L'audition débute à onze heures cinq.
Notre commission d'enquête, qui achèvera ses travaux début juin, réfléchit sur le marché européen de l'énergie, notamment de l'électricité. Elle a étudié successivement le combustible, son retraitement, la maintenance des centrales, la sous-traitance, le coût de la prolongation des réacteurs, le coût et la faisabilité du démantèlement, puis le stockage et le traitement des déchets.
Au cours de nos travaux, monsieur le président-directeur général d'EDF, vous avez laissé s'exprimer plusieurs de vos collaborateurs, ce qui explique que votre intervention soit particulièrement attendue, notamment pour évaluer le coût du grand carénage.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Henri Proglio prête serment.)
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous présenter la vision d'EDF du coût de la filière nucléaire, c'est-à-dire de la performance économique du parc de production nucléaire d'EDF au service de la compétitivité de notre pays.
Sollicité pour dix auditions officielles, trois auditions individuelles, trois visites de centrale et des échanges de documents par courrier, le groupe a largement contribué à votre commission d'enquête. Vous en êtes probablement arrivés à la conclusion que le parc de production nucléaire français est un atout pour aborder la transition énergétique dans les meilleures conditions.
Concernant les coûts, je rappellerai deux éléments clés. D'une part, il n'existe pas de coût caché du nucléaire : tous les coûts sont identifiés et exposés par l'exploitant responsable qu'est EDF. D'autre part, le parc nucléaire existant est compétitif, les coûts de production actuels et futurs restant en deçà des coûts de développement de tout autre moyen de production d'électricité à partir du charbon, du gaz ou des énergies renouvelables, ce qui montre l'intérêt économique de tirer le meilleur parti, dans la durée, du parc existant.
J'y vois le résultat de la maîtrise industrielle d'EDF qui entend garantir à ses clients et à nos concitoyens un parc nucléaire sûr, bien entretenu et compétitif. Notre projet est axé sur ces trois objectifs.
La maîtrise industrielle vise d'abord à garantir la sûreté du parc. Le niveau de sûreté de nos réacteurs est notre absolue priorité. Nous l'améliorons en continu en déclinant des référentiels toujours plus exigeants et en prenant en compte le retour d'expérience de toutes les opérations nucléaires du monde, dont l'accident de Fukushima.
Notre objectif, partagé avec beaucoup d'autres exploitants, est de rendre impossible la contamination de long terme des territoires. L'énergie nucléaire ne peut être durablement acceptée que si, lorsqu'un accident survient, malgré toutes les précautions que nous prenons pour que ce ne soit pas le cas, les populations peuvent continuer à vivre normalement à proximité des installations. L'ensemble des évolutions que nous avons menées depuis trente ans, et que nous continuons de conduire dans le cadre du retour d'expérience de Fukushima, va dans ce sens. En France, les réacteurs sont équipés de filtres qui retiennent 99,9 % du césium, responsable de la contamination à Fukushima.
La maîtrise industrielle suppose que l'on sache investir. Comme vous l'avez constaté au cours de nos travaux, nous investissons fortement sur le parc nucléaire. De quoi s'agit-il ? D'emplois et de commandes au tissu industriel français.
Notre investissement est avant tout humain. EDF anticipe la gestion des ressources humaines et adapte ses effectifs pour pouvoir renouveler les compétences et assurer l'exploitation du parc dans la durée. Je me suis attaché à instaurer une dynamique du recrutement, vitale pour le groupe. EDF reste un employeur remarqué : en 2013, pour la troisième année consécutive et malgré la crise économique, nous avons procédé à 6 000 embauches, dont 2 000 créations nettes d'emploi, le parc nucléaire représentant à lui seul près de la moitié des embauches.
Nous investissons également dans l'outil de production, pour améliorer en continu la sûreté de nos réacteurs, ainsi que pour rénover et remplacer nos matériels. Nous avons accéléré notre programme de maintenance durant ces dernières années. Comme tout outil industriel, le parc nucléaire exige un entretien régulier pour fonctionner de manière pérenne, en toute sûreté, avec des performances attendues. Le niveau récurrent des investissements nécessaires atteint 50 millions d'euros par réacteur et par an, montant commun à nombre d'opérateurs nucléaires du monde occidental, notamment belges et américains. Nous connaissons leurs chiffres, car nous possédons des participations dans certains de leurs réacteurs. Sur l'ensemble du parc, le niveau d'investissement pour la maintenance courante est comparable à celui des autres infrastructures industrielles de grande taille, et légèrement inférieur à celui réalisé pour le réseau de distribution en France, qui s'élève à 3 milliards par an.
Toutefois, pendant quelques années, notre investissement sera supérieur à ce niveau récurrent, compte tenu du cycle de vie du parc nucléaire. Il faut en effet assurer le renouvellement des gros composants et procéder à des améliorations très significatives du niveau de sûreté, au lendemain de Fukushima. C'est dans cette optique que nous prévoyons 55 milliards d'investissements prévisionnels d'ici à 2025, avant de revenir, après cette date, au niveau récurrent.
La maîtrise industrielle suppose également que l'on sache maîtriser les coûts, notamment de production. Nous garantissons dans la durée l'équilibre économique, en réinterrogeant les différents projets pour identifier les marges de manoeuvre, dans un cadre très contraint par les exigences réglementaires. Tous mes collaborateurs sont investis dans cette démarche, dont ils comprennent l'enjeu pour l'avenir du parc nucléaire français.
Depuis trois ans, nous avons réduit de près de 8 milliards nos prévisions d'investissement sur 2011-2025, ce qui représente une économie significative. Nous garantissons dans la durée un coût de production de 55 euros valeur 2011, en euros constants, par mégawattheure (MWh), avec la réalisation du programme de grand carénage et une durée de fonctionnement de cinquante ans. Nous garantissons ainsi à nos clients et à la collectivité nationale que le parc nucléaire existant est compétitif par rapport à toutes les alternatives, puisque le coût de revient du MWh se situe entre 70 et 100 euros pour les centrales au charbon ou au gaz, aux alentours de 85 euros pour l'éolien terrestre – sans compter les surcoûts d'intermittence et de réseaux – et jusqu'à quatre fois plus pour l'éolien offshore. La compétitivité s'apprécie sur l'ensemble de la durée de fonctionnement du parc.
Par ailleurs, il suffit de comparer nos dépenses de maintenance et d'exploitation à celles des autres opérateurs mondiaux, pour se convaincre que nous ne jetons pas l'argent par les fenêtres. Une étude comparative portant sur les parcs américains et français montre qu'en 2012, les Américains ont dépensé environ 50 % de plus que nous par réacteur.
La maîtrise industrielle du parc nucléaire existant s'inscrit dans une stratégie d'entreprise plus large, qui répond aux objectifs de la politique énergétique de notre pays. La conférence Paris Climat 2015 rappellera l'enjeu du bas carbone. Or notre parc hydronucléaire constitue un atout majeur, qui place la France parmi les plus faibles émetteurs de CO2 par habitant, en Europe comme dans le monde.
Nous soutenons l'activité économique, notamment industrielle, fragilisée par la crise, puisque de nombreux secteurs d'activité et de nombreuses régions de France observent notre programme d'investissement pour les dix ans à venir. Le maintien dans la durée d'un des parcs de production électrique les plus compétitifs d'Europe est facteur de compétitivité pour toute l'économie française.
