Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de cette invitation qui va nous permettre de faire un tour d'horizon des six chantiers que j'ai engagés : j'attends vos questions et vos conseils. Les deux projets de loi dont vous débattrez bientôt, l'un relatif à la biodiversité et l'autre à la transition écologique, sont très étroitement liés ; je me réjouis de ce travail à venir avec le Parlement.
Nous devons accélérer la transition écologique et énergétique, qui est un chantier magnifique ; plus cette transition sera rapide, plus elle sera réussie et moins elle sera coûteuse. On dit souvent que la transition écologique coûte cher : je crois au contraire qu'elle nous rapportera énormément, en bien-être, en santé, et surtout en emplois et en croissance verte. Menée intelligemment, elle permettra des progrès économiques, sociaux et écologiques considérables.
Notre tout premier objectif doit être la mise en place d'un nouveau modèle énergétique, afin de mieux lutter contre le changement climatique. Il faut également accélérer la construction de filières industrielles : parmi les trente-quatre plans industriels présentés par le ministre de l'économie Arnaud Montebourg, dix appartiennent au domaine des énergies renouvelables, où notre pays compte de véritables fleurons. La rénovation énergétique des bâtiments – logements, mais aussi bâtiments publics, bureaux, usines… – est un chantier majeur. Il en sera question dans la future loi, mais certains outils existent déjà : il faut donc consolider et accélérer ces grands travaux, qui créent beaucoup d'emplois, et dans lesquels beaucoup de collectivités locales se sont d'ailleurs déjà engagées. Il faut encore réfléchir à la réforme de la fixation des tarifs de l'électricité et organiser la conférence bancaire et financière de la transition énergétique, sur laquelle je travaille activement. Il faudra adopter les derniers plans de protection de l'atmosphère et mener à bien la réforme du code minier.
Notre deuxième grand chantier est la protection et la reconquête de l'eau, de la biodiversité et des paysages : cela comprend bien sûr le projet de loi relatif à la biodiversité déjà évoqué, mais aussi, dès avant le vote de la loi, une réflexion sur l'organisation de l'Agence française pour la biodiversité. Cela implique aussi de remettre en place une politique de l'eau : je réunirai prochainement tous les directeurs et présidents des agences de l'eau. Ce sont des sujets très sensibles dans de nombreuses régions, et sur lesquels des travaux sont déjà menés.
Notre troisième chantier, auquel je suis tout particulièrement attachée, est celui des liens entre santé et environnement et de la prévention des risques. J'ai exposé récemment la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens devant le Conseil national de la transition écologique, et je vais maintenant présenter ce plan au niveau européen. Nous avons approuvé la stratégie nationale de gestion du risque d'inondations. Nous devons à présent élaborer le plan Déchets 2020. Enfin, nous devons préparer les négociations européennes sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) – le prochain Conseil européen portera en effet à la fois sur l'Europe de l'énergie, sur les OGM et sur les biocarburants de nouvelle génération.
Notre quatrième chantier est celui des transports, plus particulièrement piloté par le secrétaire d'État Frédéric Cuvillier. Dans le cadre de la transition énergétique, je souhaite notamment accélérer la mise en oeuvre du volet « Mobilité » des contrats de plan. Par ailleurs, le projet de réforme ferroviaire sera prochainement examiné par le Parlement.
Notre cinquième chantier est celui de la croissance verte et des emplois nouveaux. Nous devons soutenir fermement les dix plans industriels que j'évoquais tout à l'heure, en partenariat avec les territoires. Je participais ce matin à la commission « développement durable » de l'Association des régions de France (ARF) ; les collectivités territoriales ont souvent anticipé la transition énergétique et écologique, et peuvent servir d'exemple. Tout ne vient pas d'en haut, bien au contraire ! Nous ne réussirons cette transition qu'en associant Parlement, Gouvernement, territoires et filières industrielles, en raisonnant soit par filières, soit par pôles de compétitivité. Il faut en effet penser par filières, mais aussi par réseaux, et sur ce point, l'attente des régions est forte : je veillerai à ce qu'elles soient étroitement associées à cette dynamique nouvelle.
