Intervention de Morgan Marietti

Réunion du 13 mai 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Morgan Marietti, délégué général en charge du développement et des relations publiques à l'Association nationale des apprentis de France, ANAF :

On m'a demandé quelle était notre position sur le statut européen de l'apprenti. La question est : pour quoi faire ? Un tel statut laisserait-il aux jeunes la possibilité de faire une partie de leur formation en alternance dans un CFA français et dans une entreprise étrangère ? Quel serait le droit du travail applicable : celui de l'entreprise d'accueil ou celui du centre de formation ? Quels seraient les devoirs de l'apprenti, sachant que les rythmes ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre ? Quelles compétences devront être acquises ? À quel âge pourrait commencer la formation : dès quatorze ans, comme en Allemagne, ou à partir de quinze ans, à l'instar des jeunes Français admis en dispositif d'initiation à l'apprentissage ( DIMA ) ? C'est à tout un processus d'harmonisation qu'il faut s'atteler.

Ainsi, même si je suis favorable à un statut européen, dans la mesure où certains de nos membres réclament la possibilité de signer un contrat d'apprentissage avec une entreprise étrangère dans laquelle ils ont effectué un stage, tout dépend du droit applicable et de l'organisation choisie. Il faudrait commencer par signer des accords bilatéraux avec quelques pays comme l'Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni et l'Espagne.

En ce qui concerne la portabilité des aides, j'ai moi-même eu la possibilité, au cours de mes cinq ans d'apprentissage, du bac au master, de bénéficier en Grande-Bretagne d'une partie des indemnités de chômage, le temps que je trouve du travail. Il est vrai que les apprentis, sur ce plan, sont bien plus avantagés que les étudiants.

S'agissant de la maîtrise des langues étrangères, la difficulté vient surtout de la pédagogie. Dans les CFA comme dans les lycées, on apprend une langue dans un cours spécifique, et cet apprentissage n'est pas lié à la formation suivie. Il serait plus intéressant de suivre un cours de pâtisserie en anglais, par exemple, plutôt qu'un cours d'anglais dans le cadre d'une formation au métier de pâtissier. Cela permettrait de favoriser la mobilité des jeunes, mais cela implique de former en ce sens le personnel des centres de formation, avec toutes les questions qu'un tel projet pourrait susciter.

L'ANAF est un partenaire des missions locales : l'année dernière, elle a accompagné 500 jeunes vers l'emploi, et cette année, dans certaines régions, le nombre de jeunes accompagnés va probablement doubler. Les missions locales pourraient en effet servir d'intermédiaire pour l'accès aux dispositifs européens si on les aide à moderniser leurs outils d'accompagnement vers l'emploi. Elles éprouvent en effet de grandes difficultés à doter les jeunes des armes nécessaires pour rejoindre l'entreprise, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage ou dans celui d'un stage, et perdent beaucoup d'énergie et d'argent pour des résultats qui pourraient être meilleurs. Les nouvelles pédagogies d'accompagnement que nous avons développées au sein de nos structures et que nous finançons avec des dispositifs régionaux – notamment en Île-de-France et en Guadeloupe – pourraient leur faire gagner énormément de temps et accroître leur efficacité.

Nous ne pratiquons pas le lobbying auprès de l'Union européenne – j'ai déjà du mal à le faire au niveau national –, parce que notre structure n'existe que depuis quatre ans et ne dispose pas des moyens nécessaires. En outre, nous nous consacrons essentiellement à l'accompagnement des jeunes.

Je me contenterai d'évoquer les nouvelles missions qui pourraient être confiées à l'Union européenne, sans aborder les questions politiques ou d'organisation, même à titre personnel. En effet, non seulement l'ANAF, qui accueille des apprentis de tous horizons, est une association totalement dénuée d'appartenance partisane, mais de tels sujets n'ont pas fait l'objet de discussions au sein de notre bureau national.

Pour ce qui nous concerne, la principale préoccupation des jeunes est de faire en sorte que le temps passé à l'école soit le plus agréable et le plus intéressant possible, de limiter les ruptures dans la scolarité, d'éviter le décrochage. Elle est aussi que le parcours destiné à trouver un contrat d'apprentissage ou un emploi ne soit pas trop erratique, et surtout que l'accès à une activité rémunérée soit tout simplement probable. Nous demandons donc que l'Europe adopte une position plus marquée en termes d'éducation et s'investisse plus dans la pédagogie. Une telle perspective peut en gêner certains, mais il faut prendre le risque, abattre la pédagogie magistrale ultra-dominante dans un certain nombre d'écoles et améliorer le lien entre le savoir et le concret, dont l'absence est souvent la cause du décrochage scolaire. Sans mettre tous les jeunes en entreprise, il faudrait recourir plus volontiers à la pédagogie de l'alternance, c'est-à-dire de faire venir la réalité concrète dans les lieux de savoir pour permettre aux jeunes d'acquérir des compétences.

Au fond, l'enjeu, aujourd'hui, n'est plus tellement l'égalité d'accès à l'enseignement, mais que les jeunes soient égaux devant l'envie d'apprendre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion