Il n’est pas sûr du tout que nous soyons d’accord, monsieur Bompard !
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, lorsque l’économie se financiarise, elle tend à oublier l’humain et entraîne une perte de sens destructrice pour l’ensemble de la société. L’économie sociale et solidaire, elle, est au contraire porteuse de sens par les valeurs de solidarité qui la sous-tendent, par ses principes de démocratie et de lucrativité limitée, par le lien qu’elle entretient avec les territoires où elle agit, par son efficacité à identifier de nouveaux besoins et par sa capacité à y répondre de façon collective et mutualisée, porteuse de sens enfin par les innovations sociales qu’elle expérimente et qui viennent, ensuite, enrichir les pratiques de l’ensemble des acteurs économiques, y compris ceux qui ne se réclament pas de l’économie sociale et solidaire.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui est le premier à définir et à encadrer le secteur de l’économie sociale et solidaire dans ses différentes composantes : entreprises sociales, coopératives, mutuelles, associations, fondations. Ma conviction est que ce texte permettra un véritable changement d’échelle. De nombreuses dispositions visent en particulier à moderniser le régime applicable aux coopératives nées du mouvement ouvrier, dont je rappelle qu’elles sont toujours 8 000 dans notre pays, employant plus de 300 000 salariés. Leur statut est rendu plus attractif et plus adapté à notre société contemporaine.
Favoriser le développement de l’entreprenariat collectif, de l’entreprenariat social, est un point majeur de la bataille pour l’emploi que nous menons aux côtés du Gouvernement. Chaque année, plus de 50 000 emplois sont perdus dans des entreprises saines faute de repreneur. À cet égard, le droit à l’information préalable des salariés lorsque le dirigeant envisage la transmission de son entreprise est une belle avancée, même s’il ne permettra évidemment pas d’apporter une réponse à toutes les situations. Ce nouveau droit à l’information, couplé à la création des SCOP d’amorçage, permettra de prolonger la vie d’entreprises qui risquaient de disparaître.
Plus généralement, le projet de loi reconnaît, structure, sécurise financièrement et juridiquement le secteur de l’économie sociale et solidaire. C’est un texte très attendu par les acteurs de terrain et par les élus locaux depuis de nombreuses années. J’ai pu le constater dans ma circonscription, à l’occasion d’une rencontre à laquelle une large palette de représentants des différentes branches de l’ESS a participé : des entreprises sociales, tel le groupe Vitamine T, affilié au MOUVES – le mouvement des entrepreneurs sociaux –, des mutuelles, en passant par le commerce équitable, la finance solidaire, des SCOP telles que Vitame, Voix Publique, Café Citoyen, des SCIC – Le Traiteur de Caractère –, des associations ou structures d’insertion telles que les Jardins de Cocagne, Les Jardins dans la Ville, Quanta, des fondations – la Fondation de Lille par exemple –, des fonds de dotation – je pense à Citoyens Solidaires –, sans oublier bien sûr la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, l’union régionale des SCOP et la CPCA Nord-Pas-de-Calais. Tous ont salué, madame la secrétaire d’État, le projet de loi initial et la concertation préalable lancés par votre prédécesseur, Benoît Hamon. Bien sûr, ils n’ont pas hésité non plus à chercher à améliorer, par leurs propositions, les nouveaux moyens juridiques et financiers qui, grâce cette future loi, permettront d’assurer un développement pérenne de l’économie sociale et solidaire tout en en réaffirmant avec force les valeurs qui sont les siennes.
Mes échanges avec les acteurs de l’ESS me conduisent à penser que deux écueils doivent être évités par la représentation nationale et le Gouvernement pour atteindre pleinement les objectifs qui sont les nôtres.
Tout d’abord, il faut toujours se rappeler qu’en matière d’économie sociale et solidaire, la forme et le fond comptent tous les deux. Ce qui importe, c’est autant ce qui est fait pour répondre à un besoin social ou environnemental que la façon et les moyens employés. À cet égard, la vigilance doit être toujours de mise pour que les exigences démocratiques et sociales ne passent pas à l’arrière-plan devant certaines contraintes économiques du marché.
Autre écueil à éviter : celui de la marginalisation, qui ferait de l’économie sociale et solidaire une économie certes mieux structurée et mieux financée, mais toujours à part. Pour éviter ce risque, nous devons toujours garder à l’esprit que l’économie sociale et solidaire ne saurait se limiter à ce seul projet de loi, même s’il est bien entendu essentiel. Soyons attentifs à prolonger la démarche engagée ici dans l’ensemble de nos actions et de nos réflexions. Comme le développement durable, l’ESS, cette économie qu’on aime, peut être partout. On l’a vu par exemple avec l’habitat participatif, encouragé par la loi ALUR.
Puisse donc cette logique de partage et de solidarité chère à l’ESS continuer à se diffuser chez nous et ailleurs dans le monde.