ci ont des origines diverses ; ils proviennent des centrales nucléaires de production d'électricité, des réacteurs de recherche, mais également des petits producteurs industriels et du secteur médical. Ces déchets ont une activité et une durée de vie qui varie en fonction de leur catégorie – faible, moyenne ou haute activité ; vie courte ou vie longue. Selon leur nature physico-chimique, ils se présentent sous des aspects extrêmement différents, tels que gravats, liquides, solides ou boues.
La gestion des déchets radioactifs dans notre pays repose sur quatre principes fondamentaux. Premièrement, le producteur est le premier responsable de la sûreté et de la gestion de ses déchets. Deuxièmement, l'ASN est le contrôleur à tous les niveaux de la production et du transport des déchets, depuis leur utilisation jusqu'à leur fin de vie. Nous faisons en sorte qu'une filière soit identifiée pour chaque catégorie de déchets. Nous couvrons les aspects à la fois de sûreté et de radioprotection, car nous devons protéger les personnes et l'environnement. Troisièmement, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) est l'établissement public responsable de la gestion des centres d'entreposage et de stockage ; elle est indépendante des producteurs de déchets. Quatrièmement, le cadre législatif et réglementaire est établi par la loi de 2006 et le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), initié en France dès 2003 et qui a servi de socle pour la mise en place d'une directive européenne. Il comporte un volet financier, inscrit dans le code de l'environnement, visant à garantir la disponibilité des fonds.
Depuis 1990, les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue sont conditionnés en ligne. Ils sont issus du traitement des combustibles des centrales nucléaires de production d'électricité, les déchets de haute activité provenant plutôt du combustible, les déchets de moyenne activité des gaines et des parties métalliques. Le traitement en ligne n'existait pas avant 1990, si bien que des déchets anciens sont entreposés à La Hague, à Marcoule et à Cadarache dans des conditions de sûreté que l'ASN considère comme non satisfaisantes. Cette situation pose des problèmes de reprise et de conditionnement. D'autres déchets provenant de combustibles divers sont en attente de traitement et de stockage – déchets militaires, déchets issus de la recherche ou des centrales de production d'électricité.
Les politiques énergétiques ont une incidence très importante sur les coûts. La France a fait le choix d'un cycle du combustible et du retraitement. Dans un centre nucléaire de production d'électricité, le combustible usé est entreposé durant quelques années, de un à trois ans ; suit une période de refroidissement à La Hague dans l'attente du retraitement ; enfin, intervient le retraitement qui obéit à la définition encore incertaine de ce qu'est une matière valorisable par rapport à un déchet. Bien évidemment, cette définition conditionne l'inventaire et les coûts associés.
La loi de 2006 a retenu le principe du stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue. Au regard des enjeux de sûreté et de radioprotection, la pertinence de ce mode de stockage est internationalement reconnue, et plusieurs pays développent des projets similaires. Selon le calendrier établi par l'article 3 de la loi, l'ANDRA doit déposer une demande d'autorisation de création en 2015 pour une mise en exploitation en 2025. Ce calendrier serré doit conduire à s'interroger, alors que le laboratoire de Bure en est toujours au stade de la recherche et de la démonstration de faisabilité, et que le projet technique est en cours de définition. L'ANDRA n'a pas encore pu produire un dossier de demande d'autorisation.
À ce stade, nous identifions trois enjeux déterminants pour le dimensionnement et les coûts. Le premier est l'établissement de l'inventaire précis des déchets destinés au stockage. Il est encore incertain et dépend de choix industriels et de politique énergétique, en particulier au regard de la double notion de matières et de déchets. Ceux-ci peuvent conduire à la requalification en déchets de certaines matières radioactives, notamment des combustibles usés de CNPE ou de réacteurs de recherche. Il faut donc imaginer une flexibilité suffisante du stockage géologique profond pour préserver la capacité technique d'accueil de ces combustibles usés en stockage direct. Les coûts associés sont très importants, puisque les combustibles usés représentent des volumes considérables.
Le deuxième enjeu est l'entreposage intermédiaire de combustibles usés et de déchets radioactifs. L'ASN considère que les producteurs de déchets doivent se ménager des marges pour pallier d'éventuels aléas sur les filières aval et disposer en temps voulu de capacités d'entreposage suffisantes. En effet, selon les prospectives, l'entreposage en piscine des combustibles usés à La Hague et de l'uranium appauvri à Tricastin arrivera à saturation entre 2017 et 2023. En outre, les capacités d'entreposage préalable au stockage des déchets doivent être suffisantes, sachant que l'on arrivera également à saturation pour les colis vitrifiés à La Hague, par exemple.
Le troisième enjeu concerne les déchets dits « RCD », qui feront l'objet de reprise et conditionnement. Il s'agit de déchets anciens qui n'ont pas subi un conditionnement définitif : certains sont conditionnés, mais selon des modalités incompatibles avec leur gestion ultérieure ; d'autres, sous forme liquide ou solide – parfois en vrac –, ne sont pas conditionnés et sont entreposés dans des conditions de sûreté que l'ASN considère comme non satisfaisantes.