Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 27 mai 2014 à 15h00
Débat sur le rapport relatif à l'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Arnaud Richard, permettez-moi tout d’abord de remercier mes collègues du groupe RRDP d’avoir bien voulu demander l’inscription de l’examen de ce rapport sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile à l’ordre du jour de notre assemblée.

Nous vivons cette semaine un moment particulier du travail parlementaire, trop souvent méconnu et trop peu ancré dans le paysage institutionnel de la Ve République. Cette semaine dite de contrôle de l’action du Gouvernement est pourtant un outil indispensable de notre démocratie. Je tiens à exprimer ma satisfaction de voir mon groupe en profiter pour réaffirmer son attachement aux valeurs de solidarité, d’humanisme ou encore de tolérance en matière d’asile. À l’heure où la situation économique et politique pousse nos concitoyens à se replier sur eux-mêmes, il est de notre responsabilité d’élus de retrouver un discours de raison, un discours apaisé pour rappeler les grands principes qui fondent notre république. Nous devons garantir ce droit fondamental auquel je suis profondément attachée parce qu’il est le fruit de notre histoire.

Le droit d’asile permet à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques d’obtenir une protection dans un autre pays que le sien. Il est consubstantiel de notre histoire et des valeurs de notre république. Déjà, la Constitution du 24 juin 1793 proclamait, dans son article 120 : « Il [le peuple français] donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. » En 1946, la France a fait du droit d’asile un principe constitutionnel, ce qu’elle a rappelé dans le préambule de la Constitution de la Ve République. Elle s’est engagée à le respecter en signant la convention de Genève de 1951.

Garantir l’asile, c’est aussi et surtout souligner sa singularité. Nous devons à chaque instant rappeler que le droit d’asile n’est pas une variable de la politique d’immigration, mais une politique spécifique ! On doit faire cesser les amalgames à cet égard et porter un regard attentif sur des personnes qui ont fui leur pays et choisi la France comme terre d’accueil.

Mais aujourd’hui, on constate que notre système d’accueil des demandeurs d’asile est à bout de souffle. Il est en crise et notre pays ne peut plus les accueillir dignement. Il s’agit donc de le reformer pour lui redonner tout son sens. En effet, les restrictions successives apportées, depuis 1970, à l’immigration économique ont fait que trop souvent, le droit d’asile est utilisé comme un moyen de se maintenir sur le territoire national dans une légalité provisoire. On a rappelé à plusieurs reprises, mes chers collègues, que la France fait face à un nombre de demandeurs d’asile en forte croissance : la demande de protection internationale a augmenté de plus de 85 % entre 2007 et 2013. Il faut aussi souligner que le profil des demandeurs s’est profondément modifié : alors que la demande d’asile était hier presque toujours le fait d’un homme isolé, la proportion des demandeurs arrivant en famille s’est beaucoup accrue. Repenser le droit d’asile, c’est non seulement répondre à l’afflux des demandeurs, mais surtout s’adapter à leurs nouvelles caractéristiques.

Repenser le droit d’asile, c’est également le rendre plus efficace : nous ne cessons de répéter que les procédures d’examen des demandes sont trop longues. Il n’est pas acceptable d’attendre jusqu’à vingt-six mois pour obtenir une réponse définitive. De tels délais ne sont plus supportables car ils embolisent l’ensemble de la chaîne de l’asile et coûtent très cher. À titre d’exemple, la baisse d’un mois des délais à l’OFPRA a fait économiser 6,5 millions d’euros selon la mission conjointe des inspections. Des délais trop longs empêchent de s’occuper efficacement des personnes protégées et rendent difficile l’exécution des procédures d’éloignement des personnes déboutées. Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants qui ont fui leur pays pour survivre à des conflits et aux répressions politiques arrivent en France. Notre pays doit les protéger, les guider dans leurs démarches, leur assurer un hébergement et un accompagnement adapté pendant toute la procédure d’examen de la demande. Saisissons aujourd’hui l’opportunité de la réforme de l’asile pour rendre la procédure d’accueil plus efficace et plus respectueuse de la dignité humaine.

Néanmoins, s’il est urgent de réduire les délais de traitement des demandes d’asile, la réforme ne devra pas porter atteinte à la qualité de la procédure et au respect des droits des demandeurs. Dès leur arrivée sur le sol français, ceux-ci sont confrontés à des situations d’inégalité de traitement : il est de notre responsabilité de mettre tout en oeuvre pour qu’ils soient traités équitablement. Nous devons rendre le dispositif plus juste en utilisant mieux les potentialités des procédures accélérées, qui permettent à l’OFPRA et à la CNDA de procéder à un examen adapté des demandes manifestement infondées. Pour renforcer l’égalité de traitement, il faut également renforcer la professionnalisation de la CNDA. Si celle-ci est sur la trajectoire de réduction des délais fixée par les projets annuels de performance, il reste des marges de progrès pour ce qui concerne la cohérence de sa jurisprudence.

Enfin, pour pérenniser le droit d’asile en France, il est de notre responsabilité de nous donner les moyens de faire respecter les décisions de justice en la matière. C’est la condition pour assurer l’État de droit. Si nous considérons que l’État doit protéger les demandeurs d’asile et les accueillir dignement pendant toute la durée de l’examen de leur demande, il est également de notre devoir de faire appliquer la décision définitive quelle qu’elle soit.

Mettre en oeuvre le droit d’asile, c’est décider de favoriser l’intégration durable des personnes protégées en mettant à leur disposition des services d’accompagnement et d’insertion adaptés car un réfugié a vocation à s’installer durablement en France. Nous nous devons de lui donner les moyens d’accéder rapidement à l’autonomie, de pouvoir travailler et se loger. Les personnes bénéficiant du statut de protection internationale connaissent pour la plupart d’importantes difficultés d’insertion. Le plan d’action pour l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations, annoncé en février 2014, devra particulièrement rendre en considération leur situation. Le programme ACCELAIR, lancé en 2002 et aujourd’hui mis en oeuvre dans plusieurs régions, mériterait d’être étendu à l’ensemble du territoire.

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