Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de ce texte est une très heureuse initiative. Cette proposition de loi, qui traite de la question de la domanialité des ouvrages d’art, répond en effet à une inquiétude tout à fait compréhensible, et donc, à une demande de beaucoup d’élus locaux, notamment dans les territoires ruraux et dans les petites communes.
Ce sujet attend d’être traité depuis 2009, date à laquelle notre collègue Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État chargé des transports, avait réuni une commission de travail. À l’issue de ses travaux, deux propositions de loi avaient été déposées au Sénat, l’une émanant de sénateurs UMP, l’autre de sénateurs CRC. Le changement de majorité au Sénat a voulu que ce soit celle des communistes qui ait été discutée et adoptée à l’unanimité le 17 janvier 2012.
Nous devons aujourd’hui au groupe GDR la poursuite de la discussion de ce texte qui a été, à nouveau, adopté à l’unanimité par la commission du développement durable, le 13 mai dernier.
J’avais moi-même déposé une proposition de loi sur ce sujet en juillet 2013, qui avait été cosignée par nombre de mes collègues. En effet, mon département, la Mayenne, est traversé par la nouvelle ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire. Entre la Sarthe, la Mayenne et l’Ille-et-Vilaine, cinquante-sept communes sont concernées et de nombreux élus locaux m’avaient alerté sur la nouvelle responsabilité qui leur incombait du fait de ces ouvrages d’art.
Le texte qui nous réunit aujourd’hui ne concerne pas seulement les ouvrages d’art au-dessus des voies ferrées, mais tout ouvrage de rétablissement des voies. Sont aussi concernés les ponts enjambant des routes, des autoroutes, des canaux et des voies navigables. Nous ne possédons pas de recensement de ces ouvrages d’art, mais on évoque 17 000 ouvrages sur le territoire national.
À l’heure actuelle, la jurisprudence considère que les collectivités territoriales sont nécessairement propriétaires des ouvrages de rétablissement, ce qui n’est pas contesté. Ce qui l’est, en revanche, c’est qu’elle considère que, par conséquent, la maîtrise d’ouvrage et les obligations de sécurité, d’entretien et de renouvellement de la structure de l’ouvrage d’art incombent aux collectivités, au même titre que pour la chaussée.
Or cette charge est incompatible avec les ressources de la plupart des communes – notamment les plus petites –, car les charges d’entretien, de réfection, voire de reconstruction, sont excessives au regard de leur budget. L’enjeu financier global s’élève à plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour les charges liées à la surveillance et à l’entretien, et à plusieurs centaines de millions d’euros pour les travaux de renouvellement d’un ouvrage d’art.
L’objet de cette proposition de loi est donc d’établir une répartition claire des charges entre les communes et les maîtres d’ouvrage, ce que nous ne pouvons qu’approuver. Elle pose un principe simple : celui qui décide de construire une nouvelle voie en assume les conséquences. Je m’en félicite, car je milite pour le bon sens en politique et le service de l’intérêt général. Les collectivités sont donc dispensées de la prise en charge de la gestion, de l’entretien et de l’éventuel renouvellement de la structure de l’ouvrage de rétablissement, mais gardent la responsabilité de la chaussée et des trottoirs.
Le texte prévoit d’instaurer l’obligation, pour les parties, de signer une convention, ce qui permet une clarification et une information des devoirs de chacun.
Le texte que nous avons approuvé en commission va plus loin. Il envisage, certes, le statut des ouvrages d’art à venir, mais il autorise aussi une dénonciation des conventions existantes. C’est ainsi qu’en cas de litige, il permet qu’une nouvelle convention soit conclue sur la base des principes de répartition établis dans cette proposition pour les ouvrages d’art futurs. Il en serait de même pour les cas où aucune convention n’aurait été signée.
