Personne ne pourrait souscrire à un projet qui ne lèverait pas toutes ces ambiguïtés et qui ne mettrait pas tout à plat pour établir les bases nécessaires à un accord bénéfique, parce que juste.
D’autres orateurs ont évoqué l’agriculture. Je suis élu d’un territoire rural, le sud de l’Aisne, où l’agriculture et la viticulture représentent un atout économique essentiel. L’agroéconomiste Jacques Berthelot a étudié les incidences qu’auraient ces mesures de libre-échange sur notre agriculture : des pans entiers de nos cultures et de nos élevages disparaîtraient, sans compter un phénomène de concentration de grande ampleur des exploitations. La concurrence déloyale irait en s’accélérant car les États-Unis mettraient à mal nos AOC telles que le Champagne et d’autres. Voilà ce que dénonçaient les viticulteurs lors de leur dernière assemblée générale à Château-Thierry. Qu’en irait-il de notre viticulture et de notre agriculture s’il était décidé de libéraliser le commerce et les investissements dans de telles conditions ? Et puis, qu’adviendra-t-il des combats que nous avons menés ici même sur les OGM ou encore les gaz de schiste ?
Il faut certes continuer de débattre et de négocier, et je sais très bien qu’à plusieurs niveaux, nous pourrions parfaitement rejeter ce traité s’il ne nous convenait pas – j’espère d’ailleurs que, le cas échéant, il en irait ainsi au Parlement français. À cette heure, toutefois, je ne suis personnellement pas convaincu de la pertinence d’un tel projet au vu de ses fondements théoriques. Si tous les pays du monde adoptaient les mêmes principes économiques, je crains qu’il n’en résulterait que du dumping social, fiscal et environnemental. Nous avons déjà payé !
Je sais bien, et l’on ne cesse de nous le répéter, que l’économie gouverne le monde et que les lois de la rentabilité et du marché constituent une vérité absolue. Portons néanmoins un regard objectif sur les évolutions que le monde a connues depuis un demi-siècle avec l’accélération du libre-échange et de la mondialisation. Il ne s’agit pas de nier l’évolution constante du PIB mondial ou l’augmentation du pouvoir d’achat moyen, et ce malgré l’accroissement de la population mondiale. Nous étions trois milliards il y a cinquante ans ; nous sommes sept milliards aujourd’hui. Or, force est de constater que la faim touche toujours près d’un milliard de personnes. Reconnaissons aussi que les riches sont de plus en plus riches, tandis que les pauvres sont de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux.