Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le rapport que mon collègue Arnaud Richard et moi-même avons l’honneur de vous présenter cet après-midi porte sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile. Je me félicite que nous puissions débattre dans cet hémicycle de ce sujet important et sensible, dans la perspective de la présentation du projet de loi sur la réforme de la politique de l’asile.
Ce rapport a été réalisé dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle, au cours du premier trimestre de cette année. Il fait suite au rapport de nos collègues Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, qui clôturait une phase de concertation, initiée par votre prédécesseur, aujourd’hui Premier ministre.
Arnaud Richard et moi-même tenons tout d’abord à remercier toutes les personnes qui ont contribué à cette réflexion, et plus particulièrement les membres du groupe de travail qui nous ont activement secondés tout au long de nos vingt-deux auditions et déplacements à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, à la Cour nationale du droit d’asile et à la préfecture de Dijon.
Je veux souligner que ce rapport a été réalisé dans un climat d’ouverture et d’écoute mutuelle. Nous avons su dépasser les clivages partisans pour établir un diagnostic et formuler des propositions afin d’assurer aux personnes en proie à l’intolérance et à la persécution le droit d’être accueillies dignement en France.
Ce débat est aussi le prélude du travail parlementaire qui va s’ouvrir, sur les projets de loi relatifs à l’asile et à l’immigration qui seront prochainement soumis à notre Assemblée. Notre objectif a bien été d’inscrire notre travail dans cette perspective, afin que nos propositions puissent être étudiées dans le cadre de ces réformes.
Tout exercice d’évaluation repose par nature sur des chiffres et des données statistiques. Mais nous avons toujours gardé en mémoire que derrière les dossiers se jouait le destin d’hommes et de femmes contraints de s’exiler en quête de sécurité ou d’une vie meilleure.
Présentons d’abord le contexte. Notre pays a connu en 2013 une hausse de 8 % de la demande d’asile, avec 66 300 demandes, soit 46 000 premières demandes, 5 800 demandes de réexamen et 14 500 mineurs accompagnants. Il est en effet utile de préciser que la proportion de demandeurs d’asile arrivant en famille avec conjoint et enfants s’est beaucoup accrue, modifiant radicalement la nature de la prise en charge.
Si nous avions déjà connu de telles périodes de pic en 1989 et en 2003, le constat global est celui d’une hausse importante et régulière des demandes d’asile depuis 2007. En revanche, le taux global d’admission au statut de réfugié est en baisse continue depuis 2008 : il se situe entre 21 et 24 % selon les années.
Cette forte pression de la demande d’asile depuis 2007 a contribué à désorganiser les procédures de traitement et a augmenté leurs délais. Ainsi, nous avons constaté une durée globale de dix-neuf à vingt-six mois selon les départements. Ces délais ne sont pas supportables. Ils ont pour effet d’engorger l’ensemble de la chaîne de l’asile, ils fragilisent la prise en compte des véritables demandeurs d’asile et ils rendent l’éloignement des déboutés très difficile, voire impossible, pour des familles qui ont tissé des liens sociaux et dont les enfants sont scolarisés parfois depuis plus de deux ans.
C’est pourquoi nos propositions ont pour objectif de redonner tout son sens au droit d’asile, sans lequel notre pays ne serait pas fidèle à son histoire, mais qui finira par être menacé si les procédures n’en sont pas améliorées et les moyens renforcés.
Je laisserai à Arnaud Richard le soin d’évoquer nos propositions visant à améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et me limiterai à décrire celles qui visent à simplifier la procédure d’asile tout en renforçant le respect des droits du demandeur, en conformité avec les directives européennes.
Nous proposons d’abord de réorganiser le premier accueil des demandeurs d’asile, afin de le rendre plus simple et plus efficace. Nous préconisons d’établir, au niveau des préfectures de région, un lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile qui réunirait en son sein le service d’immigration et d’intégration, qui procéderait sans délai à l’enregistrement et à la prise d’empreinte du demandeur, L’OFII, office français de l’immigration et de l’intégration, en charge de l’orientation en matière de logement et l’OFPRA, qui, dans le cas de l’élargissement du périmètre des procédures accélérées, donnerait son avis.
Afin de permettre une meilleure maîtrise des délais, nous proposons la suppression de l’exigence de domiciliation préalable pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour, l’alignement, pour les demandeurs d’asile en procédure normale, de la validité de l’APS sur la durée de la procédure et du recours, la détection de la vulnérabilité dès le premier accueil par les médecins de l’OFII et l’instauration d’une carte informatisée contenant les informations relatives à la situation du demandeur.
Il nous faut également poursuivre la réforme de l’OFPRA. Si cette réforme commence à porter ses fruits, ses résultats sont fragiles et nous appelons à un renforcement des effectifs d’officiers de protection. Ce renforcement est rendu d’autant plus nécessaire que la directive « procédure » instituant la présence d’un tiers lors de l’entretien et la relecture du compte rendu de l’audition, doit être transposée dans notre droit.
La professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile doit être renforcée, notamment en modifiant la composition de ses formations.
Enfin, le recours suspensif doit être étendu aux procédures accélérées.
Voici, monsieur le ministre, quelques-unes des réflexions et convictions qui nous ont animés et nous attendons beaucoup de votre esprit de réforme dans ce dossier difficile.