COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Mardi 6 mai 2014
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition, ouverte à la presse, de représentants d'institutions intervenant dans les domaines de compétence de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), membres du conseil de la CNSA : Mme Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), Mme Élodie Hemery, adjointe chargée du secteur social et médico-social de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Olivier Bachellery, directeur-adjoint à la direction santé de la Fédération nationale de la Mutualité française, et Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, M. Bruno Lachesnaie, directeur chargé de la direction du développement sanitaire et social de la Mutualité sociale agricole (MSA), et M. Alain Villez, conseiller technique, chargé des personnes âgées de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS).
Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue.
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a décidé de se pencher sur les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), sujet qui a fait l'objet de nombreux travaux ces dernières années. Ce faisant, nous sommes amenés à nous intéresser également au rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ainsi qu'aux politiques de l'autonomie conduites dans les territoires. Aussi avons-nous prévu d'auditionner les représentants des services de quatre conseils généraux, afin de les interroger sur leurs relations avec la CNSA et sur leurs attentes au regard du vieillissement de la population et de la situation des personnes handicapées, étant entendu que la CNSA avait été créée il y a dix ans précisément pour répondre à ces défis.
Je propose que, dans une brève intervention liminaire, chacun d'entre vous se présente et explique comment il perçoit le rôle de la CNSA. Ses missions vous paraissent-elles répondre aux besoins et aux politiques à mettre en oeuvre ? Quel bilan dressez-vous de son action depuis sa création ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ?
Peut-être pourriez-vous évoquer ensuite l'articulation des compétences entre la CNSA et les différents acteurs avec qui elle est amenée à travailler : autorités de tutelle, agences régionales de santé (ARS), départements, maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Enfin, pour clore ce premier échange de vues, je souhaiterais savoir quelle appréciation vous portez sur le pilotage stratégique de la Caisse par l'État.
Je vous prie d'excuser MM. Antoine Dubout et Jean-Yves Dupuis, respectivement président et directeur général de la FEHAP. Je précise toutefois qu'en tant que directrice du secteur social et médico-social, j'ai eu l'occasion de représenter notre organisation au conseil de la CNSA.
La FEHAP a une opinion favorable sur la création de la Caisse, les missions qui sont confiées à celle-ci et la manière dont elle les remplit. Nous estimons que l'on peut tirer un bilan plutôt positif de son action en matière de régulation et de pilotage de la politique de l'autonomie, même si des moyens tant techniques qu'humains lui font encore défaut. Les systèmes d'information qu'elle utilise apparaissent ainsi insuffisants, ce qui restreint sa capacité à faire remonter les informations, à les analyser et à s'appuyer sur elles dans le cadre d'une politique nationale de répartition des crédits, des moyens et de l'offre. Pour y remédier, les effectifs n'ont cessé de croître ces dernières années et de nouveaux moyens lui ont été accordés par la convention d'objectifs et de gestion (COG) qui vient d'être signée.
Toutefois, nous avons demandé lors du dernier conseil de la CNSA un éclaircissement : cinq équivalents temps plein (ETP), qui avaient été inscrits dans le budget de la CNSA en vue de lui permettre de remplir de nouvelles missions, notamment dans la perspective de la future loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement, seront finalement affectés à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). N'assiste-t-on pas là un transfert de charges de l'État vers une agence, via un détournement des effectifs de la Caisse ? Pour l'heure, nous n'avons pas obtenu de réponse précise sur la manière dont ces effectifs seront gérés, mais il s'agit d'un point qui nous tient à coeur : dans la mesure où il y a encore beaucoup à faire, notamment en matière de répartition de l'offre et d'amélioration des systèmes d'information, il serait bon que ces nouveaux effectifs restent présents au sein de la CNSA.
Ces délégations de postes répondent-elles aux besoins d'une mission temporaire ou la situation est-elle appelée à perdurer ?
Si l'on en croit les explications de la directrice générale de la cohésion sociale, ces ETP seront affectés à la réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées. Comme le soulignent M. Laurent Vachey et Mme Agnès Jeannet dans leur rapport, cette réforme pourra prendre jusqu'à huit ans. Il s'agit donc d'une création de postes pérennes, ou du moins pérennisés dans le cadre du budget de la CNSA. En tout cas, la disposition ne nous a pas été présentée comme ayant été prise pour un temps limité. Un budget a été ouvert pour couvrir non seulement la rémunération de ces personnes, mais également la location des bureaux et les frais de fonctionnement.
La réforme de la tarification pour les personnes handicapées a certes une dimension législative et réglementaire et il incombe à l'État et à la DGCS de la mettre en oeuvre. Cependant, de nombreuses autres questions sont en attente de traitement : l'amélioration des systèmes d'information, la remontée et le traitement des informations en provenance des MDPH, les listes d'attente, la mise en oeuvre des « amendements Creton », la confection d'outils susceptibles de mieux évaluer les besoins des personnes – autant de sujets qui, de notre point de vue, font partie des missions de la CNSA.
La situation de la CNSA est la traduction des difficultés que traverse actuellement le secteur médico-social et l'illustration qu'il y a une étape à franchir dans le cadre des réformes en cours. Les rapports produits sur le sujet et la tentative avortée de créer un cinquième risque font écho aux difficultés que rencontre la CNSA dans le pilotage et la gouvernance du secteur. Ces difficultés sont principalement dues au manque de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social et à un dispositif totalement illisible, avec des circuits de financement et de décision extrêmement complexes.
Tout le monde semble s'accorder sur la nécessité de recentrer le dispositif sur les parcours de vie en le plaçant sous le pilotage d'une autorité unique. Dans cette perspective, que faire du millefeuille administratif ? Comment améliorer l'articulation entre la CNSA, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), l'assurance maladie, la DGCS, les MDPH, les conseils généraux et les ARS ? Comment la CNSA va-t-elle assumer son rôle d'animateur, de régulateur et de pilote du secteur ? En outre, les frontières entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social sont floues et les acteurs se trouvent en concurrence pour capter et « sanctuariser » les crédits, avec des enveloppes de plus en plus restreintes. Quid de la fongibilité, notamment avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ?
La CNSA avait été créée afin de sanctuariser les fonds de la dépendance dans la perspective de l'instauration d'un cinquième risque. Dix ans après, la question n'est plus à l'ordre du jour, mais cela ne signifie pas pour autant que l'on doit renoncer à une politique de l'autonomie ambitieuse, qui soit à la hauteur des enjeux liés au vieillissement de la population et permette d'accompagner les personnes handicapées vers l'autonomie.
Quant à la gestion de la CNSA, si l'on peut être satisfait des dix premières années d'exercice, on ne peut que déplorer la sous-consommation des crédits pour les personnes âgées, qui est liée à une construction structurellement excédentaire dans le cadre de l'objectif global des dépenses (OGD), mais aussi à des causes conjoncturelles, notamment les difficultés que rencontre la CNSA à imposer des règles de fonctionnement aux ARS. La CNSA attribue les crédits suivant une procédure budgétaire descendante ; or les ARS ne dépensent pas toujours la totalité de leurs crédits, ce qui provoque des situations ubuesques.
La question de la sous-consommation des crédits a fait l'objet de nombreux travaux ces dernières années. Nous avions cru comprendre, à l'issue des premières auditions, que la situation s'améliorait, mais vous soulignez que la CNSA a bien du mal à placer les ARS dans une dynamique de maîtrise et de suivi des crédits. Sans doute faudra-t-il que nous y revenions dans notre rapport.
Je vous prie d'excuser Mme Michelle Dange, qui est la représentante de la Mutualité française au conseil de la CNSA. Toutefois, nous serons deux à nous exprimer devant vous au titre de la Mutualité française ; Mme Isabelle Millet-Caurier ayant plus d'expérience que moi sur le sujet, je serai bref.
Pour ce que j'ai pu observer lors des premières réunions auxquelles j'ai assisté, la CNSA dispose d'un mode de gouvernance original, comportant une forte collégialité, ce qui lui permet d'être une force de proposition. Il me paraît important de le préserver.
La CNSA est un outil pour aller vers plus d'équité dans le secteur des personnes en perte d'autonomie, ce qui justifierait que ses moyens d'intervention soient renforcés. Le problème, c'est que le fort morcellement des acteurs à la base peut contrarier la bonne remontée des informations ; or une bonne information est indispensable à une bonne politique.
Peut-être faudrait-il aussi accroître certains pouvoirs de la CNSA, afin qu'elle puisse mieux remplir son rôle de garante de l'équité. L'avant-projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement comprenait à cet égard des avancées intéressantes. Il prévoyait notamment de renforcer le rôle de la CNSA vis-à-vis des personnes âgées, à l'image de ce qu'elle fait aujourd'hui en direction des personnes handicapées, notamment en matière d'information et de recommandations. D'autres mesures visaient à améliorer son information sur les volets vieillesse et maladie ; il était notamment prévu que les deux caisses nationales soient représentées dans son conseil. Autant de dispositions qui nous semblaient aller dans le bon sens. Nous espérons que ce texte sera réinscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres.
Quand vous dites qu'il faudrait accroître certains pouvoirs de la CNSA, à quoi pensez-vous ?
Par exemple, il est aujourd'hui beaucoup question de la « silver économie ». La Mutualité française souhaite favoriser le bon usage des aides techniques, via la création d'une forme de labellisation ou d'un d'observatoire, ce qui permettrait de s'assurer que l'on propose aux personnes âgées des solutions vraiment adaptées, et à des prix contrôlés, de manière à éviter que l'on s'oriente vers une marchandisation. On pourrait ainsi donner à la CNSA un rôle dans la labellisation ou le contrôle du secteur.