Dans le bâtiment, particulièrement le logement social, et les transports, EDF participe à de nombreux programmes qui permettront d'économiser l'énergie. Dans ce secteur, qui concerne des milliers de petites entreprises, la formation aux nouveaux métiers et aux nouvelles technologies est déterminante. C'est pourquoi nous avons signé, la semaine dernière, avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), le partenariat FEE Bat (former aux économies d'énergie dans le bâtiment), en présence des ministres de l'énergie et du logement.
EDF s'engage résolument à préparer l'avenir énergétique avec les nouvelles énergies renouvelables. Tel est le sens du développement réalisé par EDF Énergies nouvelles, des green bonds, émis pour plus de 1 milliard d'euros, pour financer les investissements dans les énergies nouvelles, et de la multiplication des expérimentations sur les réseaux intelligents, menées en partenariat avec les collectivités locales, notamment les grandes métropoles comme Lyon ou Nice. L'avenir, c'est aussi le véhicule électrique, pour lequel EDF a noué des partenariats avec les grands constructeurs français et mondiaux.
Monsieur le président-directeur général, je remercie votre équipe, que notre commission d'enquête a beaucoup sollicitée, bien que, sur certains points, nous n'ayons pas obtenu toutes les informations demandées.
Nous ne disposons pas d'une évaluation précise des investissements nécessaires à la mise en conformité du parc nucléaire, dans l'optique du post-Fukushima. Comment se décompose le chiffre global de 55 milliards à l'horizon de 2025, que vous avez avancé ? Quels sont les investissements déjà réalisés ? L'entreprise pourra-t-elle financer des travaux qui entraîneront l'indisponibilité temporaire des cinquante-huit réacteurs ? À en croire le rapport de Jean Tandonnet, inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection du groupe EDF, il vous sera difficile de tenir vos objectifs de sûreté en menant un tel chantier.
Comment va évoluer le parc ? Situation sans équivalent à l'étranger, le nucléaire fournit 78 % à 80 % de notre électricité, ce qui nous fragilise, comme l'a relevé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : il suffirait que l'on découvre un défaut générique dans les installations pour que l'on doive les fermer en urgence. Comment évoluera le pourcentage du nucléaire dans l'électricité française, que le Gouvernement s'est engagé à réduire à 50 % en 2025 ? Est-il possible de prolonger la vie des réacteurs jusqu'à soixante ans tant sur le plan technique, sachant que l'ASN ne s'est pas prononcée sur une prolongation de l'exploitation au-delà de quarante ans, que sur le plan économique, la prolongation du parc actuel étant conditionnée à sa mise au même niveau de sûreté que celui des réacteurs de troisième génération ? Comment réagissez-vous au chiffrage effectué par le cabinet Wise-Paris ?
Comment envisagez-vous l'avenir de l'EPR ? Nous connaissons les difficultés rencontrées, en termes de délais et de surcoût, sur le chantier de Flamanville, que nous avons visité. Par ailleurs, le contrat signé avec la Grande-Bretagne prévoit un prix garanti pendant trente-cinq ans et une garantie de l'État sur les emprunts, ce qui oblige à reconsidérer la compétitivité sur des bases très différentes de celles qui avaient été d'abord envisagées. Allez-vous privilégier la construction d'installations plus légères, d'un montant non de 8 milliards, comme à Flamanville, mais de 6 à 6,5 milliards, ou préférerez-vous construire des réacteurs du type ATMEA ?
L'exécutif envisage de fermer la centrale de Fessenheim avant la date envisagée par EDF. Il en a le droit, comme il a celui de nationaliser une entreprise, pourvu qu'il y ait une juste et préalable indemnisation. À combien évaluez-vous le montant de celle-ci ?
Aux termes du projet de loi sur la transition énergétique, le Gouvernement pourra, à sa seule initiative, contraindre l'opérateur à fermer d'autres tranches nucléaires. Trouvez-vous cela normal, alors que la fermeture de Fessenheim, comme toute décision du même type, exige l'accord du Parlement ? Le dispositif vous paraît-il constitutionnel ?
Enfin, sur quelle base allez-vous calculer le montant de la compensation, sachant qu'EDF envisage de poursuivre l'exploitation de ses réacteurs jusqu'à soixante ans ?
Hier, à Fessenheim, nous avons constaté de visu que beaucoup de travaux avaient déjà été réalisés, pour des sommes considérables, y compris dans le cadre du post-Fukushima. Quelle indemnisation devra être versée à nos partenaires suisses et allemands, présents dans le dispositif depuis l'origine ? Le conseil général a avancé le chiffre de 1 à 2 milliards. Envisagez-vous le versement d'une somme en euros ou un échange en nature ?
Je suis heureux que nous ayons pu nous rendre sur le site de Fessenheim. Nous avons ainsi pu voir une usine magnifique qu'il serait bien dommage d'arrêter aujourd'hui.
Selon une étude réalisée par le conseil général du Haut-Rhin, l'arrêt de cette centrale, qui devrait intervenir dans trente mois, posera à l'Alsace des problèmes énergétiques quantitatifs et qualitatifs. RTE est resté flou sur ce point, qui inquiète les entreprises électro-intensives. Il faut leur apporter des réponses, avant de procéder à des fermetures inconsidérées.
Quel impact auront, sur l'activité économique et les emplois, les 55 milliards qu'EDF consacrera au grand carénage ?
Député d'un département frontalier, je suis sensible au fait que l'Allemagne ait très vite remplacé le nucléaire par des énergies renouvelables, ce qui a fait flamber le prix de l'électricité outre-rhin. Quel serait l'impact – sur notre environnement, sur notre facture d'électricité et sur notre balance commerciale – d'un brusque arrêt du parc nucléaire français ?
Profitant d'une commission d'enquête voulue par le groupe EELV, le rapporteur semble décidé à mettre à mal la filière électronucléaire française. Ses propos, dénués d'objectivité, témoignent d'un dogmatisme regrettable. Est-il normal que nous ayons auditionné des personnalités sans qualification, uniquement connues pour leur militantisme anti-nucléaire qui a les amenées à malmener la sécurité des centrales, quand ce ne sont pas les lois de la République ?
La décision de fermer Fessenheim n'est pas sans rappeler celle de démanteler Superphénix, prise en 1997 par le Premier ministre, lequel avait mis à mal une filière de recherche que nous enviait le monde entier. Combien coûteront l'arrêt et le démantèlement de la centrale de Fessenheim ? Quelles conséquences auront-ils sur l'approvisionnement en électricité des régions voisines ? Combien coûterait la fermeture de vingt réacteurs évoquée par notre rapporteur dans le but de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français ? Quelles augmentations en découleraient pour les entreprises et les ménages ? Quelle conséquence aura la fermeture de Fessenheim sur notre recherche nucléaire, un des rares domaines où nous comptions encore au niveau international ?
Au-delà de la maintenance courante de l'outil industriel, qui représente 50 millions par réacteur et par an, le grand carénage est une opération de modernisation, de rénovation et d'amélioration de la sécurité, dont la terminologie rappelle celle de la navigation. Le coût de cette restructuration, qui permettra de prolonger la durée potentielle des réacteurs, a été estimé à 55 milliards.
