Et réciproquement : le nucléaire n'intéresse pas que la France. De nombreux pays ont choisi l'option nucléaire pour leur énergie demain. Parmi ceux qui ont déjà lancé ou s'apprêtent à lancer un programme électronucléaire, on compte : le Royaume-Uni, les pays d'Europe du Nord, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie, la Chine, la Russie, l'Inde, le Vietnam, l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite, le Brésil et le Chili. De plus, la plupart des pays pétroliers du Moyen-Orient et d'Asie centrale auront vraisemblablement un programme nucléaire à terme. Seuls les États-Unis font figure d'exception : ils disposent d'un parc de 122 réacteurs, mais ne prévoient pas de développement futur à ce stade, compte tenu de l'émergence du gaz de schiste.
La France dispose, avec EDF, du premier opérateur nucléaire mondial. C'est une spécificité. EDF contrôle et gère le plus grand parc nucléaire : cinquante-huit – bientôt cinquante-neuf – réacteurs en France et quatorze au Royaume-Uni. Le groupe est une référence à la fois en tant que premier électricien mondial et que premier expert en matière d'électronucléaire. Il n'existe aucun programme dans le monde sur lequel EDF ne soit pas sollicité, au moins pour un avis, une orientation ou un conseil. Les autres grands acteurs sont relativement peu nombreux : l'agence russe Rosatom est le deuxième opérateur mondial ; les sociétés chinoises CNNC – China National Nuclear Corporation – et CGN – China General Nuclear Power Group – sont, ensemble, le troisième ; l'entreprise coréenne KEPCO – Korea Electric Power Corporation – est, loin derrière, le quatrième. Les États-Unis ne disposent pas encore d'un grand opérateur, mais ils sont en train d'en constituer avec Exelon, qui rassemble progressivement les acteurs américains du nucléaire.
Le nucléaire est d'abord une opération de gestion à long terme. Cela implique qu'il existe un opérateur auquel on confie la sûreté nucléaire, c'est-à-dire la construction, l'exploitation et l'évolution des installations. L'opérateur et les autres acteurs de la filière – toutes les industries qui concourent à la construction et à l'exploitation des réacteurs, dont l'activité va de l'extraction du minerai à la maintenance lourde – doivent absolument coordonner leurs actions. Cette étape a aujourd'hui été franchie : « l'équipe de France du nucléaire » a été constituée et fonctionne. La filière nucléaire française est référencée comme l'une des meilleures au monde, en concurrence avec les filières chinoise, russe et coréenne.
Au Royaume-Uni, EDF a été choisi pour construire deux premiers réacteurs – encore faut-il passer l'étape de la Commission européenne – et devrait l'être pour trois tranches supplémentaires. Avec plus de 50 milliards d'euros au total, il s'agit de loin du plus gros investissement réalisé au Royaume-Uni depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. L'enjeu est donc considérable en termes de développement industriel et d'emploi, des deux côtés de la Manche.
Comme je l'ai indiqué, d'autres programmes nucléaires sont en discussion en Arabie saoudite, en Europe centrale et en Amérique latine. Enfin, il est important de nouer des partenariats avec les autres grands acteurs mondiaux, notamment chinois et russes, si nous voulons un jour avoir accès à leur propre marché.