La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Erwann Binet, Mme Barbara Pompili, M. François de Rugy et Mme Véronique Massonneau et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (nos 1856,1925).
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par cette proposition de loi, il nous revient aujourd’hui d’encadrer de nouvelles pratiques, de nouveaux comportements, sur un sujet qui nous parle autant au coeur qu’à la raison : celui de la famille.
L’augmentation du nombre des divorces et des séparations, ainsi que celui des familles recomposées, constitue une réalité incontestable. Le droit de la famille doit s’adapter à ces nouvelles configurations familiales, à cette diversité des modèles familiaux, dans l’intérêt même de l’enfant qui est la pierre angulaire de la proposition de loi. Cet intérêt a été mon fil conducteur tout au long de mes travaux sur ce texte.
Dans toute la phase de travail préalable à nos échanges, je me suis fixé une ligne de conduite : vivre les auditions comme une occasion de répondre au mieux à la diversité des situations, sans avoir la démagogie de laisser entendre que tous les intérêts seraient satisfaits. Trente délégations ont été reçues, pendant plus de vingt-cinq heures en tout.
J’ai également refusé de me laisser enfermer dans des clivages politiques et partisans. En un mot, la famille n’est ni d’un côté de l’hémicycle, ni de l’autre. Elle est l’affaire de tous. Je n’ai donc pas hésité à reprendre certaines des dispositions qui figuraient dans l’avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers, préparé par Mme Nadine Morano lorsqu’elle était secrétaire d’État à la famille, dès lors qu’elles me paraissaient aller dans l’intérêt de l’enfant. Je n’hésiterai pas davantage à recommander l’adoption d’amendements, quel que soit le groupe dont ils émanent.
Je salue tout particulièrement le travail des membres de la délégation aux droits des femmes, qui se sont axés sur les violences intra-familiales et qui ont beaucoup apporté à ce texte, et celui des membres du groupe écologiste qui ont permis d’amender utilement cette proposition en commission des lois.
Nous avons pu, dans la préparation de ce texte, nous appuyer en amont sur les travaux des quatre groupes de réflexion que Mme Dominique Bertinotti avait mis en place. Je tiens à la saluer ici et à vous remercier vivement, madame la secrétaire d’État, d’avoir si rapidement pris ce dossier en main et d’avoir permis des échanges fructueux. Les rapports de ces groupes et celui du groupe de travail créé par les ministères de la famille et de la justice sur l’exercice de la coparentalité après séparation ont fourni un éclairage et une base extrêmement sérieux.
Ils constituent, d’une certaine manière, l’étude d’impact de la proposition de loi. Beaucoup des dispositions qui vous sont proposées s’inspirent en effet directement de ces réflexions. Nous avons également bénéficié du concours des cabinets de la ministre de la famille et de la garde des sceaux, ainsi que des services de la chancellerie, lors de la rédaction de la proposition. Je tiens à les en remercier.
J’ai également auditionné ou demandé à auditionner, en tant que rapporteure, toutes les associations familiales représentées au Haut Conseil de la famille, ainsi que la Caisse nationale des allocations familiales.
Tous ces participants, tous ces témoignages et ces contributions, nous ont permis de construire cette proposition de loi comportant quatre axes principaux, qui font l’objet de quatre chapitres distincts.
Le premier d’entre eux vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents. Chacun peut se séparer de son conjoint ou de son partenaire, mais on ne se sépare jamais de ses enfants : le lien de filiation est indissoluble. Il arrive pourtant, fréquemment, qu’un parent, après la séparation, n’exerce plus, dans les faits, son autorité parentale et ne participe plus à l’éducation de son enfant.
Pour remédier à ces difficultés, il est proposé, en premier lieu, de renforcer l’information des parents sur leurs droits et leurs obligations. L’article 3 explicite à cette fin la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui implique que les parents s’informent réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prennent ensemble les décisions qui le concernent. Ce n’est certes pas une innovation, mais une clarification et un rappel de l’état du droit, parfois ignoré par les parents, ce qui est une source potentielle de problèmes.
Il en va de même de l’article 4, qui a lui aussi une visée pédagogique et de clarification, puisqu’il tend à préciser que tout acte de l’autorité parentale requiert l’accord des deux parents, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.
Évidemment, la présomption d’accord demeure pour les actes usuels. Cet article définit par ailleurs la notion centrale d’acte important en reprenant la définition qu’en a donnée la jurisprudence. Ces clarifications étaient très attendues et elles ont été saluées par les associations familiales et les praticiens – avocats ou magistrats – que j’ai entendus au cours des auditions.
Le même article 4 qualifie par ailleurs expressément, en son alinéa 5, le changement de résidence et le changement d’établissement scolaire d’actes importants. Mais nous aurons à choisir entre sa réécriture, comme le proposent les amendements de Mme Buffet ou de M. Tourret, ou sa suppression, proposée par un amendement de M. Erwan Binet. En effet, dans notre souci de bien légiférer, nous avons entendu ce que certains nous ont dit. Nous aurons donc, à mon avis, beaucoup d’échanges sur cet article.
L’exercice conjoint de l’autorité parentale n’est pas un droit des parents sur l’enfant, c’est un devoir d’exigence éducative, d’exemplarité et de compromis. Un enfant, ce n’est pas un bien meuble dont on peut se disputer la propriété.
D’autres dispositions ont pour objet de rendre les règles relatives à l’exercice conjoint de l’autorité parentale plus effectives, en en renforçant le respect. L’absence de dispositif d’exécution forcée des décisions des juges aux affaires familiales constitue en effet une lacune. Pour la combler, l’article 5 tend à créer une amende civile, qui pourra être prononcée par le juge aux affaires familiales en cas de manquement grave ou renouvelé aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou si sa décision n’a pas été respectée.
L’article 8 transforme par ailleurs en contravention de la quatrième classe le délit de non-représentation d’enfant, qui est rarement poursuivi. Ce passage à la contravention est cependant limité à la première infraction : en cas de réitération, la non-représentation restera un délit. L’objectif recherché par cette transformation en contravention est de lutter plus efficacement contre cette infraction, mais nous sommes bien d’accord que tous ces éléments coercitifs ne devraient pas servir : ils peuvent être pris comme des instruments dissuasifs, pour que chacun trouve le meilleur moyen de parvenir à l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
Il était essentiel, par ailleurs, de trouver une solution plus satisfaisante concernant la résidence de l’enfant et de mettre fin aux controverses sur la résidence alternée, sur laquelle se cristallisent, dans certaines séparations, les oppositions. La solution retenue consiste à poser pour principe que la résidence de l’enfant, en cas de séparation des parents, est fixée au domicile de chacun d’entre eux, selon des modalités déterminées entre eux d’un commun accord ou, à défaut, par le juge. La réforme fait par ailleurs disparaître la notion de droit d’hébergement et de visite, sauf cas exceptionnel, en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale. Cette terminologie était souvent mal ressentie par les parents concernés. Globalement, cette réforme du mode de résidence a été très bien accueillie par les principaux acteurs intéressés. Et je le redis ici : il ne s’agit pas de faire de la résidence alternée paritaire un dogme. Il s’agit de faire que les parents trouvent la meilleure solution pour l’enfant, que la répartition soit de 50-50 ou de 70-30 entre eux, voire de 100 % chez l’un.
Le deuxième chapitre de la proposition de loi vise à reconnaître la place que les beaux-parents occupent déjà de fait dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. Son objet est d’offrir une palette d’instruments souples, évolutifs et adaptables. La proposition de loi prévoit une série d’instruments accordant une place croissante aux beaux-parents, selon les choix opérés par les familles concernées et leurs besoins.
Là aussi, pas de dogme : la famille choisira en fonction de l’intérêt de l’enfant.
Le troisième chapitre aborde la médiation familiale. Celle-ci permet de trouver, dans de nombreux cas, des solutions mutuellement acceptables pour les parties. Le chapitre III donne également au juge la possibilité d’enjoindre aux parents de participer à une séance de médiation familiale. Pourquoi ? Nous savons très bien qu’être acteur de la résolution d’un conflit permet d’aller dans le bon sens. C’est une responsabilité offerte au juge, en plus de la séance d’information.
Le quatrième chapitre a pour objet de mieux prendre en compte la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure. Il y a là une préoccupation partagée par de nombreuses institutions, à commencer par le défenseur des droits. La commission a adopté un amendement étendant la possibilité pour un mineur d’être auditionné dans toute procédure le concernant. Il supprime la condition relative au discernement et rend l’audition de droit lorsque le mineur l’a demandée, sauf si l’intérêt de l’enfant y fait obstacle. La commission a également adopté un amendement de M. Coronado permettant au mineur âgé de seize ans révolus de solliciter lui-même son émancipation.
Nous choisissons de répondre aux mutations de notre société par l’affirmative : oui, notre société peut et doit se construire sur la concorde. Oui, nos familles sont prêtes à reconnaître ceux qui accompagnent leurs enfants dans leur émancipation et leur épanouissement. Oui, chaque parent a la capacité d’agir dans l’intérêt de son enfant malgré la difficulté, voire la douleur, qu’entraîne une séparation.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission vous invite à adopter la présente proposition de loi, qui comporte de nombreuses mesures concrètes pour simplifier le quotidien des parents et des enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
La parole est à Mme la Secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure Marie-Anne Chapdelaine, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame Marie-Noëlle Battistel, qui avez fait office de rapporteur pour la délégation, mesdames et messieurs les députés, la famille est d’abord une communauté d’individus unis par des liens de parenté. C’est le premier espace de solidarité, à la fois entre les individus et entre les générations. Cette solidarité est affective, morale et matérielle. Elle se déploie d’ailleurs tout particulièrement en ces temps de crise, puisqu’on voit des parents héberger des enfants trentenaires et soutenir financièrement les études des petits-enfants. On voit également des enfants et des petits-enfants se mobiliser et se relayer pour tenir compagnie aux grands-parents ou faciliter leur quotidien. La solidarité familiale est le plus souvent à l’oeuvre auprès des plus vulnérables ou quand un accident de la vie survient.
Cette solidarité familiale survit aux couples qui se font et se défont. La rupture du couple – le plus souvent par un divorce ou une séparation, plus rarement par le décès de l’un des conjoints ou concubins – est un événement fréquent de la vie des familles. Chaque année, 350 000 couples se séparent ; la moitié a des enfants à charge ; et 10 000 unions avec des enfants mineurs se rompent du fait du décès d’un des parents. Les familles prennent des formes différentes, tout simplement parce que les individus sont différents et ont des parcours de vie qui leur sont propres. À l’ère de la mobilité sociale, géographique, professionnelle, l’inverse eût été surprenant. En 2011, 71 % des enfants mineurs vivent dans une famille avec leurs deux parents sans demi-frères ou demi-soeurs, 18 % vivent au sein d’une famille monoparentale et 11 % dans une famille recomposée.
La structure des familles change, mais interpréter les ruptures comme un signe de désaffection pour le couple et la famille serait un contresens. Je crois au contraire que les attentes sont fortes ; toutes les enquêtes d’opinion en témoignent. L’implication dans le développement des enfants, leur éducation, est une donnée moderne. Mais les précarités l’érodent. Le lien de filiation survit certes à tous les bouleversements qui affectent nos vies, mais le lien biologique, la filiation, ne suffit pas toujours à garantir le lien éducatif et affectif : 18 % des enfants dont les parents sont séparés n’ont plus aucun rapport avec leur père.
Les structures familiales évoluent donc. Certains s’en réjouissent, d’autres le déplorent, je le constate, comme vous, madame la rapporteure, et c’est bien pour répondre à cette réalité des familles que vous avez élaboré cette proposition de loi. Votre texte poursuit quatre objectifs : renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale après une séparation ; reconnaître la place des tiers, et en particulier des beaux-parents, auprès des enfants avec lesquels ils ont noué des liens affectifs ; développer le recours à la médiation ; et mieux prendre en compte la parole de l’enfant lorsque des décisions le concernent. Comment ne pas partager ces objectifs ? J’y adhère, bien entendu. Si ce texte ne comporte pas de modifications majeures du droit de la famille, il contribue à faciliter la vie des familles. En ce sens, c’est une loi du quotidien, une loi utile.
Madame la rapporteure, vous avez recherché à tout moment le dialogue et l’écoute, vous avez effectué de multiples auditions et de nombreux déplacements pour que cette loi soit au plus proche des besoins réels des familles. Je tiens à saluer votre travail – comme celui de la rapporteure dans la délégation aux droits des femmes, qui apporte un point de vue utile et complémentaire à cette proposition de loi. Vous avez voulu rendre plus simple la réalisation par le beau-parent d’actes usuels, c’est-à-dire ceux qui n’engagent que le quotidien, et vous avez pris soin d’éviter l’écueil de la création d’un statut du beau-parent, trop mécanique et trop rigide.
La médiation familiale peut être un véritable outil pour apaiser les conflits. La médiation va au-delà des seuls paramètres juridiques ; elle permet de prendre en compte les histoires personnelles, les parcours de vie, bref le vécu de chacune et de chacun, et elle peut apporter une solution globale, décidée par les parties. La médiation rend possible la distinction entre le conflit et le litige ; bien souvent, chercher à obtenir le règlement du litige sans travailler sur le conflit ne permet pas de trouver une solution pérenne. Une enquête conduite par la Caisse nationale des allocations familiales entre 2005 et 2007 conclut à l’efficacité de la médiation dans 64 % des cas, soit parce qu’elle permet d’aboutir à un accord, soit parce qu’elle contribue à une amélioration significative du conflit. D’après les auditions conduites par l’IGAS auprès des magistrats, la médiation familiale déboucherait, avec ou sans accord, sur des audiences plus courtes et sur moins de demandes de révision de jugement.
L’État a d’ailleurs négocié un doublement des crédits pour le soutien à la médiation familiale, inscrits dans la convention d’objectifs et de gestion conclue avec la CNAF le 15 juillet dernier. Ce soutien financier renforcé montre que le Gouvernement a fait de l’accompagnement à la parentalité une priorité reconnue de la branche famille.
Cependant, la médiation familiale n’est pas adaptée à toutes les situations. Elle est, est-il besoin de le dire, inenvisageable lorsqu’il y a des violences. Les derniers chiffres sur les violences conjugales montrent que celles-ci ont baissé, mais leur fréquence reste insupportable : en 2013, 121 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. La lutte contre les violences faites aux femmes, c’est une mobilisation collective, un combat que nous devons mener sans relâche, car ces violences font système. Ce n’est pas un sujet que l’on peut aborder après les autres, en se demandant comment ajouter une disposition balai sur les violences. Cette préoccupation doit intervenir dès la conception d’un dispositif.
Pour chaque disposition nouvelle relative aux conflits familiaux, nous devons avoir d’abord en tête que les 10 % de séparations qui se passent mal, celles où les parents ne trouvent pas d’accord sur l’exercice commun de l’autorité parentale, sont souvent des situations où l’on identifie en amont de la violence, et que cette violence, que l’on nomme conjugale, est en réalité une violence qui s’exerce contre les femmes.
Nous devons donc, à chaque étape, pour chaque article, pour chaque amendement, nous poser une seule et même question : « Cette disposition va-t-elle, oui ou non, renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes ? Va-t-elle mieux protéger les victimes ou les exposer davantage ? » S’il y a un doute, mieux vaut y renoncer.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Ainsi, lorsque l’on préconise de donner au juge le pouvoir de rendre obligatoire la médiation, il faut d’emblée exclure les cas de violence. Quelle parole libre, quel accord libre peuvent intervenir après des faits de violence conjugale ? En imposant la médiation à ces femmes, on ajouterait alors de la violence à la violence : après la violence conjugale viendrait la violence institutionnelle.
Le texte dont nous allons débattre porte sur l’intérêt de l’enfant, sur la protection de son bien-être et de ses liens avec ses deux parents. Or la protection de l’enfant n’est pas dissociable de la protection de la mère. Comme l’écrit Édouard Durand, juge aux affaires familiales avant d’être juge des enfants : « Protéger la mère, c’est protéger l’enfant. » Les enfants sont des témoins des violences familiales, quand ils n’en sont pas directement victimes : en 2013, treize enfants ont été tués dans le cadre de violences au sein du couple. Tout doit être mis en oeuvre pour éviter cela, car le premier droit de l’enfant est le droit à la protection. Dans cet esprit, il convient de prévoir que la non-représentation d’enfant peut être justifiée en cas de violences avérées.
Pour ces raisons, je souhaite que les violences soient toujours prises en compte. Lors de l’examen du texte en commission des lois, j’ai appuyé des amendements en ce sens et j’appuierai encore ici les amendements qui y concourent.
Nous sommes à la recherche constante d’un équilibre entre la protection de l’enfant, le respect de son intérêt et les responsabilités des parents. C’est une des grandes vertus de ce texte que de rappeler aux parents qu’ils ont des devoirs envers leurs enfants, et je salue, madame la rapporteure, votre détermination à cet égard. Les parents ont des devoirs et pas seulement des droits. Aujourd’hui, nos textes de loi organisent surtout l’autorité des parents, qui s’impose aux enfants, et c’est bien normal, me direz-vous ; mais votre proposition contribue à responsabiliser davantage les parents. Ils ne sont pas seulement titulaires d’une autorité, ils ont une responsabilité envers leurs enfants. L’autorité parentale signifie que les parents sont responsables du développement, du bien-être, de la sécurité et de l’éducation des enfants.
La responsabilisation, dans votre texte, passe par l’accueil que les parents doivent à leurs enfants, et l’on ne peut que s’en réjouir. La suppression de la notion de « droit de visite et d’hébergement », DVH dans le jargon, est une grande avancée. Cette notion est injuste, voire même insultante, pour celui des parents qui accueille son enfant, classiquement, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Affirmer dans la loi que l’enfant réside au domicile de chacun de ses deux parents est un acte fort. Un enfant est chez lui chez chacun de ses deux parents.
Mais ce principe n’est pas sans soulever de nombreuses questions. D’abord, une nouvelle fois, il faut rappeler qu’il ne s’agit en aucun cas d’imposer la résidence alternée paritaire par défaut. Ce serait une facilité intellectuelle et un raccourci que de faire croire que l’on réalisera l’égalité entre les femmes et les hommes en imposant une égalité du temps d’accueil des enfants. La résidence alternée suppose qu’un certain nombre de conditions soient réunies, au premier chef, lorsqu’il s’agit de très jeunes enfants, l’entente entre les parents. D’éminents pédopsychiatres nous l’ont rappelé ces derniers jours : il serait dangereux de la rendre systématique pour tous les enfants, quel que soit leur âge, sans s’être au préalable assuré de la capacité des parents de prendre en charge l’organisation que cela suppose, d’avoir de l’attention pour les enfants, de poser les repères d’une maison à l’autre. Exercer une résidence alternée pour de jeunes enfants est un exercice trop rigoureux pour que l’on puisse l’imposer à des parents qui ne la souhaiteraient pas.
C’est dans le texte, pour tous ceux qui veulent bien s’en tenir à une interprétation juridique de celui-ci et aux articles du code civil tels qu’il les modifie. Tant mieux si, grâce à mon intervention, j’ai levé des interrogations et, par là même, rendu inutiles quelques centaines d’amendements !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Pour autant, je constate que nos efforts de pédagogie peinent à rassurer. Je vois cependant qu’ils peuvent être entendus ; s’il faut une évolution du texte pour le clarifier, le débat se poursuivra au cours des navettes parlementaires.
Ensuite, il convient d’assurer l’équilibre. Si l’on crée de nouvelles sanctions, elles doivent être symétriques et s’appliquer aux deux parents. Par exemple, la symétrie de l’article 5 semble opportune. Cette amende civile sanctionnera le parent qui fait obstacle à l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou celui qui ne respecte pas les décisions concernant les temps d’accueil de l’enfant. On pourra ainsi sanctionner la non-représentation d’enfant, mais aussi le comportement qui consiste à ne pas exercer ce que l’on appelle encore aujourd’hui le droit de visite et d’hébergement. Car venir chercher son enfant n’est pas une faculté, une option ou un loisir, c’est un devoir.
Combien de mères se débrouillent seules au quotidien, jour après jour, week-end après week-end, contraintes d’assumer sans soutien du père la charge éducative, matérielle et financière des enfants ? Et elles doivent en plus expliquer à un enfant pourquoi le papa qui devait le chercher n’a pas pu venir ce samedi, inventer des explications pour atténuer la blessure, contenir la souffrance et protéger l’image du père. Je pense à elles aussi en examinant cette proposition de loi.
Le texte prévoit enfin que le mineur doit être entendu par le juge aux affaires familiales selon des modalités adaptées à son degré de maturité. Votre proposition est conforme à l’exigence posée à l’article 12 de la convention de New York de l’ONU qui reconnaît à l’enfant « le droit d’être entendu dans toute procédure administrative ou judiciaire l’intéressant », soit directement soit par l’intermédiaire d’un représentant. Cet article ne prévoit pas d’audition systématique, pas plus que votre proposition de loi, puisque le juge peut toujours écarter cette audition si l’intérêt de l’enfant le commande. Il faut tenir compte de la parole de l’enfant et la permettre, tout en évitant à celui-ci d’être pris dans un conflit de loyauté ou d’endosser des responsabilités qui ne sont pas les siennes.
Cette proposition de loi est concrète, pratique, elle répond à des situations du quotidien. Elle n’a pas d’arrière-pensées, elle n’a que de bonnes intentions ainsi que de l’attention pour les familles, toutes les familles. Il serait dommage que les familles soient pénalisées par des arrière-pensées qui n’ont pas leur place dans ce texte. Vous le savez déjà, mesdames et messieurs les députés, mon ambition est l’apaisement, et je souhaite que nous saisissions ensemble cette opportunité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Madame la secrétaire d’État, j’ai beaucoup apprécié vos propos, qui clarifient très bien la situation.
Les mutations des familles depuis un demi-siècle sont si rapides et profondes qu’elles suscitent régulièrement des interrogations, voire des poussées de conservatisme.
Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Pour m part, je ne visais personne.
Le législateur est dans son rôle quand il favorise les diverses manières de former une famille. Il y a contribué notamment en reconnaissant l’égalité femmes-hommes dans la sphère familiale. Les années soixante-dix sont une charnière dans cette histoire. Grâce au doyen Carbonnier, la loi du 4 juin 1970 a placé à égalité dans le couple le père et la mère. Elle a mis fin à la puissance paternelle héritée de l’Ancien Régime et du code Napoléon. C’est aussi la décennie où les femmes gagnent en droits et en autonomie : droit de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation du mari – cela ne fait que cinquante ans –, droit d’accéder à la contraception, liberté d’avoir ou non des enfants.
Le rapport Théry souligne que les problématiques portent désormais sur les liens entre parents et enfants, qui concentrent toutes les inquiétudes et tous les débats sur la famille. L’intérêt de l’enfant doit être au coeur des avancées législatives, et c’est le cas avec cette PPL, par une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant, par des dispositions visant à reconnaître la place croissante prise par les tiers, les beaux-parents en particulier, et par la double résidence. Comme vous l’avez justement souligné, madame la secrétaire d’État, c’est un acte fort que de poser qu’un enfant est chez lui chez chacun de ses parents. Mais il faut le redire, après notre rapporteure et après vous-même, pour lever toute ambiguïté, cette « double » résidence pour l’enfant n’est pas la résidence alternée paritaire automatique…
…comme l’exposé des motifs pouvait le laisser croire et comme certains lobbies le souhaitaient. Imposer la résidence alternée paritaire en cas de conflits ouverts entre parents, surtout avant six ans, n’est pas une bonne solution.
Notre délégation s’est saisie de ce texte car elle poursuit un double objectif : regarder les textes législatifs à l’aune de l’égalité entre les femmes et les hommes, donc, dans ce texte, entre les mères et les pères, et s’assurer qu’ils fassent progresser cette égalité et ne remettent pas en cause les avancées précédentes et la cohérence des textes.
En dépit d’une politique volontariste du Gouvernement, depuis 2012, pour faire progresser les droits des femmes, il faut rappeler que de fortes inégalités perdurent dans notre société et qu’elles ont un impact sur le sujet que nous examinons aujourd’hui. Le partage des tâches domestiques et parentales reste fortement inégalitaire, étant effectuées à 80 % par les femmes. Rappeler cette réalité est crucial lorsque l’on traite de la famille. Par répercussion, les inégalités de carrière et les plus faibles salaires des femmes génèrent, avec la multiplication des séparations, la précarité des mères et la pauvreté des familles monoparentales.
Autre réalité massive qu’on ne peut ignorer et que la délégation aux droits des femmes souhaite prendre en compte : celle des violences conjugales. Ces violences intrafamiliales dont les enfants, témoins, exposés, restent marqués sont loin d’être un phénomène marginal. C’est même un phénomène européen très important : un récent rapport de l’Europe souligne que tous les pays sont touchés.
Au-delà des violences physiques, sexuelles ou psychologiques, il y a aussi les « violences économiques » – notion qui figure clairement dans la convention d’Istanbul dont le Parlement vient d’autoriser la ratification au mois d’août, madame la ministre. Nous pouvons nous en féliciter. Une femme sur dix est victime de violences conjugales, mais très peu déposent plainte. En période de séparation, ces violences s’exacerbent et aboutissent parfois à des actes irrémédiables. Malheureusement, des faits divers ces derniers jours nous le rappellent brutalement. C’est pourquoi des textes sur la séparation et le divorce ne peuvent faire l’impasse sur les violences.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce qu’elle a été alertée par des associations inquiètes de certaines dispositions, la délégation a chargé Marie-Noëlle Battistel d’organiser des auditions et de formuler des recommandations. Nos travaux font ressortir la nécessité de mieux prendre certaines situations familiales en compte, notamment lorsque le père est absent ou défaillant, comme vous l’avez dit, madame la ministre. En effet, au-delà de l’équilibre des droits respectifs des parents, la question est d’abord celle de leurs devoirs à l’égard des enfants. Il faut affirmer plus clairement les responsabilités parentales sur le plan financier, alors que trop souvent le non-paiement de la pension alimentaire constitue une violence économique forte ; mais aussi en termes de présence et de maintien des relations personnelles.
Enfin, il nous a semblé nécessaire de compléter la proposition de loi pour mieux protéger les victimes de violences. Le dispositif de la médiation familiale mérite d’être plus développé, comme le propose ce texte, pour apaiser certaines situations, mais pas en cas de violence. La violence exprime un rapport de domination dans lequel l’un des partenaires – la femme à 95 % – vit dans la peur, ce qui exclut la possibilité d’un dialogue. Le recours à la médiation est donc clairement inadapté, et même dangereux, dans ces situations d’emprise.
Plusieurs amendements ont permis d’apporter des améliorations très positives et Marie-Noëlle Battistel le dira plus précisément. D’autres points pourront encore être précisés et améliorés au cours de nos débats, et je me félicite que des ambiguïtés aient déjà pu être levées sur certains aspects, madame la rapporteure. Dans une logique constante d’amélioration des lois que nous écrivons, la délégation aux droits des femmes a voulu enrichir ce texte pour que l’égalité femmes-hommes continue de progresser. Nous pensons en effet que favoriser l’égale implication des femmes et des hommes dans l’éducation des enfants, c’est améliorer la vie des familles et faire progresser toute la société.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous apprenons ce matin que la principale raison pour laquelle nous n’avons pas l’occasion de débattre d’une grande loi sur la famille réside dans une volonté d’apaisement du Gouvernement – je rends d’ailleurs justice à Mme le ministre qui nous l’avait déjà dit en commission il y a une quinzaine de jours. Cette volonté l’aurait conduit à faire déposer, morceau par morceau, un certain nombre de textes, dont le premier est soumis au débat cet après-midi, signe de ce que certains, dans votre propre camp, dénoncent comme un renoncement pur et simple à vos engagements.
Les lobbies LGBT, par leur agression intolérable à votre égard, madame le ministre, la semaine dernière, n’ont pas manqué de vous le rappeler. Cette volonté de morcellement nous donne donc l’impression d’assister à une vente par appartements d’un hypothétique grand texte, dont le célèbre rapport Théry a, paraît-il, donné les grandes lignes. Et c’est là, madame le ministre, que la volonté d’apaisement atteint ses limites, car dans ce rapport se trouvent toutes les questions et tous les sujets qui, précisément, sont porteurs d’inquiétude et de rejet pour un grand nombre de nos concitoyens.
Inutile de vous dire qu’il était illusoire de prétendre contourner notre vigilance par un simple effet de découpage. Aussi le texte d’aujourd’hui est-il en apparence anodin, mais non moins animé de la même philosophie politique que les textes précédents, ainsi que l’a d’ailleurs rappelé notre collègue Erwan Binet – je ne peux pas être d’accord avec vous toutes les semaines, mon cher collègue – dans sa déclaration en commission des lois, il y a deux semaines : « Cette proposition de loi doit s’entendre comme un prolongement des transformations législatives qui ont déjà accompagné les évolutions des familles en France. »
Effectivement, cette proposition de loi se situe bien dans la droite ligne de la loi dite sur le mariage pour tous, adoptée l’an dernier par notre assemblée, et cela de trois façons. Premièrement, elle maintient la loi dans une course-poursuite effrénée derrière les évolutions du corps social, en la réduisant – et avec elle le rôle du législateur – au simple rôle de chambre d’enregistrement des évolutions sociétales. Ici, en particulier, le fait de vouloir inscrire de manière systématique les orientations dominantes de la jurisprudence dans les codes est une manière d’écrire la loi qui ne peut satisfaire personne et qui la condamne, qui plus est, à des modifications permanentes, affaiblissant ainsi le corps de principes pourtant solides sur lesquels elle est encore souvent fondée.
J’ai eu l’occasion, dans un récent débat, de dire mon hésitation devant cette volonté permanente de rendre la loi la plus pointilleuse, la plus détaillée et la plus précise possible. Cette manière de légiférer, dont toutes les majorités se sont rendues coupables, affaiblit la portée même de la norme législative. Cela devrait tous nous interroger. Mais elle est également la marque d’une double défiance : défiance à l’égard du pouvoir réglementaire, d’abord, dont la tendance à surjouer l’intention du législateur de manière presque systématique se fait partout sentir ; défiance à l’égard du pouvoir judiciaire, ensuite, dont votre texte, mes chers collègues, regorge d’exemples concrets et précis – nous y reviendrons. Nous ne pouvions pas vous suivre sur ce chemin.
Deuxièmement, votre proposition de loi est la suite logique de la loi sur le mariage pour tous, par sa volonté constante d’accorder une priorité à la relation sociale sur la relation biologique lorsqu’il s’agit d’enraciner le droit de la famille. Nos collègues Binet et Denaja nous l’ont du reste également rappelé pendant les débats de la commission, au nom d’un prétendu constat selon lequel – je cite derechef M. Binet – « il n’y a pas de politique familiale sacrée ou intangible ; de même, il n’y a pas un modèle exclusif de famille. »
Cette question, mes chers collègues, n’a pas fini de nourrir nos débats : la preuve, cher Jean Glavany : Je souhaite y consacrer quelques instants, si vous me le permettez. Je ne crois pas qu’ici personne ne considère la famille comme sacrée, malgré les rappels à la foi que notre collègue Denaja a bien voulu m’adresser en commission la semaine dernière. Je ne crois pas que quiconque ici accepte et revendique l’idée selon laquelle un modèle de famille devrait être conçu comme exclusif et projeter du fait de sa simple existence en dehors de la sphère légale, et pourquoi pas de la vie sociale, toute manière de vivre en famille qui ne s’y conformerait pas exactement. Mais il est vrai que la notion de modèle emporte avec elle la prétention à l’exclusivité : rien ni personne ne peut avoir plusieurs modèles, mais plusieurs influences ou plusieurs exemples. Prétendre vouloir plusieurs modèles, c’est en fait vouloir s’en priver.
Ceux qui disent qu’il ne peut pas y avoir de modèle de famille ont raison. C’est pourquoi la notion de modèle est en fait très inadaptée aux situations éthiques et politiques, mais beaucoup mieux à l’industrie. Le modèle est très adapté au monde des choses, et pas du tout au monde des hommes. Du reste, il y a tant de façons de vivre en famille que, quand bien même elles seraient constituées de la même manière, la réalité rattraperait bien vite nos prétentions à vouloir l’enfermer dans une seule modalité, que ce soit pour la soutenir ou pour la combattre.
Toutefois, il reste la question de savoir dans quel type de situation familiale nous envisageons d’enraciner les droits des personnes, tant dans la relation conjugale que dans la relation et l’autorité parentales. Jusqu’à aujourd’hui, pour dire les choses rapidement, c’est le mariage comme lien stable et la filiation biologique qui fondent le socle du droit matrimonial et de la définition de la famille,…
…même si nos prédécesseurs et nous-mêmes avons apporté aux lois tant de modifications et d’amodiations qu’il est difficile de s’en souvenir.
Votre proposition de loi, en apparence insensiblement, rompt de nouveau avec ces fondements. J’en prendrai pour l’instant un seul exemple, tiré de l’article 11, madame le rapporteur, modifiant l’article 373-3 du code civil, qui retire au juge la faculté de confier « de préférence » un enfant à des personnes qui ont un lien de parenté avec lui. Il s’agit effectivement ici de situer au même niveau la relation sociale et la relation biologique. Nous ne pouvons être d’accord avec cette orientation : non pas parce que nous ignorerions la réalité quotidienne des familles, mais parce que le droit s’affaiblit lorsqu’il ne prend pas ses racines dans un sol solide. Nous continuons de considérer que la parenté est d’abord définie par la référence aux auteurs de la vie de l’enfant et en lien avec eux et que seules des circonstances tout à fait particulières peuvent affaiblir ce principe. Votre article 11 fournit l’excellent exemple d’une mesure de portée symbolique qui porte avec elle, précisément, toute la force d’un symbole.
Troisièmement, votre proposition de loi est la suite logique de la loi sur le mariage,…
…en ce qu’il est un texte fait pour les adultes, et non pas pour les enfants. Nous aurons l’occasion de revenir dans le déroulement des débats sur cet aspect particulier ; mais il serait difficile de passer sous silence, à ce stade, l’article par lequel vous souhaitez modifier, chers collègues, madame le ministre, les modalités de la résidence alternée. J’avais préparé un développement que je ne vous livrerai pas, étant donné ce que j’ai entendu de la bouche du rapporteur et du ministre tout à l’heure. Cela étant, en termes de résidence systématique et de double domicile, il reste un certain nombre de questions civiles et fiscales qui ne sont pas réglées à ce stade et que les débats en commission n’ont pas pu permettre d’éclairer totalement.
Ce qui est dommage, madame le ministre, madame le rapporteur, c’est que nous aurions pu partager bon nombre des préoccupations qui animent votre texte : le fait par exemple de renforcer l’appel à la responsabilité des parents, même si le recours aux amendes civiles n’est pas forcément la meilleure manière de procéder ; le fait de vouloir lutter contre les risques de maltraitance, en protégeant les enfants contre des parents violents ou négligents – c’est votre article 8, mais votre formulation, comme je le montrerai tout à l’heure, est à la fois inopérante et dangereuse selon nous ; le fait enfin de renforcer la place de la médiation familiale, même si le recours à l’injonction à la médiation porte en soi une certaine forme de paradoxe qu’il sera difficile de lever. Mais votre proposition de loi, en réalité, va bien au-delà.
Au total, les vingt-trois articles de cette proposition ne constituent pas un texte anodin. Elle est de notre point de vue périlleuse, tant pour le corps social que pour les familles, et c’est pourquoi il faut décider de la renvoyer en commission. Je vois à cela quatre raisons principales. Premièrement, ce texte est inutile.
Deuxièmement, il réforme de manière dangereuse l’articulation entre le partage et la délégation d’autorité parentale. Troisièmement, en voulant légitimement prémunir les enfants contre les menaces de violence et de maltraitance, il instaure une forme d’immunité inédite dans notre droit pénal et qui ne s’enracine dans aucun élément objectif. Quatrièmement, il n’a pas été examiné par le Conseil d’État, du fait de la procédure choisie par le groupe socialiste ; or cela aurait été intéressant.
J’en viens donc au premier reproche que j’adresse à ce texte : son inutilité. Beaucoup des articles soumis à notre débat font l’objet d’une rédaction déjà satisfaisante dans les textes actuels. Du reste, en étant, sans doute comme chacun d’entre nous ici, confronté à ce genre de sujet, je n’entends qu’à titre tout à fait exceptionnel des reproches contre les textes de loi. J’entends bien davantage que les ordonnances de protection ne sont pas prises assez vite, que la justice ne statue pas assez rapidement,…
…ue les décisions de placement des juges ne prennent pas assez en compte tel ou tel type de réalité, et notamment la lourdeur des conflits familiaux ou des violences intrafamiliales, qu’elles soient conjugales, madame la présidente de la délégation, ou exercées sur les enfants. Ce que j’entends, c’est que les tribunaux ne tiennent pas suffisamment compte de ces témoignages dans les décisions qu’ils prennent. J’entends aussi des parents dont l’imagination pour trouver des motifs de continuer de s’écharper dépasse parfois l’entendement. Cela, je l’entends, mais je n’entends que très rarement les magistrats, les avocats ou les parties civiles faire des reproches à la rédaction des textes en tant que telle. Même si, je le répète, nos débats permettront d’y revenir, prenons tout de même rapidement quelques exemples de cette inutilité.
De l’article 3, vous disiez vous-même tout à l’heure, madame le rapporteur, qu’il n’apportait pas de réelle innovation juridique, mais qu’il permettait de rappeler le droit. Je suis toujours surpris quand on vient dans cet hémicycle faire en sorte que la loi rappelle la loi.
C’est une manière d’écrire qui, de temps en temps, me surprend, mais soit ! L’article 6 de votre proposition sur le fait que le juge décide du titulaire de l’exercice de l’autorité parentale : c’est déjà ce qu’il fait. L’article 6 bis, qui donne au juge la possibilité de modifier le montant de la pension alimentaire : c’est déjà écrit. L’article 7 bis sur les pouvoirs du juge en matière d’expertise – je veux bien que l’on doive préciser quelques points à ce sujet, mais tout cela est déjà suffisamment bien bordé. L’article 11 déjà mentionné, sur la préférence donnée aux liens de parenté. Mais, ce qui est le plus surprenant, et paradoxalement le plus inutile dans votre texte, c’est le mandat d’éducation quotidienne, et en particulier l’articulation un peu curieuse entre l’article 9 et l’article 10. L’article 9, je le rappelle, propose de modifier l’actuel article 372-2 du code civil et dispose que l’on peut donner au parent qui exerce l’autorité parentale la possibilité d’autoriser un tiers à accomplir les actes qui concernent l’enfant. L’article 10, qui instaure le mandat d’éducation quotidienne, dit la même chose, mais dans la mesure où il ne fait pas de ce mandat un impératif, on ne voit pas pourquoi il y a deux articles différents. Votre texte, madame le rapporteur, est la meilleure démonstration du fait que le mandat d’éducation quotidienne est, en réalité, inutile et qu’en l’état actuel du droit, les familles peuvent parfaitement parvenir à régler les situations auxquelles elles sont confrontées.
J’en viens maintenant à la deuxième raison de cette motion de renvoi en commission : le texte est en réalité plutôt écrit pour les adultes et peu prolixe en ce qui concerne l’intérêt de l’enfant.
À titre préliminaire, nous nous sommes interrogés sur le fait qu’il n’y a pas, dans le titre, l’adjectif « supérieur » alors que toutes les conventions internationales reprennent la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.
Je vous conseille de consulter les conventions internationales, monsieur le Premier questeur. Un tel ajout, madame la rapporteure, n’aurait pas coûté si cher. Nous ne voulons tirer aucune conclusion de cette omission, mais puisque chacun semble ici attentif à ce que l’enfant soit protégé de manière spéciale, voilà un ajout déclaratif qui se serait parfaitement situé dans l’esprit d’ensemble de ce texte.
De même, nous nous sommes interrogés sur la nouvelle formulation proposée, à l’article 9, pour l’article 372-2 du code civil et sur la disparition du membre de phrase : « relativement à la personne de l’enfant ». Faire disparaître cette référence nous paraît curieux, mais il y a aussi d’autres éléments singuliers, et le déroulement des débats permettra d’y revenir.
La troisième raison porte sur l’instauration d’une forme particulière d’immunité à l’article 8. C’est un problème qui dépasse la notion d’intérêt de l’enfant et d’autorité parentale, et vous me permettrez d’y consacrer quelques instants.
Je donne lecture des alinéas 5 et 6 de l’article 8 qui vise à modifier l’article 227-5 du code pénal : « Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le fait de refuser de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer : premièrement, si la représentation de l’enfant ferait courir un danger à celui-ci ; deuxièmement, en cas de manquement grave et habituel du titulaire du droit de réclamer l’enfant aux obligations qui lui incombent en application du deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil. » Aux termes de l’article 40-1 du code de procédure pénale, rien n’empêche que la loi limite le pouvoir d’action publique confié au procureur de la République : « Lorsqu’il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l’article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l’identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l’action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s’il est opportun d’engager des poursuites, de mettre en oeuvre une procédure alternative [… ] ou de classer sans suite [… ] ». Votre volonté de limiter le pouvoir d’action du procureur de la République n’est donc pas ici en cause. Mais l’alinéa 6 fait référence à un danger que ferait courir l’autre parent si l’enfant lui était présenté. Cette formulation est problématique, principalement parce qu’elle fait reposer sur une appréciation parfaitement subjective, en l’absence de toute décision de justice, la notion de danger. Le caractère extrêmement vague de cette notion permet en effet toutes les représentations, toutes les interprétations, et donc toutes les dérives. Je le répète : l’imagination débordante dont font preuve certains parents pour ne pas représenter leur enfant à l’autre parent doit nous rendre attentifs à cette réalité. On peut parfaitement imaginer, par exemple, que soit considéré comme dangereux la pratique d’un sport extrême, le voyage dans un pays étranger en proie à quelques troubles, la pratique de loisirs quelque peu décalés par rapport aux habitudes, un sport de combat ou encore une randonnée en montagne. Votre texte n’apportant aucune limitation à la notion de danger, c’est l’appréciation subjective et personnelle du parent qui doit représenter l’enfant qui prévaudra. On manque, là encore, à la première fonction de la loi : celle d’être intelligible, de prévoir des circonstances claires afin que l’engagement de la responsabilité de chacun soit parfaitement délimité.
Mais déplaçons-nous maintenant du côté du parent qui aurait fait l’objet d’un refus de représentation parce qu’il ferait courir « un danger » à l’enfant, selon la formulation de l’alinéa 6. Cette personne, ainsi privée de toute faculté d’engager des poursuites pénales, n’aurait plus aucun moyen de faire valoir, devant quelque instance que ce soit, son droit à accueillir son enfant. Dans la rédaction ici proposée, cet article se prive d’un fondement objectif, à savoir une décision de justice, et repose sur le caractère aléatoire d’un droit seulement fondé sur une décision arbitraire, et donc sans fondement objectif : celle du parent qui a la garde de l’enfant. On comprend votre motivation : personne ne peut bien entendu souhaiter qu’un enfant soit représenté à un parent habituellement maltraitant ou irresponsable. Mais ce que vous voulez inscrire dans le droit ne peut l’être en l’état si le droit de l’autre parent à accueillir son enfant n’est, lui aussi, parfaitement respecté et garanti.
Il est vrai que notre droit prévoit des régimes d’immunité. Dans certaine situations ou s’agissant de certaines personnes, l’infraction n’est pas considérée comme commise. Le droit reconnaît de tels cas et les encadre. Je pense, par exemple, à la faculté pour chacun d’entre nous de ne pas témoigner contre un membre de sa famille, et donc de ne pas être poursuivi pour non-dénonciation de crime, ou encore aux diplomates non coupables des faits qui leur sont reprochés, du fait de leurs fonctions et de leurs lettres de créance. Mais, mes chers collègues, de tels cas reposent sur des actes objectifs tels que déclarations, pièces administratives, garanties d’État, des éléments absents du texte ici proposé et qui ne suppriment donc pas le caractère subjectif de l’application de l’article 8.
On ne peut trouver davantage de solidité dans votre référence à la notion de danger, même si celle-ci est bien connue du code pénal. Je pense ainsi à la « mise en danger délibéré d’autrui », prévue à l’article 121-3 du code pénal et définie, en son alinéa 4, comme « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou par le règlement ». Elle est considérée comme une circonstance aggravante dans le cas d’infractions commises à l’encontre de la vie ou de l’intégrité des personnes. Or ce n’est pas ce que vous visez ici, madame le rapporteur, et votre texte va au-delà de ces circonstances tout à fait précises, mentionnées par exemple aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal, ou encore du chapitre intitulé « De la mise en danger de la personne », qui rassemble les articles 223-1 à 223-20, mentionnant des fautes dont l’esprit est gouverné par la notion de risques causés à autrui définie aux articles 223-1 et 223-2. À l’évidence, l’emploi des termes « ferait courir un danger à l’enfant » à l’alinéa 6 de l’article 8 ne peut être vu comme faisant limitativement référence à cette partie du code pénal : vous visez des situations qui vont bien au-delà de la menace à l’intégrité ou à la vie de l’enfant. En effet, le texte ne fait pas référence explicitement à cette partie du code pénal et, de plus, la situation des familles est beaucoup plus diverse que ce genre de situations.
Encore une fois, comme les débats en commission l’ont montré, l’intention de protéger l’enfant contre toute forme de violence ou de maltraitance qu’il risquerait de subir en étant représenté à l’adulte qui a le droit de le réclamer est partagée par nous tous. Ce n’est donc pas votre volonté, mais votre rédaction qui est en cause, le fait, je le répète, qu’il est impossible d’écrire ainsi en droit.
Quatrième et dernière raison : l’ensemble des éléments que je viens de pointer invite, en l’état actuel de cette proposition, à ce que l’Assemblée nationale se donne tous les moyens d’un examen plus complet et plus précis. Le groupe socialiste a fait le choix de la proposition de loi comme véhicule législatif, évitant ainsi la saisine du Conseil d’État.
Il aurait pourtant pu le faire : le président du groupe, M. Le Roux, avait la possibilité, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, de lui demander son avis sur le fond, et les éléments que je viens de rappeler montrent que cela aurait été utile.
Après les déclarations de Mme le rapporteur et de Mme le ministre sur l’article 4 – article sur lequel nous aurons certainement à revenir en détail –, nous voyons bien qu’il y a une forme d’inachevé dans cette proposition de loi qui aurait justifié d’autres appréciations. J’ajoute que la consultation du Conseil d’État sur l’article 8 bis aurait également été utile.
De 2008 à 2012, vous n’avez jamais saisi le Conseil d’État sur une proposition de loi !
C’est tout à fait possible depuis la réforme de la Constitution, mes chers collègues. Je sais bien que vous ne l’avez pas votée, mais cela fait maintenant partie de notre arsenal. L’article 8 bis prévoit que le procureur de la République a le devoir de veiller à « l’exécution des décisions de justice rendues en matière civile ». Tout d’abord, je me demande comment cette disposition a pu passer sous les fourches caudines de l’article 40 parce qu’étant donné le nombre de décisions rendues tous les ans en matière civile et de celles qui ne sont pas correctement exécutées, cela va faire beaucoup de travail supplémentaire pour les services du parquet. Deuxièmement, croit-on vraiment que le procureur de la République doit veiller à l’exécution des décisions sur les conflits de bornage, sur les loyers impayés, sur les défauts de fourniture ou de prestation de service, ou encore sur les contrats de prêts, et tous les autres litiges sur lesquels les juges de première instance ont régulièrement à statuer ?
Ne serait-il pas opportun de limiter les pouvoirs d’intervention du procureur aux litiges familiaux, comme cela semble votre intention ? C’est la raison pour laquelle, devant une imprécision de plus, je plaide pour que ce texte soit renvoyé devant la commission des lois.
En fin de compte, cette proposition de loi est inutile, au moins dans sa rédaction actuelle. Elle fait la part belle aux adultes, mais aboutira à leur compliquer la vie plutôt qu’à autre chose ; elle abondera largement les contentieux, le travail des cabinets d’avocats et les palais de justice ; elle formalise de manière extrêmement rigide les situations quotidiennes et, pour cette raison, ne peut pas être considérée comme prenant réellement en compte l’intérêt de l’enfant ; elle instaure un régime d’immunité parfaitement incompatible avec l’esprit de notre droit, avec le fonctionnement au quotidien des institutions et avec la vie des familles. Ce texte doit enfin être soumis, pour examen complémentaire, à l’avis et aux expertises d’institutions qui n’ont pas été amenées à se prononcer pour le moment. C’est pourquoi je demande à l’Assemblée nationale d’adopter cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Poisson, vous dites que nous n’avons pas eu d’expertises : j’aurais pu vous montrer les cinq rapports, qui doivent être plus gros que le mien ; j’aurais pu aussi citer le rapport Leonetti sur la loi Morano, dont sont issues certaines des dispositions que vous critiquez.
Mais je tiens à vous redire que j’aborde ce débat dans un esprit d’ouverture alors que, durant plus de vingt-cinq heures d’auditions par la commission, je n’ai vu aucun membre de votre groupe. Vous auriez pu venir, ne serait-ce qu’envoyer un de vos collègues pour nous dire ce qui ne va pas sur tel ou tel point, puisque vous semblez si ouvert.
S’agissant des articles relatifs à la place des beaux-parents, nous n’avons bien évidemment pas érigé ce que nous proposons en dogme, et encore heureux ! On affirme que chaque famille a sa problématique. Ainsi, il y a des familles non séparées, mais aussi des familles recomposées, avec des beaux-parents. Oui, chaque famille choisira, au-delà de la présomption d’accord pour le tiers, s’il faut signer un mandat d’éducation avec le beau-parent et, dans des cas sans doute plus exceptionnels et plus graves, s’il faut procéder à une délégation ou à un partage de l’autorité parentale. Tout cela se mettra en place sous l’oeil du juge aux affaires familiales, qui statuera dans l’intérêt de l’enfant. Par conséquent, monsieur Poisson, puisque nous n’avons pas pu encore avoir avec vous un débat, ayons-le dans l’hémicycle.
Et puis devant vos reproches sur l’article 4, je vous rappelle qu’il entre bien évidemment dans le champ du travail du législateur. Je vous répète que nous sommes ouverts à la discussion : il n’y a pas de dogme dans cette proposition de loi. Nous voulons seulement améliorer la situation des familles. Vous dites que ce texte, censé renforcer l’intérêt de l’enfant, est avant tout fait pour les parents, mais ce sont malheureusement eux qui décident de se séparer, alors que l’enfant ne le voudrait peut-être pas.
Il aurait mieux valu travailler en amont le texte au regard du divorce !
À un moment donné, il va bien falloir que vous reconnaissiez un principe : c’est l’intérêt de l’enfant qui nous guide. Nous voulons aplanir toutes les difficultés des parents, pas d’un infra ou d’un supraparent, mais que tous deux se mettent d’accord, et enjoindre à cet effet à une séance de médiation.
Pourquoi ? Parce qu’il est toujours mieux d’être acteur de la résolution du conflit et de trouver soi-même la solution plutôt que de se la voir imposer par un juge.
Nous avons tenu compte des situations de violence et je remercie mes collègues de nous avoir dit que la loi de 2010 ne suffisait pas, de nous avoir demandé de remettre des garde-fous, ce que nous avons fait.
Certes, le médiateur constatera peut-être au bout d’un quart d’heure qu’il ne peut rien faire, mais cette première séance de médiation pourra aussi en entraîner d’autres qui permettront de trouver une solution. Ce sera toujours mieux que plusieurs audiences devant un juge pour que les parents parviennent à déterminer le jour de la semaine et l’heure à laquelle ils prennent l’enfant : le samedi à dix-neuf heures ou le samedi à dix-sept heures.
Puisque vous êtes apparemment conciliants, je vais évidemment inviter à rejeter votre motion de renvoi en commission : ayons le débat dans l’hémicycle. Certains des amendements que vous avez déposés sont du recyclage, si vous me permettez le terme, mais d’autres pourront prêter à débat, voire recueillir un avis favorable de la commission, dans l’esprit de concorde qui nous anime.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À cet instant, je voulais demander à chacun d’entre nous de se placer dans la réalité dont il est ici question. Je me souviens du texte sur le divorce de 2002, alors que M. Perben était au banc des ministres. Si vous lui posez la question, il vous répondra que ce texte a donné lieu à l’un des plus beaux débats parlementaires. J’en ai moi-même gardé ce souvenir. Personne n’imaginait alors combattre une réalité de société : le législateur, à l’initiative du gouvernement, s’était placé de plain pied dans la réalité.
Chers collègues, et je m’adresse particulièrement à vous, cher vice-président de la commission des lois, ce texte n’est pas inutile contrairement à ce que vous avez prétendu au début de votre intervention. Nous essayons d’apporter de meilleures réponses aux difficultés que rencontrent les gens dans leur vie.
Si vous pensiez qu’il faut empêcher les gens de se séparer, de divorcer, de rompre les liens qui les unissent, vous ne seriez pas dans la réalité. Or vous y êtes tout comme nous.
Personne, c’est ce que je viens de dire.
C’est pour cela qu’il faut en rester à ce texte qui n’est qu’une étape : des lois, des dispositifs visitant la relation entre l’homme et la femme et ses conséquences notamment sur les enfants, il y en aura toujours. Jamais le code, la loi et le juge n’apaiseront les souffrances et les difficultés des couples. Le juge, pas plus que nous, ne pourra apaiser la souffrance des enfants.
Nous sommes nombreux à avoir été des praticiens et à connaître cette réalité.
Au nom du président de notre commission, Jean-Jacques Urvoas, je vous propose d’examiner ce texte en étant conscients que nous ne réglons pas des conflits concernant nos conceptions de la société. Il s’agit d’adopter des évolutions possibles et nécessaires. Tel est le sens de ce texte qui ne clôt rien.
Cher collègue, le temps aura passé et nous avec, et le débat sur les rapports entre les hommes et les femmes et sur les filiations sera toujours présent au sein du code civil : cela dure depuis 200 ans puisque le premier texte date de 1804.
C’est pourquoi nous devons nous inscrire dans une autre perspective. À l’instant où nous ouvrons ce débat, au nom de la commission des lois et de son président Jean-Jacques Urvoas, je rappelle cette exigence. Nous allons peut-être apporter des solutions à des gens qui sont dans la souffrance et la difficulté, quel que soit notre sentiment de n’être pas allés assez loin.
C’est ce que je voulais rappeler à ce stade des débats, alors que nous allons commencer l’examen du texte, après le vote sur la motion de renvoi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fallait-il une grande loi sur la famille, sur le mariage – après les débats que nous avons eus sur le mariage pour tous –, sur le divorce, sur l’adoption, sur l’éducation des enfants, sur la PMA, sur la rupture du régime matrimonial et sur sa transformation ?
Oui, il fallait une grande loi, si elle avait pu donner lieu à un grand moment de consensus national, comme en 2002, date que l’on vient d’évoquer avec raison.
Je prends acte que ce n’est pas le cas. Je prends acte que la droite, manipulée par certains agitateurs, n’en a pas voulu. Alors, contentons-nous de cette proposition de loi a minima mais concrète.
Rappelons quelques principes. Pour ce qui est de la sphère privée, faisons d’abord confiance aux individus, aux parents. Réduisons au maximum le rôle de la loi. Faisons confiance à tous ceux qui vont intervenir : les avocats, les magistrats et notamment les magistrats spécialisés que sont les juges aux affaires familiales, pour trouver des solutions adaptées à ce qui sera toujours un drame, la rupture d’un couple.
Cette proposition de loi est utile dans la sphère qui est la sienne, c’est pourquoi nous estimons inutile de la renvoyer en commission pour permettre à l’esprit imaginatif de notre collègue Poisson de déposer à nouveau quelques milliers d’amendements.
Le mieux est l’ennemi du bien, lui dirai-je. Alors, contentons-nous de ce texte. Il n’aura sans doute pas la portée de ceux de Portalis mais il aura au moins le mérite de traiter de la situation des beaux-parents – ce qui est nouveau – et du rôle de la résidence alternée dans l’éducation de l’enfant et surtout dans sa protection.
C’est pourquoi nous nous opposerons à la demande de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Avec cette proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, nous sommes face à un texte a minima qui essaie de répondre de façon concrète à certaines problématiques liées à l’évolution des familles. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse vivre bien dans ces familles, quelle que soit leur composition, et de veiller à l’intérêt de l’enfant.
C’est cette évolution des familles que la droite conteste à chaque débat.
Vous ne voulez pas imaginer que les familles ont bougé, que l’on peut être heureux, que l’on peut s’aimer autrement que dans un couple formé d’un père et d’une mère et dédié à la procréation.
Je regrette profondément que nous n’ayons pas à débattre d’une grande loi-cadre sur la famille.
Quant à cette proposition de loi, elle mériterait certaines améliorations, notamment concernant la situation des femmes victimes de violences.
J’ai entendu les propos de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État. J’espère donc que les amendements présentés par la délégation aux droits des femmes seront débattus et adoptés, car sinon ce texte présenterait un danger pour les femmes victimes de la domination patriarcale.
Pour ces raisons, les députés du Front de gauche ne voteront pas pour le renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Erwann Binet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exposé de notre collègue Poisson était intéressant sans être convaincant. J’en suis désolé, mon cher collègue, mais nous n’avons pas compris quel était vraiment le sens de votre demande de renvoi en commission.
Mme la rapporteure a expliqué que son travail a été conséquent, qu’elle a rencontré plus de soixante personnes durant des auditions auxquelles très peu de membres de l’UMP – voire aucun d’entre eux – ont participé.
Je veux aussi rendre hommage au travail que nous avons effectué en commission, il y a deux semaines : une poignée d’amendements – très peu finalement –, une atmosphère sereine entre nous et un débat constructif.
Vous les avez d’ailleurs suivis, mon cher collègue, avec une particulière attention puisque vous avez pris le soin de nous citer nommément dans vos propos.
Aujourd’hui, nous sommes en face de 600 amendements, ce qui traduit sans doute de votre part la nostalgie d’un précédent débat.
Vous avez eu le soin de souligner ce qui nous oppose réellement. Pour vous, en dehors de la famille biologique ou la simulation de la famille biologique qui existe dans notre code civil au travers de l’adoption plénière ou l’encadrement juridique de la procréation médicalement assistée, il n’y a pas de famille.
Nous nous opposons à cette conception de la famille qui n’est pas la nôtre. Mais ce ne sont pas les socialistes qui vous le disent, ce sont les familles elles-mêmes et la société. Cela crève les yeux.
Monsieur Poisson, à de très nombreuses reprises, vous nous avez renvoyés à nos débats pour nous fournir des explications supplémentaires que nous sommes très impatients d’entendre. C’est pour cette raison que nous ne voterons pas pour cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Nul ne conteste les changements dans la société. Ils sont là, nous sommes en 2014, nous n’avons pas une vision passéiste de la société du XIXe siècle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous rassure. Ce n’est pas le cas contrairement à ce que certains souhaiteraient. Nous n’avons aucune intention de jouer un match retour, contrairement à ce que j’entends depuis quelques heures et à ce que j’ai lu ce matin dans la presse sous la plume de la ministre.
Non, il n’y a aucune volonté de revanche. Nous voulons seulement des éclaircissements et un texte qui soit réellement dans l’intérêt de l’enfant.
Mme la présidente Coutelle a reconnu que l’exposé des motifs était mal ficelé et qu’il ne fallait le comprendre ainsi.
Certes, mais sur la double résidence liée aux domiciles des parents – ce qui est quand même l’un des points essentiels de ce texte – l’exposé des motifs était mal ficelé, nous dit-on.
Vous l’avez dit vous-même, je ne fais que reprendre vos propos. Cela montre bien que nous avons intérêt à poursuivre les débats en commission. Certaines approximations et certains éléments juridiques nécessitent une expertise que nous n’avons pas eue. Voilà pourquoi, à ce stade, le groupe UMP votera pour le renvoi en commission qu’il demande.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le groupe UDI considère que la demande de renvoi en commission, proposée par le groupe UMP, est fondée.
De toute évidence, nous avons encore besoin de temps pour élaborer un texte qui soit réellement dans l’intérêt de l’enfant. De nombreuses dispositions, dont nous ne pouvons pas encore mesurer les conséquences, méritent d’être étudiées et analysées davantage. Elles ne sont pas anodines : elles prévoient de modifier le code civil et auront des conséquences pour les juges mais aussi pour les parents et les enfants.
Nous parlons de mesures aussi primordiales que les actes importants qui engagent l’avenir de l’enfant ou qui touchent à ses droits fondamentaux. Nous parlons de la place qui pourrait être réservée aux tiers dans la vie de l’enfant. Nous parlons du lieu de résidence des enfants dont les parents sont séparés. Tous ces dispositifs auront un impact évident sur le mode de vie des enfants.
Le choix du recours à la proposition de loi nous prive de l’avis du Conseil d’État, d’une étude d’impact, de l’avis des instances nationales de concertation.
Un examen plus approfondi de cette proposition de loi en commission est le moins que nous puissions attendre pour une réelle analyse de ce texte.
Le groupe UDI soutient donc cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Poisson, nous partageons un constat : la manière dont a été découpé l’ex-futur projet sur la famille n’est pas une bonne solution et le recul sur la famille a été un bien mauvais signal. Mais nos convergences s’arrêtent ici.
À entendre vos arguments, je m’étonne que vous ayez fait le choix d’une motion de renvoi en commission plutôt que celui d’une motion de rejet préalable, puisque votre groupe a déposé cent fois plus d’amendements en séance qu’en commission, soit 600 contre six. Si telle est l’image que vous avez du débat en commission, il est surprenant que vous souhaitiez y retourner. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le fond, vous l’avez dit, il n’y a pas de modèle exclusif de famille. Il faut donc légiférer pour protéger, prendre en compte, encadrer et accompagner les différents schémas familiaux. C’est l’objectif global des lois sur la famille.
Combattre les violences familiales – qui sont en réalité, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, des violences faites aux femmes – est une nécessité. Renforcer la médiation pour instaurer le plus possible un climat apaisé dans les cas de séparation est objectif à développer. La médiation se pratique au Canada, par exemple, et elle fonctionne bien.
Bien sûr, ce texte présente des carences et nous pouvons l’améliorer en apportant davantage de réponses aux parents, aux mères comme aux pères, et en renforçant encore la lutte contre les violences.
Mais les écologistes ne peuvent partager les griefs que vous faites à cette proposition de loi et ils ne voteront pas pour votre motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, nul ne saurait contester les évolutions considérables qui ont affecté l’institution matrimoniale et la famille ces dernières décennies. L’ordre familial institué en 1804 par le premier code civil avait pour fondement le mariage, frontière entre l’interdit et le permis, assis sur le principe d’une complémentarité hiérarchique entre les sexes. Cet ordre matrimonial, qui avait une très grande cohérence sociale, s’est trouvé bousculé et transformé par l’émergence de deux nouvelles exigences : l’égalité des sexes et la prise en compte de l’enfant comme sujet, notamment comme sujet de droit. La métamorphose de l’institution familiale se traduit par un premier grand moment de modernisation dans les années soixante-dix, en France mais aussi ailleurs dans le monde. Dans notre pays, on assiste alors, en effet, à une succession de réformes du droit de la famille : réforme des régimes matrimoniaux en 1965, création de l’adoption plénière en 1966, passage de la puissance paternelle à l’autorité parentale en 1970, égalité des filiations légitime et naturelle en 1972, légalisation de l’avortement en 1975 et divorce par consentement mutuel en 1975 aussi. Et puis, cela a été rappelé à cette tribune, l’année dernière, le mariage civil a été ouvert aux couples de personnes de même sexe.
C’est dans la foulée de ces réformes, qui doivent beaucoup au mouvement des femmes, qu’émerge un autre phénomène social de masse : le divorce. Certains chercheurs préfèrent d’ailleurs appeler cela le démariage ; en effet, ce mot ne signifie ni la crise ni la dévalorisation du mariage. Désormais, se marier ou non n’est plus perçu comme une obligation sociale impérative, mais comme une question de conscience personnelle, un choix de vie, en somme.
C’est donc à ce moment clé que nous nous trouvons. Il s’agit, pour les législateurs que nous sommes, d’édifier un nouvel ensemble de repères et de normes capable de substituer à l’ancien ordre matrimonial de la famille une alternative cohérente et lisible pour tous. C’est pourquoi l’enterrement de la loi famille est une erreur et une faute.
C’est une faute, parce que ce n’est pas de bonne politique que de revenir sur ses engagements. Je le rappelle : et Mme la ministre chargée de la famille, votre prédécesseure, et le Premier ministre lui-même s’étaient engagés non seulement à présenter un seul et même texte, mais aussi à ce que celui-ci inclue une approche égalitaire de la filiation, qui permette aux couples de femmes de sécuriser pleinement le statut de leur enfant et leur projet parental. Revenir sur un tel engagement, alors même qu’il avait fait l’objet de tant de promesses, nourrit la déception et la méfiance. Un seul et même texte pour avoir une approche cohérente des différentes articulations que le législateur est appelé à trancher dans les nouvelles géographies familiales apparaissait et apparaît encore et toujours nécessaire.
Je ne prendrai qu’un seul exemple pour illustrer mon propos, pris, d’ailleurs, dans l’un des rapports remis au Gouvernement.
À première vue, la question de l’accès aux origines et celle des beaux-parents dans les familles recomposées n’ont rien à voir. L’accès aux origines concerne deux situations : celle des enfants nés sous X, adoptés ou pupilles, et celle des enfants nés d’un engendrement avec un tiers donneur dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Ces deux situations impliquent des personnes qui ont joué un rôle dans le passé, autour de la naissance de l’enfant, mais qui ne sont plus présentes dans sa vie, voire n’y ont jamais été, des personnes qui, en tout cas, ne jouent aucun rôle éducatif : les parents de naissance d’une part, les donneurs d’engendrement d’autre part. Au contraire, les beaux-parents qui vivent aujourd’hui dans les familles recomposées, qui n’ont pas été partie prenante de la naissance de l’enfant, mais qui, ensuite, ont rencontré un des parents de l’enfant, en partagent la vie et assument la responsabilité de l’éducation, du soin et de la prise en charge de la progéniture au quotidien.
Deux situations, je l’ai dit, en apparence très opposées. Elles ont pourtant en commun quelque chose d’essentiel : toutes ces personnes sont maintenues à l’écart de la famille, elles sont privées d’existence au sein de nos institutions, par le droit, par l’État. Elles n’ont pas droit de cité, soit qu’elles n’aient pas de reconnaissance sociale, c’est le cas des beaux-parents, soit que leur identité soit devenue inaccessible, c’est le cas des parents de naissance, soit qu’elle ait été volontairement effacée, pour faire comme si elles n’avaient jamais existé, c’est le cas des mères accouchant sous X, des donneurs de gamètes et d’embryons. Et pourtant elles ont existé, elles existent.
Ces différentes formes d’effacement institutionnel peuvent être vécues par l’enfant comme le déni de son histoire biographique, et par l’adulte comme une atteinte à son identité personnelle et une injustice qui lui est faite. Ces questions doivent être traitées par le législateur. Ce n’est que partiellement le cas avec cette proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant. Si ce texte traite bien des beaux-parents, la question de la filiation pour les couples de même sexe a été laissé de côté alors même que les réalités qui sont en cause sont bien connues du législateur, alors même qu’il nous avait été dit, par voie gouvernementale, que tous les droits afférents au mariage étaient ouverts avec l’ouverture du mariage civil aux couples de personnes de même sexe.
Je l’avais dit pendant le débat ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : la stratégie qui consiste à ouvrir les portes de nos mairies aux couples de personnes de même sexe tout en fermant la porte au débat sur la manière dont ces couples font des enfants et la reconnaissance de la filiation me paraît à la fois hypocrite et périlleuse. Heureusement, la garde des sceaux avait eu le courage de permettre par circulaire l’octroi de certificats de nationalité aux enfants nés à l’étranger de Français, « lorsqu’il apparaît, avec suffisamment de vraisemblance, qu’il a été fait recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui ». Ce fut un demi-pas. Il reste la question de la retranscription de ces filiations à l’état civil pour que le pas soit complet ; en l’espèce, il n’est nul besoin de passer par la loi, la circulaire peut suffire. Et puis, il y a la question de l’assistance médicale à la procréation pour les femmes homosexuelles en couple.
Le Gouvernement, après avoir pris un engagement, y a renoncé et vous ne cessez, depuis votre nomination, madame la secrétaire d’État, de donner, au nom de l’apaisement, des gages à celles et à ceux qui, au nom de la protection de l’enfant, ont banalisé les discours de stigmatisation et de discrimination, alimentant une homophobie ambiante qui se traduit depuis bientôt un an par des actes d’une grave violence. À toutes les femmes en couple, qui souhaitent que leur projet parental soit reconnu par la loi comme légitime et ne veulent plus bricoler ni traverser les frontières pour devenir mères, qu’offrez-vous ? D’emprunter le train comme le faisaient tant de femmes il y a quarante ans, avant l’adoption de la loi leur permettant de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Je crois sincèrement que la stratégie d’évitement du gouvernement montre ici ses limites.
Le choix de renoncer à la loi famille au bénéfice de plusieurs propositions de loi présente certes l’avantage de permettre de se réfugier derrière l’initiative parlementaire – je serais tenté de dire qu’à l’évitement il faut donc ajouter désormais la couardise –, mais ce choix conduit à mettre de côté ce qui peut faire débat ou conflit, mais qui est déjà une réalité sociale. En outre, ce choix ne permet pas de penser les articulations et les cohérences nécessaires lorsque l’on se donne comme objectif de fonder le droit de la famille sur le principe de l’égalité des sexes et de la mise en place de nouvelles protections et sécurités et de nouveaux droits pour les enfants.
Cette proposition de loi, qu’un certain nombre de mes collègues écologistes ont signée, est donc une tentative parlementaire, face à l’abdication gouvernementale, de s’attaquer à des situations familiales qui appellent des solutions sans tarder. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé avec Mme la rapporteure.
Ce texte comporte quatre axes principaux, qui font l’objet de quatre chapitres distincts.
Le premier chapitre vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents. L’article 3 explicite la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui implique que les parents s’informent réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant, et agissent conjointement. Il s’agit, en effet, d’une clarification nécessaire. Il en va de même de l’article 4, qui précise que tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert l’accord des deux parents. Ce même article qualifie expressément le changement de résidence et le changement d’établissement scolaire de l’enfant d’actes importants ; c’est une bonne chose.
D’autres dispositions ont pour objet de rendre les règles relatives à l’exercice conjoint de l’autorité parentale plus effectives, en renforçant leur respect. L’absence de dispositif d’exécution forcée des décisions des juges aux affaires familiales constitue en effet une lacune. L’article 5 crée une amende civile, qui pourra être prononcée par le juge aux affaires familiales en cas de manquement grave ou renouvelé aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou si sa décision n’a pas été respectée.
Le deuxième chapitre de la proposition de loi vise à reconnaître et à sécuriser la place que les beaux-parents occupent déjà, de fait, dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. On est loin, cependant, d’un statut des tiers. La proposition de loi prévoit, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, une série d’instruments accordant une place croissante aux beaux-parents, selon les choix opérés par les familles concernées et leurs besoins. Les parents pourront aussi décider de partager l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers par exemple, par la voie d’une convention homologuée.
Le troisième chapitre aborde la médiation familiale. Et nous sommes d’accord pour la promouvoir, à l’exclusion des situations de violence. Cela a été évoqué par Mme la secrétaire d’État.
Le quatrième chapitre a pour objet mieux prendre en compte la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure le concernant. Dans cet esprit, Mme la rapporteure a bien voulu donner une suite favorable à l’un de nos amendements sur la prise en compte de la parole de l’enfant, avec la possibilité pour celui-ci, s’il est âgé de seize ans, de faire appel à un juge des enfants pour demander son émancipation.
Notre amendement sur la présomption de parenté, que la commission et le Gouvernement ont repoussé, sera également défendu. Il ne s’agit pas de réintroduire ici la question de la PMA, je vous l’ai dit en commission, mais d’assurer l’établissement de la filiation et de sécuriser la situation de ces enfants. Je l’avais dit lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage civil aux personnes de même sexe, je le redis encore une fois ici, ce n’est pas une manière détournée d’avoir le débat sur cette question de la PMA. Cet amendement, nous l’avions déjà déposé, c’est un engagement politique que nous défendons, nous ne sommes en rien victimes de nos émotions, contrairement à ce que vous avez pu suggérer, madame la secrétaire d’État. D’ailleurs, l’un des rapports remis au gouvernement comporte une proposition similaire : il y est en effet proposé que l’établissement de la filiation repose pour tous les couples sur une déclaration anticipée de filiation. C’est le même esprit que celui de notre amendement.
Enfin, un amendement portant sur les violences et les châtiments corporels dont sont victimes les enfants au nom de la bonne éducation sera présenté. C’est un amendement nouveau. Je crois que nous ne pouvons pas tolérer que de telles pratiques éducatives existent. Nous avons été l’objet de sanctions. Trente-quatre pays ont aboli ces châtiments. À l’heure où le gouvernement fait preuve d’une grande détermination, que les écologistes soutiennent et accompagnent, contre les violences faites aux femmes, comment justifier qu’une paire de gifles entre adultes soit condamnable, à juste titre, alors que, dans le cas où la victime est un enfant, la pratique est tolérée ? Le refus de cet amendement n’est sérieusement pas justifié. Il n’est, je crois, même pas justifiable.
Chers collègues j’espère que nos débats seront argumentés, loin des fantasmes que d’aucuns se plaisent à alimenter, loin des caricatures, et des attaques. C’est en tout cas l’état d’esprit des écologistes au moment où nous abordons l’examen de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, il semblerait, selon un hebdomadaire, que la loi famille arrive devant notre assemblée sur un fond de polémique, alors qu’elle devrait naturellement être faite dans un esprit consensuel et constructif. Je l’avais cru au départ. Je constate d’ailleurs qu’il n’y a plus de députés de l’opposition dans l’hémicycle, exception faite d’une charmante personne.
Sourires.
J’avais cru au départ que le fait que la droite ne participe pas aux différentes auditions était le signe que nous parviendrions à un certain consensus, mais le dépôt de plusieurs centaines d’amendements démontre que nous en sommes loin.
Est-ce normal ? Et pourquoi arrivons-nous à une telle situation ? Je crois que les torts sont un peu des deux côtés. Il est vrai que, à la suite du tumulte et du fracas du mariage pour tous, nous n’avons pas réussi à créer un consensus ; moi qui ai été l’un des principaux intervenants en la matière, je le constate. S’est fait jour alors cette volonté, certes déniée par notre collègue Gosselin, de trouver une sorte de revanche, en agissant de deux manières : d’abord, en faisant en sorte qu’il y ait une telle pression sur le Gouvernement qu’il réduise lui-même le texte par une sorte d’autocensure ; ensuite, sous la forme d’une opposition déterminée de la droite à l’ensemble des propositions que nous pouvions faire.
Pourtant, la proposition que nous examinons aujourd’hui aurait parfaitement pu être acceptée, puisque c’est d’abord une loi sur l’enfant, sur l’intérêt de l’enfant. Qui peut s’opposer à l’intérêt de l’enfant ? Il est vrai qu’en matière familiale le poids de l’histoire est lourd ; vous le savez, monsieur le vice-président de la commission des lois, qui êtes juriste. Nous sommes passés, d’abord, de la puissance paternelle à l’autorité parentale. Nous sommes passés du droit de garde à la notion de résidence. Nous sommes passés au partage des rôles dévolus au père. Le père, qu’est-ce que c’était ? C’était quelqu’un qui devait verser une pension alimentaire et une prestation compensatoire, et voir le moins possible l’enfant.
La mère, quant à elle, ne percevait du père que de faibles ressources, en contrepartie de quoi elle devait assurer l’éducation de l’enfant. Tout cela était absurde ! Ainsi, pendant très longtemps, les parents se sont partagé la garde des enfants de la manière suivante, comme le savent bien tous les avocats : un week-end sur deux en période scolaire, et la moitié des vacances.
Progressivement, la résidence alternée est apparue. Cette manière de faire était, dans un premier temps, interdite. Il a fallu une véritable poussée, une véritable demande de la part des couples qui se séparaient, pour qu’elle soit autorisée, pour que les parents puissent garder les enfants une semaine sur deux alternativement. Toutes les associations de pères revendiquaient cette possibilité : nous avons bien connu l’action de ces associations. Elles se sont d’abord opposées – il faut bien le dire – à la prestation compensatoire. Rappelons-nous tout ce qui a été fait à ce sujet ! Elles ont ensuite voulu permettre aux pères de participer au maximum à l’éducation des enfants : on a vu cela avec ce que l’on a appelé les « papa-grues » qui, semaine après semaine, montaient sur des grues pour interpeller la République à propos de la situation des enfants qu’ils n’arrivaient pas à voir. Bien souvent, il est vrai, des mères préféraient se faire condamner plutôt que de permettre aux pères de voir leurs enfants : c’est une réalité.
On est ainsi parvenu à la résidence alternée, qui a représenté un grand progrès : il faut le souligner – même si je sais que plus de 4 000 professionnels protestent contre sa généralisation. Mais ce n’est pas la généralisation qu’il faut, il faut simplement faire en sorte que cela soit la première des solutions proposées.
Cette proposition doit s’appuyer sur un certain nombre de conditions.
Premièrement, les parents doivent continuer à habiter à proximité l’un de l’autre, à quelques kilomètres, car en cas de garde alternée, les échanges sont permanents entre les deux parents séparés, pour assurer la meilleure éducation possible à l’enfant. Deuxième élément central : l’école. On voit bien quelles oppositions peuvent se faire jour entre école publique et école privée, en particulier dans l’ouest de la France, où il y a plus d’écoles privées que d’écoles publiques. La résidence alternée emporte aussi des conséquences en matière de logement : après la séparation d’un couple qui occupait un F4, il faut deux F4, un pour chacun des parents ! Le maire que je suis connaît bien l’incidence des séparations et de la résidence alternée sur les obligations de construction de logements sociaux.
Ensuite, nous avons dû réfléchir au développement affectif de l’enfant. Je dois avouer, madame la ministre, que je me suis posé de nombreuses questions à ce sujet. Ce n’est pas si simple que cela !
Ce que vous dites est vrai.
J’ai la vague impression que la résidence alternée est peut-être faite d’abord pour les parents, et pas pour les enfants !
Il faudra aussi examiner les conséquences de cette réforme sur les rythmes scolaires, ce qui n’a pas encore été fait.
Deuxième problème : celui de la médiation familiale. Je ne suis pas persuadé qu’il faille multiplier les médiateurs familiaux : mon expérience professionnelle me pousse plutôt à croire au rôle des avocats. L’avocat doit d’abord expliquer aux deux personnes qui se présentent devant lui que leur séparation les appauvrira gravement et leur posera des difficultés très fortes pour l’avenir. Ce rôle de l’avocat est essentiel : il doit rester un élément de la législation française en la matière. Je crois, ensuite, au rôle du juge : nous savons que les juges aux affaires familiales sont des spécialistes.
Au passage, pour parler de parité, je ferai remarquer que si, dans cette profession, il y avait auparavant trop d’hommes, il y a maintenant trop de femmes ! Vous me direz qu’il est insultant de dire cela, mais c’est la simple vérité ! Dans l’exercice de ma précédente profession, il m’est arrivé de plaider devant le tribunal de Nanterre. Il y avait, si mes souvenirs sont bons, seize juges aux affaires familiales. Sur seize juges, il y avait seize femmes ! Elles sont bien évidemment aussi compétentes et professionnelles que des hommes ; cependant, le fait qu’à un moment donné, les parents ne puissent être confrontés à une femme d’un côté, un homme de l’autre, me paraît être une mauvaise chose.
Tout à fait, mais en la matière, c’est tellement important ! Je disais la même chose quand il n’y avait que des hommes comme juges ; je le dis aussi bien quand il n’y a que des femmes. C’est peut-être un problème d’organisation de la justice, mais il y a désormais 80 % de femmes parmi les élèves qui rentrent à l’École nationale de la magistrature : on est en droit de se poser des questions !
En ce qui concerne la médiation familiale, ne la multiplions pas ; faisons plutôt confiance aux parents, écoutons les enfants, et écoutons les juges aux affaires familiales. Je voudrais vous faire une suggestion, madame la ministre : je ne pense pas que le juge aux affaires familiales doit être au tribunal de grande instance, mais au tribunal d’instance. J’ai toujours pensé que l’ensemble du contentieux familial doit être renvoyé aux tribunaux d’instance, c’est-à-dire aux tribunaux de proximité, car il est inutile, par exemple, de faire 150 kilomètres pour discuter d’un problème comme l’heure de retour des enfants – savoir s’il faut les ramener à dix-sept heures ou à dix-neuf heures, comme cela a été dit tout à l’heure. Le juge d’instance pourrait parfaitement s’acquitter de cette tâche ! Je crois que nous aurions tout intérêt, dans le cadre de la réorganisation de notre système judiciaire, à faire en sorte que le juge d’instance soit compétent pour les affaires familiales.
La nouveauté de ce texte est aussi de faire participer les beaux-parents qui ont démontré leur attachement aux enfants de leur conjoint. Comme cela a été dit, ils ont jusqu’à présent été les « mal-aimés du divorce » ; c’est donc un progrès. Cette proposition de loi me semble prendre en compte de manière intéressante cette nouvelle situation. Peut-être aurait-on dû y joindre le rôle des grands-parents, comme en Espagne. Certes, vous me direz qu’ils ont déjà un certain nombre de droits. Je crois néanmoins que nous pourrions, sur ce point, nous inspirer de dispositions en vigueur à l’étranger. Par exemple, dans un autre domaine, notre collègue Gérard Gouzes s’était beaucoup intéressé au rôle de la femme en Espagne, et aux idées que l’on pouvait en tirer en particulier pour ce qui concerne le droit au nom. L’exemple espagnol me semble également très intéressant pour ce qui concerne le rôle des grands-parents. Peut-être avons-nous manqué là une occasion !
Ce que je voudrais vous dire, madame la ministre, c’est qu’il faut se méfier de la loi. La loi n’apportera jamais de solution valable pour toutes les situations.
C’est sûr !
La loi doit être souple, légère ; en matière familiale, elle ne doit jamais être punitive. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les membres de notre groupe n’ont pas cosigné cette proposition de loi.
Laissez-moi vous dire une chose : faisons confiance aux parents, associons-les le plus possible, avec l’enfant – qui a le droit d’avoir un avocat, le droit de s’exprimer. Cette proposition de loi sur la famille concerne des centaines de milliers de cas. En aucune façon, elle ne relance la guerre du divorce. Elle tend à mettre fin à des souffrances, celles des parents comme des enfants. Elle tend à apporter de la sérénité à un moment si douloureux, qui concerne une famille sur deux.
Cette proposition de loi n’est pas une panacée, bien sûr. Elle ne mérite ni l’opprobre, ni la vénération. Elle a le mérite d’être concrète et pratique : c’est sans doute ce qui compte le plus. Il faut donc apaiser, dans la sérénité : telle est la volonté des radicaux.
Sur ce texte, qui est relatif à un problème de société, les députés de notre groupe s’exprimeront tous librement.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’institution familiale a profondément évolué au cours de ces dernières décennies. Les configurations et les parcours familiaux se sont diversifiés, si bien qu’aujourd’hui il n’y a plus un seul modèle familial, mais plusieurs. Pour répondre à cette réalité incontestable, le droit de la famille, et plus particulièrement les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, ont connu d’importantes mutations. La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a ainsi constitué une étape majeure, en étendant à tous les couples – mariés ou non, vivant ensemble ou séparés – le principe de coparentalité, selon lequel l’intérêt de l’enfant est d’être élevé par ses deux parents.
Dans le prolongement de cette évolution, la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen entend apporter des réponses pragmatiques. Nous sommes d’accord avec la philosophie qui l’anime, et nous soutenons ses principaux objectifs afin de sécuriser et faciliter le quotidien des familles dans l’intérêt de l’enfant.
Le premier objectif est essentiel : renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents, afin que l’enfant puisse conserver, malgré cette séparation, des relations équilibrées avec chacun d’eux. En effet, en dépit de la consécration, par la loi du 4 mars 2002, du principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, des difficultés subsistent. Dans les faits, de nombreux enfants n’entretiennent plus de relations régulières avec un de leur parent. Pour résoudre ces difficultés, la proposition de loi améliore l’information des parents à propos de leurs devoirs et leurs obligations. Elle précise la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, renforce l’effectivité de ses règles en prévoyant de nouvelles possibilités de sanctionner leur méconnaissance et réforme les règles applicables à la détermination de la résidence de l’enfant.
Le principe de la coparentalité est ainsi réaffirmé et clarifié. Tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale. Pour les actes importants, cet accord doit être exprès.
Les règles relatives à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents sont également réformées. Le principe devient la double résidence ; en d’autres termes, la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun de ses parents, sauf circonstances exceptionnelles. C’est d’abord un symbole fort : il ne s’agit pas d’imposer une stricte égalité de temps entre les deux résidences, mais de reconnaître expressément le droit de l’enfant à rester en relation avec chacun de ses parents. C’est aussi, disons-le, une avancée qui permettra de faire évoluer la pratique.
Parallèlement au renforcement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, le texte reconnaît la place croissante prise par les tiers, en particulier les beaux-parents, dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. Il ne s’agit pas d’instituer un statut du beau-parent mais de permettre aux beaux-parents d’exercer en droit les responsabilités qu’ils assument déjà en fait, dans l’intérêt de l’enfant. Cette reconnaissance n’entre pas en contradiction avec le principe de la coparentalité, mais constitue au contraire son complément et constitue une valeur ajoutée pour l’enfant.
Nous approuvons également l’objectif de donner plus de place à la médiation familiale dont les résultats, dans la majorité des cas, sont très positifs. Inciter les parties à recourir à la médiation familiale pour apaiser les conflits et rechercher les meilleures solutions, cela répond à l’intérêt de l’enfant. En revanche, nous sommes réservés quant à l’opportunité d’enjoindre aux parents de participer à des séances de médiation familiale. Celles-ci, pour être efficaces, doivent résulter de la volonté des participants.
Nous approuvons enfin une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant dans le cadre des procédures qui le concernent. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, cette préoccupation est partagée par de nombreuses institutions, à commencer par le Défenseur des droits. Au cours des débats en commission, des difficultés sont apparues au sujet de l’appréciation du discernement de l’enfant. Faute de critère, et en raison de la disparité des pratiques des différents tribunaux, il nous semble bon de supprimer la condition de capacité de discernement, qui est un préalable à l’audition du mineur par le juge. L’audition du mineur par le juge sera ainsi de droit dès lors que le mineur en fera la demande, sauf si son intérêt exige qu’il ne soit pas entendu. Le magistrat, entendant l’enfant qui le demande, pourra alors apprécier sa maturité.
Pour conclure, bien que les députés du Front de gauche partagent l’esprit qui anime cette proposition de loi – qui place l’intérêt de l’enfant au coeur du droit de la famille –, leur appréciation définitive sur ce texte n’est pas encore fixée : elle dépendra de l’issue de la discussion des articles et des amendements.
Monsieur le Président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous commençons cet après-midi les discussions sur les nouvelles protections que nous souhaitons apporter aux familles et aux enfants.
La proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant est issue des réflexions et des travaux engagés par le précédent gouvernement et par Dominique Bertinotti, qui en fut la ministre de la famille. Quatre groupes de travail ont fourni une réflexion utile et de nombreuses propositions. Le groupe socialiste, dont les travaux ont été menés par Marie-Anne Chapdelaine, reprend, dans le texte examiné aujourd’hui, certaines de ces propositions, auxquelles vous avez dit à l’instant que vous souscrivez également, madame la secrétaire d’État.
Cette proposition de loi n’est pas un texte de rupture. Elle s’inscrit pleinement dans la continuité des modifications du droit de la famille et entérine des évolutions de la société. Il en va ainsi notamment lorsqu’elle renforce la notion et le sens de l’exercice conjoint de l’autorité parentale issue de la loi du 4 mars 2002.
C’est également en s’appuyant sur la réalité sociale que la proposition de loi envisage de donner au beau-parent une existence ; il en va de même des dispositions en faveur du développement de la médiation, procédure initiée dans les années quatre-vingt-dix pour restaurer le dialogue au sein de la famille, ou du nouveau cadre pour le recueil de la parole de l’enfant par le juge aux affaires familiales.
Lors des auditions menées par la rapporteure, nous avons pu constater avec une grande satisfaction que ce texte rassemblait très largement les représentants des familles et les acteurs des conflits familiaux. Toutes les associations familiales saluent les avancées que ce texte va apporter, tout en restant naturellement vigilantes sur certains points. Les syndicats de magistrats et les associations de médiation ont exprimé également leur satisfecit.
Certes, nos propositions ne vont pas assez loin pour certains, ou trop loin pour d’autres, mais la présente proposition de loi est équilibrée dans son économie générale et dans chacune des mesures qu’elle vise à introduire dans notre code civil.
La proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant s’adresse à toutes les familles, indifféremment. Elle ne les catégorise pas. Elle ambitionne de montrer la nécessité d’un dialogue permanent entre les parents. Elle ne prétend pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Elle permet à l’intérêt de l’enfant d’émerger et de s’imposer. Elle n’a pas vocation à en déterminer par avance le contenu.
Le chapitre premier de ce texte consolide l’exercice conjoint de l’autorité parentale, fondée sur le principe que le couple parental survit à la dissolution du couple conjugal, que les liens de filiation des enfants continuent à réunir les parents dans les décisions qu’ils doivent prendre pour eux. Il s’agit pour nous d’en améliorer la connaissance par les intéressés, d’en clarifier les contours et d’en assurer l’effectivité.
Parmi les dispositions proposées, celle établissant la résidence de l’enfant au domicile des deux parents séparés est sans doute la plus symbolique et la plus forte. Elle ne bouleverse pas notre droit, mais elle fait disparaître la notion de droit de visite et d’hébergement qui pouvait être considérée par le parent qui se le voyait attribuer comme une violence symbolique, la marque du parent perdant ou du « sous-parent ».
Le principe de coparentalité repose sur l’égalité dans l’exercice des responsabilités parentales. Nous instaurons l’égalité dans la sémantique, et dans l’intérêt de l’enfant. Il ne s’agit en rien de généraliser la résidence alternée paritaire, comme certains ont pu le laisser croire. Il s’agit seulement de corriger l’incohérence, qui existe aujourd’hui, entre l’égalité des droits des parents, manifestée par l’exercice conjoint de l’autorité parentale, la coparentalité, et l’inégalité de leur considération dans l’attribution de la résidence de l’enfant : la résidence pour l’un, le droit de visite et d’hébergement pour l’autre.
Dans le même esprit, nous rappelons formellement que l’exercice conjoint de l’autorité parentale signifie que les parents doivent s’informer réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prendre ensemble les décisions le concernant en codifiant la définition des actes importants pour lesquels l’accord de l’autre parent ne peut être présumé.
Enfin, pour les conflits qui conduisent les parents à ne pas respecter leurs engagements en matière d’exercice de l’autorité parentale, et dans l’intérêt de l’enfant, nous assurons l’effectivité de ces principes en rappelant la possibilité pour le juge de prononcer des astreintes, en instaurant une amende civile, en permettant d’ajuster ponctuellement la pension alimentaire et en réformant le délit de non-représentation d’enfant.
Dans son deuxième chapitre, la proposition de loi aborde enfin une question qui a fait l’objet de tentatives législatives récurrentes, mais toujours avortées : celle de la place des beaux-parents. Elle s’inspire en cela du rapport issu des réflexions du groupe de travail présidé par Mme Irène Thery.
Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée ; au total, ils sont environ un million et demi. Un tiers de ces enfants est issu du nouveau couple ; ils vivent avec au moins un demi-frère ou une demi-soeur. Deux tiers sont issus d’une union antérieure.
Les beaux-parents s’investissent affectivement et souvent financièrement. Ils exercent un rôle éducatif notoire et sont reconnus dans ce rôle par leurs beaux-enfants. Il est depuis longtemps devenu incontestable que l’intérêt de l’enfant peut nécessiter l’intervention de ses beaux-parents dans les décisions de la vie courante qui le concerne.
En 2009, la majorité d’alors – l’opposition d’aujourd’hui – avait enfoui une initiative gouvernementale tendant à réformer le droit des tiers au prétexte qu’elle ouvrait une éventuelle reconnaissance des familles homoparentales. En 2014, cet argument n’a plus de fondement.
Cette proposition de loi vise donc à créer non pas un statut, qui serait contraignant et imposé, mais un outil simple : le mandat d’éducation quotidienne, facultatif, et dont la portée englobe seulement les actes usuels concernant l’enfant.
Le mandat d’éducation quotidienne n’est qu’un premier degré dans l’intervention possible des tiers. La présente proposition prévoit également de réformer la délégation et le partage de l’exercice de l’autorité parentale, dont la portée est plus large et l’accès plus restrictif.
Le troisième chapitre de la proposition de loi stimule le recours à la médiation familiale. Née dans les années quatre-vingt en Amérique du Nord, elle s’est développée en France quelques années plus tard, inspirée par les expériences québécoises.
Il vous est proposé de reconnaître et de développer par la loi le recours à la médiation familiale comme moyen permettant aux parents de reprendre le dialogue, de s’éloigner de l’objet du conflit, d’apaiser les tensions et de porter un regard commun sur l’intérêt de l’enfant.
L’intervention judiciaire ne peut être la solution à tous les conflits familiaux qui portent en eux une charge émotionnelle, psychologique et affective lourde. Le dialogue nécessaire entre les parents, la nécessité de purger les conflits dans l’intérêt de l’enfant laissent toute sa place à la médiation familiale.
La loi de 2002 puis celle de 2004 relative au divorce ont mis en place des instruments permettant un exercice consensuel de l’autorité parentale, instruments que nous voulons aujourd’hui développer et enrichir.
Dans un rapport d’information sur la justice familiale publié en février dernier, les sénateurs Catherine Tasca et Michel Mercier précisent que, lorsqu’elle est mise en oeuvre, la médiation donne lieu à un accord entre les parties dans 57 % des affaires. Au tribunal de grande instance d’Arras, lieu d’expérimentation sur ces questions, lorsque les médiations sont menées à terme, elles donnent lieu à un accord dans 100 % des cas.
Pour autant, nous le savons, le recours à la médiation familiale reste marginal. En 2012, 2 789 affaires ont été renvoyées à un médiateur, soit 0,8 % du contentieux. Nous avons donc des marges de progrès et la proposition de loi envisage de commencer à les réduire.
Enfin, en sus de la possibilité pour le mineur de plus de seize ans de solliciter son émancipation, le quatrième chapitre propose une nouvelle écriture de l’article 388-1 du code civil qui encadre les conditions de recueil par le juge aux affaires familiales de la parole de l’enfant en anticipation des décisions le concernant.
L’enfant est le personnage central de la famille. Il n’était effectivement plus possible de laisser perdurer des dispositions qui font de la « capacité de discernement » de l’enfant – tels sont les termes exacts du code civil –, traduite dans les faits par la mention de son âge, une entrave à son écoute par le juge. Cette « capacité de discernement » est de surcroît différemment appréciée selon les magistrats et selon les juridictions.
En effaçant la notion de « capacité de discernement » et en précisant que sa parole est recueillie selon son degré de maturité, nous répondons enfin à des attentes maintes fois exprimées, notamment dans le rapport de 2013 du Défenseur des droits, M. Dominique Baudis, et de la Défenseure des enfants, Mme Marie Derain, sur l’enfant et sa parole en justice.
Cette proposition de loi, défendue par le groupe SRC et quelques membres du groupe écologiste, pourrait faire l’objet d’un consensus politique. L’atmosphère de nos travaux en commission pouvait le laisser espérer. Vous pouvez donc imaginer notre surprise face à l’avalanche d’amendements déposés par l’opposition que nous allons examiner.
Contrairement à ce que certains pourraient laisser penser, la gauche est légitime à légiférer sur la famille. Et nous sommes d’autant plus légitimes que notre vision de la famille est fortement ancrée dans leur réalité. Nous considérons qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les différentes formes de familles, et que toutes – nucléaires, monoparentales, homoparentales, recomposées – peuvent cohabiter dans la loi comme elles cohabitent aujourd’hui sereinement dans la vie.
Cette proposition de loi est porteuse de sens pour les adultes et pour les enfants. Elle met dans le code civil les mots qu’il manquait sur la place de chacun des membres de la famille et clarifie le périmètre de leurs responsabilités, de leurs droits et de leurs devoirs.
Les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale sur tel ou tel enfant ne peuvent être prédéterminées par la loi : elles s’apprécient concrètement, au cas par cas. Mais, à n’en pas douter, les clarifications nécessaires apportées par ces nouvelles dispositions contribuent, nous en sommes convaincus, à faire prévaloir pacifiquement la primauté de l’intérêt de l’enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, si certains débats peuvent nous opposer, les discours à la tribune nous donnent l’occasion de nous rassembler, Erwann Binet et moi.
Sourires.
Pendant de longs mois, entre la fin de 2012 et le début de 2013, le débat politique a été occupé par la question du mariage dit « pour tous », prévoyant mariage et adoption pour les couples de même sexe. Je tiens à dire très clairement qu’il ne s’agit pas de jouer le « match retour ». Je vous assure qu’il ne s’agit pas de la même épure, quoi qu’on ait pu lire ce matin dans un journal bien connu.
Longtemps, le Gouvernement a souhaité inclure dans la première version du projet de loi défendu par Mme Taubira la procréation médicalement assistée, la PMA, et la gestation pour autrui, la GPA.
Sous la pression de nombreux manifestants réunis dans les rues de Paris, Lyon, Rennes et d’autres villes, le Gouvernement avait alors sagement reculé, sous la pression de l’opinion publique, dont la force de la mobilisation n’avait pas été égalée depuis le mouvement de l’école libre de 1984.
Il renvoyait cette question à une grande loi « famille » qui devait aussi aborder d’autres sujets comme un éventuel statut de tiers ou de beaux-parents, le réexamen du contenu et du partage entre les parents de l’autorité parentale, l’accès aux origines pour les enfants nés sous X.
Le 2 février 2014, au lendemain d’une nouvelle « Manif pour tous », au succès remarqué car la mobilisation n’avait pas faibli, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonçait que le projet de loi « Famille » ne serait pas débattu cette année. La journée suivante avait d’ailleurs été une folle journée de rumeurs et de dénégations, entraînant un vrai psychodrame dans la majorité.
Cela aurait pu effectivement ressembler à une journée des dupes !
Le projet de loi devait être présenté au conseil des ministres en avril, avant d’être examiné au Parlement avant la suspension des travaux parlementaires, cet été. C’est ce que souhaitait avec beaucoup d’insistance la ministre de la famille, Dominique Bertinotti, lâchée sur ce point par le Premier ministre et par celui qui allait en être le successeur, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur. Il fallait éviter de voir monter les contestations et les crispations au sein de la majorité, à la veille des élections municipales et européennes.
La ligne « Matignon » s’imposait donc dès le 3 février. Passée la stupeur, voire la colère de certains, le groupe SRC et certains membres du groupe écologiste prenaient l’engagement de déposer plusieurs propositions de lois pour compenser l’engagement non tenu du Gouvernement. Il fallait donc attendre sagement l’avis du comité consultatif national d’éthique, le CCNE, sur la PMA.
C’est ainsi que nous examinons aujourd’hui les premiers éléments de réforme du droit de la famille. La présente proposition de loi appelle plusieurs critiques et remarques sur la forme et le fond. Sur la forme, d’abord ; bien évidemment, nul ne conteste que les députés puissent déposer des propositions de loi. Il s’agit d’un droit constitutionnel que je revendique, bien entendu !
Cependant, sur un certain nombre de sujets comme celui examiné aujourd’hui, qui pourraient être qualifiés de lourds et délicats et ont un impact substantiel sur le droit, la voie parlementaire semble beaucoup moins appropriée, voire inopportune.
Contrairement aux voies suivies lors d’un projet gouvernemental, les garanties procédurales en cas de proposition de loi sont bien minces – M. Poisson l’a démontré brillamment tout à l’heure, je n’y reviendrai donc pas.
Le texte – sans parler des amendements qui ne manqueront pas de le compléter, voire de le contredire sur tel ou tel point – pourrait être adopté sans étude d’impact, sans le recueil de l’avis d’aucune des instances nationales de concertation et sans l’avis juridique du Conseil d’État, alors même qu’il va modifier le droit civil de la famille.
Certes, les études d’impact sont parfois « légères » et ne répondent souvent que bien formellement aux exigences que la loi organique du 15 avril 2009 pose à leur sujet. Mais c’est au moins une aide à la décision, un éclairage qui permet, justement, de soulever d’autres questions.
On peut regretter, par ailleurs, l’absence des avis d’organismes consultatifs, avis qui auraient été obligatoires, pour certains d’entre eux, s’il s’était agi d’un projet de loi.
Certes, la rapporteure, Mme Chapdelaine, a auditionné un certain nombre d’acteurs et nul ne conteste sa bonne volonté, mais toutes les associations familiales n’ont pas été auditionnées. Les avis formels de la caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, du Conseil supérieur de l’adoption, ou encore du Haut conseil de la famille, eussent été de précieuses contributions versées à la proposition de loi. Évidemment, il n’en est rien.
Enfin, l’absence d’avis, même jalousement gardé secret en dépit parfois de quelques fuites ici ou là – chacun aura reconnu que je parle d’un avis du Conseil d’État – est à déplorer sur des matières aussi juridiques et sensibles que le droit de la famille et le code civil. Il était sans doute peu probable – encore que… qui sait ! – que le Conseil émette un avis de rejet, mais cela aurait au moins pu permettre d’améliorer des rédactions maladroites, ambiguës, comme il en existe dans ce texte, et de mettre en garde contre les imperfections.
Cela aurait donc, d’une certaine façon, contribué à améliorer le texte initial, comme l’ont confirmé les propos de Mme la secrétaire d’État et de notre collègue Catherine Coutelle qui nous ont expliqué que l’exposé des motifs était, sur certains points, plutôt abscons, en tout cas peu clair et qu’il convenait de l’entendre autrement. Dont acte, nous y reviendrons ! Ce regret d’absence d’avis du Conseil d’État est d’autant plus marqué que la majorité n’a pas souhaité le saisir d’un examen particulier, comme le lui permet la révision constitutionnelle de 2008.
En effet, mon cher collègue Le Fur ! Exit donc l’avis juridique de cette Haute assemblée, ce qui est évidemment fort préjudiciable.
D’autres critiques sont à soulever sur le fond. Comme le précise l’exposé des motifs, affirmation que je partage, nul ne conteste que la famille a connu des évolutions importantes ces dernières années. Divorces, séparations, recomposition des familles sont des faits établis dans tous les milieux et toutes les catégories socioprofessionnelles. Que l’on n’y voie pas de nostalgie de notre part : nous sommes bien en 2014.
Sans doute le droit de la famille doit-il s’adapter – je cite de nouveau l’exposé des motifs – « à ces nouvelles configurations familiales dans l’intérêt de l’enfant ». On notera d’ailleurs que, cette dernière décennie, le droit de la famille a été ponctué d’évolutions législatives majeures : le PACS en 1999, la loi de 2002 qui a consacré juridiquement le principe de coparentalité, la place de la médiation familiale et la possibilité de résidence alternée, sans oublier la loi relative au nom de famille, celle ayant trait à l’accès aux origines personnelles ou, bien sûr, la loi dite « Taubira » de 2013 sur le mariage pour les personnes de même sexe.
