J'ai pu mesurer moi-même, en tant qu'usager ou dans mon entourage, les obstacles à la prise en charge des difficultés sociales, médico-sociales ou sanitaires qui peuvent naître du millefeuille administratif, et je sais combien le sentiment d'abandon alors qu'on est en situation de vulnérabilité est insupportable. J'attends beaucoup de la mission confiée à M. Denis Piveteau et du travail actuellement accompli par la CNSA pour mieux qualifier les décisions des MDPH. Je pense qu'on ne doit pas tout attendre de la création de nouvelles places : il y a des solutions à trouver dans l'offre existante, à la condition d'établir des coordinations, et cela sera plus rapidement réalisable si les décisions des MDPH sont mieux qualifiées, et si les ESMS coopèrent. De ce point de vue, j'attends beaucoup de la future loi sur l'adaptation de la société au vieillissement.
En tant que productrice de réglementations, je déplore qu'il faille parfois sur le terrain contourner la réglementation pour rendre la coopération possible, alors qu'il faudrait au contraire que la réglementation favorise la coopération. C'est pourquoi nous réfléchissons, avec mon équipe, à adapter la réglementation à la réalité.
Ainsi, dans le cadre du Plan pauvreté, nous avons mis en place dans une dizaine de départements l'expérimentation « Agir pour améliorer la gouvernance et l'initiative locale pour mieux lutter contre l'exclusion ». Il s'agit de favoriser des coopérations entre les acteurs du monde social – départements, État, caisses d'allocations familiales, caisses d'assurance maladie, centres communaux d'action sociale – afin de garantir une prise en charge intégrée des personnes. Si ces acteurs s'engagent à établir de telles coopérations, nous, administration centrale, nous engageons à étudier la faisabilité des assouplissements de normes qu'ils nous demanderaient.
Je crois beaucoup à la pertinence de ce genre d'approche dans les secteurs médico-social et sanitaire. C'est pourquoi l'avant-projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement ne crée pas de structure supplémentaire, mais vise à aider les acteurs de terrain à s'organiser ensemble. Nous devons résoudre l'opposition apparente entre la nécessité de proposer des prises en charge adaptées aux territoires et aux personnes, et assurer l'égalité de tous devant la loi à laquelle nous sommes attachés, ainsi que la nécessité de rendre des comptes à la Cour des comptes et à la représentation nationale. Il faut donc vérifier que les orientations définies par le Gouvernement et le Parlement sont appliquées sur le terrain, tout en permettant aux acteurs de terrain de s'adapter aux réalités locales.
Cela suppose une politique décidée d'investissement, en dépit des nécessaires économies budgétaires, afin de pouvoir mettre en place des systèmes d'information performants et cohérents, et l'édiction de normes plus souples, qui donnent des directions sans préciser les modalités de l'action. C'est un objectif difficile à atteindre, mais nous nous y attelons tous les jours.
Je voudrais enfin évoquer les États généraux du travail social, que nous sommes en train de préparer. Nombre de professionnels oeuvrant dans les établissements sont concernés ; ces États généraux devraient améliorer la connaissance des métiers du travail social.
Depuis l'Adresse de Mme Nicole Questiaux aux travailleurs sociaux de 1982, les pouvoirs publics n'ont donné aucune feuille de route aux professionnels du travail social. Il me semble qu'il est temps de reformuler ce que la société attend des travailleurs sociaux et d'engager la réflexion sur leurs conditions de travail, leurs évolutions de carrière et leur formation, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation tout au long de la vie.
Des assises interrégionales doivent se tenir dans une douzaine de villes d'ici au mois de juillet, celles de Lyon et Rennes ayant déjà eu lieu. Les États généraux eux-mêmes se dérouleront à Paris, en décembre ou en janvier.