Intervention de Henri Proglio

Réunion du 6 mai 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Henri Proglio, président-directeur général d'EDF :

Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous présenter la vision d'EDF du coût de la filière nucléaire, c'est-à-dire de la performance économique du parc de production nucléaire d'EDF au service de la compétitivité de notre pays.

Sollicité pour dix auditions officielles, trois auditions individuelles, trois visites de centrale et des échanges de documents par courrier, le groupe a largement contribué à votre commission d'enquête. Vous en êtes probablement arrivés à la conclusion que le parc de production nucléaire français est un atout pour aborder la transition énergétique dans les meilleures conditions.

Concernant les coûts, je rappellerai deux éléments clés. D'une part, il n'existe pas de coût caché du nucléaire : tous les coûts sont identifiés et exposés par l'exploitant responsable qu'est EDF. D'autre part, le parc nucléaire existant est compétitif, les coûts de production actuels et futurs restant en deçà des coûts de développement de tout autre moyen de production d'électricité à partir du charbon, du gaz ou des énergies renouvelables, ce qui montre l'intérêt économique de tirer le meilleur parti, dans la durée, du parc existant.

J'y vois le résultat de la maîtrise industrielle d'EDF qui entend garantir à ses clients et à nos concitoyens un parc nucléaire sûr, bien entretenu et compétitif. Notre projet est axé sur ces trois objectifs.

La maîtrise industrielle vise d'abord à garantir la sûreté du parc. Le niveau de sûreté de nos réacteurs est notre absolue priorité. Nous l'améliorons en continu en déclinant des référentiels toujours plus exigeants et en prenant en compte le retour d'expérience de toutes les opérations nucléaires du monde, dont l'accident de Fukushima.

Notre objectif, partagé avec beaucoup d'autres exploitants, est de rendre impossible la contamination de long terme des territoires. L'énergie nucléaire ne peut être durablement acceptée que si, lorsqu'un accident survient, malgré toutes les précautions que nous prenons pour que ce ne soit pas le cas, les populations peuvent continuer à vivre normalement à proximité des installations. L'ensemble des évolutions que nous avons menées depuis trente ans, et que nous continuons de conduire dans le cadre du retour d'expérience de Fukushima, va dans ce sens. En France, les réacteurs sont équipés de filtres qui retiennent 99,9 % du césium, responsable de la contamination à Fukushima.

La maîtrise industrielle suppose que l'on sache investir. Comme vous l'avez constaté au cours de nos travaux, nous investissons fortement sur le parc nucléaire. De quoi s'agit-il ? D'emplois et de commandes au tissu industriel français.

Notre investissement est avant tout humain. EDF anticipe la gestion des ressources humaines et adapte ses effectifs pour pouvoir renouveler les compétences et assurer l'exploitation du parc dans la durée. Je me suis attaché à instaurer une dynamique du recrutement, vitale pour le groupe. EDF reste un employeur remarqué : en 2013, pour la troisième année consécutive et malgré la crise économique, nous avons procédé à 6 000 embauches, dont 2 000 créations nettes d'emploi, le parc nucléaire représentant à lui seul près de la moitié des embauches.

Nous investissons également dans l'outil de production, pour améliorer en continu la sûreté de nos réacteurs, ainsi que pour rénover et remplacer nos matériels. Nous avons accéléré notre programme de maintenance durant ces dernières années. Comme tout outil industriel, le parc nucléaire exige un entretien régulier pour fonctionner de manière pérenne, en toute sûreté, avec des performances attendues. Le niveau récurrent des investissements nécessaires atteint 50 millions d'euros par réacteur et par an, montant commun à nombre d'opérateurs nucléaires du monde occidental, notamment belges et américains. Nous connaissons leurs chiffres, car nous possédons des participations dans certains de leurs réacteurs. Sur l'ensemble du parc, le niveau d'investissement pour la maintenance courante est comparable à celui des autres infrastructures industrielles de grande taille, et légèrement inférieur à celui réalisé pour le réseau de distribution en France, qui s'élève à 3 milliards par an.

