Intervention de Sandrine Mazetier

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Sécurité sécurité civile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la sécurité :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'intérieur, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant de vous présenter les 17,55 milliards d'euros de crédits de la mission « Sécurité », augmentée pour 2013 du programme « Sécurité et éducation routières », et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier », quelques mots pour rappeler les nouvelles orientations de la politique de sécurité.

Monsieur le ministre, vous avez exposé ces nouvelles orientations le 12 juillet dernier devant la commission des lois de cette assemblée ; je vous cite : « En matière de sécurité publique, un seul mot d'ordre guidera mon action : la République doit être partout, dans les villes, dans les quartiers, dans les villages. Il ne doit pas y avoir un seul espace où la loi du plus fort ne le cède aux lois de la République. » Vous avez affirmé les mêmes convictions le 19 septembre, à l'École militaire, devant les forces de sécurité.

Mes chers collègues, la mission « Sécurité » du projet de loi de finances pour 2013 en est la traduction concrète. Priorité du Gouvernement avec la justice, l'éducation et l'emploi, la mission « Sécurité » est l'une des rares à voir ses crédits progresser dans ce projet de loi de finances marqué par la nécessité du redressement des finances publiques. Ainsi prend fin le désarmement matériel et moral de la police et de la gendarmerie ; ainsi s'achève une période caractérisée par les suppressions de postes, la frénésie législative et l'improvisation au quotidien. C'en est fini des injonctions paradoxales faites aux forces de sécurité, sommées de tenir des objectifs chiffrés toujours plus élevés avec des moyens humains et matériels toujours plus réduits.

À la politique du chiffre va ainsi succéder une culture du résultat, un résultat évalué non seulement quantitativement mais aussi qualitativement, avec la volonté de réconcilier la société française avec celles et ceux qui la protègent et de leur donner les moyens humains et matériels d'accomplir leur mission.

En premier lieu, après une décennie qui a vu se multiplier les tensions entre les citoyens et les différents acteurs de la sécurité, et dans une société de plus en plus dure, violente, où la remise en cause de l'autorité sous toutes ses formes est fréquente, il s'agit de rétablir la confiance et de construire un consensus autour des valeurs de la République. La nouvelle politique vise donc à renforcer les liens entre forces de l'ordre et citoyens. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre : « Une police qui ne travaille pas dans un climat de confiance travaille moins efficacement. » Cette confiance se noue d'abord sur le terrain, par une présence visible et un contact aussi fréquent et diversifié que possible avec les habitants, ce que les suppressions de postes des cinq dernières années avaient rendu bien difficile.

Vous souhaitez en second lieu faire du renforcement de l'éthique et de la déontologie une préoccupation permanente. À cette fin, vous avez annoncé l'ouverture d'un premier chantier : la rénovation du dispositif de formation.

La réponse aux priorités se trouve à la fois dans une mesure emblématique – la création des zones de sécurité prioritaires – et dans un effort, certes moins nouveau mais qui se poursuit, d'optimisation et de coordination des ressources, avec une mutualisation accrue des fonctions supports en même temps qu'une réduction des missions périphériques, comme les transfèrements, afin de libérer des ressources pour la mission centrale de lutte contre la délinquance.

Vous concevez les zones de sécurité prioritaires comme des zones de concentration des moyens et, au moins autant, voire surtout, comme des terrains d'expérimentation pour la mise en oeuvre des principes fondateurs de la nouvelle politique de sécurité publique : responsabilisation de tous les acteurs de la sécurité, ancrage local d'une action qui doit s'adapter aux spécificités du terrain, optimisation et coordination des ressources, formation de partenariats solides et efficaces, en particulier avec les maires et les élus locaux. Ces ZSP ne sont pas appelées à constituer un dispositif spécifique, mais correspondent davantage à la mise en oeuvre, sur des territoires ciblés en raison de leurs difficultés et de la présence d'une délinquance enracinée, d'une méthode au service de l'action et de personnels formés et expérimentés. Mon collègue rapporteur pour avis de la commission des lois, Jean-Pierre Blazy, y a consacré l'essentiel de son rapport ; je n'en dirai donc pas plus.

Enfin, vous considérez, monsieur le ministre, qu'au-delà de la réforme de la formation des policiers, il convient de rationaliser davantage encore l'organisation de la sécurité publique. De nouvelles évolutions de compétence territoriale devraient intervenir, après une concertation approfondie – ce qui est nouveau – avec les élus comme avec les personnels, et à condition qu'elles accroissent véritablement l'efficacité de chacune des deux forces. Le renforcement du soutien logistique devrait procéder d'un élargissement des mutualisations.

Dans mon rapport, je donne deux coups de projecteur, l'un sur la police technique et scientifique, l'autre sur un sujet dont la précédente majorité s'est beaucoup moins préoccupée : la lutte contre la délinquance économique et financière.

Dans un contexte budgétaire contraint, le renforcement de la police technique et scientifique constitue toujours une priorité, ce qui passe, selon moi, par un recentrage qualitatif. Le « tout-ADN » est coûteux. Il comporte en outre le risque de négliger les autres techniques de la police scientifique. Dans ce domaine où les prix peuvent devenir exorbitants faute de véritable concurrence, le dispositif français de recours aux laboratoires publics apporte la meilleure garantie contre toute forme de dérive financière. Il convient en outre de limiter les prélèvements génétiques de masse à ce qui apparaît nécessaire et utile, en particulier dès la phase initiale de constatations techniques et de recherche de traces. Là encore, il est souhaitable de passer d'une politique du chiffre à une culture du résultat orientée vers la recherche d'une efficience réelle.

Les crédits ainsi économisés pourraient alors être mis au service des autres secteurs de la police technique et scientifique : balistique, entomologie, analyse morphologique des traces de sang, numérisation des scènes d'infraction, exploitation des traces numériques...

Autre focus de mon rapport : la lutte contre la délinquance financière. Elle donne moins lieu à affichage que le déploiement de forces de sécurité sur la voie publique. Elle est pourtant tout aussi essentielle car les produits de la délinquance nécessitent toujours un traitement par ceux qui les accaparent : un recyclage, du blanchiment.

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