Je compléterai l'intervention d'Olivier Bachellery en apportant deux éclairages complémentaires.
Il faut bien reconnaître que le mode de gouvernance atypique de la CNSA nous a étonnés, nous qui sommes habitués au paritarisme classique des caisses nationales d'assurance maladie. Il a permis, sous l'impulsion d'un premier directeur particulièrement remarquable, de relayer les propositions émises par les acteurs. Il importe que cette gouvernance soit reconnue et renforcée ; une telle sphère d'échange et de partage, à la fois force de proposition et lieu d'innovation, doit être protégée.
Ensuite, il faudrait vraiment faire disparaître le cloisonnement entre le champ de la perte d'autonomie et celui du soin. Aujourd'hui encore, les réflexions, les modes de gestion, les systèmes d'information sont scindés entre ce qui relève de l'assurance maladie nationale et ce qui relève de la CNSA ; cela se fait au détriment des personnes, qui se trouvent piégées dans leur parcours de soins. Il faut impérativement favoriser la transversalité ; une bonne occasion de s'interroger sur les parcours, les personnes et le décloisonnement va s'offrir à nous dans les prochains mois, avec la Stratégie nationale de santé que vient de présenter Mme Marisol Touraine.
Deux perspectives s'ouvrent donc pour l'avenir de la CNSA : l'avant-projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement et la Stratégie nationale de santé.
Je représente M. Gérard Pelhate, le président de la MSA, qui s'excuse de ne pas pouvoir être disponible ce matin.
La MSA est dans une position un peu particulière, puisque, bien que nous soyons une caisse de sécurité sociale multibranches, nous siégeons au conseil de la CNSA en qualité non pas de caisse mais d'institution qualifiée. Le mandat implicite qui nous avait été confié était d'apporter un éclairage sur la dimension territoriale, la MSA étant identifiée au milieu rural.
Je m'associe à ce qui a déjà été dit : la CNSA est un lieu de débat et de production de documents dont il existe peu d'équivalents, que ce soit au sein des caisses ou parmi les agences de l'État.
Toutefois, la CNSA souffre d'un péché originel en ce qui concerne le pilotage, qui découle du fait que l'on a confié à une caisse nationale le soin de piloter des prestations sociales à caractère législatif et réglementaire, mais mises en oeuvre par les collectivités locales. On pourra toujours essayer d'améliorer la situation, on se heurtera toujours au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. On observe notamment des dérapages de plus en plus importants s'agissant du versement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Le secteur des personnes âgées étant peu organisé, il n'y a pas beaucoup de contentieux ; résultat : les plafonds de l'APA retenus sont largement inférieurs à ce que le décret prévoit. C'est très inquiétant. L'erreur provient de ce que l'on a confié une prestation de protection sociale aux collectivités locales.
C'est d'ailleurs la même chose pour le revenu de solidarité active (RSA), dont nous sommes l'organisme payeur pour le public agricole : certains départements ont pris des mesures dérogatoires en faveur des travailleurs agricoles, mais d'autres refusent de le faire. Par conséquent, il se peut que, dans un département, très peu d'agriculteurs aient droit au RSA, alors que les « vannes » sont ouvertes dans le département voisin.
Cette difficulté a en effet été unanimement soulevée.
L'avant-projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement prévoit de créer au sein du conseil de la CNSA un troisième poste de vice-président, qui serait attribué à un représentant des départements. Ce serait déjà une première réponse – certes insuffisante.
En outre, les départements ont été associés aux discussions préparatoires, de façon à ce que ce point soit examiné. Quoi qu'il en soit, nous aurons à faire des propositions en vue de rétablir un certain équilibre et pour que la Caisse ait les moyens de garantir un minimum d'équité entre les territoires.
Peut-être pourrait-on mieux prendre en considération les notions de territoire et de bassin de vie. Les travaux de la CNSA concernant les aspects territoriaux consistent essentiellement en des comparaisons entre départements ou entre régions. Il conviendrait de s'intéresser aussi à l'accessibilité aux différents services pour les bénéficiaires de l'APA et leurs entourages ; des travaux ont été entrepris sur les « zones blanches » dans le domaine de l'assurance maladie, mais pas dans le secteur médico-social. Je précise que cela concerne non seulement les territoires ruraux, mais aussi certaines zones urbaines.
Nous nous réjouissons du projet visant à élargir le périmètre de compétence de la CNSA à la prévention, en liaison avec les politiques de santé publique. Alors qu'en matière de santé publique, il s'agit de prévenir les pathologies, la prévention dans ce nouveau cadre s'intéressera plutôt aux modes de vie. Il faudra néanmoins veiller à la bonne articulation entre les ARS et l'organisme qui sera chargé de la mise en oeuvre des stratégies locales de prévention, notamment dans le cadre des « conférences départementales des financeurs » de la prévention de la perte d'autonomie, qui font l'objet de l'un des articles de l'avant-projet de loi. Je crains que la CNSA ne soit totalement absente de cette instance ; elle va déléguer 115 millions d'euros de crédits aux conseils généraux dans le cadre d'une convention, mais on voit mal de quels leviers elle disposera pour assurer la cohérence des stratégies locales. Nous préférerions que les caisses de retraite, qui seront au centre du dispositif, signent directement une convention avec la CNSA pour la distribution des aides techniques et le déploiement des actions de prévention, dans le cadre d'une instance locale où les conseils généraux pourraient jouer leur rôle de chef de file. Sinon, cela risque de devenir une véritable « foire aux aides techniques », d'autant plus que les sommes en jeu, déjà conséquentes, seront appelées à augmenter avec le vieillissement de la population.
La structuration stratégique de ce volet telle qu'elle est définie dans l'avant-projet de loi ne nous satisfait donc pas, dans la mesure où la CNSA ne pourra pas exercer la moindre responsabilité dans la mise en ordre de ce secteur pourtant essentiel.
Cela pose en effet problème. Vos caisses ont-elles été consultées lors des travaux préalables sur le texte ?
Oui, et nous avons fait part de notre souhait d'être les interlocuteurs de la CNSA pour jouer ce rôle au niveau local, avec les mutuelles et les conseils généraux, mais nous n'avons pas été entendus : le tropisme favorable aux conseils généraux l'a emporté dans les arbitrages finaux…
Je tiens à indiquer, au sujet de la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie, qu'il n'est pas envisageable pour la Mutualité française de siéger dans cette instance au seul titre de « financeur ». Il y a toute une gestion du risque à mettre en oeuvre, et la Mutualité ne peut accepter de restreindre son ambition à mettre au pot dans le cadre d'un financement collectif.
J'ai le privilège de représenter l'UNIOPSS au sein du conseil de la CNSA depuis la création de celui-ci, ce qui me permet de souligner le bilan extrêmement positif de la CNSA en matière de gouvernance. On parle beaucoup de « démocratie sanitaire » à propos des ARS, mais il faut insister sur l'apport de la CNSA à la démocratie médico-sociale, notamment dans la perspective de la construction d'un nouveau champ de la protection sociale – faute d'un « cinquième risque ». Nous avons été, en tant qu'organisation oeuvrant en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, parfaitement associés à la construction de ce concept, dans un cadre qui fut d'une transparence exemplaire s'agissant de la gestion des crédits : il est rare de disposer d'autant d'informations sur leur programmation, leur engagement et leur suivi. Je ne noterai qu'une seule exception, qui concerne les crédits qui ont été attribués, récemment, aux départements en difficulté ; il faut impérativement, sinon que la CNSA joue un rôle de pilotage – on risquerait dans ce cas de lui opposer l'autonomie de gestion des collectivités –, du moins qu'on lui confie l'animation du dispositif, comme on l'a fait pour la prestation de compensation du handicap (PCH), par l'intermédiaire des MDPH.
Nonobstant les critiques qui ont été formulées, nous sommes donc très attachés à la CNSA, qui a acquis un rôle prépondérant grâce à son mode de gouvernance et aux missions qu'elle remplit – d'ailleurs l'UNIOPSS assure l'animation du GR 31, instance de concertation entre les organisations représentatives des personnes âgées ou handicapées siégeant au conseil de la CNSA. Ce rôle me semble emblématique de la mise en place d'une démocratie médico-sociale ; d'ailleurs, son premier président, M. Alain Cordier, a souligné que la CNSA explorait un nouveau champ de la protection sociale.
Bien sûr, il reste beaucoup à faire, notamment pour que soit mise en oeuvre une véritable politique de l'autonomie en direction tant des personnes âgées que des personnes en situation de handicap – car si l'on a évoqué le manque de coordination entre le champ sanitaire et le champ médico-social, il existe aussi cette autre coupure, et la CNSA devrait être l'artisan d'une harmonisation. Même si la création d'un cinquième risque n'est plus à l'ordre du jour, la CNSA reste le lieu privilégié de la construction progressive d'un droit universel à la compensation de la perte d'autonomie.
La création de maisons départementales de l'autonomie (MDA), dont il est question dans l'avant-projet de loi et qui a soulevé bien des débats, traduit bien cette volonté. Toutefois, on ne peut pas se satisfaire de la proposition en l'état, car le texte se contente de mettre en avant la fonction d'harmonisation des méthodologies d'évaluation et d'orientation des personnes, sans qu'une volonté de mettre en oeuvre une politique véritablement convergente soit perceptible. Or, la mutualisation des moyens n'épuise pas le sujet ; il faut impérativement aller plus loin, en ayant recours à des notions comme les parcours de vie et de santé, ou le droit à un projet individuel de vie – qui est reconnu dans le dispositif de la PCH, mais pas dans celui de l'APA. Il importe aussi de réaffirmer le rôle de la CNSA en matière d'animation et de pilotage du dispositif de l'APA.
