La Délégation procède à l'audition de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, sur la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant (n° 1856).
La séance est ouverte à 14 heures 05.
Merci, madame la secrétaire d'État, d'avoir accepté de venir nous parler de cette proposition de loi issue du groupe socialiste, qui devrait être débattue le 19 mai prochain en séance publique. Si la Délégation s'est emparée du sujet, c'est parce que plusieurs associations féministes nous ont alertés sur le fait que la question des violences n'y était pas suffisamment évoquée. Ne risque-t-on pas, dans le cadre des séparations, de perdre le bénéfice de la loi du 9 juillet 2010, qui commençait tout juste à être mieux appliquée par les tribunaux ?
Madame la présidente, mesdames les députées, vous avez souhaité m'entendre sur cette proposition de loi, et je m'en réjouis. Ce texte, centré sur l'intérêt de l'enfant, permet des avancées positives pour les familles, de plus en plus souvent confrontées à des séparations. Faire en sorte que l'intérêt de l'enfant motive bien les décisions prises en matière d'autorité parentale en cas de séparation, relève en effet de notre responsabilité collective.
Je salue Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la Commission des Lois, et Mme Marie-Noëlle Battistel, qui vient d'être nommée rapporteure de la Délégation.
Parmi les éléments centraux du texte, je tiens à dire un mot de la notion de « double résidence », qui consacre le fait qu'un enfant est chez lui au domicile de chacun de ses deux parents. L'expression actuelle de « droit de visite et d'hébergement » (DVH) est inappropriée, poussiéreuse et ne correspond pas à la manière dont les parents souhaitent aujourd'hui continuer d'exercer l'autorité parentale. Une telle expression n'est pas à la hauteur des enjeux. Il s'agit en effet pour nous – et c'est dans cet esprit que j'aborde cette proposition de loi – de veiller à maintenir le lien entre l'enfant et chacun de ses parents. L'introduction de cette notion de double résidence contribuera, nous l'espérons, à responsabiliser ceux-ci. Aucun ne se contentera d'héberger un enfant, et chacun devra lui offrir un véritable foyer.
La proposition de loi contient bien d'autres points positifs, comme la facilitation de la vie des tiers qui entourent la vie de l'enfant. Mais pour que nos échanges soient utiles, je me focaliserai sur les dispositions de ce texte que je souhaiterais voir améliorer.
En premier lieu, je connais l'inquiétude des associations féministes qui se mobilisent contre les violences faites aux femmes. Certes, les violences ne sont pas l'objet de ce texte, mais il faut veiller que celui-ci n'ait pas comme effet secondaire de marginaliser la question des violences. Vous connaissez mes convictions : je ne permettrai pas qu'un texte destiné à aider les parents aboutisse à créer des difficultés supplémentaires pour les femmes en général, et pour les femmes victimes de violences et leurs enfants en particulier. Je suis donc ouverte à toute proposition garantissant les droits des femmes confrontées à des situations de violence.
En deuxième lieu, je suis attachée à l'équilibre du texte. Si l'on crée de nouvelles sanctions pour l'un des parents, postérieurement à la séparation, il faut que ces sanctions soient symétriques et s'appliquent aux deux parents. C'est ainsi que l'amende civile créée par l'article 5 sanctionnera aussi bien le parent qui fait obstacle à l'exercice conjoint de l'autorité parentale que celui qui ne respecte pas les décisions concernant le temps d'accueil de l'enfant. Aussi bien la non représentation d'enfant que le fait de ne pas exercer le DVH seront sanctionnés.
Je crois que c'est Marie-Anne Chapdelaine qui utilise l'expression d'« enfants à la fenêtre » pour désigner ceux qui, week-end après week-end, attendent derrière la fenêtre le parent qui doit venir les chercher. Cette situation sera sanctionnée au même titre que la non-représentation d'enfant, car venir chercher son enfant un week-end sur deux, ou à tout autre rythme décidé par le juge, n'est pas une faculté donnée au parent, mais un devoir qui lui incombe. Il le doit à son enfant, mais aussi à l'autre parent, dont la vie ne doit pas dépendre de la façon dont il exerce ou non, à son gré, le droit de visite et d'hébergement. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement de Mme Marie-Anne Chapdelaine, qui fait obstacle à l'engagement de condamnation pénale à l'encontre d'un parent qui, après avoir constaté des semaines durant que l'autre parent n'est pas venu chercher son enfant, ne le représente pas. C'est un amendement que nous avons envisagé et travaillé ensemble.
