Intervention de Jean-Pierre Blazy

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Sécurité sécurité civile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la sécurité :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, François Hollande en a pris l'engagement lors de la campagne présidentielle : la sécurité est une priorité.

C'est une priorité pour tous nos concitoyens qui aspirent à vivre paisiblement dans une société perturbée par l'incivilité et trop souvent par la violence. C'est une priorité pour les policiers et les gendarmes qui assurent leurs missions dans des conditions souvent difficiles.

Comment ne pas s'indigner quand le nombre de blessés et de morts augmente depuis de nombreuses années parmi nos forces de l'ordre ? Un chiffre vient de tomber et nous ne pouvons que nous en alarmer : 4 665 policiers et gendarmes ont été blessés dans des agressions depuis le début de l'année 2012. Autrement dit, dix-sept membres des forces de l'ordre sont victimes de violences chaque jour. C'est pourquoi je tiens ici à rendre hommage à tous ces hommes et femmes qui agissent au quotidien pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

La droite a longtemps prétendu et prétend encore détenir le monopole de la sécurité, critiquant une gauche considérée comme laxiste. Or la période écoulée depuis 2002 a prouvé, s'il en était besoin, que la droite n'a pas apporté de véritables solutions à l'insécurité vécue et ressentie.

Entre coups de Kärcher et politique du chiffre, les citoyens ne se sentent pas plus en sécurité en 2012, comme l'ont montré plusieurs enquêtes d'opinion.

Faut-il rappeler les effets néfastes de la révision générale des politiques publiques ? Depuis cinq ans, 10 700 emplois de policiers et de gendarmes ont été supprimés du fait du non-remplacement des départs en retraite. Si elle avait été maintenue, la RGPP aurait entraîné la suppression de 3 200 postes supplémentaires pour l'année 2013. Voilà le bilan de la droite en matière de sécurité !

Comment alors s'étonner que, selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les violences physiques crapuleuses et non crapuleuses aient augmenté depuis 2007 de près de 10 % ? Comment s'étonner de l'augmentation des difficultés rencontrées sur le terrain par nos forces de l'ordre soumises à une culture du chiffre quand leurs moyens n'ont cessé de diminuer ?

Le Gouvernement s'est donné un objectif prioritaire : mettre fin à la forte réduction des effectifs de la police et de la gendarmerie. Ainsi, tous les départs en retraite seront désormais remplacés. De plus, la création de 480 postes dans la police et la gendarmerie en 2013, dont 288 dans la police et 192 dans la gendarmerie, participe de l'effort du Gouvernement de rétablir une véritable politique de sécurité en France. Cette politique se veut pérenne puisque 1 440 postes devraient être créés entre 2013 et 2015, dans le cadre du plan triennal.

Cela étant, nous sommes conscients que l'augmentation des ressources humaines sans l'apport adéquat de moyens de fonctionnement serait un cautère sur une jambe de bois. Or, depuis cinq ans, les moyens de fonctionnement de la police et de la gendarmerie ont diminué de 18 %. Savez-vous que la gendarmerie a réduit en 2012 ses achats d'armes et de munitions au strict minimum ? Savez-vous qu'il n'y a eu cette année aucun renouvellement des équipements informatiques et de transmission ?

Avec le budget pour 2013, toutes les dépenses courantes seront financées : 8 millions d'euros seront notamment consacrés à l'acquisition de munitions de service et d'instruction ; le renouvellement complet des équipements numériques sera enfin assuré ; 90 millions d'euros seront alloués au renouvellement du parc automobile actuellement en grande souffrance, dont 50 millions pour la police et 40 millions pour la gendarmerie. Monsieur le ministre, il serait indispensable de rendre effectif le dispositif législatif prévu par la loi du 9 juillet 2010 qui vise à faciliter la saisie et la confiscation des véhicules en matière pénale, et dont l'application rencontre encore de grandes difficultés.

Le budget pour 2013 permettra également des avancées catégorielles, sujet essentiel pour les policiers et gendarmes et pour leurs syndicats. Ceux que j'ai rencontrés s'inquiètent de ne pouvoir connaître de progression indiciaire. Dans ce budget, 29 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés pour la police et 31 millions pour la gendarmerie.

