Madame la présidente, mesdames les députées, vous avez souhaité m'entendre sur cette proposition de loi, et je m'en réjouis. Ce texte, centré sur l'intérêt de l'enfant, permet des avancées positives pour les familles, de plus en plus souvent confrontées à des séparations. Faire en sorte que l'intérêt de l'enfant motive bien les décisions prises en matière d'autorité parentale en cas de séparation, relève en effet de notre responsabilité collective.
Je salue Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la Commission des Lois, et Mme Marie-Noëlle Battistel, qui vient d'être nommée rapporteure de la Délégation.
Parmi les éléments centraux du texte, je tiens à dire un mot de la notion de « double résidence », qui consacre le fait qu'un enfant est chez lui au domicile de chacun de ses deux parents. L'expression actuelle de « droit de visite et d'hébergement » (DVH) est inappropriée, poussiéreuse et ne correspond pas à la manière dont les parents souhaitent aujourd'hui continuer d'exercer l'autorité parentale. Une telle expression n'est pas à la hauteur des enjeux. Il s'agit en effet pour nous – et c'est dans cet esprit que j'aborde cette proposition de loi – de veiller à maintenir le lien entre l'enfant et chacun de ses parents. L'introduction de cette notion de double résidence contribuera, nous l'espérons, à responsabiliser ceux-ci. Aucun ne se contentera d'héberger un enfant, et chacun devra lui offrir un véritable foyer.
La proposition de loi contient bien d'autres points positifs, comme la facilitation de la vie des tiers qui entourent la vie de l'enfant. Mais pour que nos échanges soient utiles, je me focaliserai sur les dispositions de ce texte que je souhaiterais voir améliorer.
En premier lieu, je connais l'inquiétude des associations féministes qui se mobilisent contre les violences faites aux femmes. Certes, les violences ne sont pas l'objet de ce texte, mais il faut veiller que celui-ci n'ait pas comme effet secondaire de marginaliser la question des violences. Vous connaissez mes convictions : je ne permettrai pas qu'un texte destiné à aider les parents aboutisse à créer des difficultés supplémentaires pour les femmes en général, et pour les femmes victimes de violences et leurs enfants en particulier. Je suis donc ouverte à toute proposition garantissant les droits des femmes confrontées à des situations de violence.
En deuxième lieu, je suis attachée à l'équilibre du texte. Si l'on crée de nouvelles sanctions pour l'un des parents, postérieurement à la séparation, il faut que ces sanctions soient symétriques et s'appliquent aux deux parents. C'est ainsi que l'amende civile créée par l'article 5 sanctionnera aussi bien le parent qui fait obstacle à l'exercice conjoint de l'autorité parentale que celui qui ne respecte pas les décisions concernant le temps d'accueil de l'enfant. Aussi bien la non représentation d'enfant que le fait de ne pas exercer le DVH seront sanctionnés.
Je crois que c'est Marie-Anne Chapdelaine qui utilise l'expression d'« enfants à la fenêtre » pour désigner ceux qui, week-end après week-end, attendent derrière la fenêtre le parent qui doit venir les chercher. Cette situation sera sanctionnée au même titre que la non-représentation d'enfant, car venir chercher son enfant un week-end sur deux, ou à tout autre rythme décidé par le juge, n'est pas une faculté donnée au parent, mais un devoir qui lui incombe. Il le doit à son enfant, mais aussi à l'autre parent, dont la vie ne doit pas dépendre de la façon dont il exerce ou non, à son gré, le droit de visite et d'hébergement. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement de Mme Marie-Anne Chapdelaine, qui fait obstacle à l'engagement de condamnation pénale à l'encontre d'un parent qui, après avoir constaté des semaines durant que l'autre parent n'est pas venu chercher son enfant, ne le représente pas. C'est un amendement que nous avons envisagé et travaillé ensemble.
L'article 5 doit s'appliquer également au parent qui ne s'acquitte pas de sa pension alimentaire. J'y suis favorable dans la mesure où je suis ouverte à toute mesure permettant de mieux recouvrer les pensions alimentaires, et parce que je pense que l'amende civile peut y concourir par son effet dissuasif. Pour autant, nous devrons nous assurer que le paiement de cette amende au Trésor Public ne sera pas prioritaire par rapport au paiement de la pension alimentaire. Imaginons qu'une mère ne touche pas la pension alimentaire qui lui est due. Le père encourt une amende civile. La pire des situations serait que la créance de l'État soit prioritaire sur celle de la mère. Or c'est bien ce qui risque de se passer. Nous nous sommes donc rapprochés du ministère de l'économie et des finances pour faire en sorte que la mère demeure la créancière prioritaire, avant le Trésor Public.
En troisième lieu, je n'ignore pas que la notion de double résidence, à laquelle je suis favorable sur le principe, soulève certaines questions.
Je précise donc que cette double résidence, qui se traduira par le fait que l'enfant aura les deux adresses sur ses papiers d'identité, n'est en aucun cas une voie déguisée vers la résidence alternée. Ce n'est rien d'autre que l'affirmation que l'enfant est chez lui au domicile de ses deux parents.
Dans le dispositif prévu par la proposition de loi, il y a toujours : d'un côté, un parent qui assume la résidence principale, majoritaire, l'autre parent bénéficiant d'un DVH ; et de l'autre, la résidence alternée, paritaire.
Cela ressemblera à la situation actuelle, à part que l'enfant aura la double résidence. Le parent qui a la résidence majoritaire restera bénéficiaire des dispositifs fiscaux et sociaux tels que les prestations familiales. Mes services sont en train d'y travailler, et il n'est pas exclu que le Gouvernement soit conduit à proposer un amendement pour s'assurer que la double résidence ne se traduira pas par un partage des prestations.
Enfin, je suis moi aussi préoccupée par la disposition de l'article 4 qui rend nécessaire l'accord exprès de l'autre parent pour changer l'enfant d'établissement scolaire ou de domicile – dans la mesure où ce déménagement aurait un impact sur les modalités de l'accueil de l'enfant par cet autre parent. À la lecture de cet article, on pense immédiatement aux mères qui ont la garde des enfants, qui déménagent et emmènent leurs enfants loin du père qui se trouve empêché d'exercer son DVH. Mais on peut aussi penser au parent qui n'a pas la garde de l'enfant, et qui peut lui aussi décider de déménager. Continuera-t-il à exercer son DVH ? En outre, qui paiera les transports quand l'enfant sera en âge de voyager seul ? Selon moi, toutes ces questions devront être traitées de façon symétrique.
Dans l'état actuel du texte, l'accord de l'autre parent devra être recueilli et toute remise en cause des modalités d'accueil de l'enfant sera passible d'une sanction si l'accord n'a pas été donné. Nous restons, je vous l'accorde, dans des équilibres subtils. Il ne faudrait pas, pour autant, donner à l'un des parents le pouvoir de bloquer indûment la vie de l'autre. Mais n'oublions pas tout de même qu'en cas de désaccord, il reviendra au juge de trancher dans l'intérêt de l'enfant.
Je n'ai pas évoqué les questions d'école. Mais peut-être en parlerons-nous à l'occasion des questions.