Mais si la famille – les familles – évolue, il ne faut tout de même pas oublier que près de 90 % des enfants ne vivent pas dans une famille recomposée et que près de 75 % d’entre eux vivent avec leur père et leur mère. L’évolution de la famille est certes bien palpable dans l’ensemble des milieux français sur tout le territoire, mais il y a tout de même lieu de relativiser cette évolution au vu de ces chiffres. C’est ce qui doit nous amener à modifier avec une grande prudence le droit existant, et c’est là que le bât blesse.
Sous couvert de modifications qui pourraient paraître pragmatiques – et je reconnais bien volontiers que certaines le sont – des orientations majeures sont données. Ainsi, la proposition de loi doit-elle s’analyser au regard des rapports rédigés depuis 2008. Je pense au rapport Versini sur le statut du beau-parent et à celui du groupe de travail présidé par la sociologue Irène Théry, qui a été rendu public en avril 2013. Or, comme vous le savez, celle-ci n’a jamais caché son militantisme pour la reconnaissance d’une pluri-parentalité et d’une recomposition du modèle familial actuel. C’est là évidemment que nous commençons à douter.
En supprimant la notion de « préférence dans sa parenté », à l’article 11, un de ceux relatifs à l’autorité parentale, le texte affirme l’emprise du lien social sur le lien biologique. C’est une évolution très importante. Pourquoi le nier ? Ce qui est, aujourd’hui une exception, à savoir la possibilité de sortir du cercle familial, deviendra peut-être, demain, le droit commun. Cette évolution nécessite évidemment débat, et ce surtout quand on a entendu notre collègue Erwann Binet affirmer, le 6 mai dernier en commission des lois, qu’il plaçait ce texte dans la suite logique de la loi « Taubira » de 2013.
Nous avons là l’esquisse d’un nouveau modèle de famille déjà présenté au cours des débats de 2013.
Des outils juridiques sont également proposés comme le « mandat d’éducation quotidienne ». Très bien ! Mais rappelons qu’il est déjà possible aujourd’hui pour un parent ou pour un tiers de bonne foi d’accomplir un acte concernant l’enfant lorsqu’il se rend à l’école, chez le médecin, chez la nounou ou chez sa baby-sitter sans que cela ne pose de problème. Un tel mandat pourrait amener une lecture a contrario qui placerait l’autre parent dans une situation délicate. Ce point devra être approfondi.
Que dire également de la double résidence au domicile de chacun des parents ? Quelques éclairages ont été donnés précédemment. Je suis, bien sûr, pour l’égalité des sexes – je n’ai pas dit, voyez la nuance, des « genres » ! Cette égalité doit bien entendu être affirmée entre le père et la mère dans l’intérêt des enfants. Chacun doit évidemment avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. Je me pose cependant un certain nombre de questions très pratiques. Ainsi, dans quel domicile les jeunes seront-ils recensés ? Quelle mairie établira la carte nationale d’identité ou le passeport et procédera à inscription sur les listes électorales ? Qu’en ira-t-il des prestations familiales et de l’imposition sur le revenu ? Un certain nombre de réponses sont données par ce texte, mais pas toutes, tant s’en faut ! Il ne s’agit pas de dogmatisme, mais d’une simple attente de réponses concrètes à des questions qui ne le sont pas moins. Nous éviterons, enfin, de faire bavarder le droit à l’occasion de certains actes d’état civil, notamment au moment des mariages.
En conclusion, je dirai que de bonnes intentions sont affichées. Oui, nous pouvons en reconnaître à ce texte, lequel ne révolutionne cependant pas la vie des familles. Et, au final, nous notons une approche plutôt déstabilisante. Nous verrons ce qu’il en ira de nos débats. De nombreux approfondissements sont nécessaires et tel est bien l’objet de ceux que nous avons déposés.
Il n’y a pas d’obstruction de notre part. Si nous avions voulu procéder ainsi, nous atteindrions les plusieurs milliers d’amendements, ce qui n’est pas le cas. L’intérêt supérieur de l’enfant nous importe. C’est à l’aune de cet intérêt supérieur de l’enfant que nous jugerons, au final, de l’intérêt du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs, la famille est une idée historiquement évolutive, une institution codifiée, organisée autour de règles pour sa constitution et pour son fonctionnement. Il en a naturellement résulté une diversification des configurations, des parcours et des modèles familiaux, au fil des âges et de l’évolution des états de conscience. C’est ainsi qu’en quarante ans, la famille s’est profondément transformée et que d’autres modèles ont émergé.
Pour la seule année 2012, selon l’INSEE, 130 000 divorces ont été prononcés et plus de 27 000 PACS ont été dissous ; 1,5 million d’enfants vivent dans 720 000 familles recomposées et 940 000 d’entre eux vivent avec un parent et un beau-parent. Au-delà de ces familles recomposées, une nouvelle cellule s’est développée : celle de la famille monoparentale qui concerne 18 % des enfants et qui subit de plein fouet la crise avec un taux de pauvreté de 35 %, selon l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Ces mutations, ce sont autant de situations, autant de nouvelles configurations qui ont un impact direct sur la vie quotidienne et le mode de vie des enfants. Notre première exigence, lorsque nous légiférons en la matière, doit être la préservation de l’intérêt de l’enfant, la création de conditions favorables à son épanouissement et à son éducation. Il importe, avant tout, que les enfants ne soient pas les prisonniers des conflits entre les parents, qu’ils ne soient les premières victimes de ces bouleversements de la vie familiale.
Avant de m’exprimer sur le fond du texte, je souhaiterais, au nom du groupe UDI, vous faire part d’une déception : nous sommes bien loin de la grande loi sur la famille tant annoncée, cette loi globale qui aurait dû comprendre les nombreux aspects que revêt la problématique familiale : la question de 1’accès aux origines, celle du statut des tiers ou des beaux-parents, ou encore celle de l’autorité parentale dans son ensemble.
Pourtant, il y a un an environ, en plein débat sur le mariage pour tous, la présentation ultérieure d’une grande loi avait été la première justification du Gouvernement au rejet de nos amendements sur la place des tiers. Contre toute attente, nous voici en présence d’une proposition de loi, donc d’un texte d’initiative parlementaire, essentiellement axée sur l’exercice conjoint de l’autorité parentale, la place des tiers et le lieu de résidence des enfants. Sans renier l’intérêt de telles mesures, elles ne sont qu’un pan de ce que l’on aurait pu qualifier de « grande réforme ».
Madame la secrétaire d’État, sans bien sûr contester l’intérêt d’une initiative parlementaire, le choix du recours à ce type de texte vous dispense d’obligations qui auraient pourtant éclairé utilement la représentation nationale : la présentation d’une étude d’impact et l’avis du Conseil d’État. Pour en terminer sur la forme, même si nous savons que Mme la rapporteure a procédé à certaines auditions, les associations, notamment familiales, auraient pu être davantage concertées.
En somme, les conditions qui doivent entourer l’examen et la préparation d’un texte d’une telle ampleur ne sont pas réunies.
Néanmoins, nous en convenons, sur le fond, cette proposition de loi comporte quelques propositions intéressantes. Concernant la place des tiers tout d’abord, nous retrouvons certaines des mesures que nous avions défendues lors de l’examen du projet de loi accordant le mariage aux couples de personnes de même sexe : le mandat d’éducation quotidienne qui permettra au tiers d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale ; la présomption légale d’accord de l’autre parent pour les actes usuels étendus à tous les tiers autorisés sans qu’aucun formalisme ne soit exigé ; ou encore la création d’une convention de partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers.
Ce sont des mesures utiles qui répondent à des situations concrètes, lorsqu’un parent a besoin d’être épaulé par un tiers pour gérer des aspects de la vie quotidienne de l’enfant. Ces propositions ne sont pas nouvelles puisqu’elles figuraient, en 2006, dans le rapport annuel de Dominique Versini, alors Défenseure des enfants, ainsi que dans l’avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers présenté en 2009 par la secrétaire d’État à la famille, Nadine Morano.
Nous vous proposerons de compléter le texte, afin de prendre en compte les situations douloureuses auxquelles peuvent être confrontées les familles et qui peuvent nécessiter la prise en charge complète de l’enfant par un tiers. Nous pourrions notamment donner la possibilité au beau-parent de saisir directement le juge d’une demande de se voir confier l’enfant ou de se voir déléguer tout ou partie de l’autorité parentale.
Dans ce même esprit, nous proposerons de permettre au parent de donner mandat au tiers de le représenter en cas de décès ou d’incapacité future. C’est, en somme, un droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec le tiers qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits que nous entendons consacrer.
Nous espérons que vous saurez écouter nos propositions dans les débats qui suivront.
La volonté de mettre fin aux controverses sur la résidence alternée en posant pour principe que la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents est louable. Nous devons toutefois rester vigilants et veiller, ainsi que l’a précisé Mme la rapporteure, à ne pas faire de la résidence alternée paritaire le principe.
S’agissant des autres mesures phares de ce texte, vous proposez de renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Il est bien sûr indispensable que l’enfant puisse maintenir des liens avec chacun de ses parents, une fois séparés. C’est d’ailleurs une obligation pour les parents, clairement inscrite dans le code civil. Pourtant, de nombreux praticiens ont souligné le manque d’information des parents sur leurs droits et leurs obligations comme sur la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. On peut donc approuver cette volonté de définir la notion d’acte important et, notamment, de qualifier expressément comme tels le changement de résidence et d’établissement scolaire des enfants.
Pour autant, prenons garde à ne pas complexifier le déroulement des procédures existantes, à ne pas nourrir inutilement des contentieux dont l’enfant serait malheureusement la première victime. À vouloir trop légiférer, à vouloir prendre en compte toutes les situations possibles, dans toute leur diversité, ne va-t-on pas au contraire rendre encore plus difficile la tâche des juges ? Ne va-t-on pas, par de telles mesures, risquer de détériorer les relations entre les parents au détriment de l’enfant ?
Je pense, par exemple, à l’exigence d’un accord exprès de chacun des parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale pour des actes importants. Le désaccord entre les parents pourrait aboutir à une paralysie des décisions. Madame la rapporteure, sur ce point, vous avez amélioré le texte lors de son examen en commission, mais des incertitudes demeurent. Nous pourrions assouplir cette exigence, notamment en prévoyant une exception lorsque l’un des parents est victime de violences de la part de son nouveau conjoint et souhaite donc quitter son domicile au plus vite, sans attendre l’accord de l’autre parent.
De plus, la rigidité de certaines mesures, là où les praticiens et les parents réclament davantage de souplesse, suscite légitimement quelques craintes.
Sanctionner par exemple le manquement grave et renouvelé aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale par une amende civile pouvant s’élever jusqu’à 10 000 euros est, selon nous, contestable. Ce genre de situation pourrait être réglé et évité par d’autres moyens que la contrainte et la menace d’une sanction pécuniaire.
Enfin, si certaines propositions semblent, a priori, de bon sens – je pense notamment à la prise en compte de la parole de l’enfant ou à la définition de la médiation familiale –, elles introduisent des dispositions dont on peut douter qu’elles nécessitent l’intervention du législateur.
Ainsi, mes chers collègues, le groupe UDI nourrit, face à cette proposition de loi, plus que des doutes et des inquiétudes. En l’état, nous ne pouvons voter ce texte, madame la secrétaire d’État.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, je me félicite comme mon collègue Marc Dolez, de voir la question de l’autorité parentale abordée au sein de notre Assemblée. Le rappel des droits et devoirs des deux parents, les nouveaux droits accordés aux beaux-parents ou la reconnaissance de la parole de l’enfant représentent des avancées utiles au bien-être des individus constituant une famille, quelle que soit sa composition.
Je veux simplement exprimer d’emblée un regret, celui que nous n’ayons pas été saisis d’un projet de loi-cadre relatif à la famille qui aurait permis d’aborder l’ensemble des problématiques liées à son évolution au sein de notre société, une loi qui permette de nouvelles avancées émancipatrices et des pas supplémentaires dans les rapports égalitaires au sein du couple.
Ce regret est d’autant plus fort que, lors des débats autour de la loi instaurant le mariage pour tous ou de celle relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, mesdames les membres du Gouvernement nous avaient alors renvoyés vers une future loi famille pour régler un certain nombre de points que nous avions alors soulevés. Je pense ainsi à la PMA pour toutes les femmes ou à la situation des femmes étrangères victimes de violences. Nous aurions été à vos côtés, madame la secrétaire d’État, pour porter cette loi face à tous les conservatismes.
Cela étant, nous ne pouvons que nous satisfaire que ce texte permette d’acter dans la loi une égalité des droits et devoirs des parents à l’égard des enfants. Je me félicite que la commission des lois ait d’ores et déjà apporté des améliorations au texte initial pour mieux tenir compte de la réalité du vécu des femmes dans une société marquée par la domination patriarcale.
De nouvelles améliorations sont nécessaires et j’espère que les amendements portés par la délégation aux droits des femmes ainsi que ceux que je proposerai à l’article 4 seront adoptés.
Votre intervention, madame la secrétaire d’État, m’en donne l’espoir, tout particulièrement pour ce qui concerne la question de la résidence partagée, abordée à l’article 4, mais plus généralement afin de poser une exception pour les cas de violence condamnée mais aussi de violences avérées. Ces modifications permettraient de tenir compte du principe de précaution en donnant la possibilité aux instances de la justice familiale de remplir leur mission éducative et protectrice vis-à-vis des enfants et des parents sur la base du respect des droits fondamentaux.
En effet, la principale difficulté de ce texte tient à ce qu’il se place davantage dans le virtuel que dans le réel. Un certain nombre des dispositions qu’il propose pourraient être efficaces, mais dans un monde où la situation des femmes ne serait pas celle qui est la leur aujourd’hui.
Car la réalité, c’est cela. En moyenne, chaque année en France, 200 000 femmes, entre dix-huit et cinquante-neuf ans, vivant en couple, sont victimes de violences conjugales, chiffre auquel il faut ajouter les victimes de violences psychologiques – et nous savons que seules 22 % des femmes victimes de violence conjugale qui ont appelé le 3919 ont déposé une plainte.
Je veux rappeler ces chiffres car certaines mesures de ce texte ont des conséquences sur cette situation et risquent de l’aggraver si nous ne l’améliorons pas sensiblement, en tenant compte de cette réalité.
Dans 80 % des séparations, les parents n’ont besoin de la justice que pour acter des conventions librement établies entre eux. 96 % des mères et 93 % des pères se déclarent d’ailleurs satisfaits des résultats de ces conventions. Il n’est donc fait appel à la loi qu’en cas de conflit. Or, parmi les 10 % de parents en désaccord sur la résidence des enfants, il y a des femmes victimes de violences, souvent encore sous l’emprise de leur ancien compagnon. Il y a des femmes économiquement exsangues, du fait du non-paiement des pensions, il y a des enfants traumatisés par ce qu’ils ont vu au quotidien, il y a des enfants eux-mêmes maltraités, comme l’a révélé un rapport de la Chancellerie.
Nous devons donc, en tant que législateurs, nous préoccuper des femmes et des enfants qui courent ces risques et leur garantir des droits sinon, à notre corps défendant, nous les maintiendrons sous la coupe de leurs agresseurs au nom d’une autorité parentale qui n’aurait plus de « partagée » que le nom.
C’est pourquoi les associations pour les droits des femmes manifestent ce soir en nous demandant de ne pas acter en l’état le contenu d’une loi qui ne serait pas complètement conforme aux préconisations de la convention d’Istanbul relative à la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, que la France est en passe de ratifier.
Aussi, madame la secrétaire d’État, chers collègues, comme mon collègue Marc Dolez, je souhaite pouvoir voter ce texte au terme d’un débat que j’espère fructueux et dans lequel les améliorations que la délégation aux droits des femmes propose seront retenues.
J’ai entendu les propos de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État, aussi est-ce avec confiance que nous entamons ce débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le vice-président de la commission des lois, chacun peut en faire le constat, les familles ont changé.
On estime aujourd’hui à environ 145 000 par an le nombre de ruptures de couples avec des enfants mineurs. Pas moins de 1 million et demi d’enfants, soit plus d’un enfant sur dix, vivent aujourd’hui dans des familles recomposées. Le nombre des familles monoparentales augmente également. Il s’agit très majoritairement, dans 85 % des cas, de mères seules qui, trop souvent, se retrouvent dans des situations de précarité. Un tiers d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.
Cette proposition de loi vise à adapter le droit aux évolutions de la famille, avec pour ambition « d’apporter des réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir l’intérêt de l’enfant dans les situations du quotidien, comme en cas d’accident de la vie ». Je salue l’initiative du groupe socialiste en ce sens.
Il était en particulier devenu nécessaire de reconnaître la place grandissante des beaux-parents dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. Je me félicite donc de cette initiative parlementaire, dont la pierre angulaire est l’intérêt de l’enfant.
La délégation aux droits des femmes a concentré ses travaux sur deux des cinq chapitres de ce texte, qui concernent l’exercice conjoint de l’autorité parentale d’une part, et le recours à la médiation familiale d’autre part. Elle a adopté plusieurs recommandations le 6 mai dernier, avant l’examen en commission de ce texte, ce qui a permis de l’enrichir et de le clarifier sur plusieurs points.
Un mot sur la méthode : nous avons souhaité nous saisir de cette proposition de loi car c’est la vocation même de la délégation aux droits des femmes que de veiller à ce que tous les textes fassent progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons également été alertés par plusieurs associations sur certaines carences du texte initial, en particulier sur la question des violences faites aux femmes, violences qui doivent être appréhendées dans l’acception la plus large du terme, y compris sur le plan économique.
Afin de mieux appréhender la portée de ce texte concernant plus particulièrement les mères séparées de leur conjoint, nous avons mené une série d’auditions. La délégation a pu, ainsi, entendre Mme la secrétaire d’État, mais aussi, au cours de deux tables rondes, des magistrats, des avocates, la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains – MIPROF –, ainsi que des représentantes de plusieurs associations.
À l’issue de ces auditions, nous avons en particulier préconisé de compléter le chapitre III en spécifiant bien que la médiation familiale est exclue en cas de violences ou lorsqu’elle a pour conséquence d’allonger inconsidérément les délais de la procédure en cours. Il conviendrait également de prévoir que la formation dispensée aux médiateurs familiaux comprenne un enseignement sur la détection des violences intrafamiliales et des phénomènes d’emprise.
Dans le même esprit, nous recommandons de valoriser et développer les espaces de rencontre médiatisés, pour que le maintien des relations parents-enfants se fasse sans danger dans les cas de violences. Nous souhaiterions enfin voir élargis les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale.
Au-delà des violences, il nous a semblé nécessaire de prendre aussi en compte les situations de délaissement parental, lorsque l’un des parents est absent ou défaillant, par exemple lorsque le père s’abstient de payer sa pension alimentaire ou lorsqu’il ne s’y plie que très irrégulièrement. Ces situations, bien plus fréquentes qu’on ne le croit, sont inacceptables.
Le premier chapitre de la proposition de loi vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui reste aujourd’hui le principe, même en cas de séparation des parents.
Elle opère dans ce cadre plusieurs modifications bienvenues – je pense en particulier au changement de terminologie qui résulte du principe de « double résidence ». En effet, les termes actuels de droits de « visite » et « d’hébergement » traduisent mal l’égalité de droits entre les parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. Sur d’autres points en revanche, il nous est apparu souhaitable d’améliorer et d’enrichir le texte.
La délégation a adopté plusieurs recommandations qui s’inscrivent dans un objectif d’équilibre des droits et devoirs et permettent de mieux répondre à certaines situations. Il s’agit notamment d’affirmer plus clairement les responsabilités parentales, les devoirs à l’égard de l’enfant.
Nous préconisons tout d’abord d’engager un programme pluriannuel d’études sur la période « post-séparation » et les conséquences des ruptures conjugales, en particulier pour ce qui concerne le paiement des pensions alimentaires, l’exercice du droit de visite et d’hébergement, les motifs de rupture du lien entre le parent et l’enfant, le nombre et les raisons de la non-représentation d’enfants. Il semble en effet que les informations disponibles dans ces domaines soient lacunaires. De surcroît, cette recommandation s’inscrit dans le prolongement de travaux très récents du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales.
Il nous semble également nécessaire de prévoir expressément dans le code civil la possibilité de suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille, en particulier de non-paiement caractérisé de la pension alimentaire, de non-exercice du droit de visite ou de non-accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, de façon renouvelée, et tant que le parent n’aurait pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois.
Pour endiguer les violences économiques et les risques de précarité, nous recommandons par ailleurs de renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pension alimentaire en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension, d’augmenter la pension alimentaire pour le parent qui ne remplit pas son droit de visite ou n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus. Un amendement de la commission des lois va d’ailleurs dans ce sens.
Précisons enfin que si certaines dispositions ont pu susciter des interrogations au sein de la délégation, des éclaircissements ont été apportés depuis sur plusieurs points, et nous avons par ailleurs noté que plusieurs recommandations ont d’ores et déjà été suivies d’effet. Je tiens à vous en remercier, madame la rapporteure.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous dirai qu’il ne faudrait pas enfermer ce débat dans une lecture trop simpliste, voire caricaturale – les droits des pères contre ceux des mères –, mais au contraire envisager très largement les enjeux transverses qui s’attachent à ces questions, en matière de lutte contre les inégalités et la précarité, de protection des plus vulnérables mais aussi d’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités familiales, et d’abord et avant tout, de protection des droits et de l’intérêt de l’enfant, au coeur des avancées législatives proposées par ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’historique qui a conduit à la présentation de cette proposition de loi atteste à lui seul de la complexité du sujet qui nous intéresse et témoigne de la nécessaire prudence à adopter pour toucher au droit de la famille.
En effet, parce qu’il s’agit d’un sujet commun à tous les individus, comme vous l’avez rappelé madame la secrétaire d’État, toute modification des dispositions du code civil le concernant aurait au moins mérité l’avis du Conseil d’État ainsi qu’une étude d’impact étayée d’expertises sur les propositions qui sont faites. Or, nous ne disposons d’aucun document de la sorte, en raison de la procédure que vous avez choisie, ce qui est bien regrettable.
Vous recherchez l’apaisement mais à voir les avis divergents qui s’expriment ainsi que la difficulté à trouver des équilibres dans les rapports familiaux, surtout suite à une séparation, on peut s’interroger sur l’efficacité des méthodes que vous entendez mettre en place.
Si l’on peut souligner des points positifs comme la meilleure prise en compte de la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure le concernant, le rappel du principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et la promotion de la médiation, il n’en demeure pas moins que cette proposition soulève de nombreuses questions.
En effet, en apportant des réponses formelles, elle risque de complexifier grandement la vie quotidienne des familles et d’ajouter du conflit au conflit à l’origine de la séparation.
Soulignons ici plusieurs points qui me semblent contrevenir aux objectifs recherchés. Tout d’abord, il a été dit en commission que ce texte s’inscrivait dans une volonté d’apaisement : pourquoi alors créer un mécanisme d’amende civile et de « contraventionnalisation » qui ne semblent nullement appropriés, inopportuns et parfois inhumains pour tous les praticiens du droit ?
Ensuite, la proposition de loi affirme le principe d’autorité parentale conjointe, mais, dans le même temps, le fragilise en permettant à plusieurs tiers d’avoir autorité sur l’enfant. La multiplication des intervenants dans l’exercice de l’autorité parentale accroît les occasions de conflit, ce dont l’enfant souffrira en premier lieu.
En outre, vous entendez donner toute sa force à la coparentalité. Cependant, vous étendez la possibilité de confier par avance l’enfant à un tiers en cas de décès, là où le juge recherche déjà la meilleure solution dans l’intérêt de l’enfant.
On peut donc craindre que les mesures tendant à « faciliter la vie de la famille recomposée et à permettre le maintien des liens entre l’enfant et ses beaux-parents » ne débouchent sur la multiplication de litiges qui viendront remplir les séances de médiation familiale.
Des questions se posent également quant aux conséquences pratiques des innovations procédurales proposées. S’il paraît de prime abord louable de vouloir améliorer le fonctionnement de la coparentalité après la séparation, les moyens choisis pour améliorer la situation sont discutables. Avec ce texte, la résidence de l’enfant serait par principe fixée au domicile des deux parents. Or, il convient ici d’écouter les professionnels de l’enfance et de tenir compte du rapport de la direction des affaires civiles et du Sceau à ce sujet : ils vous alertent sur les dangers d’une résidence alternée de principe pour les enfants, et notamment pour les enfants en bas âge, qui ont besoin de stabilité.
S’agissant de la reconnaissance des droits et des devoirs des tiers à l’égard de l’enfant, qui constitue le coeur de la proposition de loi, plusieurs points sont à soulever. Mieux organiser la vie de la famille recomposée repose, selon votre texte, sur une logique contractuelle dont on peut contester la pertinence. Il n’est en effet pas cohérent d’énoncer à l’article 376 du code civil un principe d’indisponibilité de l’autorité parentale tout en multipliant ensuite les techniques permettant d’investir des tiers des responsabilités parentales : cela risque de susciter une variété de formes d’exercice de ces responsabilités qui ne peut que produire des inégalités entre les enfants et entre les parents, des incohérences et des conflits.
Le mandat d’éducation quotidienne est un exemple de cette panoplie d’outils mise à la disposition des parents. Ce mandat permettrait d’exercer des actes usuels d’autorité parentale pour la durée de la vie commune. Or, l’aspect temporaire n’est guère conforme au besoin de stabilité de l’enfant, lequel se trouvera soumis aux aléas des relations entre ses parents.