Nous ne pouvons nier, néanmoins, que les contraintes budgétaires actuelles ne nous permettront pas de redresser rapidement une situation dégradée. Ainsi, seul l'indispensable pourra être fait en matière d'immobilier. À ce sujet, les constructions réalisées en partenariat public privé ne se révèlent pas satisfaisantes, le coût pour l'État en termes de loyers augmentant de façon exponentielle, et c'est à juste titre que vous avez décidé, monsieur le ministre, d'arrêter les opérations de ce type. Mais la situation immobilière dans la police et la gendarmerie n'est pas satisfaisante. L'acte III de la décentralisation annoncé pour 2013 devrait nous conduire à réfléchir d'une manière nouvelle à la question, tout en gardant à l'esprit que tout transfert de compétences de l'État doit s'accompagner de transferts de ressources. Il y a là véritablement une réflexion à engager.

En dépit des contraintes budgétaires, le budget pour 2013 constitue la preuve qu'une rupture avec la période précédente est engagée. Par exemple avec votre volonté, monsieur le ministre, de traiter l'insécurité dans les secteurs où la délinquance est particulièrement forte, en mettant en place les zones de sécurité prioritaires et en redynamisant la coproduction de la sécurité selon une approche globale et partenariale : celle-ci ne devra pas se décider dans les bureaux des directions centrales, mais après association des citoyens, des acteurs du terrain et naturellement des élus.

La droite, en son temps, avait fustigé la police de proximité et ses agents condamnés à n'organiser – je cite – que des matchs de rugby avec les jeunes. Mais, pour filer la comparaison sportive, c'est bien elle qui a perdu la partie et, reconnaissant implicitement sa défaite, a assuré le retour d'une prétendue proximité avec l'instauration des UTeQ et des BST – que de sigles pour, in fine, peu d'actes ! Et que dire des patrouilleurs créés par Claude Guéant, qui prétendait donner plus de « visibilité » à la police nationale et lui permettre « d'observer et écouter, se renseigner, interpeller »… Difficile de comprendre la logique de nos prédécesseurs à la vue de la baisse constante des effectifs et moyens dans la police et la gendarmerie depuis maintenant cinq ans.

La situation prêterait à rire si l'intégrité physique de nos forces de l'ordre et la tranquillité de nos concitoyens n'en dépendaient. Au-delà des chiffres, c'est un véritable malaise qu'il faut aujourd'hui traiter. Il ne pourra se résorber sans une action positive sur l'image de nos forces républicaines, qui pâtissent de plus en plus de leur éloignement des citoyens – et c'est le résultat aussi de la politique des années passées. Il faut plus de moyens d'assurer la sécurité, oui ! Mais pas sans un rapprochement avec tous les acteurs chargés de veiller à la tranquillité des habitants dans nos quartiers, nos villes et nos villages.

Une politique de sécurité nécessite à la fois la sanction des auteurs et la prévention de la délinquance. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance augmentera en 2013 de 6,5 millions. C'est une bonne nouvelle, mais il faudra aussi procéder à un rééquilibrage entre vidéoprotection et financement des actions de fonctionnement de la prévention de la délinquance. Ainsi, le FIPD permettra de soutenir l'action des maires et autres acteurs en matière d'aide au fonctionnement, en finançant par exemple les postes de coordonnateur de prévention de la délinquance, de médiateur ou de correspondant de nuit.

Une réforme structurelle du Fonds pour 2014 est indispensable, monsieur le ministre, bien sûr pour redynamiser la politique de prévention de la délinquance dans les zones de sécurité prioritaire, dont le nombre va croître dans les prochains mois, mais aussi d'un point de vue plus général, au niveau national. Vous avez d'ailleurs montré votre ouverture sur le sujet en commission des lois.

À une droite qui se voulait dure en matière de sécurité, nous opposons une gauche forte, qui traite les réalités de l'insécurité au lieu d'exploiter le sentiment d'insécurité. C'est pourquoi ce budget est celui d'une double rupture : rupture avec la politique de la période précédente, qui n'a pas garanti la sécurité des Français, et rupture avec un discours gouvernemental qui dissimulait en fait la régression des moyens de la police et de la gendarmerie. Monsieur le ministre, la commission des lois apporte son soutien à votre projet de budget pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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