Autre problème : le relais sur le terrain avec les ARS. Il y a eu des améliorations, notamment en matière de programmation et de pilotage des enveloppes de crédits, mais il reste des efforts à faire, par exemple pour remédier à la sous-consommation des crédits destinés aux personnes âgées ; on a du mal à fonctionner correctement dans le cadre de l'annualité budgétaire. Il convient de réaffirmer à cet égard la mission de pilotage national de la CNSA. En outre, le décalage que l'on observe entre les discours et la réalité est intolérable : sur le terrain, les ARS se plaignent de ne pas avoir de crédits, mais on constate au niveau national que tous les crédits ne sont pas consommés ! La programmation des crédits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement est indéniablement de nature à améliorer les choses.
La création des maisons départementales de l'autonomie suscite bien des réactions, en particulier de la part des personnes handicapées, qui craignent, sans doute à juste titre, que cela ne se fasse à leur détriment. Il faudra donc veiller à ce que tout le monde en tire profit. Durant les discussions préparatoires, des avancées ont été réalisées, et certains départements ont déjà mis en place des MDA ; toutefois, il faut éviter que chacun y mette ce qu'il veut et qu'apparaissent ainsi de nouvelles inégalités.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait établi un droit à un projet de vie pour les personnes en situation de handicap, mais on se rend compte aujourd'hui que la notion même de projet de vie pose problème. Il faudrait faire le bilan, dix ans après, de cette loi, et essayer de redonner du sens à tout cela.
Peut-être serait-il utile en effet de préciser nos attentes envers la CNSA au-delà du texte de loi en préparation.
La FEHAP s'intéresse tout particulièrement au volet relatif aux établissements et aux services. Aujourd'hui, la CNSA répartit, à l'issue d'un dialogue de gestion avec les ARS, les crédits de fonctionnement des établissements et les crédits nouveaux alloués en loi de finances, dans le cadre notamment des grands programmes de création de places. Or ces derniers, comme le plan de solidarité grand âge ou le programme pluriannuel de création de places pour un accompagnement tout au long de la vie des personnes handicapées, sont en voie d'achèvement. Après, il ne restera plus à la CNSA qu'à déléguer aux ARS le versement des moyens nécessaires au fonctionnement quotidien des établissements : vu la conjoncture, on ne lancera probablement plus de vastes programmes de créations de places. La question de la place et du rôle de la CNSA va donc se poser. Ne pourrait-elle pas prendre les commandes d'une restructuration de l'offre locale, dans la mesure où elle aurait en sa possession les données et les informations nécessaires, notamment concernant les « zones blanches » ? La FEHAP a d'ailleurs commencé à faire ce travail s'agissant des services à domicile, en incitant ses adhérents à couvrir les territoires qui ne disposent actuellement d'aucune prestation médico-sociale.
Autre attente : la mise en oeuvre de la onzième mission de la CNSA, relative à l'analyse des coûts des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Depuis deux ans, la situation est au point mort. Cette mission est aujourd'hui déléguée à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) dans le champ des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), , où le pilotage de la CNSA est très ténu. Nous aimerions que le rôle de cette dernière soit renforcé, et qu'il s'applique également aux autres catégories d'établissements et services.
La CNSA a obtenu le pilotage du plan d'aide à l'investissement et elle a rendu un rapport très intéressant qui montre qu'une telle subvention constitue un levier essentiel pour les établissements qui en bénéficient. Or, les nouveaux crédits votés dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale sont gelés depuis plusieurs années ; le programme est financé exclusivement sur les réserves. Sur le terrain, on a le sentiment que la manière dont les subventions d'investissement sont octroyées et in fine validées par la CNSA est assez opaque. Vu la vétusté croissante des établissements et les besoins en matière d'investissement, de renouvellement et de relocalisation – par exemple des instituts médico-éducatifs implantés dans des châteaux isolés –, un coup de pouce serait nécessaire. La CNSA pourrait assurer le pilotage de la politique d'investissement et engager un travail de fond sur ces questions. S'il y a de la transparence dans la manière dont les crédits sont délégués, en revanche il manque des analyses fines et détaillées sur les coûts et les raisons pour lesquelles l'objectif global de dépenses (OGD) des personnes handicapées est dépassé quasiment chaque année, alors que l'OGD global est sous-consommé. Il faudrait donner à la CNSA les moyens humains et techniques de réaliser un tel travail.
Je partage l'opinion d'Adeline Leberche : il serait nécessaire de revoir les modalités de financement et de tarification, ainsi que les dialogues de gestion entre les acteurs.
Ce que la FHF souhaiterait, c'est qu'il y ait une plus grande cohérence et une meilleure coordination entre les différentes initiatives – avant-projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement, Stratégie nationale de santé, projet de loi de santé publique – et que les dispositifs soient recentrés sur la notion de parcours. Or, aujourd'hui, au contraire, tout concourt à renforcer la logique des silos. Est-il vraiment nécessaire de créer de nouvelles instances, comme la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie, de renforcer les oppositions entre pilotage, stratégie et financement, et de complexifier encore le secteur, alors que dans le contexte économique actuel, le principal enjeu est l'efficience ? Comment la CNSA pourrait-elle, sur la base d'une meilleure connaissance de l'offre et des coûts, améliorer l'efficience des établissements et services, sachant qu'il existe des marges de manoeuvre à quasiment tous les niveaux ? Quels sont les leviers à utiliser, les systèmes d'information à employer, les études de coûts à mener pour faire en sorte qu'établissements et services répondent vraiment aux besoins de santé dans un territoire donné ? Comment y parvenir avec les structures existantes, voire en supprimant celles qui n'auraient pas donné la preuve de leur efficacité ? Comment réussir à faire converger des politiques lorsque tout concourt à les séparer ?
Il faudra en effet prendre à bras-le-corps toutes ces questions.
La CNSA a rencontré de grandes difficultés s'agissant des systèmes d'information, et cela dès l'origine. Chaque département a plus ou moins construit son propre système, et il existait une certaine méfiance à l'égard de ce qui pouvait être demandé. Mais les choses sont en passe de s'améliorer – même s'il reste encore du travail.
Tout le monde est conscient qu'il faut renforcer les convergences, et pourtant les politiques précédemment menées allaient plutôt dans le sens d'un cloisonnement. La préparation du projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement a permis de faire bouger les lignes. Toutefois, cela reste insuffisant. Considérez-vous qu'il faille aller vers une évolution législative dans les dix années à venir, et si oui, sur quels points ?
La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées aura dix ans en 2015. Or, un article de cette loi n'a jamais été appliqué : l'article 13, qui abroge les barrières d'âge en matière de compensation du handicap. Il faudrait pouvoir revenir sur la question – sachant que l'avant-projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement n'apporte pas d'avancée significative en la matière.
Les relations entre la CNSA et la DGCS manquent également singulièrement de clarté, notamment pour ce qui est de la définition des politiques de compensation pour l'autonomie et de l'articulation entre les aspects réglementaires et la mise en oeuvre des dispositions ; ainsi, tout ce qui touche à la réforme de la tarification fait l'objet d'allers et retours incessants. On se trouve aujourd'hui dans un régime d'observation.
La FEHAP pense qu'il convient de renforcer les pouvoirs de la CNSA, notamment s'agissant des remontées d'informations en provenance des départements et des ARS. Ne croyez pas que si la CNSA lance une « enquête flash » auprès des ARS, celles-ci y répondront toutes ! Dès lors, les données recueillies ne peuvent pas être exhaustives. Peut-être faudrait-il accorder à la CNSA une sorte de pouvoir de sanction à l'encontre de celles et ceux qui ne respecteraient pas leurs obligations ?
Enfin, pour illustrer le flou qui règne entre les attributions de la CNSA et celles de la DGCS, il faut relever que, depuis l'année dernière, le directeur de la CNSA signe lui aussi les circulaires d'orientation budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. C'est la première fois que l'on voit apparaître cette double signature ; cela montre le glissement du positionnement de la CNSA sur ces missions.
Nous avions traité de ce dernier point à l'occasion d'un précédent rapport.
Mesdames, messieurs, je vous remercie pour cet échange. Si vous avez des éléments complémentaires à nous transmettre, n'hésitez pas à le faire.
La MECSS entend ensuite M. Housseyni Holla, directeur de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), et Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé.
Nous accueillons maintenant M. Housseyni Holla, directeur de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), et Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé.
Dix ans après la création de la CNSA, notre Mission réfléchit aujourd'hui sur la mise en oeuvre de ses missions. Elle a souhaité compléter les travaux qui ont été menés ces dernières années en examinant comment la CNSA se positionne dans le champ médico-social, et comment elle répond aux attentes qui s'expriment dans le cadre des politiques publiques, sachant qu'elle devait entre autres permettre de conforter et de sanctuariser les crédits destinés aux personnes âgées et handicapées. La préparation du projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement est aussi l'occasion de poser un certain nombre de questions sur le rôle de la CNSA et de faire des propositions d'amélioration.
J'organiserai ma présentation à partir des questions que vous m'avez fait parvenir, qui peuvent être regroupées autour de quelques thématiques.
L'ATIH est un établissement public de l'État, placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et régi par les articles L. 6113-33 à L. 6113-52 du code de la santé publique. Son conseil d'administration est présidé par le directeur général de l'offre de soins. Il est composé de représentants de l'État et de l'assurance maladie et de personnalités qualifiées dans le domaine de la santé et de la sécurité sociale. Ses missions sont au nombre de quatre. Il s'agit d'abord de collecter, d'analyser et de restituer toutes les données des établissements de santé, qui portent à la fois sur l'activité, à travers le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), sur les coûts hospitaliers, à travers des enquêtes de coûts, sur l'organisation, la qualité et la sécurité des soins, sur les données financières et sur les ressources humaines.