Ces dispositions avaient suscité, lors de la discussion au Sénat, des réserves de la part du gouvernement d’alors, représenté par M. Mariani. Or que se passe-t-il aujourd’hui ? Le Gouvernement, bien qu’ayant changé de majorité, non seulement émet des réserves, mais souhaite, par la voie de quelques amendements, détricoter le texte adopté à l’unanimité en commission. Il est vrai que ce gouvernement apprécie particulièrement le détricotage, notamment des mesures de la majorité précédente…
De fait, le Gouvernement veut réécrire les dispositions essentielles de ce texte et en supprimer d’autres. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, vous voulez, par voie d’amendement, réécrire les alinéas 7 à 9, qui répartissent les charges qui vont régir les futures conventions, dans le noyau de ce texte. Vous introduisez la médiation du préfet qui, lui, saisira pour avis la chambre régionale des comptes en cas de litige lors de la négociation de la convention. Cette médiation avait déjà été proposée au Sénat et nous ne nous y opposerons pas.
En revanche, l’amendement qui vise à modifier l’alinéa 14 tendrait à limiter de manière importante la portée à ce texte. En effet, en une phrase, vous interdisez la dénonciation des conventions existantes. Par un autre amendement, vous nuancez ce recul en traitant à part les cas où un contentieux a été formé avant le 1er juin 2014. Nous ne pouvons que nous émouvoir de ces amendements.
Vous arguez de l’enjeu financier de ces dispositions et la charge trop lourde qui incomberait aux gestionnaires d’infrastructures. Mais cet enjeu financier est justement la raison pour laquelle cette proposition de loi a été adoptée, car les communes ne peuvent, elles non plus, assumer une telle charge !
Distinguer les cas où un contentieux est déjà engagé est injuste, car vous n’êtes pas sans savoir qu’une épée de Damoclès pèse sur les élus. Beaucoup sont responsables d’ouvrages d’art sans le savoir. Tant que ces ouvrages sont en bon état, le problème ne se pose pas. Mais qu’adviendra-t-il quand, dans quelques mois ou dans quelques, années, des travaux leur seront imposés, à des coûts qu’ils ne pourront assumer ? De même, pour les cas où des conventions n’ont pas été signées, vous maintenez la situation actuelle, intolérable pour les communes.
L’espoir né à la lecture de l’ordre du jour est donc déçu. J’espère, mes chers collègues, que nous saurons, grâce à l’examen des amendements, retrouver le texte initial et donner satisfaction aux élus inquiets, qui attendent beaucoup de ce texte.
Je profite de cette tribune, monsieur le secrétaire d’État, pour vous rappeler une autre demande des élus concernés par les lignes à grande vitesse, qui n’ont toujours pas obtenu satisfaction. Ces communes subissent de nombreux effets indésirables du fait de leur traversée par la LGV, sans profiter de la proximité d’une gare. Je pense aux nuisances sonores et aux contraintes liées aux routes barrées, ce qui fait fuir les habitants. En plus de ces nuisances, ces projets s’accompagnent de pertes de bases fiscales sur le bâti et le non-bâti et d’inconstructibilité sur le pourtour du tracé.
Ces communes réclament donc une redevance pérenne annuelle, ce qui se fait pour les autres infrastructures, comme les autoroutes, les lignes à très haute tension ou les éoliennes. Un fonds de solidarité territoriale a, certes, été créé, mais, au lieu d’une redevance forfaitaire annuelle et pérenne, il s’agit de l’ouverture d’un droit à subvention plafonné à 80 % !
Le candidat Hollande avait fait naître, en son temps, des espoirs de compensation, mais cette promesse a été bien évidemment oubliée par le Président élu. Je viens donc, monsieur le secrétaire d’État, vous la rappeler.
Au nom du groupe UMP, vous l’aurez compris, j’apporte mon soutien à cette proposition de loi, en espérant qu’elle va être à nouveau votée à l’unanimité, comme au Sénat, mais dans la rédaction adoptée en commission. Ce texte ne mérite pas d’être tronqué par les amendements du Gouvernement.
En votant le texte initial, nous mettrons un terme à la responsabilité juridique des communes, responsabilité trop lourde pour elles, et nous garantirons ainsi la sécurité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire.