Je remercie tous les intervenants qui se sont exprimés ce soir, tant pour leurs réflexions que pour les questions qu'ils m'ont adressées.
Je vais essayer d'y répondre en commençant par rappeler que ce budget s'inscrit dans un double contexte.
Tout d'abord, une réforme de la politique agricole commune est en cours à l'échelle européenne. Au-delà d'un budget national de 5 milliards d'euros, il va de soi que le cadre européen fixe largement les orientations de l'agriculture au niveau européen comme au niveau national. Cette réforme est importante. Elle doit marquer un tournant. Elle s'inscrit à la fois dans ce qui avait été décidé il y a plusieurs années, en particulier la réforme de 2003, et dans une volonté d'engager l'agriculture européenne à être présente à l'échelle du monde et à participer à l'équilibre alimentaire mondial. La question agricole et la question alimentaires restent aujourd'hui des questions stratégiques dans le monde.
Nous devons aussi permettre à l'agriculture à l'échelle européenne d'assurer sa durabilité, c'est-à-dire sa capacité à continuer à produire tout en préservant les ressources naturelles. L'agriculture est par nature le secteur qui utilise des ressources naturelles : le sol, l'eau et le soleil au travers de la photosynthèse.
Il faut lire la réforme de la PAC dans sa dimension budgétaire. Une bataille est engagée au niveau européen. Les différentes négociations en cours nécessitent que nous trouvions des alliances et des alliés. Cette discussion se déroule dans un contexte budgétaire européen difficile. À plusieurs reprises, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Irlande, à Chypre, à Malte, j'ai fait porter le débat sur le budget de l'agriculture mais sans jamais oublier le budget global. Je pense qu'une erreur a été faite il y a quelques mois quand on a laissé penser que l'on pouvait garantir le budget de la PAC tout en réduisant les autres budgets européens, en particulier celui consacré à la cohésion.
Si nous avions poursuivi dans cette voie, nous nous serions trouvés aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile. Comment justifier que la France défende le budget de la PAC si elle demande que l'on coupe dans tous les autres budgets ? Je pense que le Président de la République et le Gouvernement ont choisi la bonne stratégie de négociation au sein du Conseil européen.
Nous avons aussi à faire un choix politique important. La réforme de la PAC, telle qu'elle est proposée aujourd'hui, nous conduirait vers l'établissement d'un taux unique à l'hectare qui nous éloignerait à coup sûr des propositions faites par certains d'entre vous sur le lien entre les aides et les actifs.
Depuis cinq ans, ce taux unique à l'hectare a été pensé comme une aide totalement découplée. Il a fallu mener toute une bataille, en particulier pour maintenir une partie du couplage des aides qui s'adressent de manière spécifique à l'élevage dans sa diversité. Il faut continuer à mener cette bataille.
Le taux unique découplé présente le risque de voir, à l'échelle de l'Europe, des régions entières se spécialiser dans une production. Ainsi, en France – et je le vois déjà, car cela va très vite –, la production de céréales serait privilégiée au détriment de l'élevage. Or, notre pays ne peut pas devenir un grenier à blé et renoncer à transformer la production végétale à travers la production animale. Nous devons donc mener une bataille au plan européen, afin d'élaborer des aides dont la logique contrarie la pente dans laquelle nous entraînent le taux unique à l'hectare et la spécialisation. C'est pourquoi je suis favorable à la proposition qui a été évoquée ce soir et qui consiste à accorder une prime plus élevée aux premiers hectares. Pour la première fois, une réforme pourrait aboutir, je l'espère, à une dégressivité des aides agricoles. Ce n'est pas une mince affaire, et je n'ai pas dit que c'était gagné, mais c'est l'objectif que je poursuis, avec la volonté, encore une fois, de conjurer la spécialisation.
Car je suis, comme vous, convaincu que notre richesse réside dans la diversité de nos agricultures, dont est issue la diversité de nos produits agricoles. Chacun d'entre vous pourrait raconter l'histoire d'un produit et son lien au terroir. C'est cela qui fait la force de l'agriculture européenne et, singulièrement, de l'agriculture française. Sachez qu'avec trois fois moins d'hectares que les États-Unis, l'Europe produit une fois et demie plus de valeur ajoutée, précisément grâce à la diversité, à la segmentation et à la qualité de ses produits. Nous devons donc maintenir cette spécificité. Tel est, en tout cas, l'objectif qu'en tant que ministre de l'agriculture français, je défends à l'échelle européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le deuxième enjeu est le verdissement de la politique agricole. Il s'agit de faire en sorte que l'agriculture puisse trouver un rythme à la fois dans la production et dans le respect des ressources naturelles. La nécessité d'allier performance économique et performance écologique impliquera des changements importants dans la manière dont on doit concevoir, non seulement les aides mais aussi et surtout les nouveaux modèles de production agricole. Du reste, le 18 décembre, une réunion se tiendra au Conseil économique, social et environnemental, qui aura pour objet d'engager ce processus de changement, évoqué par Germinal Peiro. Il s'agit d'abandonner l'idée selon laquelle, si l'on fait de l'écologie, on ne peut pas faire d'économie et si l'on fait de l'économie, on ne peut pas faire d'écologie. Je suis convaincu que concilier ces deux exigences est possible et nous permettra de revenir à la question non seulement du volume produit, mais aussi de la marge. C'est de ces sujets-là que nous aurons à débattre dans le cadre du futur projet de loi sur l'avenir de l'agriculture.
D'autres sujets européens ont été évoqués. Je pense en particulier à la question des droits de plantation. En tant que député européen, je n'ai pas voté, en 2008, leur suppression. Je me réjouis donc qu'aujourd'hui quatorze pays aient signé, à l'initiative de la France, une plateforme afin de revenir sur cette suppression. Celle-ci aurait en effet pour conséquence de banaliser la production de vin, le risque étant – l'histoire nous l'a montré, en particulier en France – que toute la filière, et surtout les produits de qualité, soit rattrapée.