On peut en outre imaginer le cas de figure où les deux beaux-parents seraient investis de ce mandat, et la perplexité des tiers si plusieurs personnes se présentent pour effectuer des actes usuels concernant un même enfant. La voie contractuelle ne paraît donc pas être la bonne réponse et risque de susciter, une fois encore, des conflits et des problèmes de responsabilité. Je plains en effet les enseignants qui auront à faire des choix sur la base de documents peu fiables, parfois dépourvus de date certaine et établis sans publicité légale, dont on peut se demander quelle sera la pertinence.
De surcroît, le texte proposé s’inscrit dans une vision idéaliste des relations entre parents séparés. On ne saurait non plus ignorer la situation des femmes et des enfants victimes de violences, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs, et les situations si diverses de non-paiement des pensions alimentaires.
Pour conclure, en prétendant « offrir aux familles une palette d’instruments, souples, évolutifs et adaptables », les auteurs de la proposition de loi risquent de fragiliser l’environnement familial de l’enfant, contrairement aux buts – louables – qui sont affichés.
C’est pourquoi, sans occulter les difficultés que peuvent rencontrer les familles suite à une séparation et les adaptations nécessaires dans certaines situations, je tiens ici à souligner que le seul objectif clair qui doit guider le législateur est le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or, parce que le texte accorde une grande place à l’intérêt des adultes sans offrir de garantie quant aux besoins fondamentaux de l’enfant, il risque de donner lieu à de nombreux contentieux dans un domaine déjà conflictuel, et d’aboutir ainsi à l’effet inverse à celui qui est recherché.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Une fois de plus, la majorité a manoeuvré habilement pour que cette
profonde réforme de l’autorité parentale soit étudiée avec le moins de
publicité possible, évitant ainsi toute polémique avant le vote crucial de dimanche prochain.
La technique consistant à annoncer depuis de nombreux mois la PMA, voire la GPA, pour finalement les retirer du texte, a permis de clore toute controverse sur le sujet et de mettre le voile sur l’ensemble des dispositions proposées. Plutôt que de présenter un projet de loi en toute logique, le Gouvernement a préféré se dessaisir de l’initiative au profit de sa majorité. Ainsi, la proposition échappe à l’obligation d’étude d’impact : on élude donc le devoir de contrôle relevant du Conseil d’État et de la procédure de concertation avec plusieurs instances nationales.
C’est pourtant un texte fondamental pour le droit de la famille que nous étudions aujourd’hui : il réforme profondément le code civil, et en particulier l’exercice de l’autorité parentale. Rien de parfaitement nouveau pourtant, puisque l’UMP avait déjà présenté certaines de ces propositions par la voix de Mme Morano.
L’enfant pourra désormais être placé sous l’autorité juridique de quatre adultes différents. Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de cassation exigeait a minima que l’intérêt supérieur de l’enfant soit en jeu pour prononcer une telle mesure. Dorénavant, les arrangements entre adultes primeront sur cette notion. Le seul fait de vivre avec un enfant, de concourir à son éducation et de nouer des liens affectifs avec lui suffit, selon vous, à conférer des droits juridiques sur lui. Dans la continuité du mariage et de l’adoption homosexuels, vous poursuivez le remplacement de la famille naturelle par la famille sociale.
La disposition phare de votre texte, à l’article 10, crée un « mandat
d’éducation quotidienne » permettant au tiers vivant de manière stable avec l’un des deux parents d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale. Le mandat est un contrat dont l’objet est l’accomplissement d’actes juridiques. Autrement dit, la définition même du mandat entraîne automatiquement le dépassement des seuls « actes matériels usuels » actuellement accomplis au moyen de contrats divers ou par simple accord de confiance. Contrairement à ce que vous tentez de faire croire, le mandataire pourra donc faire bien davantage que récupérer l’enfant à la sortie de l’école ou l’accompagner à des activités périscolaires : il pourra signer le livret scolaire, les autorisations de sortie ou encore l’accord pour une opération chirurgicale. Si telle n’était pas votre intention, c’est en tout cas la conséquence de votre rédaction.
Loin de simplifier le quotidien, ce partage de l’éducation parentale entraînera des complications certaines en raison de la multiplicité des interlocuteurs. Ainsi, à qui des parents ou du mandataire le directeur d’école devra-t-il s’adresser pour obtenir une autorisation de sortie scolaire ? Déjà se profile l’aggravation du contentieux familial en raison de la juxtaposition des autorités, ainsi que des nombreuses imprécisions juridiques dont souffre ce texte. Les cas de dépassement du mandat bouleverseront un peu plus des équilibres par nature difficiles à trouver et livreront l’enfant aux aléas des relations parentales.
Avec cette disposition, vous faites automatiquement tomber l’autorité parentale dans le commerce, puisque le contrat de mandat ne peut porter sur une chose hors commerce, selon le code. Pire encore, vous placez le tiers au même niveau que le parent, dont vous désacralisez le rôle et le statut aux yeux des enfants et de la société. Vous incitez les parents à se déresponsabiliser contractuellement de l’exercice conjoint et quotidien de l’autorité.
Loin de vous contenter d’un tel bouleversement, vous supprimez la préférence à la parenté en assouplissant la possibilité pour le juge de confier l’enfant à un tiers plutôt qu’à un parent au sens large. Même en cas de décès du père ou de la mère, le parent survivant pourra ainsi se voir privé de son droit de garde, y compris en cas d’exercice commun de l’autorité parentale. Que dire à l’enfant à qui l’on a préféré un tiers pour l’élever, plutôt que son parent ? C’est une nouvelle dévalorisation du lien naturel entre le parent et l’enfant au profit du lien social.
Le critère de l’affection est par nature fluctuant. Supprimer la préférence donnée au lien stable et objectif de la parenté ne peut aller dans le sens d’une meilleure protection de l’enfant. De la même façon qu’il convient de ne pas séparer une fratrie, il faut privilégier la parenté – d’autant plus que préférer le parent ne signifie pas nécessairement exclure le tiers, si l’intérêt de l’enfant justifie ce type de placement. Votre objectif est que la loi ne fasse plus transparaître la prééminence du lien de parenté sur le lien entre le tiers et l’enfant.
Le juge pourra également autoriser le tiers à exercer un acte important de l’autorité parentale. La condition dite « à titre exceptionnel » est bien trop vague et donc inacceptable, surtout concernant des actes qui peuvent, par exemple, comprendre une autorisation de sortie du territoire. La frontière entre acte usuel et acte important est fluctuante, et la possibilité pour le tiers de saisir le juge en cas de conflit avec les parents créera une concurrence malsaine vis-à-vis de l’enfant.
Dans le même esprit, l’article 14 réforme la procédure de partage de l’exercice de l’autorité parentale. Le droit actuel permet ce partage par décision judiciaire si les besoins de l’éducation de l’enfant l’exigent. Dans votre texte, les conditions de « circonstances exceptionnelles » ou de besoins de l’enfant disparaissent. Seule compte désormais la volonté des parents, qui pourront disposer de l’autorité parentale comme d’un contrat modifiable en la partageant avec un tiers. L’autorité parentale, banalisée, est traitée comme une simple prérogative à disposition des adultes, et non plus comme un ensemble de prérogatives découlant du statut des parents au bénéfice de l’enfant.
L’homologation par le juge se contentera de contrôler le respect de l’intérêt de l’enfant et non la nécessité d’une telle convention au regard de ses besoins. Il n’est pas prévu l’assistance obligatoire d’un avocat pour la rédaction de l’accord, ce qui ne laisse pas d’étonner compte tenu du caractère délicat de ces documents. Plus scandaleux encore : il est donné au juge la possibilité de refuser que cesse le partage de l’exercice de l’autorité parentale, et ceci même si l’un des deux parents le demande !
Hélas, cinq minutes sont loin de suffire pour détailler l’ensemble des dispositions contenues dans votre texte et toutes les conséquences pratiques qui pourraient en découler, concernant la résidence alternée notamment. Au-delà, pourtant, c’est avant tout un combat culturel dont il s’agit, combat qui porte sur la perception du rôle et du statut de parent par la société, et sur la nécessité de conserver les référents éducatifs que sont le père et la mère dans l’intérêt de l’enfant, malgré les aléas de la vie. Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, avec cette proposition de loi, le Parlement est pleinement dans son rôle, qui consiste à être une force de proposition pour faire évoluer et pour construire le droit, à se saisir de sujets sociaux, économiques ou encore institutionnels, par exemple, pour réformer notre pays et faire avancer la France.
Murmures sur les bancs du groupe UMP.
Dans le cas présent, l’Assemblée nationale a su se saisir de travaux entrepris sous l’impulsion de Dominique Bertinotti, lorsqu’elle était ministre de la famille, puis poursuivis par Mme Laurence Rossignol. Elle s’en est inspirée pour faire évoluer notre droit. Je veux aussi saluer Mme Marie-Anne Chapdelaine, qui a accompli un travail respectueux et minutieux : respectueux car, nous le savons, les sujets relatifs à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, à l’instar de tous ceux qui touchent au domaine de la famille, font appel à des opinions fortes, parfois tranchées, à des émotions et à des réactions qui ne sont pas toujours rationnelles. Respectueux aussi car il fallait être à l’écoute de celles et ceux que l’état actuel du droit peut mettre dans une position délicate et, même si ce n’est pas son but originel, faire souffrir. Minutieux enfin, car réformer le code civil ne saurait se faire à la légère.
Au lendemain du vote de cette loi si, comme je l’espère et vous y invite, elle est votée, le code civil aura été réformé : un pas supplémentaire aura été fait pour que notre droit réponde à la réalité d’une société qui évolue et pour laquelle il doit demeurer un repère.
Ce travail minutieux a d’ailleurs reçu un accueil plutôt consensuel ainsi que le soutien des associations familiales, notamment parce que loin de produire un texte clinquant, voire un coup politique, il s’est concentré sur un périmètre précis du droit de la famille où une évolution législative était plus que nécessaire.
Prenons l’exemple du chapitre II de la proposition de loi, qui reconnaît des droits et des devoirs aux tiers qui concourent à l’éducation de l’enfant. Il y a, en France, de nouvelles formes familiales dont les familles recomposées font partie. Il y a, de fait, de nouveaux acteurs dans l’éducation des enfants : les beaux-parents. Il était inconcevable que le législateur les laisse plus longtemps dans le flou juridique, voire dans une certaine insécurité.
Pour les enfants, pour les parents, pour les beaux-parents, pour les familles, une modernisation de notre droit devenait indispensable. Cette réforme concerne 1,5 million d’enfants de moins de dix-huit ans : c’est d’abord pour eux que nous devons donner un statut aux beaux-parents et, dans le même temps, faire avancer la coparentalité. En effet, ces deux notions, nouvelles dans le droit français de la famille, ne sont pas opposées ; elles sont complémentaires et solidaires. Elles progressent ensemble et poursuivent un même objectif : la sécurité juridique des enfants et des familles dans un fonctionnement paisible et normal.
Pour les mettre en pratique, il fallait éviter de fabriquer un carcan juridique. Loin d’un statut rigide, il a fallu trouver des outils souples, évolutifs et adaptables qui répondent à la diversité des situations et permettent à celles et ceux qui assument déjà des responsabilités de le faire en accord avec le droit.
Clarifier la situation du tiers qui concourt à l’éducation de l’enfant, qui est souvent la belle-mère ou le beau-père, c’est aussi donner des repères à l’enfant qui n’a plus à souffrir d’une situation que l’absence d’un droit clair rend opaque. Il en va ainsi, par exemple, de l’extension de la présomption d’accord de l’autre parent à l’égard des tiers de bonne foi, du mandat d’éducation quotidienne ou de l’assouplissement permettant à un juge de confier l’enfant à un tiers à titre exceptionnel et si l’intérêt de l’enfant l’exige. Ces avancées indispensables ne remettent pas en question les liens biologiques, mais permettent enfin de reconnaître qu’il existe des liens sociaux et affectifs que le droit ne peut occulter.
Cette reconnaissance est apportée dans l’intérêt des familles et des enfants, car elle clarifie les choses, offre davantage de sécurité et pose des repères.
En faire aujourd’hui un terrain de polémiques, d’affrontements stériles, d’expressions conservatrices ou de blocages parlementaires ne serait pas répondre à l’attente de ces familles.
Ce serait oublier ce 1,5 million d’enfants que je citais précédemment.
Mes chers collègues, soyons au rendez-vous du travail parlementaire. Franchissons ce pas supplémentaire de la modernisation de notre droit de la famille. Enrichissons, s’il le faut, ce texte, mais ne tombons pas dans la caricature.
Nos concitoyens attendent une évolution. Ils espèrent beaucoup de notre travail de ces prochains jours. Ne les décevons pas !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons, est en réalité « allégée » des sujets qui fâchent, ceux du grand projet de loi du Gouvernement sur la famille, resté à quai, avec ses dispositions controversées. Le Gouvernement étant bien embêté avec cet embarrassant sujet…
…il s’en remet aujourd’hui à la sagesse du Parlement, avec l’examen édulcoré d’une proposition construite dans une logique de contrôle, de sanction du parent le plus présent auprès de l’enfant, à savoir majoritairement les femmes.
Sur la forme, la volonté de recourir à une proposition de loi plutôt qu’à un projet de loi, exonère de droit les auteurs de la proposition d’un certain nombre de consultations ou d’avis préliminaires qui auraient été bien utiles en pareille circonstance. Pas d’étude d’impact, pas de consultation des organisations familiales, pas d’avis du Conseil d’État… Autant de carences qui nuisent à la portée du texte et à sa qualité.
Sur le fond, les mesures proposées sont, soit inutiles, soit contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Elles concourent toutes, en tout cas, à affaiblir l’autorité des parents biologiques au profit des parents dits « sociaux ». En réalité, la patate chaude a été soigneusement refroidie en prenant soin d’écarter les sujets les plus polémiques !
Cette proposition est centrée autour de la vie quotidienne de l’enfant dans les familles recomposées, qui représentent tout de même 1,5 million de mineurs. Elle prévoit des mesures qui vont dans le sens de la volonté constante du Gouvernement de reconnaître à tout prix, dans la loi, la dimension affective de la vie familiale. On ne peut aujourd’hui que constater qu’elles compliqueront souvent la vie au quotidien, à cause d’un formalisme légal très exagéré et inutile.
Ce texte, en réalité, ne fait pas illusion. Il chahute les repères, il ne renforce en rien la politique familiale, mais accompagne le lent affaiblissement de l’institution familiale, alors que notre pays aurait besoin qu’elle soit renforcée.
Dans son exposé des motifs, le bilan semble alarmant : 1,5 million d’enfants, soit plus d’un enfant sur dix, vivent dans 720 000 familles recomposées. En effet, la famille, aujourd’hui, en France, est mise à mal.
Le texte entend protéger « l’intérêt de l’enfant qui est la pierre angulaire de la présente proposition de loi ». Mais le droit doit-il protéger de toutes ses forces un modèle familial qu’il considère bon pour l’enfant, tout en aidant les familles dans des situations délicates, telles que la séparation d’un couple avec des enfants ou, au contraire, s’adapter sans cesse à des situations de fait, qui ne concernent qu’une minorité de la population, au risque de mettre à mal la majorité, soit neuf enfants sur dix ?
La proposition de loi ne permet pas non plus de mesurer les conséquences futures de ce texte sur la politique familiale. Elle oublie le contexte global de la société : je pense aux inégalités entre les femmes et les hommes, et aux 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans. Elle prône une égalité abstraite, déconnectée de la vie réelle.
Encore plus inquiétant, les situations de violence font très peu exception à la règle, avec un risque majeur, celui de renforcer, à travers l’exercice de l’autorité parentale, la harcèlement et la mise en danger des femmes et des enfants. Selon un rapport du ministère de la justice, en termes de résidence des enfants, 96% des demandes des mères sont satisfaites et 93% des demandes des pères.
Cette loi n’est-elle pas faite uniquement pour les 7 % de pères non satisfaits, qui n’hésitent pas à se jucher sur des grues pour obtenir satisfaction ? On peut légitimement se poser la question.
En dehors d’un alinéa à l’article 4, la proposition de loi ne fait pas des violences conjugales et des violences sur enfants une exception de principe. En définissant des actes importants et en indiquant que tout acte de l’autorité parental usuel ou important nécessite un accord de l’autre parent, elle autorise ainsi la poursuite par les agresseurs d’un harcèlement qui deviendra ainsi légalisé. À la lecture de certains autres articles, il faut bien avouer que certaines dispositions sont purement cosmétiques.
Tout cela est fort sympathique, mais l’impact réel de telles dispositions demeure très limité. Concrètement, cette proposition de loi ne fera ni le bonheur des parents ni celui des enfants. Ses dispositions vont compliquer la vie quotidienne des familles et instrumentaliser l’enfant dont l’intérêt supérieur est occulté.
Comme mes collègues de l’Entente parlementaire pour la famille, je m’opposerai à ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, cela a été dit tant dans le débat que dans les commentaires publics ces derniers jours, 80 % des enfants, en France, vivent avec leurs deux parents. Il est donc important de trouver la meilleure réponse, la plus digne, pour ceux d’entre eux qui n’ont pas ce bonheur. Je me devais de rappeler ce pourcentage de 80% d’enfants vivant avec leur deux parents : ce chiffre montre que la famille, la parenté ne sont pas à ce point différentes, voire abîmées dans notre pays.
Quand on cite ce pourcentage lors des débats ou d’échanges, il surprend toujours, car il n’est pas intuitif. En tout cas, il n’est pas conforme à ce qui est régulièrement seriné sur le fait que la famille serait fondamentalement différente aujourd’hui de ce que nous avons pu vivre de manière classique. Pourtant, je le répète, 80 % des enfants vivent avec leurs deux parents.
La proposition de loi ne précise pas ce qu’est un beau-parent. Au fond, le texte n’a pas la prétention de parvenir à une définition impossible. Il ne dit pas, par exemple, ce que pourrait être le lien de l’enfant avec un beau-parent séparé. Car au fil de la vie, il peut y avoir plusieurs générations de beaux-parents. Ce serait alors reconnaître une multiparenté angoissante, qui comporterait, non pas trois ou quatre personnes, mais un nombre bien supérieur. En fin de compte, faute de pouvoir définir ce que pourrait être réellement un beau-parent, le texte, sagement, ne s’y lance pas.
Il comporte malgré tout quelques dispositions intéressantes, au début et à la fin. L’article 1er, qui dispose de l’information donnée au parent lors de la reconnaissance de l’enfant, est une bonne initiative. e même, l’article 16, qui concerne la médiation, est, sous réserve d’une analyse plus poussée, une évolution utile.
En revanche, pour tous les enfants et pour tous les parents de France – je ne parle pas des seuls enfants dans les couples séparés –, l’article 4 prévoit la nécessité d’un accord exprès pour les actes importants dans le cadre de l’autorité parentale, autrement dit pour tout ce qui se passe aujourd’hui sans accord exprès dans la vie de millions de couples, ceux-là mêmes qui considèrent qu’un couple ce n’est pas la somme des parties : une famille, un couple, c’est plus fort, plus fécond, plus heureux que la somme des parties qui le composent.
Ce qui se vivait de façon heureuse dans des dizaines de millions de familles en France exigera demain un accord exprès.
J’ai pourtant posé la question aux services, et telle est la réponse que j’ai obtenue.
Pour résoudre un certain nombre de difficultés – qui justifient en effet que le législateur cherche une solution –, vous modifiez fondamentalement la définition du lien familial. Les familles n’en demandent pas tant ; elles ne demandent pas à exprimer systématiquement un accord exprès pour les actes importants de l’autorité parentale.
L’article 7 traite de la double résidence. J’ai entendu tout à l’heure l’un d’entre nous – il avait le mérite d’être honnête – exprimer au banc de la commission sa distance avec l’exposé des motifs de la proposition de loi.
Je viens d’en débattre avec l’une de nos anciennes collègues, Corinne Narassiguin, aujourd’hui porte-parole du parti socialiste, qui n’évoquait pas la rectification faite en séance, mais la vision initiale telle qu’elle ressortirait de l’exposé des motifs. Pourrait-on nous informer de ce qui, peut-être demain, sera voté par notre assemblée, afin que nous comprenions la portée de la double résidence, dont le principe figure à l’article 7 ?
L’article 10 crée le mandat d’éducation quotidienne. Est-ce bien de l’ordre du mandat ? Le mandat est-il le bon registre ? La délégation de l’autorité parentale existe. On le dit constamment, il y a des situations impossibles. Je le rappelle, la délégation de l’autorité parentale existe, de même que, s’agissant d’un sujet connexe, l’adoption testamentaire.
Y a-t-il des progrès à apporter dans le domaine de la délégation de l’autorité parentale ? Sûrement. Mais je ne crois pas que le mandat soit la réponse.
L’article 11 permet de confier l’enfant à un tiers, qu’il soit « parent ou non ». Pourquoi ne pas écrire plutôt dans la loi : « un tiers, choisi de préférence dans sa parenté » ? Vous ravalez le lien de parenté – grand-parent, oncle – à une forme ordinaire de relation. Pour notre part, nous ne souhaitons pas banaliser le lien de parenté. Nous préférons « un tiers, choisi de préférence dans sa parenté », expression qui n’exclut rien et n’interdit rien, mais qui maintient une référence forte à la famille, plutôt que : « un tiers, parent ou non ». Avouez que les termes « de préférence dans sa parenté » sont plus généreux, plus forts, et ont un autre sens qu’un tiers « parent ou non ».
Enfin, à l’article 14, il n’est plus question du besoin de l’enfant. Cela marque une évolution dans la rédaction de la loi. Vous faites le choix que le besoin de l’enfant ne soit plus la référence principale. Cela confirme notre crainte que la proposition de loi cherche à servir les demandes de parents plutôt que l’intérêt de l’enfant.
Ce texte est une mauvaise réponse à des questions qu’il est important d’entendre. Le législateur se serait honoré d’apporter de meilleures réponses, plus attentives à tous les enfants, à tous les parents, des réponses respectueuses de la famille et de ce qu’elle apporte à notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure – chère Marie-Anne –, chers collègues, j’interviens dans notre débat en soutien à la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.
Il est urgent en effet que le législateur s’attelle à la modernisation du droit de la famille qu’exige l’augmentation dans notre société du nombre de divorces et de séparations. Le travail de clarification de l’exercice conjoint de l’autorité parentale auquel nous sommes appelés est éminemment précieux. Il garantira la sécurité juridique qui, trop souvent, fait défaut, permettra une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant et renforcera le rôle de la médiation familiale.
Ce travail doit aussi être le point de départ d’une initiative sur les conflits d’autorité parentale qui dépassent notre seul cadre national. Chaque année, 13 % des mariages célébrés dans l’Union européenne unissent deux personnes de nationalités différentes. Ces mariages, dans la même proportion que les autres, s’achèvent parfois par des divorces.
Or les divorces de couples mixtes conduisent encore à trop de drames, que nourrissent les conflits de juridiction, la complexité du droit et les années de procédure. Il peut en résulter la perte du lien avec les enfants, imposée par une justice partiale, sans connaissance de la réalité familiale internationale. Député des Français de l’étranger, je vois ces souffrances s’exprimer dans mes permanences en Europe centrale. Je les connais, et je les comprends.
Depuis de nombreuses années, il existe ainsi entre la France et l’Allemagne une douloureuse difficulté sur les conflits d’autorité parentale. En Allemagne intervient le Jugendamt, le service de la jeunesse dépendant du ministère de l’intérieur, dont l’action tend, d’une manière ou d’une autre, à défendre les intérêts du parent allemand. On peut détenir un droit parental, dûment accordé par le juge, et le perdre en quelques jours si le Jugendamt passe à l’action, parfois sur la seule base d’un soupçon. Le juge appréciera une demande de garde partagée en fonction de la possibilité d’un éloignement de l’enfant par le parent étranger. Dans le cas où la mère ou le père envisagerait un retour dans son pays d’origine, la garde de l’enfant sera systématiquement attribuée à l’ex-conjoint allemand. Cela conduit de facto à une assignation à résidence, pour conserver le lien avec l’enfant ; à défaut, une mère ou un père peut se retrouver écarté sans ménagement de la vie de son enfant.
Chers collègues, de tels drames se comptent par centaines. Ils conduisent à de terribles souffrances et bouleversent tant de petites vies ! Il y a des parents qui se battent, dans la solitude et le désespoir, pour revoir leurs enfants, dont ils n’ont parfois plus de nouvelles depuis des années. Et il y a aussi des parents qui, épuisés et ruinés, renoncent, la mort dans l’âme. Voilà deux ans que je dis et écris qu’au nom de l’amitié entre la France et l’Allemagne, il faut aborder cette difficulté de front plutôt que de continuer posément à l’ignorer.
Une commission parlementaire de médiation de type « Bruxelles II bis » sur les déplacements illicites d’enfants avait été mise en place par les gouvernements Jospin et Schröder en 1999. Elle avait obtenu des résultats appréciables et pourrait être utilement réactivée. Mais il faut aussi agir à la racine, sur les causes mêmes de l’impasse. Si la France et l’Allemagne sont parvenues à mettre en place un régime matrimonial commun, il doit être possible de faire converger leurs législations et leurs pratiques administratives sur l’autorité parentale. Ce travail est urgent, comme le serait également la rencontre régulière des acteurs français et allemands du droit de la famille, des magistrats aux avocats en passant par les offices de la jeunesse.
La prévention du conflit de droit ou du conflit de loi est nécessaire, mais une définition européenne de l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’est-elle pas autant, sinon davantage ? Car ce sont bien ces approches nationales différentes, rarement comprises car trop peu étudiées, qui retiennent aujourd’hui le progrès. Pourrait-on imaginer qu’à l’échelle européenne, au sein de la maison du droit qu’est le Conseil de l’Europe, les États soucieux de prévenir ces drames recherchent ensemble les éléments d’un droit commun de l’autorité parentale ? C’est une cause que doit porter la France. La proposition de loi que nous examinons peut y conduire, j’en ai la conviction. Je l’espère de toutes mes forces pour notre jeunesse, ici et dans le monde, et, en tout état de cause, pour son droit à l’enfance.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays souffre, comme beaucoup de sociétés modernes, de deux maux térébrants.
Le premier mal qui vous poursuit inlassablement consiste à croire – à rebours de notre culture profonde, car beaucoup d’entre nous pensent que le verbe est créateur – que la loi n’est pas faite pour ciseler et organiser le monde, mais pour suivre son évolution. Mais à force de courir après le réel, vous serez toujours dépassés : il faudra toujours plus de mots, toujours plus de lois, pour recouvrir un sujet qui sera constamment en avance sur vous. Malheureusement, cette façon de faire remonte à longtemps, bien au-delà des projets de nombreux gouvernements récents. Tant que nous suivrons cette démarche folle, nous ne pourrons pas construire de loi sérieuse ni donner à nos compatriotes l’espoir qu’ils attendent.
Le deuxième mal dont souffre notre pays est tout aussi terrible : c’est celui qui consiste à soigner les personnes avant qu’elles ne soient malades.
C’est celui qui consiste à croire qu’une vie d’homme ne compte jamais de manques, de blessures, de traumatismes, mais qu’il faut toujours remplir tous ces manques immédiatement, avant même que la personne n’ait eu le temps de demander une aide quelconque.
Le résultat est là : voici une proposition de loi visant à répondre à la culpabilité d’adultes infantilisés, gavés de pains et de jeux par une télévision dont les programmes devraient permettre à nos compatriotes de s’élever quelque peu.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Le Gouvernement, aux abois, entend utiliser cette proposition de loi pour faire oublier cette culpabilité que les adultes sont incapables d’affronter. Personne ne pense aux enfants.
Vous pensez aux enfants en oubliant que vous allez leur imposer ce que vous voulez justement éviter aux adultes. Ce qui serait mauvais pour n’importe quel travailleur – avoir des lieux de résidence séparés, des activités séparées dans des lieux et avec des horaires variables – serait bon pour les enfants.
Comment pouvez-vous penser qu’un enfant, en période de construction, puisse avoir deux lieux de résidence ?
Avez-vous pensé une seule seconde aux efforts psychiques que ces enfants devront faire pour plaire à leurs deux parents, pour faire en sorte que la culpabilité des parents ne pèse pas sur leurs épaules ? Comment feront-ils pour se construire ?
Ce n’est pas nous qui avons déposé une proposition de loi sur la résidence alternée en 2012 !
Je suis persuadé que nous verrons, à l’avenir, des propositions de loi visant à obliger les parents à scolariser leurs enfants à mi-temps dans des écoles séparées. Il faudra bien que les enfants dont l’un des parents travaille outre-mer ou à l’autre extrémité de la France soient inscrits dans deux écoles différentes !
En outre, vous oubliez régulièrement un problème majeur : la résidence séparée met parfois les enfants en situation de toute puissance. J’en veux pour preuve certains discours, auxquels vous ne prêtez visiblement aucune attention, que l’on entend dans les cours de récréation, et pas seulement dans les milieux favorisés : « J’ai deux maisons. J’ai deux chambres. J’ai deux fois des cadeaux à Noël. »
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
« J’ai deux fois une puissance qui compense l’amour que mes parents ne m’ont pas donné. »
Mêmes mouvements.
Dans le même temps, vous poursuivez votre marche délétère vers un État qui devrait s’immiscer en permanence dans les événements de la vie quotidienne. Votre politique économique mène la France à la faillite, vous êtes incapables d’offrir une espérance aux Françaises et aux Français, et voilà que vous cédez à un mauvais trotskisme, à un mauvais bolchévisme…
Rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR
…en faisant en sorte la loi s’immisce en permanence dans la vie privée des personnes. C’est un système profondément totalitaire que vous êtes en train de mettre en place ! Vous ne faites pas confiance aux citoyens de ce pays. Vous ne faites pas confiance aux parents, à leur capacité de s’adapter et d’inventer, malgré les difficultés de la vie, malgré les séparations qui peuvent advenir dans une famille.
Enfin, j’ai beaucoup entendu parler de violence. Mais, mesdames et messieurs les députés, lorsqu’une majorité de nos compatriotes n’ont à leur disposition, pour exprimer leurs sentiments et leurs affects, que 300 mots de vocabulaire, n’y a-t-il pas là une cause majeure de recours à la violence ? Plutôt que de rédiger une proposition de loi absurde, plutôt que de maintenir une réforme des rythmes scolaires absurde, nous devrions travailler au renforcement de l’enseignement des matières fondamentales…
…et faire en sorte que les enfants aient droit à la même culture, à la même éducation,
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
quelle que soit leur origine sociale, que leurs parents vivent séparés ou non.
Avec la résidence alternée, vous maintenez chez les enfants l’illusion délétère que ce qui n’est plus existe toujours. Lorsque le couple parental est séparé, il est bel et bien séparé, quelles que soient les relations, bonnes ou mauvaises, qu’entretiennent les parents dans l’intérêt de l’enfant. Vous maintenez les enfants de France dans une illusion qui entraînera malheureusement des difficultés supplémentaires pour les familles et les futurs adultes de ce pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mesdames et messieurs les députés, je veux répondre à quelques éléments des interventions de la discussion générale.
Je m’adresse d’abord aux députés qui regrettent de ne pas avoir à examiner une grande loi sur la famille. La discussion générale, ainsi que, je suppose, la prochaine discussion des articles, auraient plutôt tendance à confirmer que notre choix d’examiner les choses étape par étape, sujet par sujet, est le choix le plus prudent et le plus constructif.
Au vu des interventions que nous venons d’entendre, je pense que nous aurons des discussions utiles sur chacun des articles : c’est pourquoi je ne répondrai pas à l’ensemble de ces interventions par sujet.
Nous répondrons article par article. Les sujets sont très différents : je ne vais donc pas répondre dès maintenant à l’ensemble des remarques sur la résidence alternée, sur le mandat…
Je pourrai répondre, mais je ne voudrais pas que nous nous privions d’un travail juridique et légistique sérieux, article par article, amendement par amendement.
M. Favennec a évoqué d’autres sujets, en particulier ceux de la protection sociale de l’enfant, de l’adoption et de l’accès aux origines. Pendant que vous travaillez, ici à l’Assemblée nationale, sur cette proposition de loi, une mission d’information est en cours au Sénat, portée par Mme Michelle Meunier et par Mme Muguette Dini, membre du groupe UDI du Sénat. Le rapport que rendra cette mission d’information servira très probablement de socle à une proposition de loi d’origine sénatoriale permettant d’évoquer tous ces sujets. Il ne s’agit pas non plus de sujets faciles et spontanément consensuels : là encore, le travail progressif nous permettra, je l’espère, d’être constructifs.
Plusieurs parlementaires ont évoqué la question des violences faites aux femmes. J’en ai longuement parlé lors de ma première intervention, et nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors de l’examen des articles.
Ce texte fait l’objet de critiques nombreuses et contradictoires. Il n’opère pas la révolution anthropologique que Mme Maréchal-Le Pen et d’autres parlementaires ont cru voir dans la création d’un mandat pour permettre à un beau-parent d’aller chercher un enfant aux urgences. Je ne vois pas en quoi ce mandat serait une révolution anthropologique ou menacerait quoi que ce soit : c’est l’exemple typique d’un article utile, concret et pratique contenu dans ce texte.
Heureusement que personne n’a besoin de mandat pour amener un enfant aux urgences !
J’ai été étonnée de constater qu’un certain nombre de députés étaient frileux quant à leurs capacités d’initiative. Oui, les parlementaires peuvent déposer des propositions de loi et travailler sérieusement, utilement,…
…sans disposer forcément d’une étude d’impact ou de l’avis du Conseil d’État.
On peut aussi solliciter les services de la Chancellerie, qui peuvent apporter la garantie juridique et légistique que vous attendez.
Enfin, je ne peux pas laisser sans réponse une phrase que j’ai relevée dans l’intervention de M. Dhuicq,
Sourires sur les bancs du groupe SRC
au sujet d’un enfant qui aurait subi une séparation et déclarerait, dans la cour de récréation : « J’ai deux maisons, deux chambres, et je compense ainsi l’amour que mes parents ne m’ont pas donné. »
On ne peut pas laisser dire que les enfants de la séparation sont des enfants qui ont manqué d’amour.
Quand l’amour entre les deux parents s’éteint, c’est une chose, mais cela n’altère pas l’amour que ces parents portent à leurs enfants,…
…ni leur capacité à continuer de les élever et de les aimer. On ne peut pas dire cela ici !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Discussion générale
La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.
Je veux faire remarquer plusieurs choses. D’abord, madame la secrétaire d’État, j’ai été très surpris par la brièveté de votre réponse, alors qu’il y avait eu, dans la discussion générale, des interventions intéressantes et positives.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Si vous me laissez m’exprimer, je vais en venir à mon rappel au règlement proprement dit, monsieur Glavany ! Ce rappel au règlement a pour objet la Constitution et son article 39. Comme plusieurs orateurs l’ont souligné, il nous manque un élément majeur dans le cadre de la discussion de cette proposition de loi, à savoir l’avis du Conseil d’État. Nous font également défaut l’étude d’impact, ainsi que des éléments de comparaison internationale – une vraie lacune, comme l’a dit notre collègue Le Borgn’.
En 2013, lors de l’examen de la loi sur le mariage, il existait un avis du Conseil d’État, que vous aviez alors choisi de nous dissimuler. Aujourd’hui, les choses sont plus simples : il n’y a pas d’avis du Conseil d’État ! Cela vous a peut-être échappé, mes chers collègues, mais il y a eu une révision constitutionnelle en 2008 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Pour cela, vous pouvez compter sur moi ! Il y a eu, disais-je, une révision constitutionnelle en 2008, qui permet un avis du Conseil d’État
« Permet ! » sur les bancs du groupe SRC
une proposition de loi à l’initiative de parlementaires. L’ultime alinéa de l’article 39 de notre Constitution est ainsi rédigé : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. »
Ma vraie question s’adresse donc à vous, madame la rapporteure : vous êtes-vous opposée à ce que le Conseil d’État rende un avis circonstancié sur cette proposition de loi ? Alors qu’il est absolument indispensable que nous disposions d’un tel outil, je constate qu’il y a une volonté de ne pas aller au fond des choses…
…et de ne pas nous donner les moyens de travailler comme nous devrions le faire. Madame la rapporteure, oui ou non, avez-vous refusé que le Conseil d’État rende un avis sur cette question ?
« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur Le Fur, l’article 39 de la Constitution indique que le président d’une assemblée « peut » soumettre pour avis une proposition de loi au Conseil d’État. Nous allons donc poursuivre nos travaux.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mes chers collègues, l’amendement n° 615 vise à remplacer l’expression « autorité parentale » par celle de « responsabilités parentales ». La proposition de loi dont nous débattons a pour objectif principal d’adapter notre législation à l’évolution des nouvelles configurations familiales, et d’apporter des réponses juridiques concrètes visant à garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Les termes contenus dans notre code civil ne sont pas anodins. Le concept d’autorité parentale a succédé, en 1970, à celui de puissance paternelle. Depuis quarante-quatre ans, cette expression n’a toujours pas été modifiée dans le code civil. Ce concept d’autorité parentale est finalement très restrictif : il renvoie à une notion de pouvoir qui n’est plus adaptée. Le concept que nous proposons, celui de l’autorité parentale, est beaucoup plus large, plus englobant, plus concret et bien plus positif.
Les évolutions successives du droit civil mettent aujourd’hui l’accent sur le rôle éducatif des parents. C’est d’ailleurs la définition même de l’autorité parentale, à savoir l’ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant, telle qu’elle figure à l’article 371-1 du code civil. La loi du 31 mars 2002, relative à la protection de l’enfance, affirme la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, défini comme étant son « développement physique, affectif, intellectuel et social ».
L’expression « autorité parentale » renvoie à une notion de droit sacré des parents et à la subordination de l’enfant vis-à-vis de l’adulte. L’autorité occulte la responsabilité, et certains parents en viennent même à justifier les maltraitances qu’ils imposent à leurs enfants par l’autorité parentale qu’ils exercent sur eux. L’expression « responsabilités parentales » qui est proposée a été citée pour la première dans un rapport de l’IGAS en 2011, qui s’inspirait directement de la loi québécoise. De même, dans le Children Act, à savoir la loi anglaise sur les enfants, il n’est question que de responsabilité des parents, conçue comme « englobant à la fois les obligations et les droits correspondants des parents, qui découlent de leurs responsabilités ».
Il est temps de mettre notre droit en conformité avec la réalité sociologique et notre conception des relations entre les parents et les enfants, et d’en tirer toutes les conséquences, en particulier en ce qui concerne la rédaction de l’article 371-1 du code civil.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 91 .
Je rejoins ce que vient de dire Mme Capdevielle. La notion de responsabilité parentale me semble plus adaptée à la réalité de ce texte et à l’esprit de cette loi. La responsabilité est une notion plus large, incluant l’autorité. Y faire référence, c’est réaffirmer la reconnaissance que les parents ont des droits, mais aussi des obligations liées à l’exercice de leur fonction de parents ; c’est rompre avec une conception basée exclusivement sur l’autorité. L’enfant se doit d’être respecté et protégé par les adultes qui en ont la charge. C’est le devoir des parents d’entendre leurs enfants et d’agir dans leur intérêt supérieur. Affirmer cette responsabilité parentale me paraît plus adapté.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Mesdames, nous partageons évidemment votre conception de la responsabilité, à savoir que celle-ci est constituée d’un ensemble de droits et de devoirs. Toutefois, l’expression « autorité parentale » apparaît en de très nombreuses occurrences du code civil, et accepter votre proposition impliquerait de trop lourdes modifications dans le cadre d’une proposition de loi.
Dans la mesure où je vais présenter à la fin de l’examen de ce texte un amendement répondant à votre préoccupation, puisqu’il vise à faire figurer l’expression « responsabilité des parents » dans le titre, je vous invite à retirer vos amendements.
Si je comprends la préoccupation exprimée par les auteurs de ces deux amendements, je ne suis pas certaine de l’efficacité des propositions qui sont faites. D’abord, parce que l’autorité parentale inclut déjà les droits et les devoirs des parents. Ensuite, parce qu’il faut veiller à ne pas confondre les responsabilités parentales avec la responsabilité civile des parents du fait de leurs enfants, prévue à l’article 1384 du code civil. Enfin, parce que Mme la rapporteure présentera à la fin de l’examen de ce texte, comme elle vient de le dire, un amendement portant sur le titre de la proposition de loi, qui permettra d’inclure les responsabilités des parents sans pour autant induire des modifications trop importantes dans le code civil. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Je trouve ces amendements très malvenus, non seulement parce qu’ils sont dans l’air du temps…
…mais aussi parce que l’enfant a besoin d’autorité, de règles et de sanctions s’il ne respecte pas les règles. Il a besoin de l’autorité des parents, qui le rassure : quiconque a élevé des enfants en est parfaitement conscient. Le mot « responsabilité » est un mot uniquement juridique, mais nous parlons ici d’une cellule familiale où l’autorité doit exister, et concourt à la construction de l’enfant.
C’est précisément quand il n’y a pas d’autorité que l’on est confronté à certaines difficultés pouvant avoir des incidences graves, éventuellement sur le plan psychologique, voire psychiatrique : c’est l’enfant roi, l’enfant qui s’approprie l’autorité, une situation tout à fait redoutable.
Pour toutes ces raisons, j’invite notre assemblée à suivre l’avis de Mme la rapporteure – pour une fois – et à repousser ces amendements.
Je remercie Mme la rapporteure de sa compréhension et de son souci d’ouverture – ainsi que Mme la secrétaire d’État pour ses explications. Comme les adultes, les enfants ont besoin de règles, d’autorité et de sanctions.
« Il n’était pas né ! » et rires sur les bancs du groupe UMP
quand certains ont voulu maintenir la puissance paternelle. Les arguments employés étaient alors exactement les mêmes que ceux que vous invoquez aujourd’hui : on a besoin de l’autorité du père. Vous avez tout de même une étrange conception des droits de l’enfant ! Le terme proposé constitue effectivement une mini-révolution, sachant que le mot« responsabilités » est tout à fait générique.
Je souscris à la proposition de Mme la rapporteure, qui démontre sa volonté d’inclure, à côté du concept d’autorité, celui de responsabilité, et je l’en remercie.
L’amendement no 615 est retiré.
L’amendement no 91 est retiré.
Nous allons aborder ce soir un texte qui opère, une fois encore, un renversement absolu de la généalogie.
Imaginez, mes chers collègues, que vous allez travailler pour des adultes totalement infantilisés alors que vous avez une vision adultique des enfants. Alors que nous allons aborder à de multiples reprises le statut de l’enfant, vous allez parler de la parole de l’enfant : c’est très intéressant, car vous considérez que ce dernier viendrait au monde avec un appareil psychique équivalent à celui de l’adulte, avec des capacités élaboratives et introspectives équivalentes à celles d’un député actuel
Sourires.
Sourires
Sourires
Ce texte présente une particularité : nous allons entendre en permanence le terme « beau-parent », alors qu’il n’est pas défini dans le texte et qu’il n’y figure d’ailleurs pas. Une fois de plus, comme nous l’avons expérimenté l’année dernière, on va se livrer à un équivalent de la « chasse au Snark » : on va chasser un objet qui n’existe pas. Malheureusement, certains, à commencer par Lewis Caroll, étaient beaucoup plus doués que vous, mes chers collègues, pour faire travailler l’imagination.
Ce serait drôle si le sujet n’était pas si sérieux, si l’avenir des enfants n’était en jeu. De grâce, madame la secrétaire d’État, revenez quelque peu à la raison.
Je m’exprimerai brièvement car, à lui seul, le contenu de l’article 1er ne justifie probablement pas une intervention approfondie, c’est le moins que l’on puisse dire.
Je profite toutefois de l’occasion qui m’est donnée pour faire part de quelques impressions sur la discussion générale et les réponses qui ont été apportées aux différents orateurs.
Je veux redire que ce texte manque de précision, en particulier sur le mandat d’éducation quotidienne – nous y reviendrons –, mais également sur d’autres éléments, notamment l’article 4, à propos duquel j’ai compris que nous aurions un débat fourni, que nous attendons avec impatience.
Comme je l’ai dit à la tribune, en faisant abstraction de vos intentions – que nous combattons – la rédaction à elle seule pose un certain nombre de difficultés, auxquelles, je l’espère, la rapporteure – elle a commencé à le faire – et la secrétaire d’État – elle a également commencé à le faire – nous apporterons, au fil du débat, des éléments de solution. En effet, beaucoup de points méritent, au minimum, des précisions juridiques.
Je ne reviendrai pas sur le contexte général et la philosophie de ce texte, car j’ai abondamment développé ces sujets dans la motion de renvoi en commission.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’article 1er vise à renforcer l’information de l’auteur d’une reconnaissance d’enfant sur ses droits et devoirs en tant que parent.
Je crains que la seule lecture de deux articles supplémentaires du code civil aux auteurs d’une reconnaissance de paternité, lorsque celle-ci est mensongère, ne soit pas de nature à les responsabiliser.
À ce moment de l’examen du texte, je tiens à appeler votre attention sur la pratique des procédures en contestation de paternité, de plus en plus nombreuses. Elles ont révélé à un certain nombre d’acteurs de la vie judiciaire la précarité de la situation juridique des enfants, placés au centre de ces procédures.
C’est là toute la problématique de la reconnaissance d’un enfant, qu’un acte de volonté suffit à doter d’une filiation et qu’une preuve obtenue au moyen d’un test ADN privera de son identité, des années plus tard, parce que son père ou sa mère en aura décidé ainsi.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la possibilité pour un adulte de reconnaître un enfant bien après sa naissance, en présumant d’une filiation biologique, mais de lutter contre une pratique qui se répand à la faveur de la fiabilité des tests ADN. Nous pouvons aisément imaginer la violence du traumatisme subi par ces enfants, envahis par un sentiment d’abandon, agressés par la cruauté de cette révélation et déstabilisés par la perte identitaire.
Le lien de filiation doit survivre à la séparation du couple. L’enfant devrait avoir droit à une filiation et à une identité constantes. Or un paradoxe persiste entre l’importance légitime accordée à la reconnaissance volontaire d’enfant et la facilité qui perdure à pouvoir à la fois souscrire et récuser un lien de droit existant entre un parent et son enfant.
L’article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant dispose que l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir dans toutes les décisions le concernant. Au regard de ce texte, c’est la question de l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce contentieux de la filiation qui est posée.
Ce n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, mais j’espère vous avoir sensibilisés à cette question inquiétante, pas assez connue, pour laquelle, vous en conviendrez, des dispositions législatives s’imposeront.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le premier article de cette proposition de loi est représentatif de l’ensemble du texte : il est bavard et approximatif mais aura, malheureusement, des conséquences graves.
Nous ne pouvons que déplorer que ce sujet si important ne fasse pas l’objet d’un projet de loi, ce qui aurait permis de l’améliorer et d’éviter certains dangers. En effet, un projet de loi aurait été examiné par le Conseil d’État, dont l’avis juridique est précieux. Par ailleurs, la consultation d’organismes compétents, comme le Haut conseil de la famille ou la Caisse nationale des allocations familiales, aurait apporté une garantie dont nous sommes privés.
Cela est d’autant plus regrettable que ce texte touche à un sujet majeur, à savoir le devenir de l’enfant après la séparation de ses parents. Il part du constat, malheureusement réel, que de plus en plus de couples se séparent.
Il vise prétendument l’intérêt de l’enfant alors qu’à sa lecture, on voit bien que ce texte traite essentiellement des intérêts des adultes qui gravitent autour de l’enfant. Son objet est d’élargir le cercle des adultes, d’ôter le primat qui était accordé à la famille.
C’est donc une nouvelle attaque qui est portée à la famille.
À titre d’exemple, il n’est pas une seule fois fait référence aux grands-parents, qui constituent pourtant des repères importants pour les enfants…
…certainement plus que ceux qui sont souvent injustement appelés les « beaux-parents », alors qu’ils ne sont que des tiers censés vivre de manière stable avec l’un des parents.
Il nous faut au contraire rappeler des principes forts : l’importance de la famille, cellule de base de notre société, qui doit rester le cadre structurant des enfants ; l’importance du rôle du père et de la mère ; le droit de l’enfant, qui est primordial, alors que ce texte n’est que le fruit du droit à l’enfant que vous prônez.
Madame la secrétaire d’État, je voudrais revenir sur quelques-uns de vos propos. Vous avez en effet déclaré à plusieurs reprises à la presse que l’opposition serait, sur ce texte, engagée dans un processus d’obstruction.
Il me semble, madame la secrétaire d’État, que vous sortez singulièrement de votre rôle. Il faut voir les choses en face : ce texte, s’il avait été instruit de manière satisfaisante, nous aurait permis d’avoir une étude d’impact, mais on a vu que vous ne souhaitiez pas en entendre parler. Comme plusieurs de nos collègues l’ont indiqué, nous aurions aimé avoir une étude d’impact et une analyse du Conseil d’État, ainsi que la Constitution le permet.
Monsieur Roman, arrêtez de vociférer, vous êtes en train de décrédibiliser la majorité !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Mais oui ! Encore une fois, vous êtes extrêmement gênés, car vous ne voulez pas aborder les sujets de fond.
On pourrait penser que ce texte est anodin : eh bien non, il ne l’est pas ! On voit bien que vous procédez comme si vous vendiez un immeuble appartement par appartement. Mais la famille, on ne peut pas la découper : il faut au contraire avoir une approche globale de la question, et c’est ce que vous refusez de faire. C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, vos propos sont non seulement insultants pour l’opposition mais montrent clairement, de surcroît, que vous ne voulez pas avoir ce débat.
Vous êtes en train de montrer du doigt l’opposition alors que vous devriez argumenter sur le fond.
De toute évidence, cela montre le malaise du Gouvernement et de la majorité tout entière vis-à-vis de ce texte.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, vous continuez, avec ce texte, à jouer aux apprentis sorciers.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous continuez votre oeuvre de destruction de notre code civil. Après le mariage pour tous, vient à présent le tour de l’autorité parentale, faussement appelée « intérêt de l’enfant ».
Les attaques contre la famille de France se poursuivent avec cette majorité,
Mêmes mouvements
Vous êtes d’ailleurs tellement peu sûr de votre action que, comme cela avait été le cas lors de la discussion du mariage pour tous, l’Assemblée nationale est entourée par les cars de CRS.
Mêmes mouvements.
Cela montre la fébrilité de votre gouvernement.
Nous nous opposerons à cette proposition de loi comme nous nous sommes opposés au projet de loi sur le mariage pour tous. Vous pouvez compter sur notre détermination à nous opposer à la politique néfaste que vous menez, depuis 2012, à l’encontre des familles.
À l’issue de la discussion générale, j’ai le sentiment que, malgré les bonnes intentions affichées par la majorité, cette proposition de loi ne changera pas grand-chose pour celui ou celle que l’on appelle, au sein d’une famille recomposée, « beau-parent » – un terme qui n’a d’ailleurs jamais été défini.
Si les parents séparés ont gardé de bonnes relations et que la famille recomposée fonctionne bien, formaliser les actes courants ou les actes usuels n’a aucun intérêt.
À l’inverse, en cas de conflit violent lors d’une séparation, cette proposition de loi va-t-elle réellement aider les parents et les juges ? On peut en douter.
Il est peut-être bon de rappeler le contenu des articles du code civil cités à l’article 1er de cette proposition de loi.
L’article 371-1, lu par tous les maires de France dispose que « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. »
L’article 372 dispose que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. »
L’article 373-2 dispose que « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. »
Enfin, aux termes de l’article 377-1, « la délégation, totale ou partielle, de l’autorité parentale résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales. Toutefois, le jugement de délégation peut prévoir, pour les besoins d’éducation de l’enfant, que les père et mère, ou l’un d’eux, partageront tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale avec le tiers délégataire (… ) »
Quand je lis, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, que cette dernière « offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes » – je dis bien : toutes – « les situations que les familles peuvent connaître », je reste dubitatif.
Il est essentiel à mes yeux de veiller à l’application des textes en vigueur.
