Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 9h30
Projet d'accord de libre-échange entre l'union européenne et les États-unis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

C’est lui qui nous élit ; c’est à lui que nous devons rendre des comptes puisque nous avons le devoir de légiférer dans son intérêt.

Vous nous avez dit, madame la ministre, que notre économie pourrait avoir des choses à gagner dans les négociations. Vous avez énuméré des données qui nous interpellent, concernant par exemple le fait que les marchés publics américains sont aujourd’hui fermés à 50 % aux entreprises européennes alors que nos marchés publics européens sont, eux, ouverts quasiment à 100 %. Vous avez aussi énuméré une liste de biens qui faisaient l’objet d’une inégalité de traitement en ce qui concerne les droits de douane. Comme vous, je pense que l’harmonisation des échanges conformément aux principes d’équité et de réciprocité nous serait profitable.

Cependant, comme le disait mon collègue Paul Giacobbi en commission, l’expérience prouve que dans nos échanges commerciaux, les États-Unis ont systématiquement fait preuve d’un manque de loyauté et d’un protectionnisme forcené. Ils sont de la plus grande exigence pour ce qui concerne l’ouverture des frontières de leurs partenaires, mais ne ménagent aucun effort pour maintenir les leurs hermétiques à nos exportations. Ce n’est pas faire preuve d’antiaméricanisme que de dire cela : Château-Thierry, la ville dont je suis le maire, a été deux fois libérée par les Américains et possède une Maison de l’amitié franco-américaine ; dimanche prochain, nous célébrerons le Memorial Day. Je ne fais que décrire la réalité de nos relations commerciales : elles sont déséquilibrées et asymétriques au profit de leurs acteurs économiques.

Je ne comprends pas davantage pourquoi nous abandonnons dans ce traité l’idée de préférence communautaire alors qu’elle a son pendant aux États-Unis. Cette question doit être posée dans le débat politique que nous devons mener.

Aujourd’hui, on nous fait de grandes promesses. La Commission européenne nous annonce des chiffres qui donnent le vertige : pour l’Union européenne, les retombées en termes de marchés seraient comprises entre 68 et 120 milliards d’euros, soit une moyenne de 545 euros par an et par foyer. Les échanges augmenteraient de 500 milliards d’euros pour les marchandises et de 280 milliards pour les services, tandis que les investissements bondiraient de plusieurs billions. On se garde toutefois bien d’évoquer le nombre de créations d’emplois, parce qu’on sait bien qu’il n’y en aura pas – ou très peu. À l’examen, ces chiffres n’ont aucun fondement – j’ai cherché si de véritables études existaient en la matière – et ne sont que le fruit de spéculations.

Nous devons regarder la réalité en face. Bien sûr, le « libre-échange » a contribué à l’accroissement des richesses produites dans le monde, mais aussi à celui des inégalités. Aussi, à la lecture des textes, ces accords de libre-échange s’apparentent tout autant à des accords de dérégulation, de libre dumping et, comme il a déjà été rappelé, de suppression des protections collectives. Qui pourrait les accepter en l’état, alors qu’ils visent en fait à abaisser ou à faire disparaître les normes environnementales, écologiques, alimentaires, sanitaires et sociales ? Qui pourrait imaginer que l’Union européenne en imposera à un pays qui n’a signé ni le protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique, ni la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, ni la Convention des Nations unies sur la diversité biologique ni, enfin, les conventions de l’Organisation internationale du travail ? Qui pourrait prétendre que l’Union européenne et les États-Unis seront sur un pied d’égalité quand, dans un grand nombre de domaines comme celui des marchés publics, les accords n’engageraient que l’État fédéral et non les cinquante États américains ?

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