Notre délégation s’est saisie de ce texte car elle poursuit un double objectif : regarder les textes législatifs à l’aune de l’égalité entre les femmes et les hommes, donc, dans ce texte, entre les mères et les pères, et s’assurer qu’ils fassent progresser cette égalité et ne remettent pas en cause les avancées précédentes et la cohérence des textes.
En dépit d’une politique volontariste du Gouvernement, depuis 2012, pour faire progresser les droits des femmes, il faut rappeler que de fortes inégalités perdurent dans notre société et qu’elles ont un impact sur le sujet que nous examinons aujourd’hui. Le partage des tâches domestiques et parentales reste fortement inégalitaire, étant effectuées à 80 % par les femmes. Rappeler cette réalité est crucial lorsque l’on traite de la famille. Par répercussion, les inégalités de carrière et les plus faibles salaires des femmes génèrent, avec la multiplication des séparations, la précarité des mères et la pauvreté des familles monoparentales.
Autre réalité massive qu’on ne peut ignorer et que la délégation aux droits des femmes souhaite prendre en compte : celle des violences conjugales. Ces violences intrafamiliales dont les enfants, témoins, exposés, restent marqués sont loin d’être un phénomène marginal. C’est même un phénomène européen très important : un récent rapport de l’Europe souligne que tous les pays sont touchés.
Au-delà des violences physiques, sexuelles ou psychologiques, il y a aussi les « violences économiques » – notion qui figure clairement dans la convention d’Istanbul dont le Parlement vient d’autoriser la ratification au mois d’août, madame la ministre. Nous pouvons nous en féliciter. Une femme sur dix est victime de violences conjugales, mais très peu déposent plainte. En période de séparation, ces violences s’exacerbent et aboutissent parfois à des actes irrémédiables. Malheureusement, des faits divers ces derniers jours nous le rappellent brutalement. C’est pourquoi des textes sur la séparation et le divorce ne peuvent faire l’impasse sur les violences.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce qu’elle a été alertée par des associations inquiètes de certaines dispositions, la délégation a chargé Marie-Noëlle Battistel d’organiser des auditions et de formuler des recommandations. Nos travaux font ressortir la nécessité de mieux prendre certaines situations familiales en compte, notamment lorsque le père est absent ou défaillant, comme vous l’avez dit, madame la ministre. En effet, au-delà de l’équilibre des droits respectifs des parents, la question est d’abord celle de leurs devoirs à l’égard des enfants. Il faut affirmer plus clairement les responsabilités parentales sur le plan financier, alors que trop souvent le non-paiement de la pension alimentaire constitue une violence économique forte ; mais aussi en termes de présence et de maintien des relations personnelles.
Enfin, il nous a semblé nécessaire de compléter la proposition de loi pour mieux protéger les victimes de violences. Le dispositif de la médiation familiale mérite d’être plus développé, comme le propose ce texte, pour apaiser certaines situations, mais pas en cas de violence. La violence exprime un rapport de domination dans lequel l’un des partenaires – la femme à 95 % – vit dans la peur, ce qui exclut la possibilité d’un dialogue. Le recours à la médiation est donc clairement inadapté, et même dangereux, dans ces situations d’emprise.