Intervention de Nathalie Chabanne

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 9h30
Projet d'accord de libre-échange entre l'union européenne et les États-unis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Chabanne :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la résolution qui nous est proposé de voter aujourd’hui est à la fois juste et indispensable. Elle fixe en effet les lignes rouges que les négociateurs de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis ne doivent pas franchir. Adopté, ce traité va apporter des modifications profondes de notre modèle économique. Les défenseurs de ce projet de traité vantent un accord équilibré. En tout état de cause, je n’en suis pas convaincue. Ce traité soulève des enjeux fondamentaux et je tiens à exprimer ici mes inquiétudes sur des sujets qui n’ont pas été totalement évoqués jusqu’à présent.

Ma première inquiétude, si un tel accord devait aboutir, porte sur la nécessaire harmonisation des normes, qui constitue, à mes yeux, une menace pour les acquis de la construction européenne, car ce rapprochement des réglementations se fera fatalement aux dépens des normes européennes, plus contraignantes car plus ambitieuses. J’aimerais être concrète sur ce point en prenant un seul exemple : la question des marchés publics. Une libre circulation totale des biens et services entre les deux zones implique une ouverture des marchés publics européens aux entreprises américaines, et réciproquement. Or, nous savons que l’État fédéral américain ne peut prendre un tel engagement pour ses entités fédérées, seules compétentes dans ce domaine. Les entreprises européennes se verraient-elles donc écartées des marchés publics américains quand, dans le même temps, les entreprises américaines répondront aux offres publiques européennes ?

Un autre risque réside dans le déséquilibre de change qui existe entre les deux zones. Dépourvue de politique de change et dotée d’un euro surévalué par rapport au dollar, la zone euro souffre d’un déficit de compétitivité. Un accord de libre-échange pourrait conduire à une fuite d’entreprises européennes vers les États-Unis, qui auraient tout avantage à s’y installer pour produire et exporter vers l’Europe. Cela paraît d’autant plus plausible que la baisse du coût de l’énergie aux États-Unis, consécutive à l’exploitation des gaz de schiste, devrait faire des délocalisations une aubaine difficile à contenir. Voilà un nouvel avantage pour les États-Unis, toujours au détriment de l’Europe. Je pourrais donner de nombreuses autres raisons qui m’amènent à être extrêmement sceptique sur les conséquences de la signature de ce traité.

Je suis d’autant plus sceptique que je suis profondément européenne. Or, ce traité nous fait courir le risque de dénaturer le projet européen, qui voudrait que nous privilégiions les négociations entre États membres pour renforcer l’Europe. De trop nombreux contrastes existent entre chaque État membre. Consolider l’Europe, ce serait harmoniser par le haut les différents systèmes sociaux des pays membres de l’Union européenne, ce serait mettre au point un salaire minimum européen, combattre le dumping fiscal et social. Consolider l’Europe, ce serait surtout associer les Européens à chaque étape de sa construction.

Si je n’ai pas l’impression que ce traité permet de consolider l’Europe – au contraire –, je suis à l’heure actuelle convaincue que cette nouvelle étape de la construction européenne, à travers ce traité, se fait sans le peuple européen. Preuve en est l’opacité qui caractérise ces négociations. La résolution que nous examinons exige la transparence ; cela est fondamental. La transparence, c’est le respect des citoyens européens. La transparence, c’est le débat public, c’est permettre que la satisfaction des intérêts des citoyens soit le leitmotiv des négociateurs européens. C’est la garantie d’un contrôle démocratique.

En revanche, en tant que représentants de la Nation française, nous devons avoir à l’esprit que, sans cette transparence, la question de la ratification se posera très sérieusement. Je ne vois pas, chers collègues, comment nous pourrions accepter un traité, aux enjeux si fondamentaux, si à aucun moment les citoyens ou leurs représentants n’ont pu peser dans son processus de rédaction.

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