Par conséquent, il ne faut pas lier la qualification des violences conjugales à une décision pénale, cela est extrêmement dangereux. Tout magistrat a reçu pour mandat de qualifier juridiquement les faits dont il est saisi, et il n'est pas possible de réserver à un autre cette fonction. Je m'explique.
Comme juge des enfants en assistance éducative, je suis chargé de qualifier le danger au sens de l'article 375 du code civil. Dans le cadre d'une audience, je reçois le père et la mère, assistés de leur avocat respectif, et l'enfant. Après avoir laissé parler les parties, je constate qu'il s'agit d'un dossier de violences conjugales. J'évoque les violences conjugales, mais l'avocate du père m'interrompt pour dire : « Monsieur le juge, nous sortons de chez le juge aux affaires familiales, qui a rejeté la demande de la mère du référé expulsion du conjoint violent » (dispositif existant avant l'ordonnance de protection aux termes de l'ancien article 220-1 du code civil). Je lui réponds alors : « Pardon, moi aussi, je suis juge, et chargé de qualifier le danger, or les violences conjugales sont une cause du danger et je les prends en compte ».
Deuxième exemple, et je pense que je ne serai pas contredit par les autres juges des enfants de France : il nous arrive de maintenir une mesure de placement d'un enfant pour le protéger, alors que l'un ou les deux parents ont obtenu au pénal une relaxe, un non-lieu ou un acquittement pour des faits de maltraitance sur l'enfant. En clair, le dossier pénal n'a pas permis d'aboutir à la condamnation de l'auteur de l'agression sur l'enfant, mais le juge des enfants et les services de protection excluent que l'enfant soit remis à ses parents. Vous connaissez le genre de dossier dont je parle. Les violences conjugales sont des problèmes de même nature !