L'article 5 doit s'appliquer également au parent qui ne s'acquitte pas de sa pension alimentaire. J'y suis favorable dans la mesure où je suis ouverte à toute mesure permettant de mieux recouvrer les pensions alimentaires, et parce que je pense que l'amende civile peut y concourir par son effet dissuasif. Pour autant, nous devrons nous assurer que le paiement de cette amende au Trésor Public ne sera pas prioritaire par rapport au paiement de la pension alimentaire. Imaginons qu'une mère ne touche pas la pension alimentaire qui lui est due. Le père encourt une amende civile. La pire des situations serait que la créance de l'État soit prioritaire sur celle de la mère. Or c'est bien ce qui risque de se passer. Nous nous sommes donc rapprochés du ministère de l'économie et des finances pour faire en sorte que la mère demeure la créancière prioritaire, avant le Trésor Public.
En troisième lieu, je n'ignore pas que la notion de double résidence, à laquelle je suis favorable sur le principe, soulève certaines questions.
Je précise donc que cette double résidence, qui se traduira par le fait que l'enfant aura les deux adresses sur ses papiers d'identité, n'est en aucun cas une voie déguisée vers la résidence alternée. Ce n'est rien d'autre que l'affirmation que l'enfant est chez lui au domicile de ses deux parents.
Dans le dispositif prévu par la proposition de loi, il y a toujours : d'un côté, un parent qui assume la résidence principale, majoritaire, l'autre parent bénéficiant d'un DVH ; et de l'autre, la résidence alternée, paritaire.
Cela ressemblera à la situation actuelle, à part que l'enfant aura la double résidence. Le parent qui a la résidence majoritaire restera bénéficiaire des dispositifs fiscaux et sociaux tels que les prestations familiales. Mes services sont en train d'y travailler, et il n'est pas exclu que le Gouvernement soit conduit à proposer un amendement pour s'assurer que la double résidence ne se traduira pas par un partage des prestations.
Enfin, je suis moi aussi préoccupée par la disposition de l'article 4 qui rend nécessaire l'accord exprès de l'autre parent pour changer l'enfant d'établissement scolaire ou de domicile – dans la mesure où ce déménagement aurait un impact sur les modalités de l'accueil de l'enfant par cet autre parent. À la lecture de cet article, on pense immédiatement aux mères qui ont la garde des enfants, qui déménagent et emmènent leurs enfants loin du père qui se trouve empêché d'exercer son DVH. Mais on peut aussi penser au parent qui n'a pas la garde de l'enfant, et qui peut lui aussi décider de déménager. Continuera-t-il à exercer son DVH ? En outre, qui paiera les transports quand l'enfant sera en âge de voyager seul ? Selon moi, toutes ces questions devront être traitées de façon symétrique.
Dans l'état actuel du texte, l'accord de l'autre parent devra être recueilli et toute remise en cause des modalités d'accueil de l'enfant sera passible d'une sanction si l'accord n'a pas été donné. Nous restons, je vous l'accorde, dans des équilibres subtils. Il ne faudrait pas, pour autant, donner à l'un des parents le pouvoir de bloquer indûment la vie de l'autre. Mais n'oublions pas tout de même qu'en cas de désaccord, il reviendra au juge de trancher dans l'intérêt de l'enfant.
Je n'ai pas évoqué les questions d'école. Mais peut-être en parlerons-nous à l'occasion des questions.
D'une manière générale, les critiques qui ont été adressées à cette proposition portent sur le fait que cette dernière se préoccuperait davantage du droit des parents que de l'intérêt de l'enfant. C'est ce qui ressort de nombreuses auditions que nous avons menées.
À la fin de votre propos, madame la secrétaire d'État, vous avez mentionné la question scolaire. Je ne vois pas bien comment, avec ce texte, on pourra se prémunir des risques de déscolarisation en cas de désaccord, entre les parents, sur le choix de l'établissement. Par ailleurs, comment fera-t-on si l'un des deux parents, victime de violences, ne souhaite pas que son adresse soit communiquée ? Les directeurs ou les enseignants sont souvent confrontés au problème. Il conviendrait de clarifier cette situation.
