Intervention de Marie-Anne Chapdelaine

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par cette proposition de loi, il nous revient aujourd’hui d’encadrer de nouvelles pratiques, de nouveaux comportements, sur un sujet qui nous parle autant au coeur qu’à la raison : celui de la famille.

L’augmentation du nombre des divorces et des séparations, ainsi que celui des familles recomposées, constitue une réalité incontestable. Le droit de la famille doit s’adapter à ces nouvelles configurations familiales, à cette diversité des modèles familiaux, dans l’intérêt même de l’enfant qui est la pierre angulaire de la proposition de loi. Cet intérêt a été mon fil conducteur tout au long de mes travaux sur ce texte.

Dans toute la phase de travail préalable à nos échanges, je me suis fixé une ligne de conduite : vivre les auditions comme une occasion de répondre au mieux à la diversité des situations, sans avoir la démagogie de laisser entendre que tous les intérêts seraient satisfaits. Trente délégations ont été reçues, pendant plus de vingt-cinq heures en tout.

J’ai également refusé de me laisser enfermer dans des clivages politiques et partisans. En un mot, la famille n’est ni d’un côté de l’hémicycle, ni de l’autre. Elle est l’affaire de tous. Je n’ai donc pas hésité à reprendre certaines des dispositions qui figuraient dans l’avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers, préparé par Mme Nadine Morano lorsqu’elle était secrétaire d’État à la famille, dès lors qu’elles me paraissaient aller dans l’intérêt de l’enfant. Je n’hésiterai pas davantage à recommander l’adoption d’amendements, quel que soit le groupe dont ils émanent.

Je salue tout particulièrement le travail des membres de la délégation aux droits des femmes, qui se sont axés sur les violences intra-familiales et qui ont beaucoup apporté à ce texte, et celui des membres du groupe écologiste qui ont permis d’amender utilement cette proposition en commission des lois.

Nous avons pu, dans la préparation de ce texte, nous appuyer en amont sur les travaux des quatre groupes de réflexion que Mme Dominique Bertinotti avait mis en place. Je tiens à la saluer ici et à vous remercier vivement, madame la secrétaire d’État, d’avoir si rapidement pris ce dossier en main et d’avoir permis des échanges fructueux. Les rapports de ces groupes et celui du groupe de travail créé par les ministères de la famille et de la justice sur l’exercice de la coparentalité après séparation ont fourni un éclairage et une base extrêmement sérieux.

Ils constituent, d’une certaine manière, l’étude d’impact de la proposition de loi. Beaucoup des dispositions qui vous sont proposées s’inspirent en effet directement de ces réflexions. Nous avons également bénéficié du concours des cabinets de la ministre de la famille et de la garde des sceaux, ainsi que des services de la chancellerie, lors de la rédaction de la proposition. Je tiens à les en remercier.

J’ai également auditionné ou demandé à auditionner, en tant que rapporteure, toutes les associations familiales représentées au Haut Conseil de la famille, ainsi que la Caisse nationale des allocations familiales.

Tous ces participants, tous ces témoignages et ces contributions, nous ont permis de construire cette proposition de loi comportant quatre axes principaux, qui font l’objet de quatre chapitres distincts.

Le premier d’entre eux vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents. Chacun peut se séparer de son conjoint ou de son partenaire, mais on ne se sépare jamais de ses enfants : le lien de filiation est indissoluble. Il arrive pourtant, fréquemment, qu’un parent, après la séparation, n’exerce plus, dans les faits, son autorité parentale et ne participe plus à l’éducation de son enfant.

Pour remédier à ces difficultés, il est proposé, en premier lieu, de renforcer l’information des parents sur leurs droits et leurs obligations. L’article 3 explicite à cette fin la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui implique que les parents s’informent réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prennent ensemble les décisions qui le concernent. Ce n’est certes pas une innovation, mais une clarification et un rappel de l’état du droit, parfois ignoré par les parents, ce qui est une source potentielle de problèmes.

Il en va de même de l’article 4, qui a lui aussi une visée pédagogique et de clarification, puisqu’il tend à préciser que tout acte de l’autorité parentale requiert l’accord des deux parents, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

Évidemment, la présomption d’accord demeure pour les actes usuels. Cet article définit par ailleurs la notion centrale d’acte important en reprenant la définition qu’en a donnée la jurisprudence. Ces clarifications étaient très attendues et elles ont été saluées par les associations familiales et les praticiens – avocats ou magistrats – que j’ai entendus au cours des auditions.