Pour préciser notre méthode de calcul, plutôt que vous noyer sous les données, je préfère évoquer les grandes phases des opérations. Tous ces travaux vont être sous-traités par des filières industrielles – françaises, je l'espère, en tout cas prioritairement européennes – et si je m'aventurais à préciser les montants ligne à ligne, les appels d'offres risqueraient de prendre une curieuse allure. Je suis prêt à livrer à l'un ou l'autre d'entre vous le chiffrage précis dont nous disposons, mais l'officialiser ferait exploser tous les prix de revient : il suffit d'indiquer le montant que l'on est prêt à consacrer au remplacement d'un moteur pour qu'aucun garagiste ne veuille plus le faire à moins ! Telle est la raison de notre prudence en matière de chiffres. Sachez cependant que le montant de 55 milliards a été validé en interne. D'ailleurs, je rends des comptes à mes actionnaires, qui doivent, via le conseil d'administration, disposer de toutes les informations nécessaires.
Les travaux prévus renforceront la sûreté et amélioreront l'efficacité industrielle. Nous espérons, grâce à un investissement considérable, faire profiter nos clients d'un passage de quarante à soixante ans de la durée de vie des réacteurs. C'est toutefois sur une durée moyenne de cinquante ans que nous amortissons le coût économique complet des MWh électronucléaires produits par le parc français, ce qui aboutit, au terme d'un calcul qui nous semble prudent, au prix de 55 euros par MWh.
Pendant les travaux du grand carénage, la durée d'indisponibilité des réacteurs ne dépassera pas celle que nous connaissons actuellement, puisque les travaux seront réalisés dans le cadre de la maintenance du parc. Nous avons à coeur d'améliorer le coefficient d'indisponibilité qui a été anormalement élevé pendant l'année 2013, où il a fallu effectuer neuf arrêts de tranche et des travaux de maintenance lourde. Nous avons mis toutes nos équipes à contribution pour retrouver dès 2014 les objectifs que nous espérions atteindre en 2013.
En tant qu'opérateur d'un service public de l'électricité responsable, EDF fait réaliser les travaux de grande maintenance durant l'été, où les centrales sont moins sollicitées. De ce fait, pendant l'hiver 2013, le coefficient de disponibilité de notre parc a été l'un des meilleurs jamais atteint.
Je vous remercie, monsieur Sordi, d'avoir souligné l'excellente qualité de la centrale de Fessenheim, qui a été totalement modernisée. Ces dernières années, EDF a embauché massivement dans le nucléaire, pour conserver des compétences qu'aurait fragilisées un programme important de départs à la retraite : lors de mon arrivée en 2009, 40 % du personnel devaient quitter l'entreprise avant quatre ans. L'important programme d'embauche, qui va se poursuivre en 2014, puis en 2015, concerne essentiellement le nucléaire, où il faut cinq ans pour former un opérateur. Nous investissons massivement dans les ressources humaines, pour que les équipes puissent continuer à gérer le parc existant et à développer la présence d'EDF dans le monde.
Le grand carénage mobilisera quelque 110 000 emplois situés, pour l'essentiel, dans la filière industrielle, mais à l'extérieur d'EDF.
Nous avons pris connaissance de cette évaluation. À titre de comparaison, j'ai consulté l'estimation du même cabinet pour les diesels d'ultime secours, en cours de construction. Il les valorise à 200 millions par tranche, alors que le programme porte sur 2 milliards pour l'ensemble des cinquante-huit tranches. On peut donc relativiser la pertinence de ce chiffrage, ce qui est une bonne nouvelle pour l'économie française. Mais tout le monde a le droit de se tromper ! Dans le domaine nucléaire, nous avons une certaine antériorité par rapport aux cabinets anglo-saxons, ce qui nous permet de connaître les coûts de revient de nos propres tranches. Vous jugerez d'ailleurs, comme nos actionnaires, de la réalité de ces chiffres que nous annonçons aujourd'hui puisque nous aurons des comptes à rendre sur nos travaux, nos investissements, et les tarifs qui en résulteront. L'entreprise serait nécessairement sanctionnée, si elle manquait à ses engagements.
Beaucoup de travaux ayant été réalisés sur le post-Fukushima, vous avez, en matière de prix, des éléments de référence.
Bien sûr ! Une bonne partie du post Fukushima, que nous avons estimé à 10 milliards d'euros, a été réalisée. D'ailleurs, le grand carénage intègre le post-Fukushima, ce qui permet à EDF de réaliser des économies d'échelle.
Vous m'avez interrogé sur l'avenir de Fessenheim. À tout moment, l'ASN peut décider, pour des raisons de sûreté, de fermer une exploitation nucléaire sans compensation. Le président d'EDF peut également le faire. En revanche, si la décision est prise par la voie législative, qui exige un vote du Parlement et un décret d'application, il est logique que l'entreprise sollicite une indemnisation. Une telle démarche est aussi naturelle que nécessaire, compte tenu des responsabilités de l'entreprise vis-à-vis de ses actionnaires.
Le cas échéant, l'indemnisation devra être juste et précise. Elle fera l'objet d'une évaluation, qui n'a pas encore été arrêtée mais qui sera transmise, en temps voulu, pour analyse contradictoire, voire pour arbitrage.
Après. L'indemnisation chiffrera le manque à gagner pour l'entreprise, ce qui fera peut-être l'objet d'une discussion. Pour l'instant, je n'ai pas été sollicité sur le sujet, et je ne souhaite pas ouvrir le débat avant l'heure. Nos partenaires demanderont bien entendu leur quote-part, puisqu'en tant qu'actionnaires de 34 % de la centrale, ils possèdent virtuellement 34 % de l'énergie produite pendant la durée d'exploitation.
L'entreprise s'exprimera-t-elle sur ces montants avant le vote de la représentation nationale ? Il est logique que le législateur souhaite connaître le prix de ses décisions.
Je comprends votre souci. Nous nous rapprocherons, si vous le voulez bien, pour savoir comment je peux y répondre sans lancer de polémique. Le principe de l'indemnisation, qui a d'abord fait débat, est désormais admis par tous.
Pour la nation, le coût économique de l'opération dépendra des compléments d'énergie qu'il faudra produire pour faire face à la baisse de production globale d'électricité et aux équilibrages de coûts. Il faudra calculer le montant des investissements et de leur approvisionnement en énergie fossile.
Les chiffres ne constituent pas un mystère. Nous les partagerons avec les décideurs.
Votre imprécision me laisse penser que le Gouvernement pourrait nous demander de nous prononcer sur la fermeture de Fessenheim sans que nous connaissions tous les coûts de cette décision.
Je dispose d'éléments techniques d'évaluation, mais il ne m'appartient pas de répondre précisément sur ce point.
Je suis surpris de vous entendre dire que le grand carénage s'achèvera en 2025, alors que la courbe prévisionnelle, qui émane de vos services, des investissements liés à cette opération, s'étend jusqu'en 2047. Les opérations liées aux visites décennales, comme les quatrièmes visites décennales du palier de 1 300 mégawatts, débuteront en 2025. M. Minière, que nous avons auditionné, a indiqué que l'opération faisait l'objet d'un lissage. Enfin, d'après les responsables de l'ASN, certaines opérations, comme la mise en place des diesels d'ultime secours, interviendront à l'horizon de 2018-2019. Tous les travaux sont donc loin d'être réalisés, comme nous l'a confirmé hier le directeur de la centrale de Fessenheim. Ainsi, les diesels mis en place sont provisoires.
Les marchés ont été attribués il y a une semaine ou deux, ce qui nous a valu quelques turbulences avec des fournisseurs. Je vous confirme donc que les travaux ne sont pas réalisés. Ils le seront d'ici à 2018. Cela dit, le descriptif et les études d'ingénierie sont terminés. Les commandes viennent d'être signées, et les entreprises se sont engagées sur les chiffres.
Comment pouvez-vous parler d'amortissement des coûts sur cinquante ans, alors que la durée de vie des réacteurs est de quarante ans ? Je m'étonne qu'une entreprise cotée en bourse puisse avancer ces chiffres sans savoir si ses installations fonctionneront aussi longtemps. L'AMF a d'ailleurs émis des réserves sur ce point.
Pour prendre la décision de lancer le grand carénage, qui constitue un investissement considérable, il faut que nous ayons une visibilité sur la durée de vie potentielle des installations concernées. Notre estimation du coût économique complet de la filière nucléaire – 55 euros par mégawattheure – intègre les travaux du grand carénage et a été réalisée en supposant un amortissement sur cinquante ans. Or actuellement, dans nos comptes, nous amortissons les installations nucléaires françaises non pas sur cinquante ans, mais sur quarante.
La durée d'amortissement de cinquante ans est-elle décomptée à partir de la date de mise en service de chaque centrale ou le sera-t-elle à partir de la réalisation du grand carénage ?
À partir de la mise en service. Nous amortissons sur la durée de vie restante les investissements que nous allons réaliser. À cet égard, il convient de distinguer le calcul estimatif des coûts économiques et l'établissement des comptes.
Il serait irrationnel pour une entreprise, quelle qu'elle soit, de réaliser un investissement aussi important sans estimer la durée de vie de son patrimoine industriel. La décision de lancer le grand carénage ne sera donc prise que si nous avons le sentiment que la durée de vie peut aller jusqu'à cinquante ans. En effet, investir 55 milliards d'euros sans changer la durée d'amortissement reviendrait à faire supporter à EDF chaque année 5,5 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'amortissement, ce qui réduirait ses résultats à néant. Je ne crois pas que cela satisferait nos actionnaires, à commencer par le principal d'entre eux. Toutes ces questions restent en discussion.
Il ne s'agit pas d'une décision binaire : réaliser ou ne pas réaliser cet investissement. Le grand carénage est un programme industriel énorme, dont certaines actions ont déjà été engagées, mais dont l'essentiel reste à venir.
Du point de vue industriel, il serait nécessaire de le faire dans des délais relativement courts. Cela étant, aucune contrainte réglementaire ne nous y oblige. Nous le ferons donc réacteur par réacteur, ligne par ligne. Nous sommes ainsi amenés à prendre des décisions quotidiennement. Comme je l'ai indiqué, certaines initiatives ont déjà été prises, notamment l'équipement des centrales en moteurs diesels d'ultime secours, qui était une nécessité au regard des normes de sûreté.
Vous avez relevé, monsieur le rapporteur, que des investissements étaient prévus au-delà de 2025 dans les documents que nous vous avons communiqués. C'est tout à fait normal : le parc nucléaire français vivra bien au-delà de cette échéance, quelles que soient les hypothèses retenues. Selon les orientations prises par le Gouvernement, 50 % de l'électricité française seront encore d'origine nucléaire en 2025. Nous n'avons donc aucune raison de cesser tout investissement sur le parc nucléaire à partir de cette date : ce serait un non-sens et même un acte irresponsable. La grande opération de modernisation que constitue le grand carénage – y compris sur le plan symbolique – aura été réalisée d'ici à 2025. Une fois ce programme terminé, nous retrouverons des niveaux d'investissement de l'ordre de 50 millions d'euros par réacteur et par an, qui correspondent aux sommes nécessaires à la maintenance du parc.
À la fin de l'année 2013, EDF avait eu un débat sur la durée d'amortissement avec son actionnaire principal, qui était tenté de passer à cinquante ans pour des raisons budgétaires. Ce sujet est-il toujours d'actualité ? Par ailleurs, compte tenu des positions de l'ASN et de l'AMF rappelées par le rapporteur, êtes-vous aujourd'hui durablement calés sur une durée d'amortissement de quarante ans ? Ou bien la question d'un passage à cinquante ans reste-t-elle à l'ordre du jour, à la demande d'EDF ou de ses actionnaires ?
Les actionnaires, y compris l'État, attendent d'EDF une attitude responsable tant du point de vue industriel qu'au regard de la mission de service public qui lui est confiée. Il ne saurait être question d'abîmer l'outil de production et de distribution de l'électricité en France, dont la valeur avoisine les 500 milliards d'euros. Cet outil n'appartient d'ailleurs pas en totalité à EDF : les réseaux de transport d'électricité sont la propriété des collectivités territoriales ; les barrages, celle de l'État. Quoi qu'il en soit, l'opérateur EDF est chargé de l'entretenir et de le moderniser, soit pour compte propre, soit pour compte de tiers. Il y consacre des investissements considérables, dans une vision de long terme : nous ne pouvons pas nous contenter d'une optimisation comptable ou financière à court terme.
La méthode d'amortissement est fonction de l'outil considéré. Certains équipements internes des centrales, notamment électromécaniques, ont une durée de vie de sept à dix ans. Nous ne les amortissons donc pas sur quarante ou cinquante ans. Les équipements les plus importants, tels les générateurs de vapeur – qui pèsent environ 600 tonnes dans un réacteur EPR –, ont une durée de vie probable de l'ordre de trente ans et sont garantis pour cette durée. Lorsque nous les installons, nous les amortissons sur trente ans. Lorsque nous procédons à leur remplacement, notre intention est de les faire durer plus de dix ans. Même si nous n'amortissons pas tous les composants sur la même durée, nous devons assurer une cohérence à l'échelle de l'outil industriel dans son ensemble. En particulier, les centrales ayant une durée de vie maximale, certains équipements sont amortis sur des périodes plus courtes que leur propre durée de vie.
Les débats entre l'industriel et les responsables des comptes sont naturels. Mais il ne faut pas confondre l'amortissement comptable d'un investissement avec son coût réel. D'un point de vue comptable, un amortissement sur une durée plus courte réduit le résultat comptable et donc le montant de l'imposition – ce qui ne présente guère d'intérêt pour une entreprise comme EDF. Cette durée d'amortissement comptable n'a, en revanche, aucun impact sur le résultat brut d'exploitation – earnings before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA) – ni sur la capacité d'autofinancement de l'entreprise – cash flow –, qui sont les indicateurs de performance économique suivis par les marchés. Les agences de notation, en particulier, jugent EDF sur son ratio dette sur EBITDA.
D'un point de vue économique, pour réaliser des investissements lourds, il convient de satisfaire une équation économique viable dans la durée. À cet égard, j'ai des comptes à rendre à mes actionnaires et à mes clients. Cette exigence d'équilibre économique s'est trouvée au coeur des discussions quelque peu musclées que nous avons menées sur le prix de cession de l'électricité d'EDF à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) mis en place par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME). Ce coût de cession doit-il être inférieur ou supérieur au coût économique de la filière nucléaire – 55 euros par mégawattheure ? EDF doit-elle aider éternellement ses concurrents ou ceux-ci devront-ils être capables, un jour, de produire leur propre électricité ?