Nous gérons d'autre part les dispositifs techniques de financement des établissements, sous le pilotage de la DGOS du ministère des affaires sociales et de la santé. Nous participons à l'élaboration de la classification commune des actes médicaux (CCAM), puisque nous travaillons sur la nomenclature avec la CNAMTS. Nous jouons plutôt un rôle technique en ce domaine – c'est la CNAMTS qui négocie avec les professionnels de santé. Nous gérons aussi avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) les classifications internationales des maladies, et nous contribuons à l'élaboration des nomenclatures des dispositifs médicaux et des médicaments.
Enfin, nous concevons – depuis 2012 – des études de coûts sur les EHPAD, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les structures pour personnes handicapées. Il s'agit donc d'une mission récente.
Nous signerons dans quelques semaines avec l'État le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Agence pour la période 2014-2016, qui prévoit la poursuite de l'extension de nos missions dans le secteur médico-social. Outre les études de coûts sur les EHPAD, les SSIAD et les structures pour personnes handicapées, l'Agence devrait reprendre progressivement les tableaux de bord partagés (TBP) et développer et optimiser le recueil des données d'activité du secteur, en lien avec l'ensemble des acteurs – notamment la CNSA, la DGCS et la CNAMTS.
Comment s'organise le travail de l'ATIH sur les études de coûts dans le secteur médico-social ? Dans ce secteur, le périmètre de l'ATIH se limite à la conception et à la réalisation des études de coûts dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Le champ est limité aux EHPAD, aux SSIAD et aux ESMS pour personnes handicapées. Pour conduire ces études de coûts, nous avons besoin de données sur les charges, mais aussi de données d'activité. Nous devrons ici compter sur les systèmes d'information de la CNSA.
Deux instances ont été mises en place pour assurer la gouvernance de ces travaux sur les coûts. Un comité de pilotage tout d'abord, animé par la DGCS, où siègent l'ensemble des acteurs du secteur, à savoir les fédérations intervenant dans les domaines de compétence de la CNSA, les administrations, principalement la DGCS et la direction de la sécurité sociale (DSS), la CNSA et la CNAMTS, qui est chargée d'orienter et de valider les travaux techniques. Un comité technique des études de coûts ensuite, animé par l'ATIH, qui réunit les experts de l'ensemble des acteurs du comité de pilotage et conçoit la méthodologie des études de coûts. L'ATIH conduit donc ces études de coûts selon la méthodologie conçue par le comité technique et validée par le comité de pilotage ; comme vous le voyez, elle le fait en collaboration avec les acteurs du secteur.
Aux termes de la convention signée entre l'ATIH et la CNSA, la CNSA est chargée de l'analyse des coûts des ESMS. Pour atteindre cet objectif, la loi lui permet de s'appuyer sur l'ATIH. Dans la mesure où l'ATIH disposait d'une longue expérience des études dans le secteur sanitaire, il a en effet paru naturel d'étendre cette compétence au secteur médico-social.
En pratique, l'ATIH et la CNSA signent à la fois une convention cadre sur une période de trois ans et une convention annuelle. La convention cadre en cours porte sur la période 2013-2015. Elle programme les travaux sur la période et assure la couverture du financement par la CNSA. La convention annuelle prise en application de cette convention cadre précise quant à elle le programme annuel, les objectifs, les moyens mobilisés et les modalités de financement.
Les crédits sont sollicités par l'ATIH dans le cadre de l'élaboration de son budget prévisionnel annuel. Ils font l'objet d'ajustements en fonction de l'état des travaux, et surtout des arbitrages. Il ne vous a en effet pas échappé que la charge de travail nouvelle pour l'Agence devait s'accompagner d'une évolution de ses moyens financiers et humains, ce qui est évidemment délicat dans la conjoncture actuelle. Notre rythme de travail est conditionné par cette évolution de nos moyens ; en milieu d'année, les financements sont ajustés pour que les prévisions tiennent compte de la réalité. En 2012, les crédits attribués se sont élevés à seulement 60 000 euros ; cette année-là, notre travail s'est borné à concevoir la méthodologie. Il s'agissait pour nos experts d'animer les réunions qui ont permis à l'ensemble des acteurs de valider une méthodologie pour mesurer le coût des établissements. Le secteur médico-social était nouveau pour nous, puisque notre domaine d'activité est plutôt le secteur sanitaire. Les acteurs étaient donc assez réticents à l'idée de transposer une méthodologie du secteur sanitaire au secteur médico-social. Une immersion dans ce dernier secteur s'imposait si nous voulions comprendre ses problématiques et construire un dispositif comparable à ce qui existe dans le secteur sanitaire. En 2013, les crédits alloués se sont élevés à 490 000 euros. Nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs, notamment l'accompagnement des établissements. Je m'explique : une étude de coûts est une opération complexe, que les établissements ne peuvent mener à bien seuls. Il existe donc un dispositif d'accompagnement par l'ATIH, mais aussi par un prestataire engagé par celle-ci, qui les accompagne individuellement.
Le recueil de leurs coûts par les établissements doit se faire selon la méthodologie que nous avons mise au point. Le rôle du prestataire consiste à vérifier que les établissements appliquent cette méthodologie, afin que les coûts puissent être comparés entre établissements. Nous passons un marché avec les prestataires, qui sont pilotés par les experts de l'ATIH ; mais ce sont les prestataires – et non l'ATIH – qui vont dans les établissements.
Absolument.
En 2014, les crédits prévisionnels alloués s'élèvent à 673 000 euros. Nous sommes dans une phase de montée en charge, mais jusqu'à présent, nous nous sommes bornés aux EHPAD. Les arbitrages qui ont été rendus ne nous permettent pas de faire davantage pour le moment.
Nous avons deux dispositifs de mesure des coûts : les enquêtes de coûts et les études de coûts.
L'enquête de coûts est un dispositif allégé de calcul des coûts, qui permet de disposer de résultats plus rapidement, puisque les données sont moins détaillées que pour une étude de coûts. Il s'agit principalement d'un récolement de la comptabilité des établissements. On ne dispose donc pas d'une affectation des charges. Les données sont rétrospectives, puisque nous travaillons sur les données comptables à la fin de l'exercice. Par exemple, les données de 2012 ont été recueillies en 2013, et les résultats ont été restitués début 2014. Le principal objectif est de disposer des coûts par activité principale, les activités principales du secteur étant l'hôtellerie, l'accompagnement des personnes, la vie sociale et les soins dispensés. Ces coûts peuvent également être ventilés selon l'option tarifaire – tarif global avec ou sans pharmacie à usage intérieur (PUI), tarif partiel avec ou sans PUI – ou par poste de charges. Ces enquêtes permettent d'avoir des coûts moyens de référence sur un certain nombre de postes, d'activités ou de postes de charges. Elles permettent aussi aux établissements de se comparer entre eux. Elles peuvent être utilisées par le ministère et par la CNSA pour l'allocation des ressources, mais aussi dans le cadre des travaux de réforme du financement. Enfin, ces éléments peuvent servir pour cibler des gains d'efficience dans les établissements.
Certains établissements disposent d'une pharmacie intérieure, d'autres non. Dans le premier cas, le tarif englobe les médicaments, alors que dans le second, l'établissement doit recourir à des officines.
J'en viens au calendrier de l'enquête 2012. Les travaux ont démarré en juillet 2012 ; le cadre et la méthodologie ont été validés en novembre ; nous avons sélectionné les établissements, avant de les former à l'enquête de coûts, au premier trimestre 2013. Les données ont ensuite été recueillies au deuxième semestre. Les résultats ont été présentés à l'ensemble des acteurs lors de la réunion du comité de pilotage d'avril 2014.
Nous vous avons fait parvenir un dossier de presse sur les premiers résultats de cette enquête.
L'enquête n'a pas porté sur l'ensemble des EHPAD, mais sur un sous-ensemble constitué des EHPAD tarifés au GIR (groupe iso-ressources) moyen pondéré soins (GMPS) et ayant réalisé une coupe PATHOS validée en 2010 ou 2011, soit 821 structures. L'enquête a porté sur un échantillon de 50 de ces établissements, ce qui est significatif, d'autant que les données de toutes ces structures ont été jugées d'une qualité suffisante pour être intégrées.
Le choix de l'échantillon a donné lieu, au sein du comité de pilotage et du comité technique, à de nombreuses discussions, qui ont notamment porté sur la représentativité de l'échantillon. Ce dernier était finalement assez large ; il couvrait toutes les options tarifaires, tarif partiel comme tarif global, tous les statuts juridiques, du privé commercial au public, qu'il soit ou non rattaché à un établissement sanitaire, et toutes les tailles de structures. On retiendra qu'il représentait environ 7 % des places des 821 structures du panel d'origine.
L'enquête a permis de procéder à une estimation du coût « total », qui intègre également les soins de ville des résidents. Ce coût se décompose entre les quatre activités principales citées par M. Holla. Il intègre aussi les charges transversales, à savoir les charges administratives et les charges relatives au personnel affecté à la blanchisserie ou au nettoyage. En revanche, il n'intègre pas les charges relatives à ce que nous appelons la structure immobilière, ni les charges financières.