Il nous faudra également mettre en place le volet portant sur la transition écologique des investissements d'avenir. Le Commissariat général à l'investissement a arrêté de grands projets : M. Louis Schweitzer et moi-même nous sommes récemment réunis pour identifier tout ce qui touche, en leur sein, au domaine de la transition écologique et énergétique. Nous avons par ailleurs demandé à la Banque publique d'investissement – désignée, vous le savez, banque de la transition écologique – d'intervenir plus fortement pour aider les entreprises de ce domaine, notamment dans le secteur des énergies renouvelables.
Nous devrons aussi moderniser et simplifier le droit de l'environnement. Ce chantier, ouvert depuis plusieurs mois, doit accélérer : sans en rabattre sur les exigences de protection de l'environnement, il faut donner aux entreprises les moyens d'agir. Il n'est pas normal que les recours soient beaucoup plus longs en France que dans les autres pays européens. Il faut donc à la fois protéger les droits des requérants et apporter plus de sécurité juridique aux entreprises qui souhaitent s'engager dans la mutation énergétique et écologique.
Il y aura également un travail à entreprendre en matière de formation professionnelle. Là encore, il s'agit pour une grande part de valoriser le travail des régions : j'ai récemment signé avec Sylvia Pinel la convention FEEBAT pour la formation des artisans de la rénovation énergétique. La mobilisation des filières de formation est un élément déterminant de la montée en puissance de nos entreprises ; elle est indispensable au moment où il y a une forte impulsion en matière, par exemple, de diagnostic énergétique des bâtiments, au moment où nous espérons mettre en oeuvre le tiers financeur – ce qui serait une véritable révolution, puisque cela permettrait aux particuliers d'engager des travaux sans faire l'avance des frais. La dynamique ne pourra s'enclencher que si nous disposons de gens bien formés et en nombre suffisant. Cela rassurera d'ailleurs aussi les consommateurs.
Enfin, de grands rendez-vous européens et internationaux nous attendent. Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, vous le savez, pilote l'organisation de la conférence Paris Climat 2015. C'est pour la France une opportunité formidable, mais aussi une responsabilité importante, d'autant que les précédentes conférences n'ont pas toutes été de grandes réussites. La France se doit d'autant plus d'être exemplaire : nous devrons être en mesure de montrer comment nous agissons, concrètement, pour lutter contre le réchauffement climatique.
J'ai participé à une réunion des ministres de l'énergie du G7 les 5 et 6 mai derniers à Rome : à la suite du drame ukrainien, le problème de l'indépendance énergétique est devenu plus crucial encore. Nous devons surtout inventer le nouveau modèle énergétique européen : comment nos pays, partant de situations si différentes, peuvent-ils partager des objectifs et mettre en oeuvre des projets communs ? Nous devons aussi faire émerger, à l'échelle européenne, des champions industriels.
Un conseil des ministres européens de l'environnement se tiendra le 12 juin prochain, et un conseil des ministres de l'énergie, le 13 juin. L'Assemblée des Nations unies pour l'environnement tiendra également, dans le cadre des négociations internationales sur le climat, des réunions à Bonn les 5 et 6 juin, puis à Nairobi les 26 et 27 juin.
Toutes ces échéances sont très importantes, et les réflexions de votre Commission nous aideront à nourrir ces rendez-vous internationaux.
Le point commun de tous ces grands chantiers, c'est l'emploi, c'est la création d'activité. La mutation énergétique n'est pas une contrainte, ce n'est pas une obligation : c'est un défi et une chance formidables, non seulement pour créer des filières nouvelles d'emplois non délocalisables, mais aussi pour mettre en valeur les savoir-faire français et européens, qui sont exceptionnels et ne demandent qu'à être encouragés. La révolution énergétique, ce sont pour nos concitoyens des gains de pouvoir d'achat, grâce à l'efficacité énergétique et à la lutte contre le gaspillage, mais aussi une meilleure qualité de vie, grâce à la lutte contre la pollution. Ce sont aussi des gains de compétitivité et de nouveaux marchés à conquérir.
Il faut donc conduire la transition écologique pour qu'elle ne soit pas comprise comme une contrainte, mais comme une magnifique opportunité.