Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'ai pour la première fois l'honneur de présenter ce rapport sur la sécurité alimentaire, qui revêt une importance toute particulière au regard des enjeux que représentent le développement des risques sanitaires environnementaux.
Je souhaite tout d'abord souligner, comme l'avait fait mon prédécesseur, que la direction générale de l'alimentation, la DGAL, peut être considérée comme une administration exemplaire, tant dans sa gestion que dans ses demandes de crédits. Son budget représente aujourd'hui 0,13 % des crédits de l'État, soit un peu plus d'un demi-milliard d'euros, en augmentation de 4 %, ce qui pourrait surprendre dans cette période – j'en expliquerai les raisons un peu plus tard.
Cette mission assure la transposition et la mise en oeuvre de la réglementation européenne, la traçabilité de l'ensemble de la chaîne alimentaire – animaux et végétaux –, le respect sur le terrain de la réglementation relative aux OGM, les contrôles sanitaires dans les exploitations animales – vaccinations, contrôles et décisions portant sur les animaux malades – ainsi que dans les abattoirs, et enfin les contrôles à l'importation.
Pour remplir efficacement ces tâches au meilleur coût, elle a développé des liaisons, d'une part, vers les institutions européennes spécialisées, et d'autre part, avec les professionnels. De fait, nombre de ses tâches sont accomplies, sous son contrôle étroit, bien entendu, par les professionnels du secteur, les vétérinaires, ou encore les agriculteurs ou leurs groupements. De plus, dans certains secteurs comme l'équarrissage, elle a réussi à susciter la constitution de filières de valorisation des sous-produits pour des activités qui, autrefois, représentaient essentiellement une charge et un coût pour l'État.
Néanmoins, et malgré l'augmentation du budget évoquée précédemment, je dois vous alerter, monsieur le ministre : ce budget est sous tension. Pour couvrir l'ensemble des domaines de sa compétence avec le professionnalisme nécessaire, les moyens humains arrivent désormais à un étiage, alors même qu'un effet de ciseaux, comme dans beaucoup d'autres domaines, se développe entre rémunération du personnel et effectifs. En 2013, le plafond d'emplois du programme continue de diminuer, perdant encore 97 équivalents temps plein travaillés, ce qui représente environ 2 % de la masse, qui se situe aujourd'hui à 4 579. Malgré cela, la charge des dépenses de personnel augmente de 12,3 millions d'euros, à rapporter aux 500 millions d'euros du budget général. Cet accroissement est principalement dû à la charge des cotisations d'équilibre au compte d'affectation spéciale des pensions, qui passe de 70,7 millions d'euros à 78,3 millions d'euros, soit une augmentation de 7,4 millions.
La gestion au meilleur coût, permise par une organisation au plus près du terrain, a maintenant atteint ses limites, les crédits de la mission devant être réabondés en cas de crise sanitaire. Ainsi l'exercice 2011, pour lequel 509 millions d'euros avaient été inscrits contre 561 millions d'euros l'année précédente – soit une diminution de 50 millions d'euros en 2011 par rapport à 2010 –, s'était clos par une dépense finale de 546 millions d'euros, et avait donc nécessité un abondement supplémentaire en cours d'exercice de 36 millions d'euros. Le budget rectificatif s'est traduit par une augmentation de 7 %, ce qui conduit bien entendu à s'interroger sur la sincérité du budget prévisionnel 2011. Or, dans un contexte où la responsabilité de l'environnement et de l'alimentation sont de plus en plus suspectées, où les signalements et les controverses n'ont jamais été aussi fréquents, les actions du programme 206 sont primordiales et vont exiger sans doute la mobilisation de moyens importants, d'une part afin de renforcer la surveillance de l'alimentation et les contrôles afférents, d'autre part pour réaliser des études au long cours dont nous avons vraiment besoin, dans une logique évidemment plus préventive que curative.
Dans ces conditions, on comprendra que les 4 % de hausse des crédits du programme 206 constituent bel et bien une participation à la maîtrise des comptes de l'État, alors même que le champ d'action de ce programme est extrêmement sensible non seulement pour la santé de notre agriculture, mais aussi pour celle de nos compatriotes. Cette augmentation marque donc l'importance que le Gouvernement accorde à ces thèmes.
Les crises sanitaires traversées par notre société au cours des dernières années avaient en commun une apparition le plus souvent brutale de leurs manifestations, le plus souvent en lien avec une origine virale ou microbienne. La traçabilité a été établie dans des délais relativement proches, et les pouvoirs publics ont fait la preuve de leur capacité à contenir puis à éradiquer les risques. Désormais, nous sommes exposés à des menaces plus lentes, plus sournoises et donc plus difficiles à identifier, avec une forte inertie, aussi bien dans leur apparition que dans leur disparition.
Elles ne sont plus nécessairement d'origine virale ou microbienne, mais chimiques – et complexes.
Ce sont les risques sanitaires environnementaux, que le Président de la République a parfaitement identifiés lors de son discours d'ouverture de la conférence environnementale. Il demandait que l'on « s'interroge, à propos des conséquences de la dégradation de notre environnement, sur l'augmentation d'un certain nombre de pathologies chroniques, souvent causées par des produits chimiques. » Il en va ainsi des maladies dégénératives, des cancers et des maladies cardio-vasculaires, sans doute favorisés, entre autres, par des perturbateurs endocriniens. Des questions de même nature se posent également au titre des nanotechnologies, des OGM, des lignes à haute tension, et des ondes diverses, par exemple.
Les pouvoirs publics seront donc de plus en plus sollicités pour apporter des réponses à toutes les questions qui se posent sur ces sujets. C'est à l'aune de ces enjeux qu'il faut apprécier le budget du programme 206 et son évolution. Il ne faut pas se laisser abuser par l'augmentation en trompe-l'oeil de son budget et il faut en analyser attentivement les raisons.
D'une part, l'augmentation du coût du personnel, pour 7,4 millions d'euros, notamment du fait du CAS pensions.
D'autre part, les actions de protection contre la tuberculose du cheptel bovin destiné à l'exportation, pour 11 millions d'euros. À eux seuls, ces deux postes représentent la presque totalité de l'augmentation de 4 % du budget.
Parallèlement, le budget de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, diminue de 5,4 %, du fait d'une réduction de 3 millions d'euros de sa subvention. L'agence va donc devoir renoncer à une partie de ses projets d'études, ce qui peut paraître paradoxal dans le contexte que je viens de rappeler. Il est préoccupant de découvrir que les agences de l'État ne disposent pas des ressources suffisantes pour mener des études de référence sur des périodes longues, alors qu'on les mobilise pour fournir des avis au gré des controverses qui se succèdent.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quatre questions.
Ma première question concerne l'indépendance et l'objectivité des avis scientifiques émis sur les sujets de controverse.
Suite à l'étude du professeur Séralini, nous avons assisté à une opération de décrédibilisation de son travail au motif que son étude comportait trop de faiblesses. Je précise que lui-même les avait signalées. On aurait apprécié que les mêmes scientifiques soient aussi exigeants lors de la publication par Monsanto des études qui visaient à la commercialisation des OGM. Les études du professeur Séralini seraient entachées par son opposition supposée aux OGM.