Le coût total a été estimé à environ 34 700 euros par an, soit environ 2 900 euros par mois. Un tiers de ce coût correspond à l'hôtellerie, un tiers aux soins dispensés, un quart à l'accompagnement et 8 % à 10 % à l'activité de vie sociale. En ce qui concerne les soins dispensés, il convient de dissocier ce qui est pris en charge directement par l'EHPAD pour les EHPAD en tarif global – dans ce cas, le tarif intègre tous les éléments. Pour les EHPAD en tarif partiel, elles sont complétées par les compléments sur les soins de ville, qui représentent environ 6 % du coût annuel soit environ 2 000 euros.
Ces données peuvent être croisées. Dans le cadre du premier communiqué de presse diffusé à l'occasion du comité de pilotage du 2 avril dernier, nous avons présenté un certain nombre de croisements. Le coût peut ainsi être décomposé entre les grandes activités ou les principaux postes de charges – personnel, médicaments, dispositifs médicaux. Si l'on s'intéresse par exemple aux soins dispensés, on constate que la majorité des charges sont des charges de personnel. Nous allons procéder à d'autres croisements de données, qui donneront lieu à une publication début juillet, dans le cadre d'une journée organisée par la DGCS et la CNSA, à laquelle seront conviés tous les établissements ayant participé à l'enquête. Nous procéderons alors à une restitution plus complète ; les établissements se verront également restituer leurs propres données.
Selon le dossier de presse, que je vous remercie de nous avoir adressé, nous arrivons donc à un montant de 34 700 euros par an, soit 2 892 euros par mois.
Que recouvrent exactement les charges liées à la structure immobilière ? S'agit-il de l'entretien des bâtiments ou des équipements ? La question des investissements et des charges immobilières, qui représentent souvent des frais assez lourds pour les établissements, a été soulevée par plusieurs rapports.
La structure immobilière intègre toute la partie bâtiments. Comme je l'ai dit, le coût que nous avons estimé grâce à l'enquête exclut également les investissements et les emprunts, autrement dit les charges financières. Elles ont été exclues car nous procédons à des traitements statistiques pour passer d'une observation sur 50 établissements à une estimation la plus proche possible du coût auquel nous serions parvenus si nous avions été capables de le mesurer sur les 821 établissements. Dans le cadre de ces redressements statistiques, nous utilisons des informations qui sont disponibles sur les 821 établissements, afin de faire un redressement de la population de l'enquête à la population nationale. La difficulté était que nous ne disposions pas de ces informations sur l'ensemble des 821 structures. Nous connaissions notre échantillon, mais nous ignorions s'il était caractéristique de notre population – les 821 structures. Par conséquent, nous ne pouvions procéder à des redressements ayant du sens.
Néanmoins, nous sommes conscients que ces charges constituent un poste important. Nous nous sommes donc engagés vis-à-vis de nos partenaires à les étudier plus spécifiquement sur l'échantillon et à essayer de les intégrer dans le cadre de la prochaine enquête, y compris dans les estimations nationales.
Ces charges pèsent en effet lourd dans le reste à charge, comme l'avait relevé dans un rapport parlementaire Mme Paulette Guinchard, actuelle présidente de la CNSA. Mais nous comprenons bien l'intérêt de cibler l'enquête sur les trois grandes activités dans un premier temps.
La même question s'était posée en son temps pour le secteur sanitaire. Nous avions intégré ces charges, mais la méthodologie est à nouveau débattue par les acteurs du secteur. Il s'agit donc d'un sujet complexe. Instruits de ce précédent, nous espérons parvenir à une solution pour le secteur médico-social. Le problème est de trouver un consensus.
Nous avons décidé avec la DGCS et la CNSA de poursuivre l'enquête de coûts en 2013, ce qui nous permettra de conforter les résultats dont nous disposons déjà. Nous allons affiner certains postes, notamment l'hôtellerie, par exemple en distinguant la restauration et la blanchisserie, qui sont des éléments importants dans le secteur. Surtout, nous allons essayer d'élargir l'échantillon. Pour les statisticiens, 50 structures peuvent suffire si elles couvrent les différentes facettes du secteur ; mais il n'est pas facile de couvrir toutes ces facettes. Tout au moins, les acteurs ont du mal à saisir que cet échantillon permet d'obtenir des résultats précis. Nous nous sommes donc engagés à élargir l'échantillon à une centaine de structures. C'est assez complexe : il faut trouver des établissements volontaires et prêts à s'engager sur la durée. Or, la participation à l'enquête représente une charge de travail importante.
L'élargissement de l'échantillon nous permettra de procéder à davantage de croisements qu'aujourd'hui. Le calendrier de l'enquête est arrêté : la sélection et la formation des établissements ont lieu au premier semestre 2014 ; le recueil des données s'effectuera au second semestre 2014, et la présentation des résultats au premier trimestre 2015. Comme vous le voyez, une enquête de coûts est assez rapide : elle ne nécessite qu'une année et un trimestre. Néanmoins, les résultats ne sont pas totalement satisfaisants. Ils permettent certes de calculer des coûts moyens par établissement, mais pas de tenir compte de la structure ou de la typologie des résidents. Pour cela, il faut une étude de coûts.
L'étude de coûts est une méthodologie plus complexe de mesure des coûts. Au-delà de la connaissance des coûts par activité principale et par poste de charges, elle vise à mesurer le coût moyen par résident en fonction de la typologie de la prise en charge. Nous faisons ici intervenir les pathologies, à travers les coupes PATHOS et le degré de dépendance, à travers le GIR des résidents. Cela implique de recourir à une affectation des charges par résident, qui est nécessairement prospective, c'est-à-dire qu'elle s'effectue tout au long de l'exercice. Cette opération assez complexe va nous permettre de disposer de coûts moyens de référence par typologie de résident, et donc de comparer des établissements n'ayant pas nécessairement les mêmes résidents. Bref, nous pourrons neutraliser « l'effet clientèle ». Nous pourrons également ventiler ce coût moyen par typologie selon les activités principales, et constater par exemple que selon les typologies, c'est l'hôtellerie ou la vie sociale qui prédomine. Ces éléments fins permettront à la DGCS et à la CNSA de mieux travailler sur le financement des établissements, l'allocation des ressources, mais aussi – puisque nous serons en mesure de comparer des établissements ayant une clientèle différente – les gains d'efficience potentiels.
Je vous ai dit que nous avions fait une enquête de coûts en 2012 et que nous en avions lancé une autre en 2013. Nous allons aussi procéder à une étude de coûts sur les données de 2015. Le calendrier est le suivant : nous avons commencé à travailler sur la méthodologie ; ces travaux se poursuivront tout au long du premier semestre 2014. Nous devons notamment nous intéresser au cadre de recueil de l'activité. En effet, nous avons besoin d'affecter des résultats par résident – ce qui suppose de les connaître précisément. Le travail de recueil des données est donc beaucoup plus lourd.
Nous allons sélectionner et former les établissements au cours du deuxième semestre 2014. Le recueil des données descriptives de leurs résidents se fera sur toute l'année 2015. Comme je vous l'ai dit, il s'agit d'une enquête prospective, tout au long de l'exercice, ce qui rend l'opération beaucoup plus longue que dans le cas de l'enquête.
Nous recueillerons les données comptables au cours de l'année 2016, à la fin de l'exercice comptable 2015. Les résultats ne pourront être présentés qu'en 2017. Pour les acteurs qui souhaitent mettre en place de nouveaux dispositifs de financement, le délai est assez long. C'est pourquoi nous avons commencé par conduire des enquêtes de coûts.
Nous ne ferons pas d'enquête de coûts en 2014, en raison du risque de chevauchement avec l'étude de coûts sur les données de 2015, et de la charge de travail que cela représenterait pour les établissements concernés. Nous disposerons donc des enquêtes de coûts sur 2012 et 2013, et de l'étude de coûts sur les données de 2015, dont les résultats seront disponibles en 2017. D'ici là, les enquêtes permettront déjà de mettre en place un certain nombre de politiques, que l'étude viendra ensuite affiner.
Les résultats de l'étude ne seront disponibles qu'en 2017. En revanche, nous disposons déjà de ceux de l'enquête de 2012 ; ceux de l'enquête de 2013 seront disponibles en 2015. Les décideurs disposeront donc d'éléments bien avant 2017.
Ces enquêtes et cette étude permettront enfin à la CNSA de disposer de données plus précises. Le manque de connaissance précise de ces coûts et de la situation des établissements et du secteur constitue aujourd'hui une réelle difficulté. La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) nous disait tout à l'heure qu'un travail sur la question de la tarification s'imposait. La démarche que vous mettez en oeuvre contribuera à une meilleure connaissance des réalités des établissements et des services.
L'intervention de l'ATIH a été assez appréciée par les fédérations qui nous connaissaient déjà dans le secteur sanitaire – ce qui est le cas de la FEHAP. La FEHAP et la Fédération hospitalière de France (FHF) ont vu d'emblée l'exploitation qui pourrait être faite de ces résultats en termes de financement. Mais il y a tout de même un travail à faire pour passer de la mesure des coûts à la mise en place d'un dispositif de financement. Je note qu'aujourd'hui, l'ATIH n'est pas missionnée sur le travail que vont entamer la CNSA, la DGCS et les différents acteurs sur la réforme du financement. Nous fournissons simplement les outils techniques qui permettront de la concevoir.
J'en viens au TBP des ESMS. Le tableau de bord a été conçu comme un outil de dialogue entre les ARS, les conseils généraux et les gestionnaires des établissements. Il devrait permettre un benchmarking entre ces établissements. Il peut aussi être utilisé pour le pilotage interne.
Cet outil est constitué d'indicateurs d'activité, de qualité et de coût présentés selon quatre axes : les prestations de soins et l'accompagnement, les ressources humaines et les moyens matériels, les finances et le budget, et enfin la qualité.
