La CNSA aura en effet dix ans le 30 juin prochain. Elle est devenue un acteur incontournable dans l'exercice de ses trois missions : caisse, agence d'appui technique, lieu de débat via son conseil. Se retrouvent en effet au sein de cette instance d'un caractère tout particulier, la CNSA étant un établissement public créé par la loi, l'ensemble des acteurs du champ de l'autonomie, financeurs, État, caisses de sécurité sociale, départements, associations, usagers, partenaires sociaux.
Ces trois missions vont être confortées et étendues par le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, afin que la CNSA devienne ce à quoi de nombreux acteurs aspirent : une véritable « maison commune de l'autonomie ».
J'exposerai d'abord les progrès réalisés en matière de gouvernance de la CNSA et de pilotage de la dépense publique au cours de ces dix dernières années, puis les chantiers qui sont encore devant nous, et enfin ce que la future loi sur le vieillissement va changer.
Les progrès réalisés depuis dix ans ont permis de clarifier les relations entre la CNSA et les autres financeurs du secteur médico-social, d'améliorer le pilotage de la dépense. Ces avancées ont été formalisées par la dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre l'État et la CNSA.
Ce sont d'abord les relations avec l'État qui ont été clarifiées, notamment celles entre la Caisse et la DGCS. Il s'agit d'une relation classique entre un opérateur et l'administration centrale sous la tutelle duquel il exerce ses missions. La DGCS vient à l'appui de la conception des politiques publiques de cohésion sociale, en particulier en participant à l'élaboration des projets de loi ou de décret. Nous sommes à la disposition du Gouvernement pour préparer, mettre en oeuvre et évaluer l'ensemble de ces politiques, au cas d'espèce celles relatives à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
La CNSA, quant à elle, est un opérateur sous tutelle dont la mission est de mettre en oeuvre les politiques publiques telles qu'elles ont été définies. Elle est notamment chargée de gérer les crédits destinés à financer la compensation de la perte d'autonomie. S'agissant de la compensation collective, c'est-à-dire l'offre en établissements et en services médico-sociaux, ces crédits proviennent essentiellement de l'assurance maladie et relèvent de l'objectif nationale des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). S'y ajoute une part du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie, la CSA, créée après la canicule de l'été 2003 et qui était financée par la journée de solidarité envers les personnes âgées. Quant aux crédits de la compensation individuelle, financée par les concours de la CNSA aux départements au titre de l'APA et de la PCH, ils proviennent principalement de la CSA, à quoi s'ajoute une petite partie du produit de la contribution sociale généralisée (CSG).
La CNSA doit gérer l'ensemble de ces crédits conformément à des objectifs de transparence vis-à-vis de l'ensemble des acteurs et d'équité territoriale. Elle exerce en outre une mission d'appui technique aux ARS et aux départements dans la mise en oeuvre des politiques ainsi financées. La COG qui lie l'État à la CNSA précise les modalités selon lesquelles nous exerçons notre tutelle sur la Caisse.
Les relations de la Caisse avec les départements ont également été clarifiées, puisque la CNSA finance pour partie l'APA et la PCH, qui constituent les sections 2 et 3 de son budget. La CNSA a la possibilité de saisir la chambre régionale des comptes quand la sincérité des calculs des concours est mise en cause. Dans le champ des personnes handicapées, elle a également compétence pour mettre à disposition des MDPH des outils d'évaluation des besoins, diffuser des bonnes pratiques, et assurer une répartition équitable de la PCH entre l'ensemble des MDPH. Ainsi, la CNSA appuie les MDPH dans leurs décisions d'orientation des personnes handicapées vers les établissements ou les services – Mme Carlotti lui avait confié une mission d'expertise et de conseil concernant notamment les cas complexes. Dans le cadre de la mission de réflexion confiée à M. Denis Piveteau quant aux modalités de prise en charge des personnes dont le handicap est difficile à gérer, c'est avec la CNSA que devront être définis les mécanismes permettant aux MDPH de prendre des décisions d'orientation plus claires. Il s'agit d'assurer une prise en charge qui puisse varier en fonction de l'état de la personne.
Le projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement va étendre ces missions d'appui technique et de construction de référentiels avec les acteurs à la gestion de l'APA par les départements.
S'agissant de l'assurance maladie, je rappelle que les crédits de l'ONDAM spécifiquement dédiés au secteur médico-social – soit 17,6 milliards d'euros en 2014 – sont gérés par la CNSA.