Vous avez ensuite évoqué la question de la répartition des avantages fiscaux, notamment en cas de double domiciliation. Cette question n'est pas mentionnée et il nous faudra être vigilants.
Enfin, dans l'ensemble, les personnes que nous avons auditionnées nous ont demandé de spécifier, à chacun des articles, que la mesure envisagée ne pourra s'appliquer en cas de violences dans le couple.
Je ferai deux suggestions.
Madame la secrétaire d'État, vous avez déjà répondu à propos des violences. Malheureusement, le texte ne vise que les violences avérées. Or beaucoup de femmes ne portent pas plainte et préfèrent quitter le domicile avec les enfants. La violence n'est donc pas avérée. Je crois que, dans de tels cas, le recours au juge aux affaires familiales (JAF) devrait être la priorité. Lorsque la femme s'estime victime de violences, il faudrait qu'elle puisse faire appel au JAF beaucoup plus facilement, sans passer forcément par un commissariat. Je ne sais pas si c'est possible. Quoi qu'il en soit, si l'on s'en tient aux violences avérées, on passera à côté de la réalité vécue par ces femmes.
Vous avez répondu sur la non-représentation d'enfant. Mais il arrive aussi que l'autre parent ne vienne pas chercher l'enfant. Je pense que, de la même façon, il faut faire constater ce manquement, et ce dès la deuxième fois qu'il se produit. Selon moi, nous devons être très rigoureux.
La dernière phrase de l'article 4 est ainsi rédigée : « Toutefois, l'accord de l'autre parent n'est pas requis lorsque celui-ci a été condamné comme auteur, coauteur, complice d'un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l'établissement scolaire de l'enfant. » Nous souhaitons que cela s'applique dès l'ordonnance de protection, et peut-être même dès le dépôt de plainte. Nous y réfléchissons.
Mais cela ne concerne que la violence exercée sur le parent. Or l'enfant peut lui aussi subir des violences. Et si la mère a des soupçons de tentatives d'inceste ou d'attouchements, elle doit avoir la possibilité de protéger l'enfant. Voilà pourquoi je pense que l'on pourrait indiquer dans le texte que l'accord de l'autre parent n'est pas requis en cas de violences sur la personne du parent ou de l'enfant.
Je répondrai d'abord à Mme la rapporteure sur un éventuel risque de déscolarisation. Le ministère de l'éducation nationale propose un amendement selon lequel le parent qui demande l'inscription dans un établissement scolaire est présumé avoir reçu l'accord de l'autre parent. Ainsi, l'établissement scolariserait provisoirement l'enfant ; si l'accord de l'autre parent n'avait pas été recueilli, ou en cas de désaccord, l'autre parent saisirait le juge aux affaires familiales. Cette présomption d'accord évitera toute déscolarisation. Dans la pratique, nous visons là, notamment, l'inscription d'un enfant dans un établissement religieux sans l'accord de l'un des deux parents.
Je répondrai à Mme Maud Olivier à propos des violences avérées. Nous envisageons de faire en sorte que la restriction mentionnée à la fin de l'article 4 s'applique dès l'ordonnance de protection, voire dès la main courante. Mais il n'est pas question de porter atteinte à la présomption d'innocence. D'abord, ce serait inconstitutionnel. Ensuite, il ne suffit que la femme victime de violences dénonce celles-ci au JAF pour que cela emporte des conséquences. Il faut tout de même un début de constatation. Il sera très facile de se baser sur l'ordonnance de protection, puisqu'on se situe dans le droit fil de la loi de 2010 ; pour ce qui est de la main courante, ce sera plus difficile. Il faudra de toute façon veiller, dans tous les cas de figure, à ne pas multiplier les manoeuvres conflictuelles et abusives.
Quant aux violences exercées à l'encontre des enfants, elles ne sont en effet pas mentionnées à l'article 4. Cela dit, les violences avérées à l'encontre des enfants modifient l'exercice commun de l'autorité parentale – ce qui nous fait sortir du champ d'application de cet article.
Mme Maud Oliver est intervenue à propos de l'article 5. Je lui répondrai, intuitivement, qu'il ne suffit pas de deux manquements pour que l'on puisse parler de non-représentation et pour mettre en mouvement une amende civile. Celle-ci ne sera prononcée que lorsqu'un parent fait délibérément obstacle de façon grave et renouvelée aux règles de l'exercice conjoint de l'autorité parentale. Il faut donc une intention durable du parent de priver l'autre du droit d'enfant. Nous sommes conscients que certaines vies sont « cabossées ». Des parents peuvent fléchir sans que cela doive entraîner de lourdes procédures. Mais nous réfléchissons à la question.
L'adverbe « délibérément » prête à interprétation. On pourrait peut-être au moins constater que le manquement se renouvelle, sans considérer pour autant que le parent concerné a agi de manière délibérée.
Et pour les magistrats, dans l'expression « de façon grave et renouvelée », l'adjectif « grave » pose problème. Selon eux, ce n'est pas clair.
Je trouve cette proposition de loi fort intéressante, et je me permets d'intervenir ici avant de le faire dans l'hémicycle. J'ai beaucoup aimé les deux parties du titre : « autorité parentale » et « intérêt de l'enfant ». J'ai entendu par ailleurs Mme la secrétaire d'État parler « d'équilibres subtils ». Il faut dire qu'aujourd'hui, majoritairement, les divorces se passent mal et qu'il est bien compliqué de demander à deux parents de bien s'entendre.
Il conviendrait d'améliorer la protection des victimes confrontées à certaines violences. Je considère d'ailleurs, pour ma part, que le fait de ne pas verser de pension alimentaire, même une fois, est une violence pour la femme qui ne sera plus en mesure d'assumer l'éducation de son enfant, voire lui assurer le strict minimum. N'oublions pas que, bien souvent, ce sont essentiellement les mères qui élèvent les enfants, et que celles-ci se trouvent souvent dans des situations très précaires.
J'observe que les femmes devront encore prouver les violences, physiques ou psychologiques, dont elles sont victimes. Et pour elles, ce sera encore le parcours du combattant. Il en sera de même pour prouver, devant le juge, les violences ou les attouchements subis par les enfants, et obtenir que l'autorité parentale soit retirée au parent maltraitant.
J'espère malgré tout que ce texte apportera satisfaction et protègera l'enfant, parce que c'est l'intérêt de l'enfant qui prime.
Je terminerai sur la résidence majoritaire dont a parlé Mme la secrétaire d'État, en corrélation avec le versement des prestations au parent auquel cette résidence majoritaire aura été attribuée. Que faire, en cas de conflit ? Qui décidera de la résidence majoritaire ? Est-ce que ce sera, une fois de plus, le juge ? Les situations familiales évoluent et obligent celui-ci à s'adapter. Cela m'inquiète. Sincèrement – et là je m'adresse à Mme la rapporteure – j'aurais aimé que cette proposition de loi soit plus précise pour soulager un peu les juges dont le travail devient d'autant plus compliqué que les séparations sont presque toujours très conflictuelles. Cela se passe rarement bien entre les parents et pour les enfants – c'est d'ailleurs pourquoi nous devons faire ce genre de proposition de loi. Et même si celle-ci permet déjà des avancées, j'aurais aimé que nous allions encore plus loin.
Je voudrais vous donner les chiffres fournis par le ministère de la justice : dans 80 % des cas, les parents sont d'accord sur la résidence ; et dans 10 % des cas, ils sont en désaccord. On nous a dit ce matin que lorsqu'il y avait désaccord, c'est fréquemment parce qu'il y avait eu des violences. L'enfant devient alors l'enjeu des conflits, et il souffre doublement : on le met en position de choisir entre ses parents, ou de se rendre compte que les violences recommencent contre la mère à l'occasion des décisions qui le concernent. C'est un véritable souci. Comme on peut le constater, nous ne faisons pas la loi pour ce qui se passe bien.
On a le droit de croire à ces chiffres, mais on a aussi le droit, en tant que parlementaires, de constater que nous sommes souvent sollicités parce que cela se passe mal – y compris avec le juge, même si nous n'avons pas le droit d'intervenir….
Madame la secrétaire d'État, ne pensez-vous pas que le développement de la médiation familiale exacerbera les conflits, dans la mesure où les deux parents seront obligés de se rencontrer ? Je vise les situations de violence dans le couple.