Quant à l'ASN, elle ne validera jamais la durée de vie des centrales a priori. Et c'est bien normal : elle ne souhaite pas s'engager, de manière à conserver la liberté d'arrêter les réacteurs à tout moment. Si EDF attendait que l'ASN émette un tel avis, elle ne réaliserait pas les travaux prévus. En revanche, l'ASN donnera un avis a posteriori : elle pourra reconnaître qu'il est légitime, au vu de la qualité des travaux réalisés, de prolonger en moyenne la durée de vie des centrales de telle ou telle durée.
D'une manière générale, chacun assume ses propres responsabilités : l'entreprise répond de son outil industriel et de son équilibre économique, c'est-à-dire de ses coûts et de ses revenus ; le conseil d'administration arrête les comptes présentés par l'entreprise, en choisissant notamment la méthode d'amortissement comptable qui lui semble la plus appropriée ; le marché sanctionne ; les pouvoirs publics peuvent également exercer à tout moment un pouvoir de sanction de nature différente.
Êtes-vous d'accord avec les deux assertions suivantes ? Premièrement, une centrale nucléaire doit être en parfait état de marche jusqu'au jour de sa fermeture : il n'est pas admissible que son fonctionnement se dégrade au cours de la dernière année ou des six derniers mois. Deuxièmement, aucun réacteur n'a vocation à être éternel.
Je suis tout à fait d'accord avec la première affirmation et reconnais que la seconde est également vraie.
Lors d'une audition récente, l'ASN a déclaré qu'EDF était débordée par les questions de maintenance, en raison d'un problème d'organisation des travaux qui remettait en cause la qualité de leur réalisation, avec un risque potentiel pour la sûreté des installations. Quels commentaires vous inspirent ces propos ?
S'agissant du programme de grand carénage, vous avez précisé que vous feriez appel à des compétences externes, ce qui est tout à fait normal, d'autant que la France dispose d'excellentes entreprises dans ce domaine. Mais vous mobiliserez aussi nécessairement les ressources internes d'EDF. Comment allez-vous les gérer ? Comment allez-vous programmer et organiser concrètement les travaux, au-delà de leur aspect financier ?
Ces travaux sont déjà programmés. Le rapporteur a d'ailleurs fait référence à certaines fiches techniques qui les détaillent et montrent, comme il l'a relevé à juste titre, un pic d'investissement très significatif. Nous avons beaucoup travaillé au cours des dix-huit derniers mois afin de lisser les courbes et de mieux étaler la charge de travail, dans un souci d'efficacité et d'accessibilité pour les équipes internes ou externes à EDF, cela sans remettre en cause la finalité du programme ni son point d'arrivée.
Le rôle de l'ASN est de mettre en garde, d'émettre des recommandations et de pointer du doigt les améliorations nécessaires. Il est donc assez naturel que l'ASN ait tenu les propos que vous avez rapportés. Je ne les condamne pas, bien au contraire. EDF, acteur le plus important mais non exclusif dans le domaine du nucléaire – il y a notamment AREVA et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) –, entretient des relations permanentes avec l'ASN. Nos points de vue sont très souvent convergents, mais il arrive de temps en temps qu'ils soient contradictoires.
S'agissant du programme de grand carénage, pourrez-vous nous communiquer la liste des prestations, ainsi que les grandes masses financières en jeu à défaut des coûts détaillés ?
Nous serons totalement transparents et vous fournirons toutes les informations que vous souhaiterez.
J'en viens à la question du rapporteur sur les perspectives d'avenir et les orientations du mix énergétique français. Dans le discours, il est souvent davantage question de « transition électrique » que de « transition énergétique ». Or je souhaiterais qu'on en revienne à cette dernière. Je rappelle les enjeux : les énergies fossiles représentent actuellement 70 % de l'énergie consommée en France et 98 % du déficit commercial de notre pays ; nous sommes totalement dépendants du monde extérieur pour ces énergies. En matière d'électricité, par contraste, nous assurons l'indépendance énergétique de la France à un coût très compétitif, inférieur de 40 % environ à la moyenne européenne. La France dispose là d'un énorme atout, le seul d'ailleurs en matière énergétique.
Quels seront les besoins énergétiques de la France à l'horizon 2025 ou 2030 ? Nous devons tenir compte de plusieurs paramètres. Premièrement, la France comptera 6 millions d'habitants supplémentaires en 2025 et environ 7 millions en 2030 – elle est l'un des rares pays européens à connaître une croissance démographique, ce qui est un atout. Deuxièmement, les besoins en électricité des particuliers – qui consomment aujourd'hui environ 70 % de l'électricité vendue dans notre pays – continueront à augmenter chaque année en raison de l'évolution du mode de vie, en particulier du développement des applications électroniques, des nouvelles technologies et des véhicules électriques. Troisièmement, les besoins de l'industrie – qui consomme les 30 % restants – sont étroitement corrélés à l'évolution du PIB ; leur estimation varie donc en fonction des hypothèses de croissance retenues.
Compte tenu de ces paramètres, en supposant que nous atteignions un taux de croissance de 2 % par an – ce qui n'est pas impossible au regard des performances actuelles de pays comparables à la France et correspond au minimum requis pour maintenir le taux d'emploi – et que nous réalisions 20 % d'économies d'énergie sur la période – un grand plan qui se fixe un tel objectif me paraît prioritaire dans un souci de bonne gestion des ressources énergétiques –, les besoins en énergie de la France continueront à augmenter à l'horizon 2025. Selon nos estimations – qui peuvent bien sûr être discutées et comparées à celles de nos voisins –, le parc nucléaire existant suffira à peine à fournir 50 % des besoins électriques de la France en 2025 ou en 2030.
Vous êtes donc en total désaccord avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ?
L'hypothèse de la DGEC est celle d'une décroissance.
Elle table sur une évolution de la consommation d'électricité située entre -0,2 et +0,4 % par an.
Je suis en total désaccord avec la DGEC : ses hypothèses sont complètement différentes des nôtres. Il n'est pas possible de raisonner sans tenir compte de l'évolution des fondamentaux. Il conviendrait également de prendre en compte les économies à réaliser. À cet égard, la consommation des énergies fossiles constitue un élément clé, tant du point de vue de l'efficacité énergétique que des importations. Si nous avions une vision plus ambitieuse des perspectives énergétiques du pays, certaines orientations, notamment en matière de réglementation thermique, mériteraient d'être revues. Mais je ne veux pas élargir trop le débat.
Je défends une vision à la fois raisonnable et réaliste. Notre responsabilité collective, à EDF, est d'assurer l'indépendance du pays en matière d'électricité, la sécurité de son approvisionnement, sa compétitivité et son attractivité, afin de favoriser le pouvoir d'achat et le développement industriel. J'y insiste : les besoins de la France en électricité à l'horizon 2025 ou 2030 seront tels que des capacités de production supplémentaires seront de toute façon nécessaires. Cela laisse une large place aux énergies renouvelables et locales, en complément du système centralisé existant, qui a fait la preuve de son efficacité. Telle est ma conviction.
