Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe GDR de nous permettre de débattre en séance du projet de traité transatlantique, sujet si important aujourd’hui, et fondamental pour notre vision du monde, pour notre façon de penser notre société à court, moyen et long terme, et donc, de faire de la politique.
Depuis plus d’un an déjà, les écologistes alertent l’opinion sur l’opacité des méthodes et sur les risques d’un tel accord. Il ne s’agit cependant pas pour nous de remettre en cause la mondialisation. Les écologistes ne s’opposent pas aux échanges internationaux, qu’ils soient culturels, scientifiques, intellectuels. Nous défendons la mondialisation, quand elle est un moyen de faire tomber les barrières entre les peuples. Surtout face aux crises mondiales que sont les crises écologiques, climatiques, énergétiques, la perte de biodiversité…
Face à ces crises, la solution ne peut être que mondiale. C’est le sens de l’adage « penser global, agir local ». Les écologistes défendent la mondialisation, mais une autre mondialisation, qui n’est pas celle imposée par les lobbies de la finance et de l’industrie, par les tenants d’un néolibéralisme débridé.
Oui à une mondialisation de la solidarité, oui au partage des solutions pour mieux vivre, mais non à une mondialisation fondée uniquement sur la concurrence commerciale entre les pays, sur le dumping fiscal et social, sur l’abaissement généralisé de la protection des citoyens et des normes, notamment environnementales.
C’est toute la logique du « there is no alternative » qu’il faut combattre : la mondialisation commerciale dérégulée n’est pas la seule voie possible ; d’autres modèles doivent être pensés et défendus. Malheureusement, on voit, avec ce projet d’accord transatlantique, l’emprise de la pensée libérale sur nos décideurs, ainsi que le poids des lobbies dominés par la finance et les multinationales.
Ce n’est, certes, pas nouveau et, face à cette pensée unique, la société civile, en cette période de crise, semble désenchantée et résignée, prête à abandonner la défense de l’intérêt général, sans combattre. C’est la « théorie du choc », thèse développée par la journaliste altermondialiste Naomi Klein : les tenants du néolibéralisme profitent d’une situation de crise économique et sociale pour imposer aux peuples des remèdes néo-libéraux qui auraient été refusés en d’autres temps. Rappelons que l’enjeu, ici, ce n’est pas l’Europe contre les États-Unis ; ce sont les sociétés civiles – européennes et américaines – contre les grands groupes.
Nous sommes à quelques jours des élections européennes, et nous regrettons le peu d’intérêt des Français pour les enjeux européens. Ce type de traité, et la méthode employée, qui mettra les élus et les populations devant le fait accompli, ne va pas aider à faire aimer l’Europe et à croire en la démocratie. Sacrifier les valeurs européennes sur lesquelles s’est faite la construction de l’Union, pour se conformer au dogme d’une mondialisation sans règles, soi-disant libératrice, c’est proprement indéfendable.
C’est l’idée même de l’Europe qui est en jeu sur ce sujet. L’Union ne doit pas être le cheval de Troie d’une mondialisation qui n’a ni valeurs ni règles. Elle doit s’élever contre cette course au moins-disant social et environnemental. L’accès au marché européen doit être conditionné au respect d’un modèle de société qui protège les citoyens et l’environnement.
Mettre un terme à cette dérive libérale impose de revoir entièrement les conditions de discussion de cet accord commercial. Accord commercial, c’est-à-dire accord global, puisque, désormais, tout fait l’objet de commerce, que ce soit la culture, les services publics, la santé, etc. Même les règles démocratiquement adoptées par les États seraient soumises aux dogmes libre-échangistes. Drôle de hiérarchie des normes !
Mettre un terme à cette dérive libérale impose également la transparence des négociations et la réaffirmation du rôle des citoyens face aux lobbyistes. Il est totalement anormal que ces négociations se fassent dans le dos des peuples et des élus nationaux. Mais on comprend pourquoi l’opacité règne : il y a des choses qu’on préfère cacher, tant elles sont consternantes…
Il est plus que nécessaire qu’un accord international soit ratifié par les représentants démocratiquement élus. Sur ce point, j’aimerais avoir l’assurance que les parlements nationaux ratifieront l’accord. Sachant qu’il s’agit d’un accord avant tout commercial, qui relève donc de la compétence exclusive de l’Union européenne, on peut avoir des doutes sur l’obligation de ratification par les parlements nationaux. Surtout, la ratification a posteriori d’un accord négocié impose un choix binaire, pour ou contre. Encore une fois, drôle de conception de la démocratie, qui associe davantage les lobbyistes que les élus…
Dernier point, celui du mécanisme de règlement des différends. Beaucoup a été dit dessus, et c’est à juste titre que les tensions se cristallisent sur ce sujet. Adopter un mécanisme de ce type, c’est faire triompher l’intérêt privé sur l’intérêt général. La loi, qui est pourtant l’expression de la souveraineté populaire, devra céder face aux assauts des multinationales. C’est un système totalement inégalitaire, où le pouvoir de l’argent triomphe face au pouvoir démocratique, et c’est déjà le cas en Amérique du nord. Si un tel mécanisme devait voir le jour, il nous entraînerait sur une pente très dangereuse.
Vous l’aurez compris, nous n’en voulons pas.
Le 15/12/2014 à 00:33, françoise Lauret a dit :
Merci Madame pour votre intervention.
Une simple citoyenne, mais qui se préoccupe de sujets comme la santé , l'environnement, l'éducation, la démocratie et qui veut lutter contre tout ce qui pourrait les mettre en péril, comme les objectifs cachés du TTIP qui profiteraient bien évidemment aux multi-nationales et acolytes sans âmes de la finance.
F Lauret
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