Le TBP a été mis en place par l'ANAP, l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. Les travaux ont commencé en 2009 et se sont concrétisés en 2010 et 2011. Entre 2011 et 2013, il a été expérimenté par cinq ARS sur environ 800 établissements. En 2014, il est prévu d'étendre l'expérimentation à neuf ARS, en passant de 800 à 4 000 établissements, et de transférer la gestion du tableau de bord – aujourd'hui confiée à un prestataire de services – à l'ATIH. L'ANAP n'est en effet pas en mesure de gérer les bases de données, sachant qu'à terme, nous devrions passer de 4 000 à 17 000 structures.
L'ATIH reprendra donc en 2014 cet outil dont la fonction est triple : assurer la collecte des données par les établissements, aider les ARS à accompagner les établissements dans cette collecte et restituer les indicateurs aux acteurs.
La montée en charge matérielle se fera en trois phases. Dans un premier temps, nous avons repris l'outil pour le faire fonctionner correctement dans l'ensemble des ARS et des établissements concernés. Nous l'ajusterons ensuite à la montée en charge sur neuf ARS et 4 000 établissements, ce qui représente un travail important ; les premiers éléments de diagnostic nous font d'ailleurs craindre quelques difficultés. Enfin, nous allons travailler à sa généralisation sur les 17 000 structures. Nous sommes aujourd'hui en attente d'arbitrages. Nous sommes capables de maintenir l'outil sur les cinq ARS ; avec un effort de productivité conséquent, nous pouvons l'étendre à neuf ARS. En revanche, il sera difficile de l'étendre à moyens constants à l'ensemble des structures.
Travaillez-vous avec le conseil scientifique de la CNSA ? Selon vous, le rôle de ce dernier pourrait-il être accru ?
Par ailleurs, où en est le projet « personnes âgées en risque de perte d'autonomie » (PAERPA), expérimenté dans neuf ARS, qui doit permettre d'évaluer les différents modes d'allocation de ressources nécessaires à la prise en charge de ces personnes ? Quel est le rôle de l'ATIH dans la mise en oeuvre de ce dispositif ?
En tant que membre du comité national de pilotage du projet PAERPA, l'ATIH a participé à l'élaboration du cahier des charges de l'expérimentation et à la mise en oeuvre du projet. Nous travaillons aujourd'hui, dans le cadre du comité d'évaluation piloté par l'ANESM, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à la définition des indicateurs de suivi et d'évaluation. Notre rôle est surtout un rôle de soutien et d'expertise technique sur l'ensemble des indicateurs utilisant les données d'activité des établissements de santé. Nous accompagnons le déploiement sur le terrain organisé par l'ANAP, dont l'évaluation est assurée par l'ANESM. Autant nous avons contribué à monter le projet, autant notre rôle dans son déploiement – qui est un rôle d'expertise technique – est modeste.
Nous n'avons pas d'interactions avec le conseil scientifique de la CNSA. Il m'est donc difficile de porter une appréciation sur un éventuel accroissement de son rôle. En revanche, nous pourrions être intéressés par ses travaux. Le secteur médico-social exerce une influence sur le secteur sanitaire : tout ce qui a trait à la dépendance, à l'autonomie ou au handicap, affecte de manière importante la prise en charge sanitaire. Les quelques explorations que nous avons pu faire ne nous ont toutefois pas permis de savoir si nous pourrions utiliser ces travaux dans notre secteur d'activité.
Nous mobilisons pour le moment très peu les systèmes d'information de la CNSA, puisque nous avons investi le secteur médico-social à travers les études de coûts, et que l'extension de nos missions dépend des moyens disponibles. Mais comme je l'ai rappelé, le contrat d'objectifs et de performance prévoit que l'ATIH développe et optimise le recueil des données d'activité sur le secteur avec ses acteurs. Nous serons donc conduits à nous interroger à brève échéance sur la mesure de l'activité. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait, puisque nous avons dû aller chercher des données dans le système d'information de l'assurance maladie ; nous avons utilisé les coupes PATHOS et les GIR, mais simplement au niveau de l'enquête de coûts. Lorsque nous allons descendre au niveau de l'étude de coûts, où nous avons besoin d'informations individualisées, nous pourrons porter un jugement sur les systèmes d'information de la CNSA. Aujourd'hui, nous ne les utilisons pas assez pour le faire.
Vous avez travaillé essentiellement sur les EHPAD. Envisagez-vous de travailler sur les établissements et les services pour personnes handicapées ?
Absolument. Les trois catégories de structures – EHPAD, SSIAD et établissements et services pour personnes handicapées – figurent dans le texte qui a étendu les missions de l'ATIH au secteur médico-social. Tout est question d'arbitrage. Les priorités qui doivent être retenues ne nous ont pas permis pour le moment d'entamer les travaux sur les établissements et services pour personnes handicapées. Nous sommes disposés à travailler sur ce secteur, mais l'arbitrage est en cours.
Dans son rapport de 2011 sur l'application sur les lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a qualifié l'ATIH d'« opérateur fragile exposé à un risque de dispersion de ses forces ». L'Agence est-elle aujourd'hui en mesure de faire ses preuves et de rassurer le secteur sur ces questions de coût, qui contribuent à une transparence devenue indispensable dans le contexte actuel ? Comment concevez-vous le rôle de l'ATIH dans les années à venir ?
Notre volonté est de continuer à travailler sur le secteur médico-social. Il me semble que nous avons fait nos preuves avec l'enquête de coûts : nous avons tenu les délais sur lesquels nous nous étions engagés, et nous avons su collaborer avec l'ensemble des acteurs. Ces derniers nous ont acceptés, en dépit du fait que nous étions issus d'un secteur sanitaire marqué par la tarification à l'activité (T2A). Nous sommes disposés à investir l'ensemble des trois champs. Nous avons une expérience ancienne sur les données d'activité du secteur sanitaire : nous avons développé nos compétences sur l'ensemble des données sanitaires, et pas seulement les données d'activité ; nous collectons donc toutes les données sur le secteur sanitaire, et nous ambitionnons de le faire – mais cela dépendra des arbitrages – sur le secteur médico-social.
Nous vous remercions pour votre présentation et vos réponses. Nous suivrons la suite de vos travaux avec intérêt. N'hésitez pas à nous transmettre tous les documents qui pourraient permettre de compléter vos propos.
La MECSS en vient à l'audition de Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des affaires sociales et de la santé.
Nous accueillons maintenant Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale.
Pouvez-vous, après avoir rappelé les rapports que la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) entretient avec la CNSA, nous indiquer la vision qui est la vôtre du rôle et des missions de la CNSA ? Comment serait-il possible selon vous d'améliorer l'exercice de ses missions par la Caisse ? Quel regard portez-vous sur le travail accompli depuis dix ans par la Caisse ?
La CNSA aura en effet dix ans le 30 juin prochain. Elle est devenue un acteur incontournable dans l'exercice de ses trois missions : caisse, agence d'appui technique, lieu de débat via son conseil. Se retrouvent en effet au sein de cette instance d'un caractère tout particulier, la CNSA étant un établissement public créé par la loi, l'ensemble des acteurs du champ de l'autonomie, financeurs, État, caisses de sécurité sociale, départements, associations, usagers, partenaires sociaux.
Ces trois missions vont être confortées et étendues par le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, afin que la CNSA devienne ce à quoi de nombreux acteurs aspirent : une véritable « maison commune de l'autonomie ».
J'exposerai d'abord les progrès réalisés en matière de gouvernance de la CNSA et de pilotage de la dépense publique au cours de ces dix dernières années, puis les chantiers qui sont encore devant nous, et enfin ce que la future loi sur le vieillissement va changer.
Les progrès réalisés depuis dix ans ont permis de clarifier les relations entre la CNSA et les autres financeurs du secteur médico-social, d'améliorer le pilotage de la dépense. Ces avancées ont été formalisées par la dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre l'État et la CNSA.
Ce sont d'abord les relations avec l'État qui ont été clarifiées, notamment celles entre la Caisse et la DGCS. Il s'agit d'une relation classique entre un opérateur et l'administration centrale sous la tutelle duquel il exerce ses missions. La DGCS vient à l'appui de la conception des politiques publiques de cohésion sociale, en particulier en participant à l'élaboration des projets de loi ou de décret. Nous sommes à la disposition du Gouvernement pour préparer, mettre en oeuvre et évaluer l'ensemble de ces politiques, au cas d'espèce celles relatives à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
La CNSA, quant à elle, est un opérateur sous tutelle dont la mission est de mettre en oeuvre les politiques publiques telles qu'elles ont été définies. Elle est notamment chargée de gérer les crédits destinés à financer la compensation de la perte d'autonomie. S'agissant de la compensation collective, c'est-à-dire l'offre en établissements et en services médico-sociaux, ces crédits proviennent essentiellement de l'assurance maladie et relèvent de l'objectif nationale des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). S'y ajoute une part du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie, la CSA, créée après la canicule de l'été 2003 et qui était financée par la journée de solidarité envers les personnes âgées. Quant aux crédits de la compensation individuelle, financée par les concours de la CNSA aux départements au titre de l'APA et de la PCH, ils proviennent principalement de la CSA, à quoi s'ajoute une petite partie du produit de la contribution sociale généralisée (CSG).
La CNSA doit gérer l'ensemble de ces crédits conformément à des objectifs de transparence vis-à-vis de l'ensemble des acteurs et d'équité territoriale. Elle exerce en outre une mission d'appui technique aux ARS et aux départements dans la mise en oeuvre des politiques ainsi financées. La COG qui lie l'État à la CNSA précise les modalités selon lesquelles nous exerçons notre tutelle sur la Caisse.