Toutefois, pendant quelques années, notre investissement sera supérieur à ce niveau récurrent, compte tenu du cycle de vie du parc nucléaire. Il faut en effet assurer le renouvellement des gros composants et procéder à des améliorations très significatives du niveau de sûreté, au lendemain de Fukushima. C'est dans cette optique que nous prévoyons 55 milliards d'investissements prévisionnels d'ici à 2025, avant de revenir, après cette date, au niveau récurrent.

La maîtrise industrielle suppose également que l'on sache maîtriser les coûts, notamment de production. Nous garantissons dans la durée l'équilibre économique, en réinterrogeant les différents projets pour identifier les marges de manoeuvre, dans un cadre très contraint par les exigences réglementaires. Tous mes collaborateurs sont investis dans cette démarche, dont ils comprennent l'enjeu pour l'avenir du parc nucléaire français.

Depuis trois ans, nous avons réduit de près de 8 milliards nos prévisions d'investissement sur 2011-2025, ce qui représente une économie significative. Nous garantissons dans la durée un coût de production de 55 euros valeur 2011, en euros constants, par mégawattheure (MWh), avec la réalisation du programme de grand carénage et une durée de fonctionnement de cinquante ans. Nous garantissons ainsi à nos clients et à la collectivité nationale que le parc nucléaire existant est compétitif par rapport à toutes les alternatives, puisque le coût de revient du MWh se situe entre 70 et 100 euros pour les centrales au charbon ou au gaz, aux alentours de 85 euros pour l'éolien terrestre – sans compter les surcoûts d'intermittence et de réseaux – et jusqu'à quatre fois plus pour l'éolien offshore. La compétitivité s'apprécie sur l'ensemble de la durée de fonctionnement du parc.

Par ailleurs, il suffit de comparer nos dépenses de maintenance et d'exploitation à celles des autres opérateurs mondiaux, pour se convaincre que nous ne jetons pas l'argent par les fenêtres. Une étude comparative portant sur les parcs américains et français montre qu'en 2012, les Américains ont dépensé environ 50 % de plus que nous par réacteur.

La maîtrise industrielle du parc nucléaire existant s'inscrit dans une stratégie d'entreprise plus large, qui répond aux objectifs de la politique énergétique de notre pays. La conférence Paris Climat 2015 rappellera l'enjeu du bas carbone. Or notre parc hydronucléaire constitue un atout majeur, qui place la France parmi les plus faibles émetteurs de CO2 par habitant, en Europe comme dans le monde.

Nous soutenons l'activité économique, notamment industrielle, fragilisée par la crise, puisque de nombreux secteurs d'activité et de nombreuses régions de France observent notre programme d'investissement pour les dix ans à venir. Le maintien dans la durée d'un des parcs de production électrique les plus compétitifs d'Europe est facteur de compétitivité pour toute l'économie française.

Dans le bâtiment, particulièrement le logement social, et les transports, EDF participe à de nombreux programmes qui permettront d'économiser l'énergie. Dans ce secteur, qui concerne des milliers de petites entreprises, la formation aux nouveaux métiers et aux nouvelles technologies est déterminante. C'est pourquoi nous avons signé, la semaine dernière, avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), le partenariat FEE Bat (former aux économies d'énergie dans le bâtiment), en présence des ministres de l'énergie et du logement.

EDF s'engage résolument à préparer l'avenir énergétique avec les nouvelles énergies renouvelables. Tel est le sens du développement réalisé par EDF Énergies nouvelles, des green bonds, émis pour plus de 1 milliard d'euros, pour financer les investissements dans les énergies nouvelles, et de la multiplication des expérimentations sur les réseaux intelligents, menées en partenariat avec les collectivités locales, notamment les grandes métropoles comme Lyon ou Nice. L'avenir, c'est aussi le véhicule électrique, pour lequel EDF a noué des partenariats avec les grands constructeurs français et mondiaux.

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