Par contre, cette politique forestière a conduit à une exploitation non maîtrisée de nos forêts publiques et plus globalement à une sous-valorisation d'une ressource forestière de qualité.
Les fonctions écologiques de la forêt sont progressivement négligées au profit d'activités concurrentielles et au profit d'intérêts privés de court terme.
Face à ce constat, une urgence s'impose : celle de mettre en oeuvre une réforme d'envergure prenant mieux en compte les multiples enjeux sociaux, écologiques et économiques. Aussi, je propose dans mon rapport que le contrat d'objectifs et de performance 2012-2016 signé entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières soit suspendu, avec arrêt immédiat des suppressions de postes à l'ONF.
Le constat est en effet largement partagé : l'ONF n'est plus en mesure de faire face à toutes ses missions. L'établissement est contraint de les adapter aux moyens dont il dispose. Cette adaptation contrainte est en contradiction avec le code forestier, qui fixe comme obligation une gestion durable, multifonctionnelle, accompagnée de l'obligation d'une exploitation accrue.
Je vous propose, monsieur le ministre, chers collègues, de mettre en oeuvre une politique forestière adaptée à la richesse de la ressource, valorisant un bois de qualité en favorisant les filières locales, voie indispensable pour réduire le déficit de la balance commerciale de la filière.
Cette orientation est soumise à plusieurs exigences : un mode de rémunération des missions de service public assurant un financement stable et pérenne, une politique ambitieuse de préservation de la biodiversité et des paysages forestiers, politique fondée notamment sur la trame verte et bleue et le développement des corridors écologiques. « Forêt, haute maison des oiseaux bocagers » écrivait encore Ronsard.
Pour que notre pays soit à la hauteur de cette ambition, j'invite le Gouvernement à organiser un grand débat national fondé sur une réelle concertation car un débat d'envergure est seul à même de réorienter notre politique forestière nationale selon un projet cohérent.
Pour conclure, je souhaiterais d'ores et déjà insister, monsieur le ministre, sur un point : l'augmentation attendue de la production de bois et les nouvelles opportunités de la filière bois en matière de développement durable vont nécessiter un surcroît de main-d'oeuvre dans le secteur. Les besoins en emplois pérennes et qualifiés sont importants et iront en augmentant afin de répondre au défi de la valorisation des forêts françaises. Pourtant, ces besoins en emplois ne pourront pas être satisfaits tant que perdureront les conditions actuelles de travail en forêt. Nous en avons en mémoire les suicides de quatre forestiers de terrain à l'été 2011 et plus largement de vingt agents patrimoniaux de l'ONF en six ans. Mais il s'agit d'un problème plus vaste qui affecte, au-delà de l'ONF, l'ensemble des travailleurs forestiers au sens large : sylviculteurs, bûcherons, débardeurs, transporteurs de grumes et, en aval, les salariés des scieries. L'amélioration des conditions de travail en forêt et en scierie est un préalable absolument nécessaire au développement de la filière forêt-bois.
Compte tenu des réserves évoquées, je ne peux en conscience donner un avis favorable sur les crédits affectés au programme « Forêt ».