Les relations de la Caisse avec les départements ont également été clarifiées, puisque la CNSA finance pour partie l'APA et la PCH, qui constituent les sections 2 et 3 de son budget. La CNSA a la possibilité de saisir la chambre régionale des comptes quand la sincérité des calculs des concours est mise en cause. Dans le champ des personnes handicapées, elle a également compétence pour mettre à disposition des MDPH des outils d'évaluation des besoins, diffuser des bonnes pratiques, et assurer une répartition équitable de la PCH entre l'ensemble des MDPH. Ainsi, la CNSA appuie les MDPH dans leurs décisions d'orientation des personnes handicapées vers les établissements ou les services – Mme Carlotti lui avait confié une mission d'expertise et de conseil concernant notamment les cas complexes. Dans le cadre de la mission de réflexion confiée à M. Denis Piveteau quant aux modalités de prise en charge des personnes dont le handicap est difficile à gérer, c'est avec la CNSA que devront être définis les mécanismes permettant aux MDPH de prendre des décisions d'orientation plus claires. Il s'agit d'assurer une prise en charge qui puisse varier en fonction de l'état de la personne.
Le projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement va étendre ces missions d'appui technique et de construction de référentiels avec les acteurs à la gestion de l'APA par les départements.
S'agissant de l'assurance maladie, je rappelle que les crédits de l'ONDAM spécifiquement dédiés au secteur médico-social – soit 17,6 milliards d'euros en 2014 – sont gérés par la CNSA.
La CNSA a également fait des progrès significatifs en matière de pilotage de la dépense.
Si les réserves de la CNSA étaient si importantes les premières années, cela était dû, d'une part, au fait que le produit de la nouvelle contribution de solidarité pour l'autonomie n'avait pas été immédiatement utilisé et, d'autre part, au lancement de deux plans nationaux de créations de places en établissements et services médicosociaux (ESMS), celui destiné aux personnes handicapées et le plan de solidarité grand âge, le PSGA, et au mouvement de médicalisation des EHPAD.
Afin d'améliorer le niveau de consommation de ces crédits, la CNSA a mis en place un mécanisme d'enveloppes anticipées. Jugé insatisfaisant par un rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF (Inspection générale des affaires sociales-Inspection générale des finances) de 2010, il a été remplacé par un mode de gestion en autorisations d'engagement et crédits de paiement (AE-CP). Alors qu'auparavant la CNSA devait disposer des crédits nécessaires avant que la création de nouvelles places soit autorisée, la gestion AE-CP permet de délivrer les autorisations de création de places et de démarrer les travaux sans attendre que la CNSA dispose effectivement des crédits de paiement correspondants.
Ce mode de gestion a également été utilisé pour les crédits de médicalisation. En effet la médicalisation d'un EHPAD suppose la signature d'une convention tripartite (CTP), entre l'établissement, le département et l'ARS, ainsi que la réalisation d'une coupe transversale de l'état des patients permettant de définir, à partir du référentiel PATHOS, le niveau de « pathossification ». Tout cela prend du temps.
L'amélioration de l'anticipation de la notification des autorisations d'engagement de médicalisation avait permis de notifier aux ARS 130 millions d'euros en 2014 contre 85 millions d'euros en 2013, ce qui leur a donné une plus grande souplesse pour renouveler les CTP.
À cela se sont ajoutés les efforts de toutes les directions d'administration centrale concernées, DGCS, sécurité sociale et budget, pour avancer la campagne budgétaire, les ESMS déjà installés étant financés par douzième. Cette procédure budgétaire dure soixante jours et démarre au moment où le directeur de la CNSA notifie les crédits de fonctionnement de l'année aux ARS. Alors qu'en 2012 cette notification avait eu lieu le 12 mai, elle a été faite le 10 avril en 2013 et le 29 avril en 2014. L'objectif est de faire en sorte que l'ensemble des questions financières relatives à la CNSA puissent être réglées le plus rapidement possible une fois la loi de financement de la sécurité sociale adoptée afin qu'on puisse déterminer la répartition des crédits et notifier les autorisations d'engagement aux ARS. Les progrès sont indéniables même si je ne peux pas me satisfaire d'une notification au 29 avril.
Enfin, la CNSA a mis en place le système d'information Harmonisation et partage de l'information (HAPI), qui permet de suivre l'intégralité de la tarification des ARS depuis la campagne de 2013.
Ces trois mécanismes permettent un meilleur suivi de la consommation des crédits et donc de diminuer la sous-consommation de l'objectif global de dépense de la CNSA, soit l'addition des crédits de l'assurance maladie et de la part du produit de la CSA finançant la compensation collective. Cette sous-consommation est passée de 189 millions d'euros en 2012 à 156 millions d'euros en 2013, soit une baisse de 17,6 % – je rappelle qu'elle avait atteint 250, voire 350 millions d'euros les années précédentes. Cette diminution est due aussi à un meilleur ajustement du montant des crédits nécessaires. On a pu ainsi redistribuer des crédits aux ARS qui en avaient besoin.
L'ensemble de ces progrès ont été formalisés dans une convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNSA conclue pour la période 2012-2015 et dont nous surveillons la bonne exécution dans le cadre d'un comité de suivi réunissant deux fois par an le directeur de la sécurité sociale, celui du budget et moi-même. Avec M. Luc Allaire, directeur de la CNSA, nous y suivons l'avancement des chantiers définis dans la COG.
L'ensemble de ces chantiers avance de façon convenable, à l'exception de la mise en oeuvre du système d'information partagé pour l'autonomie des personnes handicapées, le SipaPH, dont chacun d'entre nous a jugé les résultats insatisfaisants. La CNSA va malheureusement devoir mettre en place un nouveau système.
C'est un problème qui ressort de toutes les auditions que nous avons menées jusqu'ici. La Cour des comptes avait quant à elle souligné l'inadaptation des systèmes d'information utilisés par la CNSA. Quelles seraient selon vous les pistes d'amélioration ? Avez-vous pu échanger sur ce sujet avec la CNSA ? Quel est l'état d'avancement du chantier d'« urbanisation » ?
Au nombre des chantiers en cours, il y a beaucoup de chantiers informatiques. Le secteur médico-social souffre en effet d'un retard dans l'informatisation des données. C'est d'autant plus préjudiciable qu'une connaissance précise des besoins et des dépenses permet d'améliorer tant la prise en charge des personnes que la maîtrise budgétaire, si importante dans une période où chaque denier public doit être optimisé.
Parmi ces chantiers figure une étude d'« urbanisation » mise en oeuvre par la DGCS. Comme vous le savez, l'urbanisation des systèmes d'information vise à assurer une communication entre différents systèmes. Cette étude tend à s'assurer que tous les systèmes d'information des ARS sont compatibles avec les systèmes d'information médico-sociaux pour ce qui concerne l'offre collective de prise en charge des personnes. S'agissant de la compensation individuelle, la CNSA a mis en place une étude d'urbanisation plus ciblée sur son champ de compétence, qui doit constituer un des jalons de notre étude d'urbanisation. Cette étude porte sur les sujets de compensation individuelle, qui sont aujourd'hui les plus complexes et sur lesquels nous ne rendons pas suffisamment de compte, notamment à la représentation nationale. Ainsi, alors que le projet annuel de performances du programme 157 du budget de l'État, « Handicap et dépendance », prévoit que nous vous indiquions tous les ans le taux de réalisation des décisions d'orientation, nous ne sommes pas en mesure de le faire du fait de l'absence d'un système d'information permettant de connaître les décisions prises par les MDPH, ainsi que d'un défaut de communication entre les systèmes d'information des MDPH et les systèmes d'information des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS).
Cette absence s'explique en partie par la multiplicité des acteurs oeuvrant dans le champ médico-social – vous savez qu'il existe 30 000 ESMS – qui trouve elle-même son origine dans l'histoire de cette prise en charge. Celle-ci en effet, avant d'être financée par l'État, a été construite par la société civile. Aujourd'hui, même si elle est en grande partie financée par les politiques publiques, elle reste pour l'essentiel assurée par des associations – à 90 % dans le domaine du handicap. Nous devons parvenir à ce que les systèmes de gestion de ces associations puissent transmettre des données aux MDPH afin que puisse être assuré un suivi des décisions d'orientation. Une meilleure connaissance de ces données doit nous permettre de faire évoluer les modalités de prise en charge.
Il faut pour cela que les pratiques des MDPH soient harmonisées. C'est le coeur de la mission confiée à M. Denis Piveteau. La CNSA a également dédié un groupe de travail à cette question. Son objectif est d'homogénéiser, en lien avec les MDPH, leurs décisions d'orientation.
On a perdu beaucoup de temps, dans le cadre de ce fameux SipaPH, à essayer d'harmoniser des données issues de systèmes d'information différents, chaque MDPH ayant, au moment de sa création, créé son propre système de gestion, reprenant parfois celui du département dont elles relevaient. Je crois, et les départements sont d'accord avec moi sur ce point, qu'il faut désormais établir un système d'information unique, commun à toutes les MDPH, seul à même de nous permettre de disposer des données dont nous avons besoin.
Par ailleurs, le conseil de la CNSA réfléchit à l'opportunité d'adopter une vision plus qualitative de l'offre de prise en charge, une vision excessivement quantitative de la répartition des crédits ayant prévalu jusqu'ici. Aujourd'hui, plus que de lancer des plans massifs de création de places, on cherche à adapter beaucoup plus finement la prise en charge aux besoins réels, via des transformations ou des créations plus ciblées sur des handicaps particuliers dont la prise en charge est insuffisante ou sur des territoires en difficulté.