On peut lire, au deuxième paragraphe de la page 3 de l'exposé des motifs : « Avec la médiation notamment, la proposition offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes les situations que les familles peuvent connaître : conflits parentaux, divorces, séparations, recompositions familiales… » J'aimerais que l'on ajoute : « sauf en cas de violences ». D'une part, la médiation n'a aucun effet en cas de violences. D'autre part, nous l'avons retirée de la loi de 2010, à l'issue d'un combat difficile, y compris avec les magistrats. Or, dans sa rédaction actuelle, cette proposition va dans le sens inverse. Cela me met en colère ! Je le dis et je le dirai aux auteurs du texte dans l'hémicycle : on ne peut pas envoyer des messages aussi contradictoires à quelques semaines d'intervalle.
Si l'on en croit l'exposé des motifs, la médiation permettrait de régler tous les conflits et différends familiaux. Mais les violences de l'un des parents contre l'autre parent ne rentrent pas dans cette catégorie. Je m'inquiète donc à l'idée que l'on puisse imposer une médiation en cas de violences. Va-t-on former les médiateurs aux violences ? Ceux-ci seront-ils capables de détecter que les conjoints qu'ils tentent de rapprocher sont concernés, à un titre ou à un autre, par ces violences ?
S'agissant de la médiation, le texte précise que le juge « peut enjoindre » et non pas que le juge « enjoindra ». Ce dernier a donc toute latitude d'apprécier si la situation pourra être débloquée par une médiation. N'oubliez pas qu'un passage devant le JAF ne dure en moyenne que dix-huit minutes et que, dans ces conditions, la médiation peut avoir son utilité.
Des expérimentations en matière de médiation ont été menées à Arras et à Bordeaux. Elles permettent de juger de l'utilité de la procédure et des bénéfices que les parents peuvent en attendre. Sur la base de ces expériences, j'accueillerai volontiers deux amendements précisant que le juge ne peut pas enjoindre de médiation quand il y a eu violence, et quand la médiation ne peut pas avoir lieu dans des délais raisonnables. Il ne faudrait pas que la médiation retarde la procédure.
Madame Greff, je corrobore les chiffres donnés par Mme la présidente : dans 80 % des cas, les parents sont d'accord sur la résidence. Sauf que, dans 30 à 40 % de ces cas, les parents reviennent ensuite pour réformer la convention. Ce n'est pas forcément fait de manière violente, les parents pouvant mettre en place des arrangements différents, qu'ils souhaitent faire acter dans la convention.
Vous avez dit ensuite que la plupart des divorces se passaient mal et que cette proposition de loi était destinée à régler des situations de conflit. Non : cette proposition de loi crée également des droits nouveaux et des dispositions applicables à des situations hors de tout conflit.
Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que pour les situations qui se passaient mal, je trouvais que nous n'allions pas suffisamment loin, qu'il s'agisse de l'intérêt de l'enfant ou de celui des conjoints.
Je voulais mettre le projecteur sur ce qui, dans cette proposition de loi, n'est pas lié au conflit. Cette proposition de loi permet de moderniser le droit de la famille, s'agissant, en particulier, de l'exercice de l'autorité parentale, de la résidence, ou du mandat permettant aux deux parents, dans un acte commun, sous seing privé, de désigner un tiers pour effectuer un certain nombre d'actes de la vie courante. Nous sommes là dans des situations plutôt harmonieuses.
Vous trouvez, madame Greff, que le texte ne va pas assez loin. Mais en matière de lutte contre les violences, nous disposons déjà d'un socle juridique solide, avec la loi de 2010. Les problèmes que nous rencontrons ne résident pas tant dans la loi que dans sa mise en oeuvre. Et comme les problèmes ne viennent pas de la loi, la solution n'est pas dans la loi. Nous n'avons d'ailleurs pas connaissance de propositions d'amendements visant à améliorer cette loi.
Sur la médiation, il est prévu à l'article 17 que le juge peut enjoindre aux parents de prendre part à des séances de médiation familiale. Je pense que l'on pourrait se contenter d'une ou deux séances, et que si au bout de ces deux séances, on se rend compte que la médiation ne fonctionne pas, mieux vaut ne pas insister. La médiation ne peut pas être une alternative à la décision du juge, ni même une manoeuvre dilatoire.
