Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 5 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, obligé d'opérer, avec ce projet de loi de finances, le redressement des comptes publics, le Gouvernement marque son ambition pour l'agriculture française et les territoires qui en dépendent en défendant deux axes forts.

En premier lieu, l'effort réalisé en faveur de l'enseignement agricole est essentiel pour un secteur d'activité qui reste pourvoyeur d'emplois malgré la crise.

En second lieu, les objectifs d'installation sont défendus budgétairement avec fermeté et avec une attention particulière portée à l'élevage.

Ce double message est important pour le monde rural dans son ensemble, particulièrement pour les éleveurs qui vivent, face à la volatilité des prix des productions agricoles, dans une incertitude délétère pour notre agriculture.

Sans négliger les difficultés immenses que traversent les filières porcines et avicoles, je souhaite évoquer la très grande inquiétude de la filière laitière qui constitue une ossature de l'agriculture en Bretagne et qui est un élément structurant de l'aménagement de son territoire, en façonnant ses paysages.

Pour rappel, la Bretagne regroupe 14 000 éleveurs dont les 730 000 vaches laitières, soit 20 % du cheptel national, produisent annuellement 50 millions d'hectolitres de lait livrés à une industrie qui emploie 7 000 salariés.

Après la terrible crise de 2009, la filière a certes connu une période de redressement, mais ce difficile rétablissement est remis en cause depuis le printemps dernier. En effet, les éleveurs subissent une forte hausse de leurs coûts de production liée à l'explosion des prix des céréales et du soja, à laquelle s'ajoute la hausse du coût de l'énergie. Dans le même temps, industriels et coopératives imposent des prix à la baisse, dont l'annonce se fait brutalement, au mois le mois.

Cette insécurité n'est pas supportable pour les éleveurs et met dangereusement en péril le renouvellement des exploitants. Au-delà du phénomène de regroupement qui induit depuis dix ans une baisse continue du nombre d'exploitations laitières, le risque est désormais évoqué d'une conversion en production céréalière, que l'on sait irréversible, voire d'une déprise agricole. Avec 80 % de son territoire couvert par l'activité agricole, l'enjeu est de taille pour la Bretagne.

La bataille pour sauver notre production laitière se joue sur deux fronts, national et européen, sur la problématique de la nécessaire régulation des volumes de production et des prix.

Au niveau national, la contractualisation imposée aux éleveurs sans que la précédente majorité ne leur ait permis de se structurer préalablement en organisation de producteurs demande une révision profonde.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez engagé ce travail sans attendre pour apporter rapidement aux éleveurs les réponses nécessaires sur cinq points essentiels : les modalités de fixation du prix du lait avec l'intégration des coûts de production des éleveurs et un mécanisme de lissage des prix ; la révision de la clause de sauvegarde des contrats ; le contrôle des volumes après la suppression de la taxe fiscale affectée sur les dépassements de quotas individuels ; l'articulation des organisations de producteurs et des bassins laitiers ; enfin le maintien de la production laitière sur notre territoire, particulièrement en zone de montagne et de moyenne montagne.

Des réponses pour une meilleure régulation des prix sont aussi à chercher dans le redressement du déséquilibre entre producteurs, transformateurs et distributeurs créé par la loi de modernisation de l'économie. Cela vaut d'ailleurs pour l'ensemble de la production agroalimentaire.

L'avenir de la filière laitière se joue aussi, surtout, au niveau européen. Vous avez, depuis de nombreuses années, travaillé à la défendre sur ce terrain.

Première source d'inquiétude, et première échéance, la réforme de la PAC et la modification du régime des aides.

Vous avez eu l'occasion de nous présenter la position que vous défendez au nom de la France auprès de nos partenaires européens. Dans le cadre de la sortie des références historiques, l'application d'un taux unique à l'hectare à compter de 2020, telle que préconisée par la Commission européenne, n'est pas supportable pour l'équilibre de notre agriculture.

Pour défendre la polyculture élevage, vous proposez qu'il soit possible de primer les premiers hectares. Souhaitons que vous soyez entendu. Comment concevoir en effet que la même aide soit apportée à celui qui travaille cinq heures par an pour valoriser un hectare en céréales et à celui qui travaille cinquante à soixante heures par an pour un hectare en production laitière, comme nous l'a dit Germinal Peiro ?

Deuxième échéance, la suppression des quotas en 2015 fait craindre le risque d'une surproduction laitière massive, avec pour conséquence la chute des prix et un effondrement de la rémunération des éleveurs supérieur à celui de 2009.

Là encore, les éleveurs, à l'échelle de l'Europe, attendent que des mécanismes de stabilisation du marché soient mis en place. Le temps est compté.

Pour finir, je dois relayer les très fortes interrogations, voire l'incompréhension, que suscitent les mesures d'application de la directive « nitrates » en Bretagne. La pénalisation du système herbager pourtant reconnu en tant que système de production à basse fuite d'azote entre en contradiction avec la politique de reconquête de la qualité de l'eau développée en Bretagne en concertation avec l'ensemble des acteurs institutionnels, professionnels et associatifs. Il nous faut retrouver une lisibilité des normes en la matière sauf à souhaiter voir les vaches déserter les prés et se cantonner dans leurs étables.

Le Gouvernement a porté un effort important pour la revalorisation des dotations permettant d'engager les mesures agro-environnementales qui permettent de concilier productivité et respect de 1'environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et Écologiste.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion