Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, je salue l’initiative du groupe GDR et de M. le rapporteur de la proposition de résolution, André Chassaigne, qui constitue une occasion de débattre des négociations visant à l’élaboration d’un partenariat commercial transatlantique. L’Europe a récemment été soumise à un feu nourri de critiques et a fait l’objet de débats passionnés. Elle serait la source de tous nos problèmes. Indéfendable, il faudrait s’en défaire ou s’en séparer. Quant aux États-Unis, leur cause serait entendue, faisant l’objet de tous les fantasmes et de trop de malentendus.
Dès lors, envisager d’associer les deux mondes dans un traité transatlantique suffit à rendre le débat difficile. Dans la lutte opposant le David européen au Goliath américain, le combat serait évidemment perdu d’avance. Il faudrait même refuser de négocier et suspendre sans tarder voire arrêter net tout dialogue ou échange. Toute discussion serait déjà porteuse du germe de la compromission et le compromis serait d’emblée un abandon. Tel est le discours de ceux qui n’envisagent la lutte qu’en déclarant forfait.
La position du groupe SRC a été débattue dès l’année dernière. Elle est constante et s’articule autour de plusieurs principes : ceux de réalité, de conditionnalité, de souveraineté, de réciprocité et de collégialité.
Le principe de réalité rappelle que le mandat de négociation est entre les mains du commissaire de Gucht et qu’il s’agit d’une négociation à vingt-huit. Demander seuls la suspension des négociations est de facto sans effet et ne ferait que nous affaiblir.
Le principe de conditionnalité impose le respect des lignes rouges que nous avons fixées. Les préférences collectives seront préservées. Le mandat mentionne clairement que la portée de la législation et des normes internes ne peut être réduite en raison des échanges et reconnaît le droit des parties à poursuivre des objectifs de politique publique légitimes en fonction du niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement qui lui semble souhaitable. En clair, pas de poulet chloré ni de boeuf aux hormones !
Il convient de relever en outre l’exclusion des services culturels et audiovisuels, des marchés publics de défense et de sécurité et du mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs. Selon nous, l’introduction d’un tel mécanisme dans les négociations ne se justifie pas en raison du haut degré d’indépendance et d’impartialité des juridictions des parties concernées. En outre, les discussions à ce sujet sont pour l’instant suspendues au profit d’une consultation publique organisée par la Commission.
Notre souveraineté sera-t-elle remise en cause ? La réponse est non. La Commission négocie et propose, elle ne décide pas. Ainsi, le futur accord devra être approuvé à l’unanimité des États membres de l’Union européenne au sein du Conseil puis ratifié par le Parlement européen et enfin par les vingt-huit Parlements nationaux de l’Union européenne.
Lors d’une récente mission à Bruxelles, la Commission nous a confirmé le caractère mixte de l’accord. Le Parlement français conservera le dernier mot, quoiqu’il arrive. À ces trois niveaux de contrôle démocratique s’ajoute un filtre juridictionnel grâce à la possibilité de saisir la Cour de justice de l’Union européenne qui jugera de la conformité de l’accord avec le droit européen. En réalité, l’accord sera mutuellement avantageux pour les deux parties et très équilibré ou bien il n’entrera jamais en vigueur.
Le principe de réciprocité porte sur l’ouverture des marchés publics. Le marché européen est ouvert à 85 % aux entreprises étrangères, le marché américain ne l’est qu’à 35 %. Je ne reviendrais pas sur l’abaissement des barrières douanières et tarifaires mentionné par les orateurs précédents.
Quant à l’exigence d’une collégialité accrue du travail avec le Parlement européen des gouvernements et Parlements nationaux, elle appelle transparence et vigilance. Manifestement, l’absence de publication officielle du mandat de négociation constitue un péché originel, mais comme il est aujourd’hui librement accessible sur Internet, l’affaire en devient assez ridicule, convenons-en. Je salue ici les avancées dues à Mme la secrétaire d’État, qui s’est engagée à convoquer régulièrement le comité stratégique de suivi des négociations et à tenir informées les commissions compétentes de l’Assemblée nationale de l’évolution des négociations à l’issue de chaque étape.
Au fond, hormis la suspension des négociations, qui constitue certes un point essentiel, nous poursuivons tous les mêmes objectifs, chers collègues : protéger le modèle économique et social français et un certain art de vivre qui en dépend et peser collectivement sur la définition des normes internationales des voitures électriques, des produits agroalimentaires et des télécommunications au lieu de subir celles des pays émergents.