Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Présentation

Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure Marie-Anne Chapdelaine, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame Marie-Noëlle Battistel, qui avez fait office de rapporteur pour la délégation, mesdames et messieurs les députés, la famille est d’abord une communauté d’individus unis par des liens de parenté. C’est le premier espace de solidarité, à la fois entre les individus et entre les générations. Cette solidarité est affective, morale et matérielle. Elle se déploie d’ailleurs tout particulièrement en ces temps de crise, puisqu’on voit des parents héberger des enfants trentenaires et soutenir financièrement les études des petits-enfants. On voit également des enfants et des petits-enfants se mobiliser et se relayer pour tenir compagnie aux grands-parents ou faciliter leur quotidien. La solidarité familiale est le plus souvent à l’oeuvre auprès des plus vulnérables ou quand un accident de la vie survient.

Cette solidarité familiale survit aux couples qui se font et se défont. La rupture du couple – le plus souvent par un divorce ou une séparation, plus rarement par le décès de l’un des conjoints ou concubins – est un événement fréquent de la vie des familles. Chaque année, 350 000 couples se séparent ; la moitié a des enfants à charge ; et 10 000 unions avec des enfants mineurs se rompent du fait du décès d’un des parents. Les familles prennent des formes différentes, tout simplement parce que les individus sont différents et ont des parcours de vie qui leur sont propres. À l’ère de la mobilité sociale, géographique, professionnelle, l’inverse eût été surprenant. En 2011, 71 % des enfants mineurs vivent dans une famille avec leurs deux parents sans demi-frères ou demi-soeurs, 18 % vivent au sein d’une famille monoparentale et 11 % dans une famille recomposée.

La structure des familles change, mais interpréter les ruptures comme un signe de désaffection pour le couple et la famille serait un contresens. Je crois au contraire que les attentes sont fortes ; toutes les enquêtes d’opinion en témoignent. L’implication dans le développement des enfants, leur éducation, est une donnée moderne. Mais les précarités l’érodent. Le lien de filiation survit certes à tous les bouleversements qui affectent nos vies, mais le lien biologique, la filiation, ne suffit pas toujours à garantir le lien éducatif et affectif : 18 % des enfants dont les parents sont séparés n’ont plus aucun rapport avec leur père.

Les structures familiales évoluent donc. Certains s’en réjouissent, d’autres le déplorent, je le constate, comme vous, madame la rapporteure, et c’est bien pour répondre à cette réalité des familles que vous avez élaboré cette proposition de loi. Votre texte poursuit quatre objectifs : renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale après une séparation ; reconnaître la place des tiers, et en particulier des beaux-parents, auprès des enfants avec lesquels ils ont noué des liens affectifs ; développer le recours à la médiation ; et mieux prendre en compte la parole de l’enfant lorsque des décisions le concernent. Comment ne pas partager ces objectifs ? J’y adhère, bien entendu. Si ce texte ne comporte pas de modifications majeures du droit de la famille, il contribue à faciliter la vie des familles. En ce sens, c’est une loi du quotidien, une loi utile.

Madame la rapporteure, vous avez recherché à tout moment le dialogue et l’écoute, vous avez effectué de multiples auditions et de nombreux déplacements pour que cette loi soit au plus proche des besoins réels des familles. Je tiens à saluer votre travail – comme celui de la rapporteure dans la délégation aux droits des femmes, qui apporte un point de vue utile et complémentaire à cette proposition de loi. Vous avez voulu rendre plus simple la réalisation par le beau-parent d’actes usuels, c’est-à-dire ceux qui n’engagent que le quotidien, et vous avez pris soin d’éviter l’écueil de la création d’un statut du beau-parent, trop mécanique et trop rigide.

La médiation familiale peut être un véritable outil pour apaiser les conflits. La médiation va au-delà des seuls paramètres juridiques ; elle permet de prendre en compte les histoires personnelles, les parcours de vie, bref le vécu de chacune et de chacun, et elle peut apporter une solution globale, décidée par les parties. La médiation rend possible la distinction entre le conflit et le litige ; bien souvent, chercher à obtenir le règlement du litige sans travailler sur le conflit ne permet pas de trouver une solution pérenne. Une enquête conduite par la Caisse nationale des allocations familiales entre 2005 et 2007 conclut à l’efficacité de la médiation dans 64 % des cas, soit parce qu’elle permet d’aboutir à un accord, soit parce qu’elle contribue à une amélioration significative du conflit. D’après les auditions conduites par l’IGAS auprès des magistrats, la médiation familiale déboucherait, avec ou sans accord, sur des audiences plus courtes et sur moins de demandes de révision de jugement.

L’État a d’ailleurs négocié un doublement des crédits pour le soutien à la médiation familiale, inscrits dans la convention d’objectifs et de gestion conclue avec la CNAF le 15 juillet dernier. Ce soutien financier renforcé montre que le Gouvernement a fait de l’accompagnement à la parentalité une priorité reconnue de la branche famille.

Cependant, la médiation familiale n’est pas adaptée à toutes les situations. Elle est, est-il besoin de le dire, inenvisageable lorsqu’il y a des violences. Les derniers chiffres sur les violences conjugales montrent que celles-ci ont baissé, mais leur fréquence reste insupportable : en 2013, 121 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. La lutte contre les violences faites aux femmes, c’est une mobilisation collective, un combat que nous devons mener sans relâche, car ces violences font système. Ce n’est pas un sujet que l’on peut aborder après les autres, en se demandant comment ajouter une disposition balai sur les violences. Cette préoccupation doit intervenir dès la conception d’un dispositif.

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