En ce qui concerne l'avenir de la filière nucléaire, je me place dans la perspective où elle assurera, à terme, 50 % de la production de l'électricité française. Il s'agit bien d'une part relative, et je ne raisonne pas à volume constant : je suis convaincu que la production d'électricité va continuer à croître. Les réacteurs n'étant pas éternels, comme l'a rappelé le président, de nouvelles installations devront prendre le relais du parc actuel. Quels sont les outils susceptibles d'assurer la permanence de la production électronucléaire française ? Aujourd'hui, l'EPR est l'outil de référence, car c'est le plus achevé des réacteurs de troisième génération existant en France. Il n'est pas exclu que nous développions des réacteurs de troisième génération de 1 000 mégawatts de différents types, mais aucun n'a été construit à ce jour, à la différence des réacteurs de 1 650 mégawatts de type EPR.
Lors de votre prise de fonctions, vous aviez exprimé le souhait de disposer d'un choix « sur étagère » plus large en matière de réacteurs de troisième génération.
Je le confirme, et c'est d'ailleurs toujours mon obsession. Dans de nombreux pays, les réacteurs de petite ou de moyenne dimension sont les plus recherchés, car ils correspondent davantage aux besoins et à la capacité d'absorption des réseaux de distribution existants. Je suis toujours aussi partisan du développement d'un réacteur français de 1 000 mégawatts, qui permette d'engager des coopérations internationales, plutôt que d'attendre de nos partenariats une réponse pour la conception d'un futur « produit sur étagère » de 1 000 mégawatts. Nous nous sommes mis d'accord avec AREVA pour avancer sur un tel projet.
L'EPR existe : EDF est en train d'en construire un à Flamanville – vous l'avez visité – et deux à Taishan en Chine ; de son côté, AREVA en bâtit un à Olkiluoto en Finlande. EDF a donc aujourd'hui un retour d'expérience sur trois réacteurs EPR. Le pilotage industriel a connu des aléas et des erreurs ont été commises tant en matière d'ingénierie que de réalisation. Toutes les entreprises de la filière ont dû réapprendre : elles n'avaient pas construit de réacteur depuis longtemps ; seule EDF avait continué à participer à la réalisation de réacteurs en Chine. De plus, l'EPR est un réacteur de nouvelle génération, révolutionnaire à bien des égards. Quoi qu'il en soit, il a coûté plus cher qu'il n'aurait dû.
Aujourd'hui, la construction d'un EPR normalisé – à distinguer d'un EPR optimisé – sur le même site de Flamanville coûterait moins cher, car nous ne reproduirions pas les mêmes erreurs. Par ailleurs, nous avons créé une plate-forme commune de travail avec AREVA afin de revoir la conception de l'EPR et de l'optimiser. Enfin, l'EPR bénéficiera d'un effet de série : dans l'hypothèse où nous nous plaçons, plusieurs réacteurs de ce type devraient être construits. L'impact sur le coût de revient sera significatif, mais je ne souhaite pas préciser le prix auquel nous pourrions parvenir, pour des raisons évidentes de confidentialité, compte tenu de nos perspectives à l'international.
Dans les circonstances actuelles, vous comprendrez bien que je ne valide pas tel ou tel chiffre. À la suite de l'accord que nous avons conclu avec le gouvernement britannique, nous sommes en train de négocier avec la Commission européenne sur la question des aides d'État. Il serait malvenu d'annoncer que nous sommes capables de construire un réacteur à un prix qui serait très différent de celui dont nous sommes convenus avec les pouvoirs publics britanniques à l'issue d'une discussion difficile.
Non. En tout cas, le nucléaire restera un outil très compétitif de production d'électricité à long terme, même si nous en restons à la troisième génération.
Nous avons auditionné des entreprises sous-traitantes et des représentants de leurs salariés. L'ASN elle-même estime que le nombre de niveaux de sous-traitance – qui va parfois jusqu'à huit actuellement – peut avoir des conséquences en termes de sûreté ; elle préconise de le limiter à trois. Quel est votre avis sur ce point ? En outre, nous entendons parfois des témoignages poignants de salariés d'entreprises sous-traitantes sur leurs conditions de travail et les risques auxquels ils sont exposés. Qu'en pensez-vous ? Quelles sont les marges d'amélioration en matière de protection des travailleurs ?
Avec plusieurs années de recul, quel regard portez-vous sur le retraitement des combustibles usés et sur la fabrication du MOX ? Cette filière relève de la compétence d'AREVA, mais EDF en est le principal client. Il nous a été indiqué que le stockage direct des combustibles usés aurait un coût équivalent à celui de leur retraitement et de la fabrication du MOX. Selon le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), cette filière n'aurait d'intérêt que si la France développait un jour des réacteurs de quatrième génération. Faites-vous également un tel lien ? Ou bien estimez-vous que la filière a, en tant que telle, sa propre pertinence ?
J'en viens aux charges futures, c'est-à-dire au coût du démantèlement des installations nucléaires et de la gestion des déchets. Nous auditionnerons demain l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), à la suite du débat public sur le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) et des diverses évaluations de coût auxquelles il a donné lieu. Le Parlement sera d'ailleurs saisi sur la question de la réversibilité. Que l'on poursuive ou que l'on arrête le nucléaire, notre pays se retrouvera probablement dans une situation où il devra assumer des coûts très élevés – il est question que Cigéo fonctionne pendant un siècle – alors qu'il n'existera plus d'opérateur nucléaire pour « rentabiliser » ces coûts. Il s'agira d'activités indispensables à la sécurité, mais qui n'auront pas d'utilité d'un point de vue économique. Ces coûts ne peuvent donc pas être reportés sur les générations futures, et il est indispensable de sécuriser aujourd'hui les financements nécessaires.
Depuis qu'EDF est cotée en bourse, les commissaires aux comptes font une observation sur l'évaluation des coûts futurs dans le document de référence que soumet chaque année l'entreprise à l'AMF : des incertitudes demeurent concernant ces coûts, notamment ceux de certaines installations. En outre, dans son rapport sur les coûts de la filière électronucléaire, la Cour des comptes a relevé que les coûts prévus par EDF pour le démantèlement des installations nucléaires françaises étaient plus bas que ceux qui sont anticipés par tous les autres pays qui disposent de telles installations. Votre doctrine a-t-elle évolué en ce qui concerne l'évaluation de ces coûts ? En outre, afin de mieux sécuriser les financements destinés à couvrir les charges futures, des parlementaires issus de familles politiques différentes estiment qu'ils devraient être versés sur un fonds souverain géré par la Caisse des dépôts et consignations plutôt que de demeurer au sein des entreprises concernées. Quel est votre avis sur ce point ?
Vous avez estimé que le prix de l'ARENH devrait être fixé à 55 euros par mégawattheure, c'est-à-dire à un niveau nettement plus élevé que le tarif actuel. Je suppose qu'il s'agit de la position d'EDF en début de négociation. En outre, nous avons auditionné des représentants des industries électro-intensives, en particulier le président d'Exeltium, qui nous a fait part des discussions en cours avec EDF. Quelle que soit la politique énergétique finalement retenue, nous estimons, sur tous les bancs de l'Assemblée, que les entreprises électro-intensives doivent être protégées compte tenu de leur importance en termes d'activité économique et d'emploi. Pensez-vous aboutir avec Exeltium à un résultat sécurisant pour ces entreprises ?
Et à quel moment cette négociation se terminera-t-elle ? Elle est en cours depuis longtemps.
Elle devrait se terminer rapidement. Mais si j'indique un jour et une heure, je risque de fragiliser la position d'EDF.
Oui. La négociation est en bonne voie : les points de vue convergent.
Pour l'instant, ces entreprises continuent à batailler ferme sur leurs marchés respectifs. Et la question du prix de l'énergie nous concerne tous : c'est aussi l'entreprise France qui est en jeu.
J'en ai pleinement conscience. L'énergie représente aujourd'hui en moyenne 20 % des coûts dans l'industrie en Europe, tous secteurs confondus ; le coût du travail, 40 %. Les variations sont évidemment importantes en fonction du domaine considéré, les entreprises électro-intensives et l'industrie lourde se trouvant à un bout du spectre, et les sociétés de services à l'autre. Or diminuer le coût du travail peut créer des difficultés, voire des drames : le baisser de 1 % est déjà très douloureux. En revanche, la flexibilité peut être très importante en ce qui concerne l'énergie, dès lors que l'on dispose d'un atout compétitif significatif en la matière. Aux États-Unis, grâce à l'exploitation du gaz de schiste, le prix du gaz a été divisé par trois et on assiste à la relocalisation de pans industriels entiers. Un million d'emplois ont déjà été créés et bien davantage devraient l'être demain : après être parties en Asie, où les coûts du travail étaient moindres et où se trouvaient les marchés potentiels, les industries américaines considèrent plus rationnel de revenir aux États-Unis.
En France, nous disposons également d'un atout compétitif : la production d'électricité coûte en moyenne 40 % de moins que dans les autres pays européens. Il convient donc de réfléchir avant de renoncer au nucléaire. Sans rien concéder en termes de sûreté – je reconnais le rôle des autorités de sûreté et les respecte éminemment –, il est de ma responsabilité de rappeler certaines évidences : le coût de l'énergie est un élément discriminant à la fois en termes de pouvoir d'achat et d'attractivité, donc d'emploi. Les industries électro-intensives sont, bien sûr, concernées au premier chef. Mais nous sommes contraints par les règles européennes, et le coût de l'énergie doit être transparent. Notre engagement est clair : il nous faut produire de l'énergie à un coût suffisamment compétitif pour que ces industries restent sur le territoire français. La négociation avec Exeltium est près d'aboutir.
La question de la sous-traitance sera encore longtemps d'actualité. Nous souhaitons comme vous, monsieur le rapporteur, réduire le nombre de niveaux de sous-traitance, mais nous demandons dans le même temps à nos sous-traitants d'être compétitifs, pour les raisons que je viens d'évoquer. Il y a donc un arbitrage à faire, et nous recherchons en permanence le meilleur équilibre. Aucun donneur d'ordre en Europe n'est plus attentif qu'EDF aux conditions de travail, en particulier à la sûreté et à la sécurité. L'esclavagisme n'est pas la marque de notre maison ! Les parties prenantes de l'entreprise sont très vigilantes sur les conditions de travail, à commencer par les syndicats de salariés d'EDF. Nous sommes très exigeants et avons déjà beaucoup amélioré nos performances en la matière. Certes, ce n'est pas suffisant et nous devons encore progresser. Mais le problème est complexe, car nous n'avons qu'un pouvoir de décision indirect, lorsque nous sélectionnons les sous-traitants.
Il convient de distinguer deux types de sous-traitants bien différents dans la filière nucléaire : les sous-traitants permanents – à Fessenheim, cela représente 150 personnes – et ceux qui interviennent au moment de l'arrêt des tranches – environ 1 000 personnes à Fessenheim. Ces derniers se déplacent d'un réacteur à l'autre, par choix ou par contrainte.
Vous avez tout à fait raison. Nous faisons bien la distinction. Les travaux de modernisation des barrages hydroélectriques sont, eux aussi, réalisés par des sous-traitants employant des salariés itinérants. Nous sommes suffisamment conscients et responsables pour garantir à ces entreprises des programmes de travaux qui leur permettent de rémunérer du personnel qualifié, dans l'intérêt bien compris de tous. Les arrêts de tranche sont des moments particuliers dans la vie des centrales, qui ne relèvent pas de la maintenance courante, et dont le coût n'est donc pas comptabilisé dans le montant de 50 millions d'euros par réacteur et par an que j'ai cité précédemment.
L'arrêt des tranches constitue la partie la plus dangereuse de l'activité des centrales : c'est à ce moment-là que les salariés reçoivent les doses de radioactivités les plus importantes.
En 2013, le groupe EDF a battu son record en termes de faiblesse des doses reçues. Le niveau de celles-ci est très inférieur aux normes. Cela figure très explicitement dans nos rapports.
Dans son rapport annuel, l'ASN indique que la dose reçue a augmenté d'environ 20 % en 2013 par rapport à 2012, ce qui peut s'expliquer en partie par les travaux de maintenance.
Je démens complètement cette information. J'ignore quelle est la source de l'ASN ; ce n'est pas EDF en tout cas. Je ne remets personne en cause, mais je doute que ces chiffres concernent les installations d'EDF. La baisse des doses mesurées a été telle cette année qu'elle a été soulignée par l'inspecteur général pour de la sûreté nucléaire et la radioprotection d'EDF dans son rapport officiel, que nous avons remis à l'ASN et publié.
Le rapport de l'ASN évoque la dose collective. Cela ne signifie pas que la dose par individu ait augmenté.
Évidemment, si l'on tient compte de tous les visiteurs impromptus, notamment des gens de Greenpeace…
Les documents de l'ASN sont sérieux. Le rapport que j'ai cité traite de la dose collective reçue par les travailleurs qui interviennent dans les centrales, notamment les sous-traitants. Ces données n'ont d'ailleurs pas été contestées par le président de l'ASN lorsqu'il a été auditionné par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il me semble assez souhaitable que le président de l'ASN ne conteste pas ses propres décisions ou rapports !
Les années où nous réalisons beaucoup de travaux de grande maintenance, en particulier celles où les visites décennales sont nombreuses – nous entrons dans une telle phase –, beaucoup de personnes sont amenées à travailler sur les sites, et il n'est donc pas impossible que la dose collective augmente. Mais ce chiffre n'a aucun sens et on ne peut en tirer aucune conclusion. Comme je l'ai indiqué, la dose individuelle a fortement baissé. Et cela tient non pas à une multiplication des interventions pour effectuer une même tâche, mais à une amélioration globale de la sûreté nucléaire. Ces éléments figurent dans tous les rapports réalisés sur le sujet en 2013.
La décision de s'engager dans la voie du retraitement a été prise par les pouvoirs publics français. Nous constatons aujourd'hui la pertinence de cette orientation : elle est économiquement rationnelle et nous rend moins dépendants des importations d'uranium, le MOX jouant un rôle équivalant à celui de l'uranium naturel. Telle est, en tout cas, la vision de nos spécialistes. Bien sûr, le passage aux réacteurs de quatrième génération renforcera encore la pertinence du retraitement.
Toutes les charges futures liées au démantèlement des installations et à la gestion des déchets sont provisionnées dans les comptes d'EDF. Nous disposons d'un fonds de 20 milliards d'euros en numéraire destiné à faire face aux besoins de démantèlement du groupe à l'horizon de la fin de vie des centrales. Nous veillons tout particulièrement à ce que cet argent reste disponible et ne soit pas utilisé à d'autres fins. Du point de vue de la sécurité, il nous paraît plus efficace de conserver ce fonds en interne plutôt que de le confier à une autre structure. En outre, la gestion de ce fonds est parfaitement transparente. Elle est réalisée sous l'autorité de comités spécialisés et indépendants qui exercent un contrôle permanent. L'argent a été géré en bon père de famille : aucun risque particulier n'a été pris. Nous ne pouvons que nous féliciter des résultats : nous avons obtenu jusqu'ici une rémunération très supérieure au coût du capital et aux performances du reste du marché.
Des incertitudes demeurent en effet sur le coût définitif des installations de stockage. Nous prévoyons des charges pour l'année n + 40 et veillons à ce que les estimations des responsables des travaux ne divergent pas trop des estimations d'origine : il faut absolument éviter un tel surcoût, à conditions de sûreté inchangées – le cahier des charges étant très précis en la matière depuis l'origine.
La question des tarifs restera encore longtemps d'actualité. Ma vision est très claire sur ce point : la responsabilité d'EDF à l'égard du pays est de maintenir la compétitivité économique et de protéger le pouvoir d'achat. Dans le même temps, j'ai aussi une responsabilité vis-à-vis de mes actionnaires : je dois faire en sorte que les équilibres économiques soient observés dans la durée, que la société réalise ses investissements et qu'elle rémunère lesdits actionnaires. Tout cela dans un contexte général qui n'a pas de raison d'être bouleversé. Nous avons conclu l'année dernière avec le Gouvernement un accord qui prévoit une évolution tarifaire de 5 % sur les années 2013 et 2014. Ainsi, l'augmentation sera beaucoup plus lente que chez tous nos voisins européens, tout en étant suffisante pour que les tarifs convergent progressivement avec les coûts économiques, ce qui constitue un objectif naturel pour toute entreprise.
Comment percevez-vous l'évolution de la filière nucléaire à l'échelle européenne et internationale ? Les acteurs du nucléaire ne s'intéressent pas qu'à la France.
Et réciproquement : le nucléaire n'intéresse pas que la France. De nombreux pays ont choisi l'option nucléaire pour leur énergie demain. Parmi ceux qui ont déjà lancé ou s'apprêtent à lancer un programme électronucléaire, on compte : le Royaume-Uni, les pays d'Europe du Nord, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie, la Chine, la Russie, l'Inde, le Vietnam, l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite, le Brésil et le Chili. De plus, la plupart des pays pétroliers du Moyen-Orient et d'Asie centrale auront vraisemblablement un programme nucléaire à terme. Seuls les États-Unis font figure d'exception : ils disposent d'un parc de 122 réacteurs, mais ne prévoient pas de développement futur à ce stade, compte tenu de l'émergence du gaz de schiste.
La France dispose, avec EDF, du premier opérateur nucléaire mondial. C'est une spécificité. EDF contrôle et gère le plus grand parc nucléaire : cinquante-huit – bientôt cinquante-neuf – réacteurs en France et quatorze au Royaume-Uni. Le groupe est une référence à la fois en tant que premier électricien mondial et que premier expert en matière d'électronucléaire. Il n'existe aucun programme dans le monde sur lequel EDF ne soit pas sollicité, au moins pour un avis, une orientation ou un conseil. Les autres grands acteurs sont relativement peu nombreux : l'agence russe Rosatom est le deuxième opérateur mondial ; les sociétés chinoises CNNC – China National Nuclear Corporation – et CGN – China General Nuclear Power Group – sont, ensemble, le troisième ; l'entreprise coréenne KEPCO – Korea Electric Power Corporation – est, loin derrière, le quatrième. Les États-Unis ne disposent pas encore d'un grand opérateur, mais ils sont en train d'en constituer avec Exelon, qui rassemble progressivement les acteurs américains du nucléaire.
Le nucléaire est d'abord une opération de gestion à long terme. Cela implique qu'il existe un opérateur auquel on confie la sûreté nucléaire, c'est-à-dire la construction, l'exploitation et l'évolution des installations. L'opérateur et les autres acteurs de la filière – toutes les industries qui concourent à la construction et à l'exploitation des réacteurs, dont l'activité va de l'extraction du minerai à la maintenance lourde – doivent absolument coordonner leurs actions. Cette étape a aujourd'hui été franchie : « l'équipe de France du nucléaire » a été constituée et fonctionne. La filière nucléaire française est référencée comme l'une des meilleures au monde, en concurrence avec les filières chinoise, russe et coréenne.
Au Royaume-Uni, EDF a été choisi pour construire deux premiers réacteurs – encore faut-il passer l'étape de la Commission européenne – et devrait l'être pour trois tranches supplémentaires. Avec plus de 50 milliards d'euros au total, il s'agit de loin du plus gros investissement réalisé au Royaume-Uni depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. L'enjeu est donc considérable en termes de développement industriel et d'emploi, des deux côtés de la Manche.
Comme je l'ai indiqué, d'autres programmes nucléaires sont en discussion en Arabie saoudite, en Europe centrale et en Amérique latine. Enfin, il est important de nouer des partenariats avec les autres grands acteurs mondiaux, notamment chinois et russes, si nous voulons un jour avoir accès à leur propre marché.
La situation du Japon est particulière. Les Japonais vont sans doute relancer la moitié de leurs réacteurs nucléaires à échéance assez brève. Ils disposent de grands acteurs industriels, mais n'ont plus d'opérateur digne de ce nom. Les industriels japonais sont donc un peu disqualifiés sur le marché mondial, mais ils cherchent activement à se reclasser en nouant des partenariats avec de grands opérateurs étrangers.
Les entreprises françaises font partie des meilleures dans le domaine du nucléaire. La volonté d'arrêter un réacteur par anticipation sur notre territoire ne risque-t-elle pas de compliquer la tâche des commerciaux qui font la promotion de ces mêmes réacteurs à travers le monde ?
Le discours et les termes employés ont une grande importance. Nous pourrons dire que cette fermeture a été décidée, par exception, pour des raisons politiques. Dont acte. Mais si l'on en venait à dire, dans le discours officiel, que le nucléaire n'est pas sûr et que la France ne veut pas prendre de risque en la matière au-delà de quarante ans, cela aurait un impact terrible sur la crédibilité du nucléaire français à l'international. Ne nous tirons pas une balle dans le pied ! La compétition mondiale est très dure, et les enjeux sont considérables en termes de développement industriel.
Personne n'a jamais été choqué qu'un pays souhaite diversifier son mix électrique. C'est même considéré comme quelque chose de positif.
L'audition s'achève à treize heures cinq.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire
Réunion du mardi 6 mai 2014 à 11 heures
Présents. - M. Bernard Accoyer, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, M. François Brottes, M. Claude de Ganay, M. Hervé Gaymard, Mme Sandrine Hurel, M. Hervé Mariton, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, Mme Clotilde Valter