Le même article 4 qualifie par ailleurs expressément, en son alinéa 5, le changement de résidence et le changement d’établissement scolaire d’actes importants. Mais nous aurons à choisir entre sa réécriture, comme le proposent les amendements de Mme Buffet ou de M. Tourret, ou sa suppression, proposée par un amendement de M. Erwan Binet. En effet, dans notre souci de bien légiférer, nous avons entendu ce que certains nous ont dit. Nous aurons donc, à mon avis, beaucoup d’échanges sur cet article.

L’exercice conjoint de l’autorité parentale n’est pas un droit des parents sur l’enfant, c’est un devoir d’exigence éducative, d’exemplarité et de compromis. Un enfant, ce n’est pas un bien meuble dont on peut se disputer la propriété.

D’autres dispositions ont pour objet de rendre les règles relatives à l’exercice conjoint de l’autorité parentale plus effectives, en en renforçant le respect. L’absence de dispositif d’exécution forcée des décisions des juges aux affaires familiales constitue en effet une lacune. Pour la combler, l’article 5 tend à créer une amende civile, qui pourra être prononcée par le juge aux affaires familiales en cas de manquement grave ou renouvelé aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou si sa décision n’a pas été respectée.

L’article 8 transforme par ailleurs en contravention de la quatrième classe le délit de non-représentation d’enfant, qui est rarement poursuivi. Ce passage à la contravention est cependant limité à la première infraction : en cas de réitération, la non-représentation restera un délit. L’objectif recherché par cette transformation en contravention est de lutter plus efficacement contre cette infraction, mais nous sommes bien d’accord que tous ces éléments coercitifs ne devraient pas servir : ils peuvent être pris comme des instruments dissuasifs, pour que chacun trouve le meilleur moyen de parvenir à l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

Il était essentiel, par ailleurs, de trouver une solution plus satisfaisante concernant la résidence de l’enfant et de mettre fin aux controverses sur la résidence alternée, sur laquelle se cristallisent, dans certaines séparations, les oppositions. La solution retenue consiste à poser pour principe que la résidence de l’enfant, en cas de séparation des parents, est fixée au domicile de chacun d’entre eux, selon des modalités déterminées entre eux d’un commun accord ou, à défaut, par le juge. La réforme fait par ailleurs disparaître la notion de droit d’hébergement et de visite, sauf cas exceptionnel, en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale. Cette terminologie était souvent mal ressentie par les parents concernés. Globalement, cette réforme du mode de résidence a été très bien accueillie par les principaux acteurs intéressés. Et je le redis ici : il ne s’agit pas de faire de la résidence alternée paritaire un dogme. Il s’agit de faire que les parents trouvent la meilleure solution pour l’enfant, que la répartition soit de 50-50 ou de 70-30 entre eux, voire de 100 % chez l’un.

Le deuxième chapitre de la proposition de loi vise à reconnaître la place que les beaux-parents occupent déjà de fait dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. Son objet est d’offrir une palette d’instruments souples, évolutifs et adaptables. La proposition de loi prévoit une série d’instruments accordant une place croissante aux beaux-parents, selon les choix opérés par les familles concernées et leurs besoins.

Là aussi, pas de dogme : la famille choisira en fonction de l’intérêt de l’enfant.

Le troisième chapitre aborde la médiation familiale. Celle-ci permet de trouver, dans de nombreux cas, des solutions mutuellement acceptables pour les parties. Le chapitre III donne également au juge la possibilité d’enjoindre aux parents de participer à une séance de médiation familiale. Pourquoi ? Nous savons très bien qu’être acteur de la résolution d’un conflit permet d’aller dans le bon sens. C’est une responsabilité offerte au juge, en plus de la séance d’information.

Le quatrième chapitre a pour objet de mieux prendre en compte la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure. Il y a là une préoccupation partagée par de nombreuses institutions, à commencer par le défenseur des droits. La commission a adopté un amendement étendant la possibilité pour un mineur d’être auditionné dans toute procédure le concernant. Il supprime la condition relative au discernement et rend l’audition de droit lorsque le mineur l’a demandée, sauf si l’intérêt de l’enfant y fait obstacle. La commission a également adopté un amendement de M. Coronado permettant au mineur âgé de seize ans révolus de solliciter lui-même son émancipation.

Nous choisissons de répondre aux mutations de notre société par l’affirmative : oui, notre société peut et doit se construire sur la concorde. Oui, nos familles sont prêtes à reconnaître ceux qui accompagnent leurs enfants dans leur émancipation et leur épanouissement. Oui, chaque parent a la capacité d’agir dans l’intérêt de son enfant malgré la difficulté, voire la douleur, qu’entraîne une séparation.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission vous invite à adopter la présente proposition de loi, qui comporte de nombreuses mesures concrètes pour simplifier le quotidien des parents et des enfants.

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