Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, redonner du sens au droit d’asile : vaste programme !
Je souhaite remercier l’ensemble des membres du groupe de travail qui ont participé à ces travaux, en particulier Mme Dubié, ainsi que les équipes du CEC pour leur travail remarquable, et je tiens, au nom du groupe UDI, à saluer l’esprit républicain qui a présidé à l’élaboration de ce rapport difficile. Cela est d’autant plus appréciable que la problématique de la politique d’accueil des demandeurs d’asile doit, à notre sens, s’exonérer de toute posture partisane, car elle constitue un élément fondamental de l’État de droit et conditionne notre capacité à vivre ensemble.
L’objectif de ce travail collégial a été de fournir, à la demande informelle de votre prédécesseur aujourd’hui à Matignon, un travail d’évaluation et de propositions complémentaires au travail de nos collègues Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, en vue de la réforme que vous nous présenterez, semble-t-il, à l’automne.
Au terme des nombreux déplacements et auditions que nous avons effectués, ce que nous avons constaté, avec tous nos collègues sur tous les bancs de cet hémicycle, c’est que la situation est particulièrement inquiétante.
Ma collègue l’a exprimé en termes statistiques. Pour ma part, je me permettrai de poser des mots sur notre constat : le droit d’asile subit actuellement et à beaucoup d’égards un dévoiement qui nuit d’abord aux victimes qui ont un réel besoin de protection, et qui met à rude épreuve les personnels des préfectures, de l’OFPRA, de la CNDA, les travailleurs sociaux des plates-formes d’accueil, ainsi que les responsables des structures d’hébergement.
Nous plaidons collégialement, et je crois que c’est assez rare pour le souligner, en faveur d’une réforme d’ensemble de la politique d’accueil des demandeurs d’asile alliant respect des droits et performance de l’action publique. Pour cela, nous avons fait une vingtaine de propositions, mais il me sera difficile de les aborder toutes en cinq minutes.
Les propositions sur lesquelles j’insisterai particulièrement relèvent de la nécessité d’assurer aux demandeurs d’asile un hébergement et un accompagnement adaptés.
Concernant l’hébergement, le dispositif global d’accueil ne reçoit aujourd’hui qu’un tiers environ des demandeurs d’asile.15 000 personnes sont en attente de place et le délai moyen d’obtention d’une place en CADA est de douze mois. Au vu de ce constat très alarmant, nous proposons de renforcer la capacité des CADA pour la porter à 35 000 places. Nous proposons également de répartir ces nouvelles capacités d’accueil sur l’ensemble du territoire, y compris dans les régions rurales, afin de rééquilibrer l’accueil des demandeurs d’asile entre les différentes régions métropolitaines.
Un dispositif contraignant d’orientation des demandeurs d’asile devrait être mis en place, qui attribuerait, pour tout demandeur d’asile exprimant le besoin d’être hébergé, une place dans un CADA déterminé.
Concernant l’accompagnement des demandeurs d’asile, nous avançons plusieurs propositions pour rationaliser la gestion de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, dont bénéficient aujourd’hui 42 000 demandeurs d’asile pour un montant d’environ 180 millions en 2013. Nous proposons ainsi que la gestion de l’ATA soit confiée à l’OFII, en lui transférant, depuis Pôle emploi, les moyens en personnel nécessaires pour l’accomplissement de cette mission. On se demande en effet pourquoi, actuellement, Pôle emploi est en charge de la gestion de l’ATA.
Nous proposons également d’instituer, au niveau régional et à titre expérimental, le versement de l’allocation au demandeur via une carte de retrait et de paiement utilisable dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires. En outre, une réflexion doit être engagée sur la familialisation de l’ATA, aujourd’hui versée aux seuls adultes, pour tenir compte de l’accroissement du nombre de demandes d’asile provenant de familles. En revanche, comme l’a fort bien dit Mme Dubié, la conditionnalité de l’attribution de l’ATA doit être renforcée. Lorsqu’un autre État membre a accepté la réadmission du demandeur d’asile sur son territoire dans le cadre de la procédure Dublin, il nous semblerait légitime d’interrompre le versement de l’ATA si ce demandeur d’asile se soustrait à la mesure de réadmission.
Enfin, afin d’éviter des demandes d’opportunité, nombreuses en la matière, nous préconisons d’instaurer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire, au-delà duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être demandée ou allouée.
Monsieur le ministre, en cinq minutes, il est difficile de parler d’un sujet aussi vaste. Je forme le voeu en tout cas que ces mesures redonnent du sens au droit d’asile et trouvent un écho favorable dans la réforme difficile mais essentielle que vous soumettrez à l’Assemblée nationale.