En fait, la proposition de loi ne change rien à l'état actuel du droit. Il pourra toujours y avoir une résidence principale, et un parent chez lequel l'enfant passe moins de temps. L'organisation de la répartition du temps de l'enfant entre ses deux parents sera toujours dans la convention organisant l'autorité parentale. Rien n'est changé, si ce n'est que l'enfant a les deux résidences. Nous entendons veiller à ce que cela n'ait pas de conséquences, à la fois dans le domaine fiscal et dans celui des prestations sociales.
Je voudrais revenir sur la question de la médiation, sur laquelle je suis moi aussi très réservée. Pour ma part, je pense qu'il vaut toujours mieux discuter. Mais il y a des situations où l'un des parents – le plus généralement la mère – est dans la peur et sous l'emprise de l'autre parent. Maintenant, est-il indispensable de parler de la médiation ? Ce n'est pas parce qu'on n'en parlerait pas que ce serait interdit. Rien n'empêcherait le juge de la proposer. Pourquoi faudrait-il absolument la mentionner ?
J'aurais aimé que cette proposition loi prenne en compte ce que j'appellerais « le temps d'attente » d'un couple qui se sépare. Je m'explique : le mari reçoit les prestations familiales, mais la femme est obligée de quitter le domicile conjugal avec les enfants, et le divorce n'est pas prononcé. La mère vit seule avec les enfants mais les prestations familiales continuent d'être versées au père, jusqu'à la décision du juge du divorce. Mais cette femme va devoir assumer la charge de ses enfants. Comment faire en sorte que la CAF puisse verser, avant même le prononcé du divorce, les prestations familiales au parent qui assume la charge des enfants ?
Madame la secrétaire d'État, notre intention n'est pas d'améliorer le texte sur les violences, qui était très bien fait, mais simplement de le rappeler chaque fois que c'est nécessaire.
Et c'est absolument nécessaire. Madame Chapdelaine, au cours des auditions de ce matin, nous avons été alertés sur le fait que cette proposition donnait des signaux qui vont à l'encontre de la loi sur les violences faites aux femmes. C'est ainsi que son exposé des motifs précise que la médiation familiale offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes les situations que les familles peuvent connaître. Or c'est faux : la médiation familiale n'a pas à être mise en place en cas de violences.
L'exposé des motifs envoie un signal qui va à l'encontre de notre loi relative aux violences. Voilà pourquoi, nous souhaitons, qu'à chaque fois que la situation l'exige, on précise : « sauf en cas de violences ». Voilà pourquoi nous soutiendrons des amendements en ce sens. Je précise que nous avons été alertés sur ce point par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF).
Si nous ne l'avons pas rappelé, c'est parce que cela figure déjà dans la loi. Ce sont des dispositions générales, que le juge est tenu d'appliquer.
J'entends bien que la Délégation aux droits des femmes insistera sur ce point. J'imagine que la Chancellerie manifestera sa désapprobation. Mais cela ne me dérange pas que l'on rappelle la loi. Nous avons d'ailleurs proposé de le faire ce matin, s'agissant de deux amendements en discussion.
Je répondrai à Mme Barbara Romagnan que pour que le juge puisse enjoindre une médiation, il faut que le code le prévoie. Cela signifie qu'on lui fait confiance pour évaluer l'intérêt de la médiation et le nombre de séances nécessaires.
Sur les violences, j'ai fait le même travail que celui que vous avez fait à la Délégation. Nous insisterons, à l'article 4, sur l'ordonnance de protection.
Ensuite, j'ai dit que j'étais très favorable à ce que l'on rappelle – aux articles 16 et 17 – que la médiation ne peut être enjointe en cas de violences à l'égard d'un des deux parents. Peut-être faudra-t-il le rappeler à d'autres endroits du texte.
Enfin, je comprends Mme la rapporteure Chapdelaine, qui a fait remarquer que les dispositions générales relatives à la lutte contre les violences s'appliquaient en tout état de cause. En même temps, je suis consciente de l'importance de l'enjeu de la lutte contre les violences, de la difficulté que nos sociétés ont à les éradiquer, et donc du fait qu'il ne faut jamais laisser passer une occasion de rappeler ces dispositions.
Information relative à la Délégation
La Délégation a désigné Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure d'information sur la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant (n° 1856).
La séance est levée à 15 heures.