Intervention de Alain Suguenot

Séance en hémicycle du 5 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, je pourrais, moi aussi, accabler le ministre de l'agriculture, qui n'en peut mais : je pense qu'il est plus malheureux que nous ce soir, de présenter ce budget. Je pourrais parler des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaire rurales », qui sont en diminution de 5 %, cela a déjà été dit. Je pourrais rappeler que le Gouvernement envisage de présenter, en 2013, un projet de loi d'avenir pour l'agriculture, tout en constatant, avec vous tous, la diminution significative des crédits prévus jusqu'en 2015, ce qui démontre le net recul du Gouvernement dans ce secteur économique, pourtant essentiel pour notre pays.

Ce budget ne permet, ni de garantir le maintien de l'activité de nos agriculteurs, ni de développer la compétitivité de leurs exploitations : c'étaient pourtant les buts recherchés.

Je pourrais dire aussi, cela a également été déjà noté, que les aides pour l'installation des agriculteurs sont en diminution, que les prêts bonifiés « jeunes agriculteurs » passent de 94,5 à 52 millions d'euros, ou encore que les crédits relatifs à la modernisation des exploitations chutent de 48,4 millions d'euros en 2012 à 35 millions d'euros en 2013 : autant de signes qui montrent, chers collègues, que l'agriculture n'est manifestement pas votre priorité.

Mais je voudrais insister sur une question qui concerne aussi bien l'agriculture en général, que la viticulture en particulier, à savoir les emplois saisonniers. L'article 60 de votre projet de loi de finances – ou plutôt, devrais-je dire, de notre projet de loi de finances, car il s'agit de la loi de la République – remet largement en cause le dispositif d'exonération des cotisations patronales applicable aux employeurs de travailleurs saisonniers agricoles. Cet article modifie le périmètre de l'exonération, en excluant de son champ d'application les cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Actuellement, l'exonération est totale pour les rémunérations égales ou inférieures à 2,5 fois le SMIC, puis devient dégressive entre 2,5 et 3 SMIC.

Or, pour recentrer le bénéfice de l'exonération sur les bas salaires, votre projet de loi réduit le principe de dégressivité du dispositif aux salaires compris entre 1,25 et 1,5 SMIC : l'exonération prendra donc fin pour tout salaire supérieur à 1,5 SMIC. Par ailleurs, la cotisation d'accident du travail, dont il est proposé l'exclusion de l'exonération, est variable selon les secteurs de production. S'agissant du secteur viticole, qui exploite moins de 3 % de la surface agricole, mais qui représente 33 % de l'emploi saisonnier dans l'agriculture, le taux des charges non exonérées passera ainsi de 4,94 % à 8,39 %.

Le texte n'entraîne pas seulement un recentrage sur les bas salaires, mais également, et c'est plus grave, une réduction de l'exonération pour tous les employeurs de travailleurs saisonniers agricoles, même pour les salaires à peine supérieurs au SMIC. Cette réduction pénalisera ainsi les employeurs qui s'efforcent de fidéliser une main-d'oeuvre saisonnière nécessitant des compétences particulières et constituera, en outre, un frein au recrutement de salariés, au profit de solutions alternatives telles que coup de main familial ou prestation de services externalisée, sans parler, naturellement, du travail au noir.

Une réflexion sur le coût de l'emploi doit être ouverte : j'interviendrai à ce sujet, en proposant des amendements lors de la discussion des articles. La moindre des choses, c'est que cette disposition, qui est contraire à l'objectif de réduction du coût du travail, puisse au moins être discutée et amendée.

Je voudrais, par ailleurs, profiter de cette tribune pour évoquer la question des droits de plantation. Je rappelle que la décision de libéraliser les plantations a été prise en 2008 par le Conseil des ministres de l'Europe, sur proposition de la Commission. Un de nos collègues disait tout à l'heure qu'elle avait été prise sous une autre majorité ; je tiens tout de même à rappeler que, sur ce dossier, tous les États étaient d'accord : c'est la raison pour laquelle nous subissons, aujourd'hui, les conséquences de cette décision.

Depuis 2010, nous assistons à une très forte mobilisation des professionnels, des États membres, mais aussi, bien sûr, des élus. Le président Sarkozy est intervenu très fermement sur ce dossier et la position de la France a été très ferme, l'an dernier, dans l'opposition à cette libéralisation.

Où en sommes-nous aujourd'hui, monsieur le ministre ? La détermination de la France est-elle toujours aussi forte ? Pensez-vous que le vote final de cette question aboutira au rejet de cette mesure, laquelle aurait des conséquences dramatiques au niveau économique et social, mais aussi en terme d'aménagement du territoire, pour l'ensemble de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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