Je veux souligner qu’au travers de ce texte, la tactique de la majorité a changée. Vous avez compris que l’opinion s’exprimait dans la rue,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
que les familles se rassemblaient. Il y a de cela un an, madame la rapporteure, à Rennes, 20 000 personnes – je dis bien : 20 000 personnes – se réunissaient, sous vos fenêtres. Il faut le rappeler !
Le droit de manifester, cela compte, c’est un droit républicain dont s’est emparé une majorité jusqu’à présent silencieuse.
Votre tactique a changé : vous avez adopté la discrétion – une proposition de loi, plus de grand texte. Il n’empêche que votre stratégie demeure ; votre objectif est toujours le même : l’application de ce qui a été résumé par le rapport Théry, c’est-à-dire casser une forme de famille.
On a dit que le rapport Théry, c’était l’homoparentalité et la PMA, mais il va bien au-delà : il expose une autre conception, totalement différente, de la famille, où les rapports sociaux l’emportent sur les réalités de la nature et de la biologie, où l’autorité est systématiquement remise en cause et où l’intérêt de l’enfant est un élément parmi d’autres, à côté de l’intérêt des parents.
Tout cela est masqué. La meilleure preuve en est, madame la secrétaire d’État, que, dans votre réponse, vous employez le mot « beau-parent » : mais, sauf erreur de ma part, il ne figure pas dans le texte. De quoi donc parle-t-on ? Qu’est-ce que ce mot que l’on utilise alors même que le texte ne l’énonce pas, ne le définit pas, ni ne le précise ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Votre réponse elliptique à l’issue de la discussion générale en est la preuve : vous employez des mots qui ne figurent pas dans le texte. Or vous êtes là pour nous préciser les conséquences juridiques de laproposition de loi.
L’article 1er est adopté.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, puisqu’il y a quelques mères dans la salle,…
…je veux souligner le renversement bien visible de la généalogie qu’opère ce texte. Dans quel monde vivons-nous pour être obligés d’inscrire noir sur blanc ce qui devrait aller de soi au sein d’une famille, entre parents et enfants ?
C’est totalement absurde ! Jusqu’où pensez-vous pénétrer dans l’intimité des personnes ? Pourquoi faire des lois aussi bavardes, que plus personne ne comprend, si ce n’est pour enrichir quelques grands cabinets d’avocats, donc les classes possédantes, que vous soignez particulièrement, comme chaque fois que vous êtes au pouvoir, messieurs les socialistes,…
Rires sur les bancs du groupe SRC.
Il faut bien vous échauffer un peu en début de séance, chers collègues !
Je voudrais que les citoyens de ce pays lisent cette disposition : « Les parents et les enfants se doivent mutuellement respect, considération et solidarité. » Tel est le type d’amendements que votre majorité dépose. Vous renversez totalement les rapports entre générations.
De votre fait, les enfants ne parviendront pas à devenir des citoyens responsables, car d’emblée vous déresponsabilisez totalement leurs parents. Vous avez un réel mépris pour l’histoire humaine, un réel mépris pour le peuple que vous prétendez servir mais que vous avilissez en permanence.
Sourires.
Mon collègue Nicolas Dhuicq a parfaitement raison au sujet de l’article 2. J’appelle votre attention sur le fait que la sollicitation du Conseil d’État est clairement affichée. Nous avons adopté en commission un amendement sur la question de la sécurisation et de la publicité des actes de l’état civil dans le livret de famille. Le Conseil d’État sera d’ailleurs mis à contribution : il apparaît trois fois dans l’article 2, soumis à notre discussion.
Nous n’avons pas déposé d’amendement sur cet article, puisqu’il répond parfaitement à la nécessité de sécuriser et de publier les formalités de l’état civil, comme nous le souhaitions. Cependant, madame la rapporteure, j’aimerais savoir si vous avez d’ores et déjà une idée de la façon dont les décrets en question seront orientés. Le Gouvernement influencera-t-il, dans un futur proche, la rédaction des décrets prévus dans les alinéas du présent article ?
L’article 2 concerne les règles de publicité relatives aux actes de l’état civil et consacre au niveau législatif l’existence du livret de famille.
Nous ne contestons pas l’importance donnée au livret de famille ; au contraire ! Cet article vise à renforcer l’information des parents sur leurs droits et les actes quotidiens de l’enfant. Nous y sommes favorables : les parents doivent absolument entendre la souffrance des enfants qui se retrouvent écartelés entre leurs deux parents.
Il faut donner toute son importance à la reconnaissance de paternité. Cet acte si grave, si important, si engageant, ne devrait pas se passer de manière aussi anodine. C’est le moment aussi de rappeler aux parents leurs devoirs envers leurs enfants.
Le problème est que l’article 2 et, au-delà, l’ensemble de ce texte ne permettront pas d’améliorer la situation actuelle. Ces failles ont d’ailleurs été constatées en commission des lois et reconnues par beaucoup de parlementaires. Cela a notamment donné lieu à l’adoption d’un amendement du groupe UMP qui avait pour objet de supprimer tout élément de définition du contenu du livret de famille, afin de renvoyer l’intégralité de ce contenu au décret.
Malheureusement, cette disposition n’est pas la seule contestable dans la proposition de loi, truffée de mesures qui seront sources de conflits, de recours, de complications. Est-ce là l’intérêt de l’enfant ? Au lieu d’apporter un cadre structurant pour ce dernier, nous allons amplifier les causes de conflits entre ses parents. Je doute que cela réponde au voeu des enfants et à leur intérêt.
À l’occasion de la discussion du présent article, je voudrais revenir sur un amendement qui a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution mais qu’il me paraît nécessaire d’évoquer en cet instant. Il avait en effet pour objet de créer un fichier national des actes de l’état civil.
Dans nos circonscriptions, nous recevons de plus en plus de signalements des caisses d’allocations familiales relativement à des reconnaissances frauduleuses de paternité. Pour éviter ces fraudes et améliorer le service rendu à nos concitoyens, il serait opportun de poser la question du développement d’un fichier national des actes de l’état civil.
Un tel fichier permettrait à nos concitoyens d’obtenir plus facilement des copies d’actes, généralement des extraits, et aux caisses d’allocations familiales de vérifier directement le caractère frauduleux d’un processus de reconnaissance de paternité.
On le sait, ce texte contient de nombreuses imprécisions, notamment juridiques, du fait de sa préparation un peu précipitée. Cela tient également au fait que vous ayez choisi de ne pas solliciter l’avis du Conseil d’État, madame la rapporteure, alors que vous en aviez la possibilité, ainsi que le soulignait notre collègue Marc Le Fur voilà quelques instants.
L’article 2, dans sa rédaction initiale, en était l’illustration même. Cet article prévoit à la fois la publicité des actes de l’état civil et la consécration du livret de famille dans le code civil. Or, il a fallu un amendement de nos collègues MM. Gosselin et Poisson pour sortir du flou juridique que vous aviez introduit et renvoyer à un décret les précisions sur le contenu du livret de famille.
Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, comment ce décret sera-t-il rédigé afin que le contenu du livret de famille soit défini et que les conditions de sécurisation soient précisées pour lutter contre les risques de fraude ? Nous attendons des réponses de votre part aujourd’hui. À défaut, ce sera une nouvelle preuve que ce texte a été préparé dans de très mauvaises conditions.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, j’attendais l’examen de cette proposition de loi avec impatience, parce qu’elle concerne des situations dont il est essentiel que nous nous préoccupions aujourd’hui, celles des familles qui sont fragilisées parce qu’elles se décomposent.
L’article 2 consacre au niveau législatif l’existence du livret de famille, ce à quoi nous ne pouvons qu’être favorables. Pour autant, je suis inquiète de tout ce que j’ai pu entendre au cours de nos débats et des auditions auxquelles j’ai pu assister, madame la rapporteure.
Premièrement, nous sommes en train de vendre à la découpe le grand projet de loi sur la famille.
Pour le dire simplement, il s’agit de modifier le code civil par l’intermédiaire d’une proposition de loi et d’y inscrire de façon détournée un statut du beau-parent qui, comme l’ont souligné mes collègues, n’a jamais existé.
Deuxièmement, et cela me trouble davantage encore, madame la rapporteure, vous affirmez aujourd’hui que le mot « autorité » sera remplacé dans la proposition de loi par le mot « responsabilité ». J’y insiste, car si l’autorité est nécessaire pour les enfants, je m’interroge, madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, si toutefois vous m’écoutez : l’enfant a-t-il réellement besoin que la loi clarifie la place et le rôle des adultes qui l’entourent ? Croyez-vous vraiment que ce soit une des préoccupations de l’enfant ? Est-ce vraiment dans son intérêt ?
Ne croyez-vous pas plutôt que c’est une préoccupation d’adulte ? En fait, je crois que les adultes essaient au maximum de dévaloriser, voire d’effacer l’ex-conjoint au profit du nouveau conjoint ; on le voit bien dans les conflits au sein des familles. De ce point de vue, cette proposition de loi est totalement détournée de son objectif initial.
À mes yeux, défendre l’intérêt de l’enfant consiste à réaffirmer la place des deux parents ; voilà ce qui est essentiel.
Quant au beau-parent, il existe de facto, mais c’est une relation réelle et de qualité qui doit exister aujourd’hui.
Je poursuivrai mon propos dans mon intervention sur l’article suivant, dans ce cas. Je pensais cependant avoir des choses importantes à dire, monsieur le président.
Vos collègues également, me semble-t-il, du moins je l’espère !
La parole est à M. Marc Le Fur.
Une fois n’est pas coutume, madame la secrétaire d’État, mais je voudrais, à la suite de l’agression dont vous avez été victime voilà quelque temps de la part du réseau LGBT, vous exprimer ma solidarité et mon soutien.
Je m’en passe très bien !
Cette agression était d’autant plus surprenante qu’elle était déplacée et vulgaire. Ce soutien s’adresse donc tant à votre personne qu’à la fonction que vous exercez. Ce qui m’étonne, madame la secrétaire d’État, c’est de ne pas avoir entendu d’expression de solidarité de la part de beaucoup de membres du Gouvernement, non plus que du Premier ministre, qui fut pourtant un ministre de l’intérieur particulièrement répressif.
Admettons à titre de comparaison que vous ayez été victime d’une agression de bien moindre ampleur de la part de personnes défendant des thèses différentes de celles du réseau LGBT, par exemple des thèses favorables à la famille ; que n’aurions-nous pas entendu alors, mes chers collègues ! J’imagine aisément quels auraient été les gros titres, quelles auraient été les réactions offusquées et les prises de positions des uns et des autres !
Là, c’est au contraire le silence ! Vous regardez vos chaussures, les uns et les autres ! Rien ne se passe !
Madame la secrétaire d’État, s’il n’y en a qu’un pour vous exprimer un soutien républicain, ce sera moi ; je vous prie de m’en excuser.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
L’article 2 est adopté.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 553 .
J’imagine que cet amendement va déclencher une polémique, mais ce n’était pas mon intention.
L’article du code civil qu’il s’agit de modifier est en effet ancien et dispose qu’un enfant « doit honneur et respect à ses père et mère », ce qui me paraît d’une grande évidence.
Je propose par cet amendement que l’on revoie la rédaction de cet article. En effet, l’évolution de la famille, la coexistence de nombreuses générations, l’existence d’un rapport différent entre ces dernières, notamment du fait de la place que les enfants peuvent désormais prendre au sein d’une famille en tant que sujets, sont autant de raisons qui justifient que l’on écrive cet article autrement.
Je souhaite donc que les parents et les enfants soient liés dans un même article par le respect qu’ils se doivent mutuellement et qu’on remplace le mot « honneur », un tantinet désuet,…
…et utilisé dans des expressions comme « crime d’honneur », par les mots « considération et solidarité », afin que la solidarité que les parents et les enfants se doivent toute leur vie soit replacée au creux d’un article.
La rédaction que je propose ne modifie en rien les obligations des uns vis-à-vis des autres. Elle vise seulement à remettre au goût du jour des sentiments et des responsabilités mutuelles.
Madame la députée, cet amendement modernise en effet la rédaction de l’article 371 du code civil, qui nous apparaît un peu désuète. Aux termes de cet article, qui date, rappelons-le, de 1804,…
…et s’inspire d’un commandement du Décalogue : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. »
Je préfère à cette rédaction celle que vous proposez : plus équilibrée, elle place les parents et l’enfant dans une relation non plus de nature hiérarchique ascendante mais plutôt de respect, de considération et de solidarité réciproques.
Le fait d’insister sur la réciprocité du respect est un principe que nous pouvons tous partager. L’avis de la commission est par conséquent favorable.
Je comprends la préoccupation des auteurs de cet amendement. L’article 371 du code civil avait déjà été modifié en 1970 : alors qu’auparavant, l’enfant ne devait honneur qu’à son père, on a ajouté la mention de la mère – ce qui nous rappelle que le code civil ne traitait pas de la même façon les pères et les mères.
Pour ma part, le mot « honneur » ne me pose pas de problème,…
…pas plus que sa place dans le code civil. Je considère que la famille est non pas une démocratie, mais une école de la démocratie, un lieu où on l’apprend.
Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Je me demande si ceux qui nous ont précédés – sans même parler de ceux qui vont nous suivre – pourraient comprendre ce que vous êtes en train de promouvoir, à savoir un renversement de la généalogie.
À terme, en les mettant ainsi sur le même pied que les parents, vous allez placer les enfants dans une situation extrêmement difficile.
C’est exactement ce que je viens de dire !
L’appareil psychique d’un enfant n’est pas celui d’un adulte, madame la secrétaire d’État.
Un enfant ne parle pas forcément – nous évoquerons plus tard la question de sa parole. Vous savez bien – vous avez peut-être été mère, du moins je vous le souhaite – qu’à un certain stade ils s’expriment différemment. Or, à travers ce texte, vous en arrivez à considérer que la famille est un Parlement, une assemblée en miniature, où chacun a le même droit de vote ; tel n’est pas le cas.
Si vous voulez avoir des citoyens responsables, des adultes qui puissent affronter les difficultés, voire les souffrances de la vie, se confronter au manque qui est consubstantiel à la finitude humaine, il faut faire l’inverse de ce que vous préconisez. Vous serez bien obligés de reconnaître que vous renversez totalement la généalogie et que vous détruisez le rapport entre parents et enfants.
C’est un jeu infiniment dangereux dans une société qui est, quant à elle, infiniment violente. Vous oubliez que le premier rôle des parents est de lutter contre la violence primordiale. Vous avez une vision totalement irénique des rapports au sein des familles. Ceux d’entre vous qui ont été les aînés de leur fratrie se souviennent peut-être du moment où de petits frères ou de petites soeurs sont arrivés ; ils n’étaient pas forcément les bienvenus. Eh bien, c’est précisément le rôle des parents que de lutter contre la violence primordiale et de donner des limites. Or, vous êtes en train de placer les enfants dans une situation totalement impossible.
Non, madame la secrétaire d’État, les enfants ne sont pas encore des adultes ; ce sont des êtres en devenir. Non, les familles ne sont pas un système démocratique ; elles ne sont pas l’Athènes du grand Périclès. D’ailleurs, je me demande si nous ne sommes tellement déchus que nous devrions étudier de nouveau ce qu’étaient Athènes et Sparte.
Avez-vous seulement écouté ce que j’ai dit, monsieur Dhuicq ?
« L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. » Cette expression est tout de même surannée.
Parce qu’elle est unilatérale. Notre code civil, notamment à travers les dispositions qui suivent directement cet article 371 – je pense à l’article 371-1 –, établit systématiquement une réciprocité dans le respect. Toutefois, rien n’est prévu dans l’article 371 pour indiquer que les parents eux-mêmes doivent être dignes du respect que les enfants doivent leur porter.
La rédaction proposée par Mme Pochon prévoit cette réciprocité, ce qui me paraît important.
Il est vrai que la notion d’honneur existe dans notre droit. Elle est d’ailleurs – et c’est comme cela qu’on la comprend mieux – attachée le plus souvent à la considération ou à la réputation. Je pense à ce que dit le code pénal en matière d’usurpation d’identité, mais aussi aux dispositions de la loi de 1881 sur la diffamation et l’injure. Dans ce cadre, cette notion renvoie aux relations sociales, ce qui est moins le cas dans l’article dont nous parlons. La notion d’honneur, dans ce contexte, ne correspond pas à celle que l’on peut trouver quand elle est accolée au principe de réputation.
Enfin, Élisabeth Pochon s’est inspirée d’une contribution, apportée dans le débat il y a de nombreuses semaines, dont la rédaction, légèrement différente, s’inspirait de l’article 212 du code civil sur les époux : « Parents et enfants se doivent mutuellement respect, solidarité, secours et assistance. » C’est quasiment, au mot près, la proposition d’Élisabeth Pochon. Eh bien, c’est aussi le principe no 10 de la Manif pour tous ; c’est l’un des résultats du Grenelle de la famille. Vous l’avez donc tous soutenu.
Eh oui ! Souvenez-vous, monsieur Le Fur, quand vous défiliez avec votre écharpe d’élu !
Je pense donc que nous allons pouvoir nous retrouver tous autour de l’initiative d’Élisabeth Pochon, qui vise à introduire dans notre droit une proposition de la Manif pour tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
L’amendement no 533 est adopté.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement de notre assemblée.
Je sais très bien que vous êtes parfaitement dans votre droit en considérant que, une fois qu’un orateur s’est exprimé pour un amendement et un autre contre, vous pouvez mettre fin au débat et passer au vote.
Néanmoins, sur des sujets comme ceux-ci, qui sont tout de même importants, ce que personne, ici, ne niera, je souhaite que, dans les prochaines minutes – puisque je crois savoir que ce n’est pas vous qui présiderez ce soir –, nous ayons un peu plus de latitude pour aller au fond du débat.
Monsieur Poisson, le règlement contient un certain nombre de dispositions. Si l’on souhaite le faire évoluer, il est loisible de le demander à la Conférence des présidents et de déposer des propositions en ce sens.
Essayons d’avancer un peu dans l’examen du texte. Pour l’instant, nous avons beaucoup discuté, mais peu d’amendements et d’articles ont été adoptés. Nous allons donc passer à l’amendement suivant.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 661 .
Le Conseil de l’Europe mène depuis plusieurs années une campagne active pour l’abolition des châtiments corporels. La recommandation 1666, datant déjà de 2004, porte exclusivement sur cette question.
Par ailleurs, la France a été sanctionnée par le Comité européen des droits sociaux pour ne pas avoir aboli les violences faites aux enfants dans la sphère privée. De fait, le droit à l’intégrité physique est aussi un droit de l’enfant.
Le troisième alinéa de l’article 24 de la Convention internationale des droits de l’enfant dispose également que les « États parties prennent toutes les mesures appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants ».
L’article 17 de la Charte sociale européenne, dont la France est signataire, prévoit que les États doivent prendre les mesures nécessaires pour « protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation ».
Il faut cesser de confondre violence physique et éducation. La violence n’est jamais obligatoire pour affirmer l’autorité parentale ; son caractère éducatif est presque unanimement contesté.
En Europe, vingt-trois pays sur vingt-huit ont adopté des lois nationales interdisant tout châtiment corporel envers les enfants, ce que la France, quant à elle, n’a pas fait. Il est bon de le rappeler en cette semaine d’élection européenne.
Cet amendement vise à revenir sur la tolérance de notre droit envers les châtiments corporels. C’était l’une des recommandations du rapport Rosenczveig sur les droits de l’enfant ; c’était aussi le but d’une proposition de loi déposée sous la précédente législature par notre ancienne collègue Edwige Antier, députée UMP. Le présent amendement, présenté par le groupe écologiste, est issu de travaux menés conjointement avec Edith Gueugneau – entre autres –, qui siège sur les bancs du groupe SRC. Il ne s’agit donc pas d’une posture politique, vous l’aurez bien compris ; l’objet de cet amendement est de protéger les plus faibles, à savoir les enfants, de construire une société apaisée dans laquelle la transmission générationnelle passe, non par la violence, donnée comme modèle de relation entre les individus, mais par l’exemple et l’explication.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Qui, dans cet hémicycle, ne partage pas votre souhait, monsieur Lambert, à savoir protéger l’enfant, lui assurer la sécurité et garantir son intégrité ? C’est ce que nous tous, parents et citoyens, devons faire.
Je partage donc tout à fait votre objectif, mais cet amendement est déjà en partie satisfait par les articles du code pénal précisant que les parents doivent respecter l’intégrité physique de leur enfant.
De plus, comme nous le savons – puisque l’on nous a accusés de découper la loi sur la famille en plusieurs propositions de loi –, une proposition de loi déposée au Sénat va s’occuper particulièrement de ce sujet.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, car la disposition que vous nous soumettez trouvera davantage sa place dans le texte qui traitera de la protection de l’enfance que dans celui-ci.
Monsieur le député, le sujet que vous abordez est important. Je partage, comme la rapporteure, la totalité de votre propos.
Je préférerais, pour ma part, que nous abordions cette question sous l’angle de la prévention de la maltraitance, car c’est de ce point de vue que la réflexion que vous menez est utile. En effet, cet amendement n’a pas vraiment de rapport avec la question de l’autorité parentale. La question qu’il soulève est la suivante : comment arrive-t-on à faire passer aux parents un message en matière de violence envers les enfants ? Il convient aussi de leur rappeler que le code civil prévoit déjà que les parents doivent respecter l’intégrité physique de l’enfant.
Comme la rapporteure, je vous invite donc à retirer cet amendement et à reprendre la discussion sur ce sujet lors de l’examen d’une autre proposition de loi.
Monsieur le président, comme vous avez une lecture attentive et pointilleuse du règlement, je vous rappelle que l’article 50, alinéa 4, précise : « L’Assemblée se réunit l’après-midi de quinze heures à vingt heures et en soirée de vingt et une heures à une heure le lendemain. » Cela veut dire que nous sommes déjà bien au-delà de l’heure prévue.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Surtout, nous ne sommes qu’au début de l’examen de ce texte. Je vous propose donc, monsieur le président, que nous en revenions à nos horaires réglementaires – je n’ai pas dit « habituels ». Cela permettra d’ailleurs de résoudre le problème interne à la majorité dont nous avons été les témoins.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’ai bien noté, monsieur Le Fur, que vous souhaitiez que nous avancions. Nous allons donc éviter les interruptions inutiles et terminer l’examen de l’amendement no 661.
Cet amendement pose une question de fond sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Éduquer un enfant et exercer l’autorité parentale ne donne pas tous les droits sur cet enfant. La tolérance française en la matière est aujourd’hui une exception : dix-huit pays européens ont interdit toute forme de punition corporelle.
Il s’agit aujourd’hui, à travers cet amendement, de poser la question du respect par la France de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen, laquelle stipule que nul « ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Je rappelle quand même qu’une proposition de loi, n° 2244, a été enregistrée le 22 janvier 2010 à la présidence de l’Assemblée nationale. Ce texte, cosigné notamment par notre collègue Mme Zimmermann, portait sur la suppression des châtiments corporels.
Aujourd’hui, nous l’avons tous dit, l’inefficacité de ces châtiments n’est plus à prouver. Je dirai même que leur dangerosité dans la construction de la personnalité est démontrée. La pratique judiciaire montre elle aussi leurs ravages en ce qui concerne l’estime de soi et le rapport aux autres.
Je prends acte de la volonté du Gouvernement de bannir les châtiments corporels sous toutes leurs formes. Des pratiques que l’on considère comme totalement illégales entre adultes doivent l’être a fortiori quand elles visent un enfant. Le droit de l’enfant à une éducation non violente est un droit fondamental.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
J’ai écouté avec attention l’argumentation de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État. À vrai dire, je ne comprends plus. En effet, vous avez, l’une comme l’autre, insisté sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Or nous sommes un certain nombre à avoir déposé des amendements visant à demander que figure explicitement dans ce texte – car tel n’est pas le cas – une référence à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Si vous êtes en faveur de l’intérêt supérieur de l’enfant, comme vos propos le laissaient entendre implicitement, comment expliquez-vous que vous rejetiez nos amendements, lesquels visent à le faire figurer explicitement dans le texte ? Il y a là, de toute évidence, une contradiction. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir au moment de la discussion de nos amendements.
En tout cas, il s’agit là d’un point essentiel, auquel nous aurons l’occasion de revenir, car l’opposition tient à indiquer clairement et fermement qu’elle souhaite qu’à tout instant l’intérêt supérieur de l’enfant soit retenu.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je voudrais revenir sur l’intervention de Mme la rapporteure, que j’estime beaucoup. Malgré ce qui est inscrit dans le code civil, la violence physique sur les enfants est toujours tolérée, à travers la fessée ou la claque. Car qu’est-ce qu’une fessée ou une claque, sinon de la violence ?
Si vous voyez un mari mettre une claque à sa femme, ou un patron à son employée, vous intervenez, mais, si vous voyez un père donner une claque à son fils, vous trouvez cela presque normal. On voit bien qu’il nous faut encore progresser, car il subsiste des distorsions comme celle-ci.
Donner une gifle, c’est pourtant ce qu’a fait Bayrou en pleine campagne présidentielle !
On voit bien de quel côté de cet hémicycle se trouvent les gens excités. Quant à nous, nous souhaitons l’apaisement.
Vous êtes complètement à côté de la plaque ! Vous n’avez plus de valeurs !
Cela étant, j’ai bien entendu ce que m’ont dit Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d’État. Nous sommes là pour améliorer intelligemment la loi. Vous nous avez proposé d’intégrer cette disposition dans une future proposition de loi. En outre, nous travaillons en rassemblant, de la façon la plus large possible. De fait, le meilleur moyen de progresser est de rassembler des signataires de droite comme de gauche – je pense notamment au travail conduit par Édith Gueugneau.
Ainsi, nous réussirons, ensemble, à faire entrer la France dans le XXIe siècle s’agissant des conceptions en matière d’éducation. En effet, force est de constater que nous n’y sommes pas encore.
Ce soir, je vous fais donc confiance et je retire mon amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
L’amendement no 661 est retiré.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron