Je tiens à féliciter le rapporteur : en lisant ce texte, je me suis cru revenu trente ans en arrière. Philippe Herzog, économiste du parti communiste et auteur du fameux modèle français de prévision économique Zogol, avait un jour lancé l'idée de moduler les cotisations sociales en fonction de l'arbitrage réalisé par l'entreprise entre salaires et valeur ajoutée. Plus tard, alors que j'étais magistrat à la Cour des comptes, Pierre Bérégovoy m'avait commandé une étude secrète sur les effets de cette proposition, qui aurait évidemment créé une catastrophe historique.
Elle aurait pénalisé les activités capitalistiques, c'est-à-dire l'industrie, car l'intensité capitalistique d'une activité procède non d'un choix économique, mais d'une situation technologique. J'avais expliqué à Pierre Bérégovoy, dans le secret de son bureau, que la mesure n'aurait bénéficié qu'aux entreprises déficitaires. On aurait remboursé de l'argent à la sidérurgie, qui détruisait alors de la valeur, et lourdement taxé les entreprises qui gagnaient de l'argent, et étaient donc à même de créer de l'emploi ! La proposition de loi n'aurait pas d'autre effet : elle détruirait l'industrie, les entreprises les plus dynamiques et par conséquent l'emploi.
Pour le reste, la position du rapporteur se rapproche de celle des centristes, selon lesquels il faut baisser le taux actuel d'IS à 15 %, mais il serait hasardeux de le majorer pour les plus grandes car cela pénaliserait les groupes.
Le texte ouvre une réflexion intéressante, mais se trompe du tout au tout sur les réponses qu'il propose. J'ajoute qu'en France, contrairement à ce qui a été dit, la part des salaires n'a pas baissé dans la valeur ajoutée. Sur ce point, je vous renvoie aux annexes des différents projets de loi de finances. De toutes les démocraties, la France est la seule où le taux de rentabilité du capital soit aussi faible. C'est une des raisons de la dégradation de notre taux de croissance potentielle. Le Gouvernement s'en est rendu compte, puisque, à la faveur de la révolution idéologique qu'il vient d'opérer – et que je salue –, il songe à réduire sinon la rémunération des travailleurs, du moins la part du coût du travail dans la valeur ajoutée.