Vous soulevez là une préoccupation majeure : celle de l'adaptation de l'offre et de la définition d'un parcours de la prise en charge, et la mission confiée à M. Denis Piveteau devrait apporter des éléments de réponse sur ce point.
Avez-vous, dans cette perspective, réfléchi aux modalités d'organisation de l'offre sur l'ensemble du territoire afin d'assurer une prise en charge spécifique des situations particulières de handicap ?
Ce point est effectivement au centre de nos réflexions sur l'avenir.
S'agissant des personnes handicapées, nous sommes en train de mettre en place une équipe dédiée, conformément aux préconisations des deux rapports rédigés par Mme Agnès Jeannet et M. Laurent Vachey au nom de l'IGAS et de l'IGF, et consacrés à l'offre et aux modalités de financement des établissements et services pour personnes handicapées. C'est là un sujet que les deux auteurs connaissaient parfaitement, Mme Agnès Jeannet présidant par ailleurs le conseil d'administration de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et M. Laurent Vachey ayant dirigé la CNSA.
Cette équipe devra travailler à redéfinir, avec l'ensemble des acteurs concernés, associations, départements, responsables d'établissement, les besoins et les modalités de leur prise en charge. Aujourd'hui, alors que l'on assiste à une explosion du handicap psychique ou du pluri-handicap, pathologies caractérisées par l'instabilité, les prises en charges doivent pouvoir être modulées. On doit pouvoir passer, par exemple, d'une prise en charge à domicile à une hospitalisation en établissement en cas de crises, de décompensation ou de difficultés aiguës.
Cette équipe sera mise en place à partir de septembre ; elle comptera cinq membres et oeuvrera sous la responsabilité d'une personne que j'ai déjà nommée au sein de la DGCS. Cette équipe sera pilotée par le directeur de la CNSA et moi-même. Elle rendra régulièrement des comptes à l'assurance maladie et aux départements, les deux financeurs. Un comité de pilotage, où l'ensemble des acteurs seront représentés et qui se réunira plusieurs fois par an, sera chargé de valider les grandes étapes, sur le modèle du comité d'évaluation de cette politique. Sa première réunion interviendra avant cet été.
Cette équipe aura trois ans pour définir les besoins, les modalités d'offre, de financement et de tarification des établissements et services pour les personnes handicapées. Cela peut paraître long, mais je rappelle qu'il a fallu dix ans pour mettre en place la tarification à l'activité. Il vaut mieux prendre le temps de la concertation avec les financeurs et les usagers.
Depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, l'ensemble des établissements et services doivent faire l'objet d'évaluations internes et externes. Nous sommes aujourd'hui en pleine période d'évaluation. Avec l'ANESM, nous sommes en train de mettre en place des sessions de formation destinées aux responsables d'ARS et aux directeurs d'ESMS qui souhaitent apprendre à effectuer ces évaluations, qui sont aujourd'hui réalisées par des organismes extérieurs, agréés par l'ANESM.
Ensuite, les ARS, les départements s'agissant des établissements qu'ils financent, et l'État s'agissant des ESMS financés par lui, auront deux ans, de 2015 à 2017, pour analyser les résultats de l'évaluation externe. En fonction de ces résultats, ils auront à décider de renouveler l'autorisation tacite pour les établissements – on imagine que ce sera le cas de la majorité d'entre eux – qui auront su s'approprier la question de la qualité et dégager des voies de progrès. Cette période de deux ans doit leur permettre d'aider, voire de contraindre ceux d'entre eux qui connaissent des difficultés à engager des processus d'amélioration de la qualité de leurs prestations, afin que leur autorisation puisse être renouvelée en 2017.
Nous travaillons enfin avec l'ensemble des responsables sanitaires et les ARS à mettre en place un cadre juridique susceptible d'améliorer la fongibilité entre les secteurs sanitaire et médico-social. En effet, du fait du vieillissement de la population, les besoins de prise en charge médico-sociale explosent, alors que notre système de santé est très orienté vers la prise en charge des pathologies aiguës. Il y a donc des restructurations à opérer et des coopérations à établir. Certes, il existe déjà des groupements de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS), ou des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), mais ces instruments juridiques ont d'abord un objectif économique. Il faudrait également permettre la signature de CPOM entre les établissements et leurs financeurs et des regroupements entre établissements et services ayant des activités différentes. C'est ainsi qu'on pourra établir les parcours de prise en charge que vous appelez de vos voeux. Pour cela, il faut, non pas créer un service supplémentaire, mais faire de l'un des ESMS la plateforme autour de laquelle s'organisent les autres établissements.
S'agissant plus spécifiquement de la prise en charge des personnes âgées, ce sont souvent les EHPAD qui jouent le rôle de centre de ressources en cas de coopération entre les établissements. Un tel système existe déjà sur le terrain et semble fonctionner, mais on peut imaginer d'autres modalités de régulation de l'offre de prise en charge.
Le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement va introduire des changements dans la prise en charge de la dépendance. Ce texte va créer des conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie qui réuniront, sous la présidence des départements, les ARS et l'ensemble des acteurs de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Ces conseils auront la charge de formaliser dans chaque bassin des chartes définissant un système de coopération. Aux termes de l'avant-projet de loi, la MAIA, acronyme qui désigne une maison pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer, désignera désormais une méthode pour accompagner de manière intégrée toutes les personnes âgées.
L'objectif est de laisser à ces conseils départementaux le soin d'organiser ces prises en charge intégrées au niveau des bassins de vie. Il importe peu qu'elles relèvent d'une MAIA, d'un EHPAD, d'un centre local d'information et de coordination, un CLIC, du réseau gérontologique, etc. Ce qui compte, c'est que les structures ne s'additionnent pas les unes aux autres, mais qu'elles s'organisent autour d'un établissement ressource.
Vous avez indiqué que la définition des besoins, des modalités d'offre et de financement de la prise en charge de la dépendance va prendre du temps. Peut-on imaginer des solutions transitoires pour assurer dans l'immédiat des prises en charge plus précoces ?
J'ai pu mesurer moi-même, en tant qu'usager ou dans mon entourage, les obstacles à la prise en charge des difficultés sociales, médico-sociales ou sanitaires qui peuvent naître du millefeuille administratif, et je sais combien le sentiment d'abandon alors qu'on est en situation de vulnérabilité est insupportable. J'attends beaucoup de la mission confiée à M. Denis Piveteau et du travail actuellement accompli par la CNSA pour mieux qualifier les décisions des MDPH. Je pense qu'on ne doit pas tout attendre de la création de nouvelles places : il y a des solutions à trouver dans l'offre existante, à la condition d'établir des coordinations, et cela sera plus rapidement réalisable si les décisions des MDPH sont mieux qualifiées, et si les ESMS coopèrent. De ce point de vue, j'attends beaucoup de la future loi sur l'adaptation de la société au vieillissement.
En tant que productrice de réglementations, je déplore qu'il faille parfois sur le terrain contourner la réglementation pour rendre la coopération possible, alors qu'il faudrait au contraire que la réglementation favorise la coopération. C'est pourquoi nous réfléchissons, avec mon équipe, à adapter la réglementation à la réalité.
Ainsi, dans le cadre du Plan pauvreté, nous avons mis en place dans une dizaine de départements l'expérimentation « Agir pour améliorer la gouvernance et l'initiative locale pour mieux lutter contre l'exclusion ». Il s'agit de favoriser des coopérations entre les acteurs du monde social – départements, État, caisses d'allocations familiales, caisses d'assurance maladie, centres communaux d'action sociale – afin de garantir une prise en charge intégrée des personnes. Si ces acteurs s'engagent à établir de telles coopérations, nous, administration centrale, nous engageons à étudier la faisabilité des assouplissements de normes qu'ils nous demanderaient.
Je crois beaucoup à la pertinence de ce genre d'approche dans les secteurs médico-social et sanitaire. C'est pourquoi l'avant-projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement ne crée pas de structure supplémentaire, mais vise à aider les acteurs de terrain à s'organiser ensemble. Nous devons résoudre l'opposition apparente entre la nécessité de proposer des prises en charge adaptées aux territoires et aux personnes, et assurer l'égalité de tous devant la loi à laquelle nous sommes attachés, ainsi que la nécessité de rendre des comptes à la Cour des comptes et à la représentation nationale. Il faut donc vérifier que les orientations définies par le Gouvernement et le Parlement sont appliquées sur le terrain, tout en permettant aux acteurs de terrain de s'adapter aux réalités locales.
Cela suppose une politique décidée d'investissement, en dépit des nécessaires économies budgétaires, afin de pouvoir mettre en place des systèmes d'information performants et cohérents, et l'édiction de normes plus souples, qui donnent des directions sans préciser les modalités de l'action. C'est un objectif difficile à atteindre, mais nous nous y attelons tous les jours.
Je voudrais enfin évoquer les États généraux du travail social, que nous sommes en train de préparer. Nombre de professionnels oeuvrant dans les établissements sont concernés ; ces États généraux devraient améliorer la connaissance des métiers du travail social.
Depuis l'Adresse de Mme Nicole Questiaux aux travailleurs sociaux de 1982, les pouvoirs publics n'ont donné aucune feuille de route aux professionnels du travail social. Il me semble qu'il est temps de reformuler ce que la société attend des travailleurs sociaux et d'engager la réflexion sur leurs conditions de travail, leurs évolutions de carrière et leur formation, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation tout au long de la vie.
Des assises interrégionales doivent se tenir dans une douzaine de villes d'ici au mois de juillet, celles de Lyon et Rennes ayant déjà eu lieu. Les États généraux eux-mêmes se dérouleront à Paris, en décembre ou en janvier.
La séance est levée à douze heures trente-cinq.