La CNSA a également fait des progrès significatifs en matière de pilotage de la dépense.
Si les réserves de la CNSA étaient si importantes les premières années, cela était dû, d'une part, au fait que le produit de la nouvelle contribution de solidarité pour l'autonomie n'avait pas été immédiatement utilisé et, d'autre part, au lancement de deux plans nationaux de créations de places en établissements et services médicosociaux (ESMS), celui destiné aux personnes handicapées et le plan de solidarité grand âge, le PSGA, et au mouvement de médicalisation des EHPAD.
Afin d'améliorer le niveau de consommation de ces crédits, la CNSA a mis en place un mécanisme d'enveloppes anticipées. Jugé insatisfaisant par un rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF (Inspection générale des affaires sociales-Inspection générale des finances) de 2010, il a été remplacé par un mode de gestion en autorisations d'engagement et crédits de paiement (AE-CP). Alors qu'auparavant la CNSA devait disposer des crédits nécessaires avant que la création de nouvelles places soit autorisée, la gestion AE-CP permet de délivrer les autorisations de création de places et de démarrer les travaux sans attendre que la CNSA dispose effectivement des crédits de paiement correspondants.
Ce mode de gestion a également été utilisé pour les crédits de médicalisation. En effet la médicalisation d'un EHPAD suppose la signature d'une convention tripartite (CTP), entre l'établissement, le département et l'ARS, ainsi que la réalisation d'une coupe transversale de l'état des patients permettant de définir, à partir du référentiel PATHOS, le niveau de « pathossification ». Tout cela prend du temps.
L'amélioration de l'anticipation de la notification des autorisations d'engagement de médicalisation avait permis de notifier aux ARS 130 millions d'euros en 2014 contre 85 millions d'euros en 2013, ce qui leur a donné une plus grande souplesse pour renouveler les CTP.
À cela se sont ajoutés les efforts de toutes les directions d'administration centrale concernées, DGCS, sécurité sociale et budget, pour avancer la campagne budgétaire, les ESMS déjà installés étant financés par douzième. Cette procédure budgétaire dure soixante jours et démarre au moment où le directeur de la CNSA notifie les crédits de fonctionnement de l'année aux ARS. Alors qu'en 2012 cette notification avait eu lieu le 12 mai, elle a été faite le 10 avril en 2013 et le 29 avril en 2014. L'objectif est de faire en sorte que l'ensemble des questions financières relatives à la CNSA puissent être réglées le plus rapidement possible une fois la loi de financement de la sécurité sociale adoptée afin qu'on puisse déterminer la répartition des crédits et notifier les autorisations d'engagement aux ARS. Les progrès sont indéniables même si je ne peux pas me satisfaire d'une notification au 29 avril.
Enfin, la CNSA a mis en place le système d'information Harmonisation et partage de l'information (HAPI), qui permet de suivre l'intégralité de la tarification des ARS depuis la campagne de 2013.
Ces trois mécanismes permettent un meilleur suivi de la consommation des crédits et donc de diminuer la sous-consommation de l'objectif global de dépense de la CNSA, soit l'addition des crédits de l'assurance maladie et de la part du produit de la CSA finançant la compensation collective. Cette sous-consommation est passée de 189 millions d'euros en 2012 à 156 millions d'euros en 2013, soit une baisse de 17,6 % – je rappelle qu'elle avait atteint 250, voire 350 millions d'euros les années précédentes. Cette diminution est due aussi à un meilleur ajustement du montant des crédits nécessaires. On a pu ainsi redistribuer des crédits aux ARS qui en avaient besoin.
L'ensemble de ces progrès ont été formalisés dans une convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNSA conclue pour la période 2012-2015 et dont nous surveillons la bonne exécution dans le cadre d'un comité de suivi réunissant deux fois par an le directeur de la sécurité sociale, celui du budget et moi-même. Avec M. Luc Allaire, directeur de la CNSA, nous y suivons l'avancement des chantiers définis dans la COG.
L'ensemble de ces chantiers avance de façon convenable, à l'exception de la mise en oeuvre du système d'information partagé pour l'autonomie des personnes handicapées, le SipaPH, dont chacun d'entre nous a jugé les résultats insatisfaisants. La CNSA va malheureusement devoir mettre en place un nouveau système.